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s'y trouve lorsque le décret rendu contre lui ne le porte pas. Or, je dis que c'est contre la teneur de la loi que M. Delattre est retenu au secret, et si le projet du comité ne me paraît pas admissible, c'est qu'il est insuffisant. Je demande donc que vous décidiez que le décret rendu contre M. Delattre, ne portant pas qu'il sera tenu au secret, il doit communiquer avec ses parents et ses amis, aux termes de la loi.

Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. le Président. Avant de mettre aux voix le projet du comité, qui n'est autre chose que la question préalable motivée sur la pétition des dames Delattre, je vais mettre aux voix la question préalable sur le projet lui-même demandée par M. Thuriot.

M. Vergniaud. Je demande à formuler ma proposition.

Plusieurs membres : La discussion est fermée! Un membre: Je demande la question préalable sur le tout.

M. Gilbert. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour sur le tout.

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!

(L'Assemblée est consultée sur le passage à l'ordre du jour; une première épreuve a lieu; elle est douteuse.)

M. le Président prononce, après une seconde épreuve, que l'Assemblée passe à l'ordre du jour. (Vives réclamations et long tumulte.)

Un membre. L'Assemblée a décrété que le dimanche serait consacré à entendre les pétitionnaires. Le droit de pétition est un droit sacré, constitutionnel. Je demande que les pétitionnaires soient introduits. (Applaudissements dans les tribunes.)

Un membre: Je demande la parole; je n'ai que pour deux minutes à occuper l'Assemblée.

D'autres membres : Le décret est rendu! - Refusez-lui la parole! (Applaudissements dans les tribunes.)

M. le Président. Je vais consulter l'Assemblée pour savoir si le membre qui a demandé la parole sera entendu.

Plusieurs membres: Sur quoi?

Le membre qui a demandé la parole: C'est pour que M. Varnier soit traité comme Delattre et pour demander le dépôt de ces pièces qui sont à sa justification. (Murmures.)

Plusieurs membres : L'ordre du jour ! (L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour. Applaudissements dans les tribunes.)

Une députation de cent forts de la halle de Paris est introduite à la barre.

« L'orateur de la députation s'exprime ainsi : « Vertueux représentants du peuple français, daignez permettre aux forts, pour la patrie, de venir, dans ce temple sacré des lois, vous offrir le juste tribut de leur respect, de leur reconnaissance et de leur amour.

Législateurs, vos vertus, votre sagesse, votre patriotisme, votre énergie ont humilié les ennemis de notre sainte Constitution et du bonheur de l'Empire français, et déconcerté leurs projets infernaux; ils mordent le frein que vous mettez à leur rage; ils vomissent de leur bouche impie le poison de la calomnie contre vous et vos admirables lois; ils voudraient vous enlever la

confiance et l'amour de vos concitoyens; mais qu'ils ne l'espèrent pas, les traîtres! Tous les bons Français se serreront auprès de vous, et les forts, entre autres, vous jurent de vous couvrir de leurs corps et d'exterminer de leurs bras vigoureux tous ceux qui oseraient se déclarer vos ennemis. (Vifs applaudissements.)

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Signé Douin, Lory, Ruaux, Malapierre, Bourdon, Potier, Adrien Lesueur, Bougot aîné, Bougot jeune, Fasquel, Dufour, Desjardins, Brochand, Fache, Henry, Michel Lesueur, Lambin, Beaudoin jeune, Dupont, Jacques Chotard, Laplace ainé, Collier aîné, Poisson, Girard, Gauthier jeune, Picard, Vadurel, Deancour, Beauvais, Remondie, Chovin, Mayet aîné, Mayet jeune, Fouré, Bigne, Magnan, Mayet cadet, Legrand, Matthieu Beaudoin, Lesueur aîné, Lesueur père, Prot, et Pépin de Grouhette, homme de loi, conseil des forts de la halle, répondant des signatures, et signant pour ceux qui ne savent pas signer. »

M. le Président, répondant à la députation. Messieurs, le nom que vous portez, annonce le courage avec lequel vous avez défendu, dès les premiers instants de la Révolution, les serments que vous avez souvent prononcés dans cette enceinte, et les glorieux témoignages que vous y avez reçus des représentants du peuple, assurent assez votre soumission à la loi; respect pour la loi, amour pour la liberté, telle doit être, telle sera à jamais votre devise. L'Assemblée nationale vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements.)

