Page images
PDF
EPUB

princes de l'Empire, composant la Ligue germanique, sont différentes. La première ne risquera point, par une guerre pour elle sans motif, de perdre les fruits de son traité de commerce avec la France; Pitt est trop adroit pour faire une démarche qui lui attirerait la haine des commerçants et celle des nombreux partisans de la Révolution française. La seconde suit les impulsions de la première; le Danemark est gouverné par le prince royal ses vues, ainsi que celles de ses ministres, sont sages et entièrement dirigées vers l'administration intérieure. Nous n'avons rien à craindre du Portugal comme puissance; mais l'or de ses prêtres pourrait peut-être contribuer à soutenir les armements de nos mécontents. La Ligue germanique n'entamera point une guerre dispendieuse pour des intérêts qui lui sont étrangers, dans le temps même où le chef de cette ligue, la Prusse, peut avoir besoin de ses secours dans la lutte polonaise.

:

La Suède, les princes ecclésiastiques d'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, paraissent plus disposés à soutenir la cause de nos mécontents. Mais, Messieurs, il existe une grande vérité, en politique c'est que le parti le plus fort a toujours des amis puissants, tandis que le parti faible n'en trouve qu'autant que des vues d'intérêt particulier lui en attirent. Ne donnons donc point, par des négociations lentes, le temps nécessaire aux rebelles pour grossir leur parti, former leur armée, susciter des troubles dans l'intérieur et peut-être la guerre civile. Ce serait alors que, devenus redoutables à leur tour, ils jouiraient des effets de la protection de l'Europe entière, parce qu'alors les puissances, actuellement occupées par des vues étrangères à la France, se décideraient pour appuyer une cause dont le succès ne serait plus douteux. Ne vous reposez donc point sur les réponses officielles des différentes cours.

Combien de réponses pareilles notre cabinet de Versailles n'a-t-il point fait à l'Angleterre avant la guerre d'Amérique? Pendant combien de temps n'a-t-il pas refusé de reconnaître le caractère public de Francklin? Les princes ne se déclarent que lorsqu'ils sont en mesure pour exécuter leurs desseins. Ne croyez pas que l'embarras d'un prétexte les retienne : cette opinion fait honneur à la probité de ceux qui la conçoivent, mais prouve leur inexpérience en politique.

Je ne répondrai qu'un seul mot.

Le même fait sert souvent de matière au manifeste de deux cours ennemies.

Qu'on prenne donc vis-à-vis des trois princes ecclésiastiques qui contreviennent au droit des gens, en permettant et favorisant les attroupements, enrôlements et armements des Français mécontents, cette attitude fière et imposante qui convient à une autre nation libre qu'on requière d'eux, dans un délai de trois semaines, la dispersion des attroupements formés dans leurs Etats, qu'on exige d'eux une réponse catégorique, et que, comme Popilius, on trace à l'entour d'eux le cercle dont ils ne pourront sortir, sans avoir choisi entre la paix ou la guerre.

Que des forces préparées sur la frontière soient prêtes à exécuter ces menaces; que la Diète de Ratisbonne et toutes les cours de l'Europe soient intruites de cette démarche, ainsi que des motifs qui la justifient; et si, malheureusement, l'obstination de ces petits princes allemands, ou la ré1re SERIE. T. XXXV.

sistance des Français rebelles obligent à recourir aux armes, que la célérité de l'expédition et la grandeur des moyens prouvent à toutes les nations de la terre, qu'un peuple libre ne laisse point impunément violer à son égard le droit des gens. (Applaudissements.)

