Page images
PDF
EPUB

M. Jaucourt; il semble qu'on veuille justifier la conduite du ministre de la guerre, et l'autoriser à placer à son gré ceux qui lui plaisent.

M. Voisard. J'appuie les observations de M. Delacroix et je demande qu'en l'absence de M. Jaucourt, un membre du comité militaire donne lecture des articles de son projet de décret.

(L'Assemblée décide, qu'en l'absence de M. Jaucourt, les articles de son projet de décret seront lus par un membre du comité militaire (1).

(M. Albitte ainé est désigné pour remplir les fonctions de rapporteur.)

M. Albitte, rapporteur. Après avoir adopté l'article 5, l'Assemblée était restée, lors de la dernière discussion, à l'article 3 du projet de M. Jaucourt, qui en conséquence, deviendrait l'article 6 et quí est ainsi conçu :

«Le ministre de la guerre fera passer à l'Assemblée nationale l'état des remplacements qu'il avait à faire jusqu'au 15 octobre dernier, et celui des remplacements faits jusqu'audit jour; il lui fera parvenir aussi tous les 15 jours, la suite de ces remplacements. »

M. Basire proposa une autre rédaction qui fut ajournée et qui est ainsi conçue :

Le ministre de la guerre fera passer à l'Assemblée nationale l'état nominatif de tous les militaires qui ont abandonné leur poste sans congé ou démission, avec désignation du corps où ils servaient, du grade qu'ils occupaient, et de l'époque de leur départ; il lui fera parvenir aussi l'état nominatif de ceux qui sont et seront admis au remplacement, avec la date de leur admission, et les originaux des certificats qu'ils ont produits. "

Il faut que l'Assemblée se décide pour savoir auquel des deux articles elle veut accorder la priorité.

M. Voisard. Voici une rédaction :

Le ministre de la guerre fera passer à l'Assemblée nationale, l'état nominatif des officiers de toutes les armes, qui ont abandonné leurs régiments sans congé ou démission, avec désignation du corps où ils servaient, du grade qu'ils occupaient, et de l'époque de leur absence. Il lui fera parvenir également, l'état nominatif de ceux qui sont ou seront admis au remplacement, avec la date de leur nomination. »

M. Henry-Larivière. Je demande la priorité pour le projet de M. Voisard, et voici ma raison : Par le projet de M. Voisard, on demande au ministre un état nominatif de tous les officiers qui ont quitté leur poste sans démission, et en même temps à quelle époque ces officiers ont quitté leur poste, et enfin quand les remplacements ont été faits. Le projet de M. Jaucourt tend uniquement à faire rendre compte du remplament, et certainement je ne le crois pas suffisant. Une raison qui me détermine dans la préférence que je donne à celui de M. Voisard, c'est qu'il pourrait très bien arriver que si l'on ne Vous rendait pas compte des officiers qui ont quitté, ceux qui auront fait le voyage d'outreRhin, pourraient être réintégrés dans la place qu'ils occupaient auparavant (Applaudissements dans les tribunes.), et voilà la raison pour laquelle l'état nominatif soit fourni. je demande que

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, tome XXXIV, séance du 10 novembre 1791, page 738 et cidessus séances du 11 novembre page 1, du 15 novembre 1791, page 81 et du 22 novembre 1791, au soir, page 305.

M. Delacroix. J'appuie la rédaction de M. Voisard, mais je demande que l'état que le ministre fera passer à l'Assemblée, des remplacements qu'il a faits, porte seulement des remplacements faits jusqu'au 15 octobre dernier; car, ne vous y trompez pas, si le ministre avait eu le droit de procéder à ce remplacement depuis le 15 octobre, il serait bien inutile que vous prissiez la peine de faire un décret, car avant qu'il fût sanctionné, toutes places seraient données à des gens à sa disposition.

Vous avez fait un décret. Votre intention est d'en assurer l'exécution, et pour s'en assurer, il faut fixer l'époque à laquelle le ministre doit cesser de nommer aux places.

Plusieurs membres : C'est fait!