Un membre de la députation: Monsieur le Président, nous avons prêté le serment de soutenir la Constitution, et nous la soutiendrons au péril de notre vie. (Applaudissements.)

(L'Assemblée décrète l'insertion de l'adresse des forts de la halle au procès-verbal.)

M. le Président. J'annonce qu'un courrier extraordinaire vient de me remettre plusieurs pièces très volumineuses venant d'Avignon, et relatives aux affaires de cette ville. Après les pétitionnaires, on vous en rendra compte. D'ailleurs, ces pièces n'annoncent aucun événement; elles sont relatives aux événements passés.

(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de législation.)

M. Le Fournier, autre pétitionnaire, est introduit à la barre et s'exprime ainsi: Messieurs, pour répondre au désir que vous avez de voir le peuple s'éclairer, j'ai fait une adresse aux habitants de la campagne, sur les effets du fanatisme et de la superstition.Je viens vous supplier d'en agréer l'hommage. Je me croirai infiniment heureux si l'Assemblée la reçoit avec approbation. » (Applaudissements.)

M. le Président. L'Assemblée nationale reçoit avec satisfaction la marque de votre zèle et vous invite à sa séance.

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Messieurs, je viens appeler vos regards sur des étrangers qui, au mépris de la loi et du droit public, ont été arrêtés à Huningue sur une simple réquisition du prince de Kaunitz. L'état d'arrestation se prolonge depuis 10 mois. Quoique évidemment innocents, ils sont arrêtés comme des scélérats, et le terme de leur élargissement semble toujours s'éloigner. Las de parcourir un cercle humiliant d'oppressions et d'injustices, ils avaient fui de leur patrie; ils étaient venus chercher un asile sur une terre hospitalière et libre; ils avaient mis entre eux et leurs persécuteurs, un intervalle difficile à franchir, la barrière de la liberté. Armés de leur innocence, ils eussent défié la fortune. Telles étaient leurs espérances, et vous savez, Messieurs, si elles devaient être déçues.

«Les sieur et dame Borghem et le sieur Ferier ne viendraient pas ici présenter leur réclamation, si parmi les accusations vagues dont on les charge, il en était une seule qui pût avoir quelque force auprès de vous. Cependant M. Tassales, sans caractère public en France, au mépris des lois les plus sacrées, du droit naturel et du droit des gens, des lois inviolables du territoire, les a fait arrêter. Ils réclament votre justice et votre humanité.

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M. le Président. L'Assemblée prendra votre demande en considération et vous accorde les honneurs de la séance.

M. Rühl. Les particuliers dont on vient de parler sont accusés d'avoir fabriqué de faux billets d'Etat et d'être faux-monnayeurs. Ils sont étrangers. On dit qu'ils sont venus en France, non pas pour y chercher la liberté, mais l'empreinte. L'ambassadeur de l'Empire qui les avait réclamés a cessé ses instances sur les observations qui lui ont été faites au sujet du crime dont ils étaient fortement soupçonnés. Je demande que cette affaire soit renvoyée au comité diplomati

que.

(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Gougy au comité diplomatique.)

M. Rühl. Puisque vous avez bien voulu m'entendre, j'ai à vous faire un rapport sur un objet qui intéresse tout l'Empire. Vous êtes menacés d'une attaque; je demande à vous éclairer sur les enrólements qui ont lieu à Worms et ailleurs. Plusieurs membres : Tout de suite.

(L'Assemblée décide que M. Rühl sera entendu.)