Je sais, Messieurs, que la Constitution donne au roi l'initiative quant à la guerre, et le charge des relations à entretenir avec les puissances étrangères; aussi je ne vous proposerai aucune mesure contraire au serment que vous avez prêté; mais il est impossible que le roi, instruit du vœu national, ne désire autant que vous d'employer les seuls remèdes efficaces pour parer aux dangers qui menacent la patrie. Il est impossible qu'après s'être inviolablement uni à la nation par son acceptation à la Constitution, il n'envisage tous les complots contre cette loi fondamentale comme autant d'attentats contre sa personne. Comment pourrait-il donc hésiter à employer des moyens, dont peut-être, il eût déjà usé en partie, s'il n'eût désiré en augmenter la force par l'expression du vœu national?

Je vous propose donc, Messieurs, le décret suivant :

« L'Assemblée nationale décrète qu'une députation de vingt-quatre de ses membres se rendra près du roi, pour lui communiquer au nom de l'Assemblée sa sollicitude sur les dangers qui menacent la patrie, par la combinaison perfide des Français armés et attroupés au dehors du royaume et de ceux qui trament des complots au dedans, ou excitent les citoyens à la révolte contre la loi; et pour déclarer au roi que la nation verra avec satisfaction toutes les mesures sages que le roi pourra prendre, afin de requérir les électeurs de Trèves, Mayence, et l'évêque de Spire, qu'en conséquence du droit des gens ils dispersent, dans un délai de trois semaines, lesdits attroupements formés par des Français émigrés; que ce sera avec la même confiance dans la sagesse de ces mesures que la nation verra rassembler les forces nécessaires, pour contraindre, par la voie des armes, ces princes à respecter le droit des gens, au cas qu'après ce délaí expiré, les attroupements continuent d'exister.

Et, enfin, que l'Assemblée nationale a cru devoir faire cette déclaration solennelle, pour que le roi fût à même de prouver, dans les communications officielles de cette démarche importante à la Diète de Ratisbonne et à toutes les cours de l'Europe, que ses intentions et celles de la nation française ne sont qu'une. » (Vifs applaudissements.)

Plusieurs membres demandent que la discussion soit ouverte immédiatement sur le projet de décret de M. Daverhoult.

D'autres membres demandent l'impression du discours et du projet de décret, et l'ajournement de la discussion à mardi.

M. Delacroix. Je m'oppose à l'ajournement et je demande que l'on mette de suite aux voix le projet de décret.

M. Couthon. Le projet de décret qui vous est présenté renferme cet avantage précieux, et il est inutile de l'imprimer pour en être frappé, d'allier notre respect pour la Constitution, avec les obligations sincères que nous impose le serment que nous avons fait, de veiller sans cesse au bien et au salut de la patrie. Je demande donc que nous ne perdions pas une seule minute, et que nous le discutions sur-le-champ, car le moindre retard serait coupable et constituerait

26

[blocks in formation]

M. Lasource. Il semble que toutes les fois que l'on propose des mesures urgentes et importantes, on cherche à nous entraîner dans une discussion tumultueuse pour les éluder. Il semble qu'on veuille nous endormir dans le bourdonnement de l'opinion publique, pour ne nous réveiller que lorsque nous serons chargés des fers qu'on nous prépare. (Applaudissements.) Je demande donc que la discussion s'ouvre à l'instant, et que le projet proposé par M. Daverhoult soit décrété sur-le-champ. (Vifs applaudissements.) Il faut décréter sans désemparer.

Plusieurs membres, dans différentes parties de la salle, demandent d'aller aux voix sur l'ajournement.

M. Thuriot. Je demande la parole.

Plusieurs membres: Aux voix! Aux voix l'ajournement !

M. Gérardin. Je demande à parler pour l'ajournement!

Plusieurs membres: La discussion fermée sur l'ajournement.

M. Gérardin. J'insiste pour avoir la parole: Monsieur le Président, veuillez consulter l'Assemblée.

(L'Assemblée, consultée, décide que M. Gérardin sera entendu.)

M. Gérardin. Je commence par déclarer que j'approuve la sagesse et l'énergie des mesures proposées par le préopinant; mais je déclare aussi que le plus grand inconvénient serait d'adopter de pareilles mesures de confiance. L'Assemblée ne doit pas s'écarter de la règle qu'elle s'est imposée de faire imprimer les projets de décret qui lui sont présentés, et c'est dans cette circonstance, très importante sans doute, qu'il est intéressant de s'entourer de toutes les lumières qu'il est possible de se procurer.