M. Dumas (Mathieu). Je parle contre la priorité demandée pour l'article de M. Voisard, et je veux prouver que la rédaction de M. Jaucourt renferme le sens, l'esprit et les mots désirés par les préopinants. Je m'arrête à la première partie de l'article, et je dis que l'état des remplacements qu'avait à faire le ministre au 15 octobre, est réellement l'état nominal que l'on demande. De quoi s'agit-il? veut-on avoir un état nominal des officiers qui ont quitté sans démission? (Oui! oui!) Veut-on avoir un état motivé de la vacance de chaque place? (Oui! oui!) N'est-il pas suffisant à l'Assemblée..... (Non! non!) Messieurs, si j'étais de l'avis des préopinants que j'ai écoutés parce que c'était mon devoir, je ne serais pas monté à la tribune. Je demande à exposer mon opinion parce que je le dois et pour faire éclater la vérité, et pour décharger ma conscience. (Murmures.) Oui, pour faire éclater la vérité... (Les murmures redoublent.)

L'Assemblée veut que toutes les places soient remplies à une telle époque, et qu'elles soient bien remplies. Pour y parvenir, il ne suffit pas que le ministre vous donne un état nominal des sujets par lesquels il aura remplacé ceux absents par demission, sans démission ou autrement. S'il y a des absents sans démission, ils doivent perdre leurs emplois, et ils doivent être, s'ils sont surpris dans quelques trames contre la nation, jugés suivant les lois. Or, d'une part, la dénonciation nominale qui vous sera faite, et que plusieurs membres de cette Assemblée ont justement appelée une liste de proscription, ne vous apprendra rien, si ce n'est que tels ou tels officiers ont été à Coblentz. (Murmures), ou d'un autre côté, existent dans le royaume, sans avoir voulu joindre leurs corps. Par ce fait là, leurs places sont vacantes; il faut qu'elles soient remplies, et c'est à cela qu'il faut uniquement s'attacher.

Maintenant, Messieurs, j'observe qu'il y a un autre motif pour lequel on demande cette liste ; c'est pour que, lorsque la revue rigoureuse se passera, aucun officier ne puisse être absent de son corps, et passer présent; or, cette dernière partie est parfaitement prévue, ce me semble, par les articles subséquents, et notamment par l'article 5. J'appuie donc la rédaction de M. Jaucourt, et je demande la question préalable sur l'article de M. Voisard.

M. Delacroix. Il est absolument essentiel que le ministre fasse parvenir à l'Assemblée l'état nominatifs des officiers absents. Mais, Messieurs, qu'on ne vienne pas vous dire que c'est une liste de proscription, car l'Assembléc nationale constituante, par son décret du 13 juin, avait décrété que le ministre ferait imprimer une

liste de tous les officiers qui auraient prêté le serment d'honneur et une liste particulière de ceux qui auraient refusé ce serment. Ainsi, il faut que sur la liste fournie par le ministre, on mette le nom et le grade des officiers qui ont quitté leurs drapeaux sans congé ou sans démission. Il faut encore qu'on donne la date de leur désertion, et je demande qu'on ajoute à mon amendement qui consiste à dire que le ministre enverra à l'Assemblée l'état des remplacements qui ont été faits jusqu'au 15 octobre dernier. (Applaudissements.)

Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.)

Plusieurs membres : La priorité pour l'article de M. Voisard!

(L'Assemblée accorde la priorité à l'article de M. Voisard et décrète ensuite cet article avec l'amendement de M. Delacroix, sauf rédaction.)

Un membre: Je demande que l'on fixe le délai dans lequel le ministre sera tenu de remettre ces états.

Un membre: Il est d'autant plus instant que cette liste soit formée promptement, que je reçois à l'instant une lettre qui m'apprend que dans le régiment d'Angoumois, en garnison à Bayonne, 36 grenadiers ayant 2 capitaines, chevaliers de Saint-Louis, à leur tête, ont déserté leurs drapeaux et sont allés je ne sais où. Dans l'instant, M. Chabot, commandant dans le département, a donné ordre à la garde nationale de Pau de s'armer pour arrêter ces 36 grenadiers qui étaient partis avec armes et bagages; mais comme ils n'ont pas passé à Pau, on présume qu'ils ont pris la route d'Espagne.

M. Gérardin. Messieurs, ces grenadiers n'étaient pas Français.

(L'Assemblée décrète que le ministre fournira l'état sous 15 jours.)

Suit la teneur de l'article 6 (ancien article 3 du projet de M. Jaucourt) tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :

Art. 6.