M. Rühl. Messieurs, je suis monté, il y a deux jours à cette tribune, pour vous confirmer ce que plusieurs de mes collègues vous avaient déjà dit, et ce que M. Merlin vous avait prouvé, en produisant une lettre du général qui commande dans la partie autrichienne du Luxembourg, qu'il se forme de plus en plus des attroupements d'émigrés français sur nos frontières qui nous menacent d'une invasion hostile dans le royaume, et de toutes les horreurs d'une guerre civile. Je vous ai dit alors que dans le très petit bailliage d'Ettenheim, de l'autre côté du Rhin, et en face du district de Schlestadt, département du BasRhin, il y a près de 6 ou 700 brigands de rassemblés sous les ordres de M. Mirabeau le cadet, et qu'il s'y fait publiquement des enrôlements contre la France; que si je ne vous ai parlé alors que des attroupements et des enrôlements qui se font sous la protection et l'instigation du cardinal de Rohan, dans le coin obscur du cercle du Haut-Rhin qu'il a choisi pour sa retraite, et

si je ne vous ai rien dit des attroupements qui se font à Worms, et que j'ai vus de mes propres yeux au commencement du mois de septembre dernier, c'est que j'ignorais encore si cet attroupement était accompagné d'enrôlements dirigés directement contre la Constitution et contre la sûreté et la tranquillité de la patrie.

Aujourd'hui que je suis informé de ce dernier fait, par une lettre que je viens de recevoir d'un ancien officier de hussards du régiment du fameux Ziethen, au service du roi de Prusse, qui a travaillé depuis sous ma direction, dans un emploi civil, et dont je n'ai aucun sujet de suspecter la véracité, je puis avec certitude vous dénoncer, Messieurs, et à tout le peuple français que vous représentez, qu'il se fait des enrolements contre notre Constitution et contre la liberté que nous venons de reconquérir, après tant de siècles de servitude et du plus vil esclavage; qu'il se fait des enrôlements contre la patrie et contre ce que nous avons de plus cher au monde, dans un endroit appelé Bobernheim, distant d'une petite lieue de la ville de Worms, et faisant partie du territoire de l'évêché de ce nom, et que ces enrôlements se font, selon toutes les apparences, par ordre de Louis-Joseph de Bourbon, prince français, ci-devant M. de Condé.

Je puis ajouter à cela, d'après la lettre que je viens de recevoir de ce vieux militaire, quì fait sa résidence entre Mayence et Oppenheim, et par conséquent au centre même du lieu de la scène principale, qu'on est occupé à former, à Worms, un magasin de froment, d'avoine, de foin et de paille; qu'on passe des contrats avec des juifs du pays, pour établir des magasins; qu'on paraît avoir en vue de se rendre maître de Metz, et de pousser de là tout droit à Paris; mais que, d'un autre côté, les plus puissants parmi les princes séculiers de l'Empire désapprouvent hautement cette conduite de nos émigrés et du prince français qui est leur chef dans les environs de Worms; que l'électeur palatin a fait sortir depuis quelques jours, tous les Français de Manheim, capitale de son électorat, que les autres princes sont décidés à ne point se mêler de nos affaires, et ne veulent point de guerre avec nous; que les émigrés ayant enlevé depuis peu, aux enrôleurs prussiens, tout un transport de recrues, cette conduite aussi inconsidérée qu'audacieuse, aura infailliblement les suites les plus fâcheuses pour ces forcenés, qui d'ailleurs ne peuvent plus compter sur aucun secours de la part des grands princes séculiers de l'Empire, depuis que l'acceptation de la Constitution par le roi, leur a été ministériellement signifiée.

Il n'y a donc, Messieurs, dans toute la vaste étendue de la Germanie, que trois prêtres qui se préparent à lancer la foudre contre vous, et à convertir la France entière en un monceau de cendres, et après avoir exterminé la race des mécréants dont la surface est couverte: Son altesse éminentissime monseigneur le baron d'Erthal, archevêque, électeurde Mayence, qui, de son chef, peut mettre 4,000 hommes sur pied, si les Mayençais, ses sujets, sont assez sots pour en vouloir faire la dépense; son altesse sérénissime monseigneur l'électeur de Trèves, qui peut fournir une armée de 7,000 hommes (Rires.), en y comprenant les troupes auxiliaires de monseigneur le prince de Neuwied, son voisin; son altesse sérénissime et éminentissime monseigneur LouisRené-Edouard, cardinal de Rohan, qui, abstraction faite des 6 ou 700 brigands qu'il a l'honneur

de commander en chef (Rires et applaudissements), peut mettre sur pied une armée de 50 hommes, tous gens d'élite (Rires.), car c'est à 50 hommes que se réduit tout au plus le contingent que les lois de l'Empire lui accordent.