A Dieu ne plaise que j'imagine qu'on ait voulu intervertir l'ordre du jour, pour amener la discussion sur un objet de cette importance; mais, je me plains qu'il y ait ici des membres qui, par excès de patriotisme sans doute, veulent empoisonner les intentions de ceux qui veulent comme eux le salut de la patrie, qui, comme eux, sont prêts à s'immoler pour elle, mais qui veulent avant tout sagesse et maturité dans les délibérations.

Je me résume et je demande l'impression et l'ajournement de la discussion à mardi.

M. Merlin. Je demande que si on ajourne la discussion, on veuille bien en même temps prier les émigrés d'ajourner leurs tentatives contre la France à cinquante ans.

M. Daverhoult. La mesure que je vous propose et que vous avez bien voulu écouter avec indulgence, pour qu'elle puisse avoir l'effet que nous avons lieu d'en attendre, doit convaincre le roi que nous lui portons l'expression du vœu national. Dès le moment que plusieurs membres

paraissent douter, puisqu'ils ont besoin d'un ajournement pour réfléchir; la mesure ne produira pas l'effet nécessaire. Un ajournement de deux jours n'ôtera rien à la grandeur et à l'efficacité de vos moyens; il ne les rendra que plus respectables, plus augustes aux yeux même de ceux sur lesquels ils doivent frapper. (Applaudissements.) J'adopte l'ajournement à mardi.

Plusieurs membres: Aux voix l'ajournement ! La discussion fermée!

M. Thuriot. Je propose de commencer aujourd'hui la discussion pour la continuer demain. (L'Assemblée ferme la discussion sur l'ajournement.)

M. Dorizy. Je demande l'ajournement de la motion Daverhoult sans fixer le jour. Vous avez déjà ajourné soit à demain, soit à mardi, plusieurs objets, entre autres des rapports sur les finances. Occupez-vous, Messieurs, des finances et toujours de préférence des finances. (Murmures.) D'après ce que le trésorier de l'extraordinaire nous a dit, il reste 500,000 livres sur les 10 millions que nous lui avons accordés. Le service serait interrompu si je ne faisais demain mon rapport. C'est pourquoi je demande l'ajournement de la motion de M. Daverhoult.

Plusieurs membres demandent la priorité pour l'impression et l'ajournement à mardi.

M. Delacroix. Je demande la question préalable sur l'ajournement et la discussion immédiate.

(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable sur l'ajournement et accorde la priorité à la motion d'ajournement à mardi.)

M. le Président. Je mets aux voix l'impression et l'ajournement de la discussion à mardi. Plusieurs membres : La division!

:

D'autres membres La question préalable sur la division!

(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande de division et décrète, en outre, l'impression et la distribution du discours et du projet de décret de M. Daverhoult et l'ajournement de la discussion à mardi.) Un grand nombre de membres s'apprêtent à quitter la salle, persuadés que la séance va être levée.

M. le Président. Je rappelle les membres qui se disposent à sortir, à l'ordre et à la séance.

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des pétitionnaires qui devaient être admis à la barre dans cette séance. Ils se plaignent de ce qu'ils viennent depuis plusieurs dimanches pour présenter à l'Assemblée leurs hommages et leurs pétitions et demandent une séance particulière du soir pour être entendus, et un ordre quelconque pour leur admission.

(Quelques débats suivent la lecture de cette lettre.)

(L'Assemblée décide que sa séance sera prolongée jusqu'après l'audition des pétitionnaires premiers inscrits,)

Une députation des citoyens d'Arles est introduite à la barre et vient réclamer la protection de l'Assemblée contre les conspirateurs d'Arles, qui les persécutent pour n'avoir pas voulu tremper dans leurs complots. Ils remettent sur le bureau un procès-verbal des excès commis par ceux dont ils se plaignent.