«Le ministre de la guerre fera passer à l'Assemblée nationale, dans quinzaine, l'état nominatif des officiers de toutes les armes, qui ont abandonné leurs régiments sans congé ou démission, avec désignation du corps où ils servaient, du grade qu'ils occupaient et de l'époque de leur absence.

"Le ministre de la guerre fera parvenir également, dans le même délai, l'état nominatif de ceux qui auront été admis aux remplacements qu'il a dù faire avant le 15 octobre dernier.» (1)

M. Dumas (Mathieu). Avant de passer à l'article suivant, je demande à proposer à l'article 2 un article additionnel qui me semble très nécessaire, et que l'Assemblée trouvera juste. Il résulte des dispositions de l'article 11 du décret du 1er août, que de très anciens lieutenants de cavalerie qui, comme vous le savez, avaient autrefois des avantages évidents quand tous les avantages étaient acquis à une classe privilégiée, sont obligés de quitter leur corps pour aller chercher de l'avancement dans d'autres régiments. Ces mêmes officiers sont ceux qui, dans ces circons

(1) On verra plus loin, à la séance du 29 novembre, lors de l'adoption du décret définitif, que le comité militaire n'a tenu aucun compte de l'ordre dans lequel les articles ont été discutés.

tances, ont rallié la confiance des cavaliers, ont commandé les corps, ont maintenu l'instruction, ont veillé à la tranquillité publique, ont bien mérité de la patrie; et on leur fait acheter cet avancement qu'ils auraient dû avoir depuis longtemps, par tous les dégoûts qu'entraînent, à un âge déjà avancé, le déplacement d'un corps dans un autre on les prive de la satisfaction de commander ces mêmes cavaliers et dragons qu'ils ont maintenus dans la discipline et dans l'obéissance à la loi. Je demande, en conséquence, que cet article 11 du décret du 1er août dernier, soit ainsi amendé :

«Dans les troupes à cheval, le commandement des compagnies vacantes appartiendra aux plus anciens capitaines de remplacement ou de réforme; et dans le cas où ils seraient tous remplacés, aux plus anciens lieutenants. Les deux autres tiers, dans chaque régiment, appartiendront aux deux lieutenants en activité, l'Assemblée nationale dérogeant, pour cette dernière disposition, à l'article 9 du décret du 1er août dernier. >>

M. Delacroix. Je demande l'ajournement de cet article. Maintenant, il est question de faire un décret, et non pas de déroger à un décret.

M. Lacuée jeune. L'article 10 du projet du comité militaire, auquel vous avez refusé la priorité, remplit les vues de M. Dumas. En conséquence, je demande qu'il soit adopté. Le voici :

"Dans les cas prévus par les articles 2, 3, 5, 6, 11 et 12 du décret du 1er août, les officiers de chaque régiment qui, par leur ancienneté, auront des droits au grade de lieutenant ou de capitaine obtiendront, de préférence, lesdits emplois vacants dans les régiments où ils servent."» M. Dumas (Mathieu). J'adopte.

Plusieurs membres. L'ajournement!

D'autres membres : La question préalable sur l'ajournement!

(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement et adopte l'ancien article 10 du projet du comité militaire, comme amendement à l'article 2, précédemment décrété.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture des articles 4 et 5 du projet de décret de M. Jaucourt, qui deviennent les articles 7 et 8, et qui sont adoptés sans discussion dans les termes suivants :

Art. 7.

« Tout officier non employé, de quelque grade qu'il soit, ainsi que tout commissaire des guerres, ne pourra être employé à l'avenir, ni obtenir la décoration militaire ou toute autre récompense, si, dans le délai d'un mois, à compter du jour de la promulgation du présent décret, il ne s'est présenté devant la municipalité du lieu de la résidence, pour y prêter le serment civique. Il en sera dressé procès-verbal, et l'extrait en forme en sera par lui envoyé au ministre de la guerre. »>

Art. 8.

« Au 15 janvier prochain, le ministre de la guerre enverra à l'Assemblée nationale un état nominatif des officiers de tout grade, et commissaires des guerres qui auront rempli, dans le délai prescrit, les formalités exigées par l'article ci-dessus. "

Un de MM. les secrétaires donne lecture de l'article 6 du projet de M. Jaucourt, qui devient l'article 9 et qui est ainsi conçu :

"Au 15 décembre de la présente année, il sera fait une revue générale de toutes les troupes composant l'armée française, dans les lieux de leurs garnisons respectives, depuis les officiers généraux jusqu'aux soldats inclusivement. »

M. Dumas (Mathien). Je demande à faire une simple observation sur l'époque. Déjà quelque temps s'est écoulé depuis que l'Assemblée a délibéré sur le projet de décret : il est fort important que cette revue de rigueur, qui va enfin nous faire connaître notre armée, soit passée tout à la fois dans toutes les divisions militaires; et comme le 15 décembre est une époque trop rapprochée, je demande qu'on la fixe au 15 janvier.