Ce ne sera donc pas, Messieurs, à des hordes barbares, mais à des soldats de l'église teutonique, tous amplement munis de chapelets et de bénédictions, fort doux, au reste, et gens de très bonne composition, que vous aurez à faire, quand Louis-Joseph de Bourbon, à la tête de tous ses chevaliers errants, viendra fondre sur vous, et fera marcher devant lui la mort et le carnage. Mais, quoique j'aie lieu de supposer, Messieurs, que vous ne sauriez être fort effrayés de l'orage dont vous êtes menacés, et que vous ne croyez pas assez fort pour obscurcir la sérénité du beau ciel qui nous éclaire; il n'en est pas moins vrai qu'il serait indigne de la majesté d'une grande nation comme la nôtre de souffrir plus longtemps ce feu d'opéra dont la fumée nous incommode (Applaudissements,) et de nous laisser impunément injurier par d'effrontés baladins, l'insolence mérite le fouet. Un simple particulier peut opposer le mépris aux forfanteries d'un spadassin, mais une grande nation doit être jalouse de sa gloire, doit punir sévèrement les téméraires qui osent lui manquer de respect, doit anéantir dans son principe le moindre germe d'opposition à sa volonté suprême, dès que cette volonté a été solennellement dénoncée à la face de l'univers, dès qu'elle a été légitimement manifestée à tous les individus qui le composent.

Ne vous méprenez pas, Messieurs, au sommeil apparent des despotes qui vous entourent; c'est le sommeil du lion qui guette sa proie, et qui s'élance sur elle dès qu'il croit qu'elle ne pourra plus échapper à ses griffes, ni à sa dent carnassière. Ce Léopold qu'on vous a peint si pacifique, dont les ordres ostensibles sont si contraires aux applaudissements de nos émigrés, mais dont les ordres secrets vous sont inconnus, ce Léopold ne vous pardonnera jamais d'avoir mis en pratique le principe que les rois sont faits pour les peuples, et que les peuples ne sont pas la propriété des rois. (Applaudissements.) Il vous accordera le principe, mais il voudra vous faire repentir de l'avoir mis en exécution. Lisez bien la fettre qu'il a écrite au roi, en réponse à celle par laquelle le monarque lui avait notifié acceptation de la Constitution; méditez-la bien et jugéz vous-mêmes.

Cet autre prince, qui occupe un trône encore ombragé de lauriers, et rayonnant de la gloire immortelle dont son prédécesseur l'a environné, fera marcher ses cyclopes, pour vous donner des fers et pour vous faire rentrer dans l'autre du despotisme comme ils ont donné des fers aux Bataves, et comme ils les ont mis sous le joug tyrannique et injuste de la maison d'Orange, dès que son intérêt n'exigera plus la présence de ses guerriers sur les bords de la Vistule et de la Wartha.

Cette souveraine, qui mettra à contribution les 100 peuples divers de son vaste Empire, qu'elle tient à genoux devant sa redoutable majesté, vous apprendra si ses projets insensés pouvaient s'exécuter, que les droits de l'homme et l'égalité des conditions sont une chimère philosophique qui vous a tourné la tête. Je ne parlerai pas des autres dont les intentions ne sont pas plus pures; et je conclus que, si les preparatifs de guerre que font nos émigrés, et les secours qui leur sont accordés par les prêtres, princes d'Empires,

qui leur ont donné un asile, ne sauraient nous alarmer, nous nous devons pourtant à nousmêmes de réprimer et d'effacer par des punitions exemplaires les coupables démarches qu'ils se permettent, et dans lesquelles ils s'efforcent d'engager et d'entraîner leurs concitoyens; nous devons à la gloire de la nation, de prendre vis-àvis des puissances étrangères cette position imposante qui leur annonce que nous n'avons point encore oublié que nous sommes au premier rang des peuples de l'Europe; que nous saurons soutenir ce rang que plus de 4 millions de bras sont armés pour le défendre; que ces bras sont vigoureux et sauront repousser une injuste attaque; que nous avons tous juré de vivre libres ou mourir, que nous serons fidèles à ce serment, et que, lorsqu'il s'agit de la liberté de la patrie, il n'est pas de gloire dont le cœur du Français soit plus avide, et qu'il ambitionne davantage, que celle de descendre dans la tombe les armes à la main, et ce serment à la bouche. (Applaudissements.)