(L'Assemblée renvoie la pétition, ainsi que les pièces qui y sont jointes, au comité des pétitions.)

M. Louis Patrin, dont l'admission à la barre avait été décrétée à la séance du lundi 21 novembre, est introduit; il s'exprime ainsi :

Messieurs, j'ai aimé ma patrie dans un temps où le patriotisme était regardé comme une chimère, et je l'ai servie autant qu'il a dépendu de moi. Toute ma vie j'ai cultivé la science de la nature, cette science si utile qui influe sur la perfection de tous les arts; la connaissance des minéraux est surtout de la plus grande importance, et je m'y suis attaché par préférence.

«M'apercevant qu'il manquait à la France une collection suivie des minéraux de la Sibérie, cette vaste contrée dont le nom seul est effrayant, mais qui est l'une des plus riches de la terre en productions minérales, je résolus de former cette collection.

«Sans secours du gouvernement, uniquement à mes frais, j'ai parcouru pendant huit années entières l'Asie septentrionale, toute la Sibérie, jusqu'aux extrémités les plus reculées de la Daourie; et j'ai visité et décrit toutes les mines qui se trouvent dans une étendue de pays de plus de douze cents lieues. Ni la rigueur de ces affreux climats, ni les fatigues, ni les dangers, ni les dépenses qui absorbaient mon patrimoine, rien n'a ralenti mon zèle, et j'ai eu enfin le bonheur de rapporter dans ma patrie le fruit de tant de travaux.

Une nombreuse collection de pierres précieuses d'un volume extraordinaire des mines d'or et d'argent de toutes les variétés, enfin une suite de deux mille morceaux choisis des minéraux les plus rares; telle est, Messieurs, l'offrande que je mets aux pieds de la nation, et que je la supplie d'agréer.

[ocr errors]

Les savants qui ont vu cette collection ou qui la connaissent par les mémoires que j'ai publiés sur les mines de la Sibérie et de la Daourie, l'ont jugée importante pour la science, et digné d'embellir un établissement public. Si l'Assemblée nationale daignait avoir égard à mon vœu, je n'hésiterais pas de désigner le cabinet d'histoire naturelle du Jardin des plantes, de cet établissement précieux qui fait tant d'honneur à la nation française, où se trouvent réunis tous les trésors de la nature, et qui est dirigé par les hommes les plus célèbres qui enseignent les moyens d'appliquer aux arts utiles, des connaissances qu'on regardait ci-devant comme des objets de pure curiosité.

་་

Le règne minéral n'a pas été le seul qui ait fixé mon attention; j'ai rapporté un nombre considérable de plantes nouvelles, que j'espère faire connaître incessamment.

«Puisse mon offrande mériter l'approbation de l'auguste Assemblée des représentants de la nation! Puisse le zèle qui m'anime enflammer tous ceux qui cultivent la science de la nature ! et ils rapporteront à la France d'abondantes moissons des richesses lointaines. Mes forces ne me permettent plus de partager leurs pénibles travaux : je vais employer celles qui me restent à faire des recherches dans l'intérieur même de cet Empire, dont les productions minérales offrent à découvrir une infinité de choses intéressantes dans la pratique des arts utiles.

« Heureux de remplir jusqu'à la fin de ma vie le plus saint de tous les devoirs, celui de me dévouer tout entier au service de ma patrie ! »>

Signé PATRIN, citoyen de Lyon.

