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tres caisses, seront tenus de fournir, en tête de leurs quittances, un bordereau des espèces et nature d'assignats qu'ils donneront en payement, à peine de rejet de leurs quittances, dans les comptes qu'ils rendront. »

M. Delacroix. Je demande qu'on ajoute : " et sous peine de destitution de leurs places.» (Exclamations.)

Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement de M. Delacroix !

(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Delacroix et adopte la motion de M. Delaporte, rédigée par M. Dorizy.)

(L'Assemblée revient à la discussion de l'article 4.)

M. Duhem. Je demande que l'Assemblée rejette la nouvelle rédaction proposée pour l'article 4 et délibère sur l'article, tel qu'il était dans le premier projet du comité.

M. Caminet. Je demande la question préalable sur cet article. Aucune loi n'obligeait M. Lecouteulx à retenir des bordereaux d'espèces pour les payements en petits assignats. Il a donc pu s'en dispenser. La loi est bonne pour l'avenir; elle serait tyrannique si elle était rétroactive.

M. Duhem. Ces raisons rendent plus claire la nécessité de savoir quand, comment et où les petits assignats sont passés. L'effet n'est pas rétroactif, puisque le comptable devait s'attendre qu'on exígerait un compte. Je conclus à la présentation des registres.

M. Dorizy, rapporteur. Plusieurs personnes désirent que l'Assemblée décide sur l'article 4 du premier projet du comité, auquel j'ai substitué la nouvelle rédaction dont je vous ai donné lecture tout à l'heure.

Plusieurs membres : La question préalable sur cette motion!

(L'Assemblée est consultée sur la question préalable; deux épreuves sont douteuses.)

M. le Président. Dans le doute, il y a lieu à délibérer.

:

M. Duhem. Il ne peut être douteux pour aucun des membres de cette Assemblée qu'il ne soit de leur devoir de s'élever contre la possibilité même d'une prévarication. Une quantité très considérable de petits assignats a été répandue dans la capitale elle est devenue la proie des agioteurs. C'est par leurs mains qu'il a fallu qu'elle passât pour arriver aux citoyens honnêtes qui payaient au poids de l'or un secours que la prévoyance des législateurs leur avait destiné. Ce n'est point ici, d'ailleurs; ce n'est pas au milieu des réprésentants du peuple qu'on peut s'opposer à ce que des administrateurs rendent compte de l'emploi qu'ils ont fait de la fortune publique. (Applaudissements.)

M. Thuriot. Je ne conçois pas comment l'Assemblée nationale peut être dívisée sur un point qui est aussi clair que le jour. En fait de comptabilité, tout doit être exact. Celui qui a reçu les petits assignats doit être en état d'établir de quelle manière il les a envoyés; et faites attention, Messieurs, que ce que je vous avance est établi par le fait. Il n'y a pas un membre de directoire de département qui ne soit en état de yous attester que les administrateurs ont toujours eu l'intention de mander aux receveurs de district, de les instruire très ponctuellement de la réception des petits assignats. Il est donc im

possible d'après cela que ceux qui sont à la tête de l'opération, qui tiennent les registres en grand de la comptabilité, puissent vous refuser de rendre le compte qui a été voté. J'appuie donc l'article qui a été présenté.

M. Briche. L'erreur du préopinant vient de ce qu'il confond le compte des sommes et des dépenses avec celui de la nature des espèces. Sans doute, tout administrateur doit le compte le plus exact de l'emploi des sommes qui lui ont été confiées, et l'Assemblée nationale se montrera toujours sévère à l'exiger; elle remplira l'un des premiers devoirs que lui aient imposé la loi et la confiance de ses commettants. Mais nulle loi n'exigeait jusqu'à ce jour qu'un administrateur se mit en état de dire: Non seulement voilà l'emploi que j'ai fait de telle somme, mais j'ai distribué les espèces de telle ou telle manière; j'ai payé celui-ci en assignats de telle somme, celuilà en assignats de telle autre. Ce que la loi n'exigeait pas, M. Lecouteulx ne l'a pas fait, et ne pouvait être contraint à le faire. Il est donc de toute impossibilité de vous rendre ce compte.