Je finis par demander: premièrement, que Louis-Joseph de Bourbon, prince français, cidevant M. de Condé, ses complices et adhérents, soient mis en état d'accusation comme étant prévenus du même crime.

Deuxièmement, que Louis-René-Edouard de Rohan, s'il a l'honneur d'être Français, soit également mis en état d'accusation comme étant prévenu du même crime.

Troisièmement, que le pouvoir exécutif charge le ministre accrédité au cercle du Haut-Rhin, d'exiger que le cardinal de Rohan licencie sans délai la troupe de brigands qu'il commande et qui prennent abusivement l'honorable nom de soldats; les lois de l'Empire ne permettant point à ses membres de souffrir des enrôlements dans leurs Etats qui pourraient engager le Corps germanique dans une guerre étrangère.

Quatrièmement, que le pouvoir exécutif charge sont ministre accrédité au cercle du Haut-Rhin, de se transporter à Worms, d'y faire assembler le magistrat de cette ville imperiale, et de lui déclarer que les Français répandus dans les maisons de la ville pour y loger, étant tous prévenus du crime de comploter contre leur patrie, le magistrat ait à les faire sortir de la ville sous le délai de trois jours, que, faute de le faire, la France prendra cette conduite du magistrat pour un acte d'hostilité dirigé contre elle et s'en fera raison par des voies de fait. (Applaudissements.) Cinquièmement, que le pouvoir exécutif charge le sieur Ockelly, ministre de France, accrédité auprès de l'électeur de Mayence, de lui demander que, conformément à la capitulation de Léopold II, et aux capitulations antérieures à celleci, qui n'accordent le droit de lever des troupes en Empire qu'aux grands princes qui ont des Etats faisant partie de l'Empire, il défende sans délai les enrôlements qui se font dans son évéché de Worms, notamment dans le village de Bobernheim, Louis-Joseph de Bourbon, prince français, n'ayant point d'Etats situés en Empire, et étant, par cette même raison, exclu par les capitulations du droit d'y lever des troupes; que faute de le faire, la France prendra la conduite de l'électeur de Mayence comme une déclaration de guerre et prendra ses mesures en conséquence.

Sixièmement, que le pouvoir exécutif charge le sieur Ockelly de déclarer à l'électeur de Mayence que, sous le délai de 15 jours, il ait à dissiper les attroupements d'émigrés français qui se faisaient dans ses Etats; que, faute de le faire, la

France prendra sa conduite pour une déclaration de guerre et agira en conséquence.

Septièmement, que le pouvoir exécutif chargera le sieur Vergenne, ministre de Français, accrédité auprès de l'électeur de Trèves, de lui faire cette même déclaration sous les même réserves.

Huitièmement, que le ministre des affaires étrangères rendra compte à l'Assemblée nationale des suites qu'il a données à toutes ses négociations.

Neuvièmement, que le ministre de la guerre sera chargé par le pouvoir exécutif de mettre toutes les places frontières, depuis Huningue jusqu'à Dunkerque, dans le meilleur état de défense possible.

Dixièmement, qu'il rendra compte à l'Assemblée nationale, de quinze jours en quinze jours, de l'état de ces places, des officiers qui y commandent, des ingénieurs en chef qui s'y trouvent, des patrouilles continuelles qui se font pour la sûreté de la place, des postes placés sur les bords du Rhin, et de la manière dont ces bords sont gardés et défendus.

Onzièmement, qu'il soit mis dans toutes les places fortes de frontières, depuis Huningue, jusqu'à Dunkerque, des bataillons de gardes nationaux pour y faire le service avec les troupes de ligne qui y sont en garnison.