M. le Président, répondant au pétitionnaire : Les despotes ne jugent de leurs conquêtes que

par le nombre de leurs esclaves, et par l'étendue des ruines sur lesquelles ils font peser leur pouvoir odieux. Un peuple libre compte parmi ses possessions les plus précieuses, les découvertes utiles à l'humanité. Vous venez, Monsieur, de l'extrémité du globe, apporter à vos concitoyens le fruit de soins multipliés, de recherches pénibles, d'entreprises hardies; vous vouez à l'instruction publique les richesses de tout genre que vous avez recueillies dans vos courses lointaines; vous consacrez dans le temple de la patrie les honorables trophées de vos utiles travaux. Les représentants de la nation reçoivent votre don; ils aiment à voir un de ces hommes qui, livrés à l'étude des lois de la nature, en ont mieux connu cette sainte égalité de droits dont elle a fait l'apanage de tous ses enfants; et qui, sous quelque climat qu'ils aient fixé leur séjour, Français ou étrangers, ont partout appelé la Révolution par leurs vœux, l'ont préparée par leurs lumières et l'ont soutenue par leurs efforts.

« L'Assemblée nationale vous invite à assister à sa séance.» (Applaudissements.)

(L'Assemblée décrète l'insertion de la pétition de M. Patrin ainsi que de la réponse de son président dans le procès-verbal et charge le comité d'instruction publique de lui présenter ses vues sur l'emploi du don.)

M. Tranche-Lahausse est introduit à la barre et lit une adresse contenant une offre gratuite; cette adresse est ainsi conçue :

« Messieurs, c'est au moment où votre sollicitute paternelle s'occupe de tous les moyens de réparer les désastres qui affligent nos colonies et surtout les malheureux habitants de Saint-Domingue, que chacun des Français doit regarder comme un devoir sacré, celui d'offrir à sa patrie ce qu'il a en son pouvoir pour seconder vos vues et soulager ses frères.

Le zèle de tous les Français à qui vous confiez le soin d'aller secourir nos colonies, ne sera ralenti sans doute, ni par des voyages sur un élément auquel la plupart d'entre eux ne sont point accoutumés, ní par les chaleurs excessives d'un climat peu fait pour leur tempérament; leur courage sera leur force, et nul obstacle ne pourra les arrêter; mais, sur une terre brûlante et jonchée de cadavres en ce moment, les maladies qui en résultent nécessairement pourraient, en les rendant victimes de leurs fléaux, s'opposer aux succès des efforts que vont faire ces généreux citoyens, pour sauver la vie et les propriétés à tant de familles infortunées.

« Pour éloigner ces craintes, et augmenter encore, s'il était possible, leur dévouement à la patrie, je viens vous offrir, Messieurs, d'approvisionner, à mes frais, les vaisseaux que vous envoyez porter des secours aux colonies, d'une quantité suffisante d'un spécifique déjà bien connu par l'utilité que les gens de mer en ont retiré contre toutes les maladies auxquelles cet élément les expose. Ce procédé, à qui la qualité précieuse de préserver de toute corruption les eaux embarquées sur mer et de rétablir celles qui sont gâtées, a fait donner le titre de régénérateur universel, a essentiellement l'avantage de garantir, par son usage, de toutes les maladies inflammatoires, épidémiques et contagieuses.

«J'ai fait hommage de cette découverte, le 17 mai dernier, à l'Assemblée nationale constituante. Elle a ordonné la nomination de commissaires qui, après avoir examiné mon procédé, ont reconnu qu'il ne pouvait nuire dans

aucun cas, et qu'il ne devait produire que de très bons effets. Je saisis aujourd'hui avec empressement la première occasion qui s'est présentée de l'employer utilement pour le bien général.

« Agréez, Messieurs, avec bonté, cette faible marque de mon dévoument à la chose publique. Quel bonheur pour moi si un grand nombre de mes concitoyens me sont redevables de leur conservation, et la patrie d'un moyen de plus, de s'opposer efficacement aux fléaux contagieux qui affligent souvent et dévastent les plus belles

contrées.

« Je serai trop payé, Messieurs, si mon zèle et la pureté de mon intention peuvent mériter vos suffrages et votre approbation.» (Applaudissements.) Signé: Tranche-Lahausse, rue des VieuxAugustins, no 57.