M. Delacroix. Non, il faut mettre du premier au 16 janvier toutes les revues, etc.

M. Dumas (Mathieu). J'adopte. (L'Assemblée adopte l'article avec l'amendement de M. Delacroix.)

M. Albitte, rapporteur, donne lecture de l'article 7 du projet de M. Jaucourt, qui devient l'article 10, et qui est ainsi conçu :

« Cette revue sera passée par les commissaires des guerres, lesquels seront tenus d'en dresser deux procès-verbaux. Tous deux seront signés par lesdits commissaires et par tous les officiers présents au corps, sans que lesdits procès procès-verbaux puissent servir à aucun payement. »

M. Delacroix. Je demande pour amendement, que pour cette fois seulement, la revue soit passée en présence de deux officiers municipaux, qui signeront les procès-verbaux de revue. (Murmures dans une partie de l'Assemblée. - Applaudissements à gauche.)

Plusieurs membres : La question préalable!

M. Choudieu. L'amendement de M. Delacroix est d'autant plus nécessaire, que si vous ne l'adoptez pas, la mesure deviendra illusoire (Murmures.); les signatures qui vous seront présentées ne seront attestées par personne. Si cette revue n'est pas certifiée par les officiers municipaux, il est possible que les signatures que l'on vous transmettra ne soient pas de véritables signatures, par la raison que de nos villes frontières il n'y a qu'une très petite distance jusqu'à Coblentz et autres endroits; ainsi je soutiens qu'il est essentiel que leur présence soit constatée par les magistrats du peuple.

M. Crestin. Il a été un temps où le mélange de l'autorité civile et de l'autorité militaire pouvait servir la patrie; c'était celui où la révolution n'était pas finie; mais aujourd'hui que vous voulez le rétablissement de la discipline de l'armée, la présence de deux officiers municipaux rappellerait encore à la mémoire des soldats qu'il leur est facile de recourir à l'autorité civile, tandis que, d'après vos lois, c'est au moins une formalité inutile; dans ce cas, la question préalable doit en faire justice.

M. Lacombe-Saint-Michel. Je suis bien loin de soupçonner la bonne foi de personne, cependant, comme il est nécessaire que dans cé moment-ci l'Assemblée nationale prenne tous les moyens qui pourront convaincre que la revue est passée avec la dernière exactitude, j'appuie la motion de M. Delacroix (Applaudissements.) Plusieurs membres: La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Cambon, Puisque la revue est extraor

dinaire, il est inutile de mettre « pour cette fois seulement » dans la rédaction de l'amendement. M. Delacroix. J'adopte.

M. Dumas (Mathieu). Je demande à être entendu (Non! non!). Monsieur le Président, mettez aux voix si je serai entendu.

(L'Assemblée, consultée, décrète que M. Dumas sera entendu.)

M. Dumas (Mathieu). Si la loi qui prohibe l'intervention des fonctions civiles dans les autorités et les fonctions militaires existe, elle doit être conservée soigneusement, et exécutée dans ce moment, parce qu'on ne viole pas la Constitution pour une fois. J'ajoute à cela qu'il est important de donner à l'attestation des chefs de l'armée, toute la valeur qu'elle doit avoir. Il semble, par la rédaction même de l'article, que c'est devant les commissaires des guerres que la revue doit être passée, et que ces seuls commissaires en sont responsables. Eh bien, Messieurs, ce sont les chefs de l'armée, parmi lesquels il y a une responsabilité hiérarchique qui doit suffire à la nation; car si cette responsabilité ne lui suffit pas dans cette circonstance, elle ne lui suffira jamais.

M. Delacroix. Malheureusement.

M. Dumas (Mathieu). Il est sans doute étonnant que quand vous confiez le sort de vos armes, le sort d'une bataille, le sort de la Constitution au général, vous ne lui confiez point la clôture d'une revue de rigueur: et qui, plus que lui, est engagé à s'assurer que son armée est composée de fidèles officiers et de fidèles soldats. (Exclamations et murmures.)