Douzièmement, enfin, qu'il soit fait une adresse à tout le peuple français, pour le rassurer contre les vaines alarmes que les malvaillants ne cessent de lui inspirer; pour lui donner connaissance des moyens plus que suffisants que nous avons en main, pour lui assurer une paix stable et profonde, s'il ne détruit et n'affaiblit pas luimême ses moyens par sa négligence à payer les impôts, et à contribuer, selon ses facultés, aux charges de l'Etat, et en perpétuant les déplorables divisions que la méchanceté et le fanatisme des prêtres fomentent et entretiennent dans tous les départements du royaume, dans la détestable intention de nous faire tomber tous dans un état d'anarchie, et de ramener, par les portes de l'anarchie, où l'exécrable despotisme, ou bien un déplorable démembrement de la monarchie; et où les représentants de la nation exprimeront, dans des traits de feu, et avec toute l'énergie qu'un patriotisme éclairé inspire, qu'ils se sont tous dévoués à la mort pour le maintien de la liberté, de l'égalité et de la Constitution du royaume, et qu'ils se laisseront plutôt enterrer sous les débris et sous les ruines du temple qui les renferme, et où ils discutent les intérêts de la nation et en décident, que de souffrir qu'il soit porté la moindre atteinte à la souveraineté du peuple, à sa liberté, à l'égalité, aux droits de l'homme et en un mot à tous les articles qui composent notre sainte Constitution, le plus beau présent que la bonté divine ait jamais fait au peuple, et dont le Français ne saurait se rendre indigne en l'abandonnant lâchement, et en se le laissant honteusement arracher, dussent même toutes les puissances de l'enfer s'armer contre lui pour le replonger dans le gouffre affreux du honteux esclavage auquel il a eu le bonheur d'échapper. (Vifs applaudissements.)

M. Cambon. Le rapport énergique qui vient de vous être fait doit être pris en considération. Vous vous êtes occupés d'une loi contre les prêtres, dont le fanatisme fomente les troubles intérieurs. Vous devez vous occuper des émigrés dont les coupables manœuvres ruinent le crédit de l'Etat. Les princes, par leurs projets ne font

qu'accroître la rareté du numéraire; et par ce moyen ils mettent du désordre dans les finances. Ils encouragent les fanatiques qui troublent le royaume. Il faut donc attaquer les chefs de cette conjuration, et si les princes sont à la tête de la conspiration, comme M. Rühl vient de le dire, il est urgent que nous portions le décret d'accusation.

Mais, Messieurs, avant de demander à nos envoyés compte de leur conduite, il me paraît que, la Constitution à la main, nous devrions connaitre comment se préparent ces attaques, par tout autres moyen que par notre comité diplomatique. La Constitution dit que, lorsqu'il y aura des hostilités imminentes, le roi vous les fera connaître. Les ministres jamais ne nous parlent de ces rassemblements, et il est étonnant qu'à tout moment on en parle dans cette Assemblée. Si les rassemblements sont faux, il faut détruire les bruits qui nous nuisent; s'ils sont vrais, il faut punir le ministre, et employer la force pour les dissoudre, mais il faut des pièces authentiques sur cet objet, parce que le crédit public et la tranquillité du royaume en dépendent.

En conséquence, Messieurs, je demande que le discours énergique du préopinant soit imprimé et que votre comité de législation vous fasse demain un rapport sur cette matière. (Murmures.) Je demande, en outre, que le ministre soit tenu de donner connaissance des avis qu'il a reçus sur ces rassemblements, afin que nous puissions prendre des mesures sur ces objets, car il est temps que cela finisse. (Applaudissements.)

M. Daverhoult. Ce que nous venons d'entendre n'est pas exactement à l'ordre du jour; mais il est à l'ordre de la patrie, il est à l'ordre de tous les moments. Si vous voulez, Messieurs, me donner un instant, je crois que je pourrai vous peindre et l'état des émigrants et notre état, et peut-être les seules mesures qu'il nous reste à prendre dans ce moment, je vous en demande la permission; je ne parlerai que lorsque vous me le permettrez.

Plusieurs membres: Parlez! parlez !