M. le Président, répondant au pétitionnaire: « Vous avez dirigé vos recherches vers un objet sacré, la conservation de vos semblables; le peuple libre le plus fameux de l'antiquité décernait une couronne civique à celui qui sauvait la vie à un de ses concitoyens; le peuple français libre vous remercie, pår l'organe de ses représentants, des bienfaits semblables qu'il devra à vos lumières. L'Assemblée nationale reçoit avec sensibilité votre hommage et vous invite à sa séance. »

(L'Assemblée décrète l'insertion de l'adresse, ainsi que de la réponse du Président dans le procès-verbal, et renvoie l'offre proposée au ministre de la marine.)

M. Dutrone est admis à la barre et fait hommage à l'Assemblée nationale d'un ouvrage sur les moyens de perfectionner la culture dans les colonies.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de ce don au procès-verbal et renvoie l'examen de l'ouvrage au comité d'agriculture.)

Une députation des musiciens des églises supprimées est introduite à la barre et réclame la justice et l'humanité de l'Assemblée nationale contre le dernier décret de l'Assemblée constituante.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de la liquidation de la dette publique.)

M. le Président. Je viens de recevoir des dépêches de Perpignan d'où il résulte que des troubles sérieux ont eu lieu dans cette ville. Un de MM. les secrétaires va vous donner lecture de la lettre de la municipalité de Perpignan.

Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre; elle est ainsi conçue :

« Messieurs,

Les deux régiments que nous avons en garnison à la citadelle se conduisent, depuis longtemps, d'une manière peu propre à prouver qu'ils conservent la mémoire des bienfaits dont les a comblés la nation française. La disposition de ces deux régiments n'est assurément que le fait de leurs officiers respectifs. Le soldat est soumis à la loi, lorsqu'à l'abri de toute influence étrangère, il est abandonné à l'amour de son devoir. Les officiers de ces deux régiments ne cessent de provoquer ouvertement l'avilissement des pouvoirs constitués et le mépris de la loi. Déjà, par un de ces mouvements condamnables qui peuvent échapper à un jeune écervelé, mais qui sont criminels dans un vieux militaire, le sieur Saillant, commandant de la citadelle, s'est

exhalé d'une manière atroce contre les amis de la Constitution, et on l'a vu attenter, quelque temps après, à la tranquillité publique. Les procès-verbaux, no 1 et 2, font foi de cette double assertion. Nous aurions dû peut-être vous dénoncer dès ce moment, ce perturbateur; il eût été puni; mais nous avons cru qu'il suffisait de le dénoncer à M. le commandant militaire de la ville, et il n'a pu être donné aucune suite à cette dénonciation.

"Offensé sans doute d'être surveillé par des magistrats civils, le sieur Saillant a travaillé à attacher à sa cause le 20 régiment par l'entremise des officiers dont il connaît les principes et qui, disposés, comme lui, contre les amis de la Constitution, devaient se féliciter de trouver une masse de force qu'ils dirigeraient au gré de leurs passions. Le projet a réussi. Depuis ce temps, les soldats de ces deux régiments n'ont cessé d'être ensemble, on les a entendus chanter dans les rues ce refrain: « Les chasseurs et Cambrésis, nous serons toujours unis. » Les uns et les autres ont provoqué, à diverses reprises, des rixes avec les habitants de la ville, ont pris avec jactance des titres flétris, depuis trois ans, dans l'opinion publique, et ont ainsi, croyant servir leur cause, servi les passions de leurs chefs.

"

Il est naturel qu'une pareille conduite produise tôt ou tard des désordres; il ne manquait aux officiers qu'un prétexte, pour frapper un coup dangereux, et il était trop aisé pour ne le pas trouver. La municipalité a plusieurs fois prévenu et M. le commandant militaire et M. le lieutenant général : ceux-ci ont usé assurément de tout l'ascendant de leur autorité, pour faire rentrer dans leurs devoirs, officiers et soldats, mais quel pouvait être l'effet de leurs ordres lorsqu'ils étaient transmis aux soldats par des intermédiaires infidèles? Les ordres ont été nuls: la municipalité en a gémi, et le glaive a été continuellement suspendu sur la tête des citoyens.