Plusieurs membres: Bouillé aussi faisait des revues !

M. Dumas (Mathieu). Si cette responsabilité ne vous suffit pas, si une turbulente méfiance environne toujours les chefs de l'armée et ceux à qui vous confiez le sort de la patrie et la défense de la Constitution, vous prenez des précautions vaines; ce n'est pas la présence de deux officiers municipaux qui vous donnera une responsabilité plus grande que celle des généraux qui répondent sur leur tête et de la défense du royaume et des instruments que vous y employez. Quoi, Messieurs, vos gardes nationales, sorties de leurs foyers pour vous défendre, sont sous les ordres de ces mêmes officiers généraux; c'est en eux que vous avez placé votre confiance, et vous ne voulez pas que leur signature garantisse une revue! (Murmures.) Eh bien, Messieurs, je regarde cette mesure comme très impolitique, comme tendant à ébranler à la fois, et la confiance de la nation et celle de l'armée; et je demande la question préalable sur l'amendement. (Murmures.)

Un membre: Je demande la parole contre la question préalable.

(L'Assemblée, consultée, décrète que ce membre sera entendu.)

Le membre qui a demandé la parole: Je ne répondrai pas aux vaines déclamations du préopinant. Ce n'est pas sur l'armée que nous avons des méfiances. Il s'agit ici de la revue faite par deux commissaires, qui ne sont certainement pas de l'armée; et ces deux commissaires peuvent très bien, quoique je ne le suppose pas, prévariquer dans le devoir de leur charge. En conséquence, je demande que cette même revue soit faite en présence de deux officiers municipaux. (L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

« Ces procès-verbaux seront adressés au ministre de la guerre par les commissaires des guerres, au plus tard huit jours après la revue; et ce, sous peine de destitution. Le ministre de la guerre les remettra à l'Assemblée nationale le 1er février au plus tard. »

M. Albitte, rapporteur, donne lecture de l'article 9 du projet de décret de M. Jaucourt, qui devient l'article 12, et qui est ainsi conçu:

Tout officier absent de son corps, lors de ladite revue, qui ne justifiera pas d'un congé, sera destitué de son emploi, par le fait même de son absence, sans qu'il puisse prétendre à aucune pension, quelle que soit son ancienneté. »

M. Thuriot. Cet article ne peut se concilier avec une loi qui a été admise généralement par l'Assemblée nationale. En traitant la question des émigrés, vous avez, par un article particulier, décrété formellement que tout officier qui quitterait son poste sans congé serait réputé déserteur et puni comme le soldat déserteur. Or, je dis que l'officier qui sera absent sans congé lors de la revue, doit, aux termes de votre décret, être regardé et puni comme dé

serteur.

Plusieurs membres: La question préalable!

M. Rouyer. On ne peut mettre cette motion aux voix, parce qu'elle est inconstitutionnelle et je vais vous le prouver. Le décret que vous avez rendu sur les émigrants porte que tous les officiers qui déserteraient leur poste seraient punis des mêmes peines que les soldats déserteurs. Il a été soumis à la sanction, mais la sanction a été refusée. Par conséquent, vous ne pouvez le reproduire, aux termes de l'article 5, section III, chapitre III, titre III de la Constitution.

(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Thuriot et adopte l'article 12.)

M. Voisard. Je propose l'article additionnel suivant :

«Tout citoyen, ou fils de citoyen, à compter du 1er octobre dernier, ne pourra être sous-lieutenant dans l'armée s'il ne fournit deux certificats: le premier signé par la majorité du conseil général de la commune, et le second par la majorité des officiers et sous-officiers de la troupe de la garde nationale dans laquelle il aura pris les armes, depuis la Révolution; le certificat de la garde nationale devra aussi être signé par deux officiers de son état-major, dans les communes où il y en aura. »

M. Gérardin. Je ne crois pas qu'on puisse assujettir les citoyens à des certificats de patriotisme. (Murmures.) Je m'explique; je ne crois pas qu'on soit nécessairement patriote, parce que l'on a un certificat; et si je voulais citer des exemples, il s'en présenterait une foule à ma mémoire. Il pourrait arriver qu'un garde national très patriote, un citoyen excellent, serait dans une commune dont les officiers seraient aristocrates; ainsi son avancement ne peut pas dépendre d'un certificat, que l'on peut ou lui donner, ou lui refuser, Messieurs, les preuves de patriotisme nous appartiennent; les certificats des municipalités ne peuvent pas nous faire patriotes. Je demande, par ce motif, la question préalable sur l'amendement de M. Voisard.