M. Daverhoult (1). Messieurs, quels sont les moyens des Français mécontents, attroupés hors du royaume ? Quels sont leurs desseins? Quelle est notre situation quant aux puissances étrangères? Quelles sont, sous ces rapports, les mesures à prendre pour parer aux dangers qui menacent la patrie? Voilà, Messieurs, les questions impor tantes auxquelles votre comité diplomatique n'a pas suffisamment répondu. Les démarches officielles qu'il vous propose entraîneraient dans des longueurs inévitables, et vous exposeraient au double inconvénient de ne recevoir, après une perte de temps très considérable, aucune satisfaction de la part de la Diète de Ratisbonne, et de voir mettre en avant par cette même Diète, lorsqu'il s'agira des indemnités à accorder aux princes possessionnés en Alsace les lois de l'Empire germanique ainsi que le traité de Westphalie, moyens auxquels vous n'auriez aucune réplique, après en avoir fait vous-mêmes, par la négociation qu'on propose, les seules de vos rapports avec les princes de l'Empire.

Cette partie inutile d'un temps précieux rait d'autant plus dangereuse qu'elle laisserai aux mécontents attroupés celui de se former nips complètement; de lier de plus en plus tears t

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mes secrètes; et enfin de jouir de l'avantage que procurent à celui qui attaque, l'incertitude de son adversaire et la division de ses forces, lorsque plusieurs points sont menacés à la fois.

Examinons, pour rendre ceci plus sensible la situation actuelle des mécontents émigrés. L'on sait que le nombre de ceux en état de porter les armes peut aller à 20,000 hommes dont environ 4 à 5,000 officiers et soldats déserteurs ou anciens militaires. Le recrutement continuel, les achats d'armes, des chevaux d'équipages, de munition et de vivres; tout prouve qu'ils n'ont point abandonné l'espoir criminel de rétablir dans leur patrie le règne des préjugés. Ils comptent sur les troubles intérieurs qu'ils excitent et entretiennent par toutes sortes de moyens, ainsi que sur les relations secrètes qu'ils peuvent avoir conservées dans quelques-unes des places frontières.

Soutenus par l'or étranger; en mesure pour profiter des événements, et à portée d'en saisir l'occasion favorable, plutôt qu'en force pour les faire naître, ils inquiètent, menacent, intriguent pour augmenter en nombre et temporisent afin de saisir le moment qui leur paraîtra propice : voilà leur situation militaire et leur système politique. Il suffit de l'annoncer pour prouver que le nôtre doit être formé en sens inverse. Tout délai de notre part entretient l'inquiétude des bons citoyens, refroidit leur zèle, augmente l'espoir des ennemis secrets, occasionne des séditions, et prépare à ceux d'outre-Rhin, cet instant favorable qu'ils guettent.

Ne nous laissons point éblouir, nos forces ne seront respectables qu'autant qu'elles seront bien dirigées; mais si nos ennemis exécutaient leur plan, tandis qu'elles seraient en partie employées à réprimer des séditions; si une quantité considérable de mécontents, qui se trouvent dans l'intérieur, se joignait à l'armée ennemie; si les alarmes et le désordre paralysaient une partie de nos moyens ; si l'incertitude des points d'attaque avait fait prendre le change à nos généraux; si la marche rapide de l'armée ennemie avait produit de la consternation dans les âmes faibles et rendu les patriotes de circonstance à leur premier caractère; si dans cet instant il existait de la mésintelligence entre les deux pouvoirs; si dans Paris même, à l'approche de l'armée ennemie, il se trouvait des traîtres soudoyés par l'étranger; quelle serait notre position?

Permettez, Messieurs, que je cite une exemple récent. Proscrit en Hollande, et sur le point d'y périr sur l'échafaud pour la cause de la liberté, j'y ai vu cette cause sublime perdue en temporisant. C'est pour avoir employé des demi-moyens; c'est pour n'avoir point écrasé ses adversaires, lorsqu'il en était temps; c'est pour s'être attachée aux effets, sans attaquer les causes; c'est pour avoir attendu jusqu'à ce que ses ennemis furent soutenus par une des puissances du premier ordre que la Hollande et dans les chaînes.