[ocr errors]

Enfin, la tenue de la foire Saint-Martin a réveillé les indispositions. Un citoyen de la ville de Péret, district du même lieu, et notoirement connu par un arrêt du département des Pyrénées-Orientales, qui ordonne son désarmement et celui de sa compagnie, le sieur Micaude arrive : il se transporte au quartier Saint-Jacques, donne un repas aux soldats du 20° régiment, qu'il trouve déjà disposés à recevoir les impressions qu'il voulait leur donner, associe à cette orgie scandaleuse des soldats du 12° régiment de chasseurs; et tout fier d'un pareil appui, il se promène insolemment autour des murs de la ville, et devient le noyau auquel se rassemblent tous les mécontents.

«Bientôt la municipalité vit dans ce rassemblement un germe de putridité dont le développement pouvait infecter la commune. Elle travailla aussitôt à y remédier; mais les préparatifs étaient faits depuis longtemps, et hier, vers 5 heures et demie du soir, les citoyens ont été dans une agitation qui faisait craindre les suites les plus funestes. Vous verrez, par le procès-verbal coté n° 2, comment la municipalité est parvenue à rétablir le calme; vous verrez ensuite, par le procès-verbal no 4, par quels soins elle a cherché à remonter jusqu'à la cause de cette agitation.

Il résulte du rapprochement des diverses dépo sitions contenues dans ledit procès-verbal : 1° que des soldats du 20° régiment ont arrêté arbitrairement des citoyens; 2° qu'un détachement du

même régiment était descendu en armes, du quartier, avant qu'il y eut, à ce sujet, aucune réquisition des corps administratifs; 3° que l'adjudant du même régiment a tenté d'employer la force militaire pour enlever arbitrairement deux canons qui sont habituellement devant la maison commune; 4° qu'un officier du régiment a poussé, sur la place d'armes, des cris séditieux; 5° qu'un officier du même régiment, qui commandait des troupes de ligne, loin de faire son devoir en arrêtant le désordre, l'a au contraire animé; 6° que des officiers du même régiment ont employé la violence pour empêcher l'arrestation de quelques citoyens turbulents que des officiers municipaux en écharpe avaient faite; 7° que des officiers du même régiment ont cherché à animer les soldats, en leur disant qu'il y avait des officiers détenus, tandis qu'aucun ne l'a été ; 8° que le sieur Castella s'est mêlé à la bagarre après avoir quitté son poste, et a outragé un officier municipal en exercice de ses fonctions; 9° que les soldats du 20° régiment, armés, ont commis du ravage dans la maison du sieur Dancast, où ils sont entrés de vive force; 10° que des soldats du même régiment ont arrêté, devant la maison du commissaire du roi près le tribunal du district de Perpignan, la gendarmerie nationale qui faisait patrouille pour le rétablissement du bon ordre, ce que constatera encore davantage le procès-verbal dressé à ce sujet par la gendarmerie; 11° que des chasseurs ont poussé dans la bagarre des cris séditieux.

Il est un autre fait qui n'est pas certain, mais que l'affreuse combinaison qui a eu lieu rend presque certain, c'est celui du coup de fusil tiré sur le sieur Peignier, par un soldat resté dans une maison particulière. Quel est le sort qui attend les bons citoyens, si l'impunité venait à l'appui d'une telle audace? Nous savons, à la vérité, qu'ils iront au-devant de la mort, chaque fois qu'il s'agira de défendre les lois; mais cette résolution est l'avant-coureur des derniers malheurs, si elle trouve de la résistance de la part des dépositaires de la force. D'ailleurs, la ville de Perpignan et sa citadelle sont, par leur position, des places trop importantes, pour que la défense en soit confiée à deux régiments qui se sont si mal conduits.