M. Delmas. Je propose la rédaction suivante: « Aucun citoyen actif, ou fils de citoyen actif, ne pourra être nommé sous-lieutenant dans l'armée, à compter du 15 octobre dernier, s'il ne fournit un certificat de la majorité des sousofficiers et officiers de la garde nationale, dans la compagnie où il aura pris les armes pour la Révolution.

« Ce certificat sera visé par les officiers de l'état-major, dans les villes où il y en a, et par les municipalités; et il attestera que lesdits citoyens ont fait un service actif et continu dans jusqu'à la promulgation du présent décret, et la garde nationale, depuis le 1er janvier 1790 qu'ils y ont prouvé leur attachement pour la Constitution.»

Un membre propose une troisième rédaction. Plusieurs membres: La priorité pour l'article de M. Delmas !

(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité à l'article de M. Delmas, et l'adopte sauf rédaction.) M. Le Tourneur. On exige pour ceux qui se présenteront dans les troupes de ligne, un certificat des officiers et sous-officiers de la garde nationale. Je mets en fait que hors du temps de service, les officiers et sous-officiers des gardes nationales ne doivent pas être distingués entre eux et les soldats. Si vous exigez un certificat, je demande que ce certificat soit signé par la majorité des soldats de la compagnie. Je propose en conséquence l'amendement suivant à l'article que vous venez de décréter :

Tout sujet qui se présentera pour être admis à un emploi vacant dans l'armée, sera tenu de produire un certificat, visé par l'état-major, qui constate qu'il a réuni la majorité des suffrages de la compagnie à laquelle il se trouvera attaché. »

(L'Assemblée, consultée, adopte l'amendement.) Suit la teneur de cet article additionnel avec l'amendement, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :

[ocr errors]

Nul ne pourra, à compter du 15 octobre dernier, obtenir son remplacement dans l'armée, ni être nommé à aucune des sous-lieutenances accordées par le présent décret aux gardes nationales du royaume, s'il ne produit un certificat, attestant qu'il a fait dans la garde nationale un service personnel et continu depuis le premier janvier 1790, jusqu'à ce jour; qu'il y a été soumis aux autorités constituées, et qu'il y a prouvé son attachement à la Constitution.

« Cette attestation, pour être valable, devra être signée par les officiers municipaux de sa commune, par l'état-major de la garde nationale, dans les lieux où il y en aura, et par la

majorité des officiers, sous-officiers et gardes nationaux de la compagnie, dans laquelle il fait actuellement son service. »

Un membre: Je fais la motion de décréter que le décret sera porté demain à la sanction du roi. (Appuyé! appuyé!)

(L'Assemblée décide que le décret sur le remplacement aux emplois vacants dans l'armée sera porté demain à la sanction du roi.)

(La séance est levée à dix heures.)

ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU SAMEDI 26 NOVEMBRE 1791, AU SOIR.

OBSERVATIONS (1) sur le projet de décret présenté à l'Assemblée nationale, le 26 novembre 1791, au nom du comité de la Trésorerie nationale, concernant l'établissement d'un BUREAU POUR LA LIQUIDATION DES OFFICES SUPPRIMÉS antérieurement au 1er mai 1789 (2).

Messieurs,

Un décret de l'Assemblée constituante, en date du 21 septembre 1791, a distrait du travail du commissaire-liquidateur les offices dont il s'agit, pour en commettre la continuation à MM. les commissaires de la Trésorerie.

Voici les termes du décret :

"Que la liquidation en sera parachevée par les commissaires de la Trésorerie, et le remboursement opéré dans les valeurs et proportions quant aux capitaux et intérêts résultant des règlements à ce relatifs. »

Deux dispositions sont très distinctes dans cette loi :

L'une relative à la liquidation », et l'autre relative au remboursement ».