Ne croyez pas que, placés sur un théâtre plus vaste, et pouvant disposer de moyens plus considérables, vous puissiez impunément mépriser l'exemple que la Hollande asservie offre aux nations libres. Sachez que l'assaillant calcule ses moyens d'attaque sur ceux de défense.

Après avoir examiné le système des mécontents attroupés, jetons un regard sur la situation actuelle de l'Europe; et bannissons dans cet examen les exagérations de la crainte, et les illusions de l'espérance.

C'est une erreur grossière, en politique, que de calculer les plans des princes sur l'intérêt des

peuples et même sur le leur. Combien de guerres follement entreprises et dans lesquelles, sinon tous les deux, au moins un des partis, sacrifiant des avantages solides au désir des conquêtes, à la soif des vengeances, ou à l'intrigue des cours, n'auraient pas dû nous détromper sur une théorie constamment démentie par l'expérience! Le caractère des princes et de leurs ministres, leurs vertus, leurs lumières, leurs vices, leurs erreurs, les intrigues de ceux qui les entourent, et dont ils sont eux-mêmes les victimes; les plans systématiques d'arrondissement qui, dans les cabinets des princes, se sont suivis de pères en fils: voilà les ressorts qui les font mouvoir.

Depuis la dernière guerre entre la France et l'Angleterre, et surtout depuis la formation de la ligue germanique, dont le prétexte était la barrière que l'on voulait opposer à l'ambition de Joseph II, mais dont le but était l'agrandissement de la Prusse, l'Europe se trouve partagée entre deux grandes factions: l'Angleterre, la Prusse, la Hollande, la Suède, le Portugal et une partie de l'Empire composent l'une; l'autre est formée par l'empereur, le Danemark, une partie de l'Empire, l'Italie et l'Espagne; ce qui n'empêche pas que, pour des vues momentanées, les puissances, mêmes de ligue opposée, n'agissent de concert; mais ces vues remplies ou ces passions satisfaites, le cours ordinaire des négociations reprend son train. La Pologne était, depuis longtemps, sous le joug de la Russie; et si cette dernière puissance se vit obligée, lors du fameux partage, de satisfaire aux vues d'arrondissement de l'Autriche et de la Prusse, elle ne continua pas moins de dicter seule des lois aux Polonais. La révolution de ce pays a été un coup de foudre pour le cabinet de Pétersbourg. L'hérédité du trône de la maison de Saxe lui ôte l'espoir d'influence que les élections lui procuraient et ce n'est pas sans inquiétude qu'il, verra cette riche succession passer par l'héritière de Saxe, dans une des puissantes maisons de l'Allemagne.

L'Electeur, flottant entre le parti de l'Autriche et celui de la Prusse; prévoyant que sa détermination sera le motif d'une guerre sanglante, dont la Pologne sera le théâtre, et peut-être un nouveau partage, la suite, temporise et négocie, afin de rester en équilibre entre ces deux masses de puissance. L'empereur et la Prusse désirent également l'alliance de l'héritière de Saxe avec un prince de leur maison, et redoutent chacun la réussite des plans de son rival. Ils négocient encore et finiront peut-être cette lutte politique, en faisant épouser à la princesse de Saxe l'un des petits princes d'Allemagne. Toute l'attention de ces puissances est donc fixée sur la Pologne: et si la Russie, dont les espérances à cet égard sont anéanties, désirait faire une diversion en engageant Léopold ou Frédéric-Guillaume à se mêler des affaires de la France, leur rivalité respective, leur situation indécise quant à la Pologne, et la certitude que, par la position de leurs Etats, d'auxiliaires ils deviendraient parties principales, tandis que la Russie, placée à cinq cents lieues de la France, et voisine de la Pologne, profiterait seule des événements, les détourneront des mesures aussi contraires à leurs vues actuelles. L'empereur a un autre motif non moins puissant. Dans le Brabant, à peine soumis, le feu couve sous les cendres; il a tout à perdre et rien à gagner en établissant le théâtre de la guerre près de la frontière de ses Etats.

Les vues de l'Angleterre, de la Hollande, du Danemark, du Portugal, et de la partie des

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