«La municipalité de Perpignan doit cependant rendre hommage à la vérité; et, quelle que soit sa position, elle ne cessera pas d'être juste. Il est un nombre considérable de sous-officiers du 20 régiment, qui sont venus répandre dans son cœur paternel la douleur qu'ils ont sentie en voyant cette rébellion. L'un deux, vieillard respectable qui a blanchi sous les mêmes drapeaux, a donné de sa peine les signes les plus attendrissants.

« Généreux officiers, consolez-vous d'avance : Vous êtes suspects à votre corps; vous serez peut-être proscrits par lui, dès qu'on lui apprendra que vous avez blâmé sa conduite; mais si la violence vous forçait à quitter ses drapeaux, vous trouveriez dans le Corps législatif des vengeurs, et dans tous les honnêtes citoyens de votre patrie.

M. Cambon. Ces troubles sont la répercussion de ceux de Montpellier et d'Arles. Je demande le renvoi des pièces au comité de surveillance.

M. Rouyer. Je suis surpris que le ministre de l'intérieur ne donne aucune connaissance de ces faits à l'Assemblée. Je propose de le faire appe

ler et de lui demander quels sont les motifs qui l'ont empêché de nous les communiquer.

Un membre combat la proposition de M. Rouyer par cette considération que, souvent, l'Assemblée apprend même plus tôt que le ministre, les troubles qui agitent un département.

(L'Assemblée renvoie la lettre de la municipalité de Perpignan ainsi que les pièces au comité militaire.)

Une députation des officiers, sous-officiers et soldats invalides du département de Paris est introduite à la barre et demande qu'il leur soit accordé les mêmes pensions de retraite que celles qui sont accordées par les décrets aux pensionnaires de l'Hôtel.

(L'Assemblée renvoie la pétition au comité militaire.)

M. Audrein. Je demande une séance extraordinaire, demain, pour entendre le reste des pétitionnaires et le rapport du comité militaire sur les Invalides.

(L'Assemblée décrète qu'il y aura une séance demain soir, qui sera destinée à entendre les autres pétitionnaires, et dans laquelle le comité militaire fera son rapport sur la pétition des Invalides.)

(La séance est levée à quatre heures.)

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE. Séance du lundi 28 novembre 1791, au matin. PRESIDENCE DE M. VIENOT-VAUBLANC.

La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Isnard, secrétaire, donne lecture du procès verbal de la séance du dimanche 27 novembre.

Un membre: J'ai une observation à faire sur la rédaction du procès-verbal; elle est relative à la pétition d'un ci-devant frère lai, Récollet, qui, désirant contracter mariage, demande s'il pourra continuer à toucher sa pension comme prêtre. Le procès-verbal porte tout simplement que l'Assemblée est passée à l'ordre du jour. Je demande que cette décision soit motivée et qu'on explique que la loi ayant anéanti les vœux religieux et ne reconnaissant le mariage que comme contrat civil, rien ne s'oppose à ce que l'ex-Récollet continué de toucher sa pension.

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!

M. François de Neufchâteau. Voici comment je propose de rédiger à ce sujet le procèsverbal : :༥ Un membre ayant observé qu'aucune loi n'empêche la continuation du payement des religieux et ecclésiastiques qui sont dans le cas du pétitionnaire, l'Assemblée passe à l'ordre du jour."

(L'Assemblée adopte cette rédaction.)

Un membre: En passant, hier, à l'ordre du jour sur la pétition des dames Delattre, l'intention de l'Assemblée a été, sans doute, de hâter l'interrogatoire des sieurs Varnier et Delattre, afin que le secret fût promptement levé en faveur de ces deux accusés. Les quatre grands juges près la haute cour nationale sont nommés. Je demande que, dès cet instant, ils entrent en activité et procèdent à l'interrogatoire.

Un membre: Votre comité de législation vous

« PreviousContinue »