Celle relative à la liquidation, commet les commissaires de la Trésorerie pour la parachever et ne prononce rien de plus : ainsi, elle laisse subsister en leur entier et sans nulle modification, les bases adoptées par l'Assemblée constituante; ainsi elle veut que les bases qu'elle a tracées pour le travail du commissaire-liquidateur soient suivies par les commissaires de la Trésorerie dans celui qu'elle leur confie.

Et quelles sont ces bases? L'édit de février 1771, ce traité authentique et sacré entre le souverain, aujourd'hui la nation, et les titulaires d'offices, sur la foi duquel ils ont acquitté annuellement le centième denier de leurs évaluations, et les droits de marc d'or et accessoires à chaque mutation, ce traité qui a fondé la confiance des créanciers légitimes qui leur ont prêté des capitaux plus ou moins considérables sur le montant de ces évaluations; ce traité enfin, sur l'exécution duquel devaient reposer les engagements les plus solennels de la société, comme douaire, dot, et autres stipulations matrimoniales: ces bases sont encore dans les lettres patentes de 1780, qui ont textuellement confirmé les dispositions du même édit de 1773; en un mot, fon

(1) Bibliothèque nationale: Assemblee législative, Législation, L 34, n° 19. (L'auteur de ce document est inconuu.)

(2) Voyez ci-dessus, ce projet de décret, page 381.

dées en principes de droit comme en justice: telles sont les bases de liquidations que l'Assemblée constituante à consacrées irrévocablement.

Quant à la deuxième disposition de la loi du 21 septembre 1791, elle est claire et précise, et ne s'applique qu'au remboursement à faire par les commissaires de la Trésorerie des offices dont il s'agit; et, à cet égard, elle veut que ce remboursement soit opéré dans les valeurs et proportions, quant aux capitaux et intérêts résultant des règlements à ce relatifs.

Ainsi, ce qui résulte de cette deuxième disposition c'est que l'Assemblée nationale n'a rien voulu changer au mode adopté par les règlements pour le remboursement de ces offices.

Mais quels sont ces règlements? Le projet de décret les explique parfaitement bien; et il en résulte tels offices devant être, en conséquence lois de leur suppression, remboursés partie en quittances de finances, partie en argent ou tout en quittances de finances, avec telle retenue ou sans retenue, seront remboursés de la même manière, et non pas en espèces, comme les offices supprimés depuis le 1. mai 1791.

Rien de plus évident, qu'on doit entendre. ainsi le sens de cette deuxième disposition de la loi du 21 septembre 1791. Rien de plus clair, et certes le projet du nouveau décret concernant les mêmes offices, ne l'est pas moins dans ses deux dispositions.

Comme la loi du 21 septembre 1791, ce projet distingue en effet la liquidation d'avec le remboursement: la liquidation, comme une première opération à faire par les agents indiqués par cette loi, et conformément à ce décret; et le remboursement comme une seconde opération qui doit avoir pour bases les règlements à ce relatifs, c'est-à-dire ceux développés par l'article 4 dudit projet.

Ainsi, bases à suivre pour la liquidation, bien distinctes de celle à suivre pour le rembourse

ment :

Pour la liquidation, la loi de février 1771, consacrée par les décrets de l'Assemblée constituante; et pour le remboursement, les règlements expliqués par l'article 4 du projet.

Mais quelque clairs que paraissent les termes de la loi du 21 septembre rapportés dans le projet, trop concis cependant, ne semblent-ils pas susceptibles de présenter quelques doutes aux agents de son execution? Et le plus léger doute à l'aspect d'une stricte responsabilité ne peut-il pas entraîner des retards d'un préjudice incalculable pour plusieurs citoyens qui depuis trop longtemps souffrent, dans l'attente d'un remboursement jusqu'ici retardé à l'égard d'un grand nombre, par différentes inconstances, ou peut-être, par les injustices de l'ancien régime?

Dans le fait, le mode de liquidation que présente naturellement la première disposition du décret, n'y est que sous-entendu et comme moralement prescrit. La distinction de celui du remboursement ordonné dans la seconde y est bien caractérisée; mais la raison seule, avec un sentiment profond de la justice de l'Assemblée constituante, peut fixer le sens de la première, et faire trouver dans le mot parachever les bases sur lesquelles le travail des commissaires de la Trésorerie doit être continué.

Sans doute que MM. les commissaires de la Trésorerie ne pourraient non plus entendre autrement cette première disposition, et n'y pas voir les mêmes bases tracées par le commissaire-li

« PreviousContinue »