M. Caminet. Je distingue pour les 5 millions passés et pour les 25 millions à venir. Pour les 5 millions passés, la loi n'a pas enseigné cette précaution; elle a gardé à cet égard le silence. Bien plus, dans les bordereaux qui ont été donnés par le pouvoir exécutif, on a simplement demandé à tous les comptables possibles, et j'espère le prouver par les bordereaux, de distinguer ces deux choses seulement : en espèces tant, en assignats tant, sans désigner les différentes valeurs des assignats. (Murmures.) D'après cela, je crois qu'il est impossible de décréter l'ancien article 4, et je demande, en conséquence, qu'il soit supprimé.

Plusieurs membres : La discussion fermée!

M. Dorizy, rapporteur. Je vais vous faire la lecture de la lettre de M. Amelot qui a été interrogé par le comité sur la manière dont il présenterait le compte des 5 millions qui ont été employés par la caisse de l'extraordinaire; elle est adressée au président du comité des assignats. La voici :

« J'ai l'honneur, Monsieur, de vous adresser l'état de l'échange fait par la caisse de l'extraordinaire des 100 premiers millions d'assignats de 5 livres contre des assignats de plus forte somme. Cet échange s'est opéré en masse pour la trésorerie nationale à qui il en a été délivré pour ploi particulier qu'elle en a fait pour son service. 95 millions. Elle seule peut faire connaître l'em

་་

Quant à la caisse de l'extraordinaire, elle n'en a employé que 5 millions pour lesquels elle a retiré de la circulation pareille valeur en assignats de plus forte somme. Cette caisse n'était chargée d'aucun objet de dépense pour les départements, ses besoins n'étant relatifs qu'à sa propre gestion.

«M. Lecouteulx, qui présidait seul aux échanges, n'ayant pour comptable que son seul caissier général, n'a point tenu d'écriture particulière sur l'emploi des assignats de 5 livres...

Un membre: Voilà le mal, voilà l'agiotage de la rue Vivienne!

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"Mais voici les objets généraux qui entraînent la consommation la plus considérable des assignats de 5 livres : 1o Là caisse du remboursement où il se paye dans certains jours jusqu'à près de 600 parties différentes, à chacune desquelles il revient une feuille d'assignats de 5 livres, plus l'appoint au-dessus de 50 livres; telle a été la base adoptée dès le principe; 2o la caisse d'échange des billets de caísse; l'échange de chaque billet entraîne le même emploi d'une feuille d'assignats de 5 livres, plus l'appoint; 3o l'échange des coupons, lesquels n'étant que de 15 livres, 4 livres 10 sols et 3 livres ne peuvent se rembourser qu'en assignats de 5 livres ou monnaie blanche; 4° les fonds à faire aux payeurs des gages, auxquels il faut donner une portion en assignats de 5 livres pour éviter l'achat du numéraire nécessaire pour payer toutes les sommes au-dessous de 50 livres; 5° les secours aux hôpitaux, les prêts aux municipalités sur les seizièmes qui leur reviennent sur le prix des ventes; il a toujours été d'usage de remettre une partie de ces sommes en assignats de 5 livres; 6o le payement des employés de l'administration de la caisse de l'extraordinaire, frais de bureau et autres menues dépenses de la caisse.

«5 millions d'assignats de 5 livres pour satisfaire à tous ces objets, ne paraîtront pas sans doute laisser de marge aux abus, d'autant plus que du moment où le Trésor national a eu établi un service régulier pour procurer des échanges au commerce et aux établissements publics, la caisse de l'extraordinaire s'est fait une loi sévère de n'en faire aucun.

«Tels sont, Messieurs, les renseignements que je puis donner au comité, pour le passé ; mais comme je suis jaloux de concourir, autant qu'il dépend de moi, aux vues d'ordre qui ont déterminé la demande qu'il m'a faite, j'ai pris des mesures nécessaires pour pouvoir lui donner à l'avenir, quand il le désirera, l'état de l'emploi des sommes en assignats de 5 livres qui seront remises à la caisse de l'extraordinaire pour son service particulier. Cet état contiendra ce qu'il y a eu d'assignats de 5 livres employés dans chacune des caisses particulières, des remboursements, de l'échange des billets de caisse, de l'échange des coupons; et, dans l'état général, on distinguera ce qu'il y aura d'employé pour le payement des gagés, pour les secours aux hôpitaux, pour des prêts aux municipalités, etc., de manière que le comité puisse juger de ce que chaque nature de dépense peut absorber de petits assignats.

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Voilà, Messieurs, ce qu'il y a, dans la lettre, de relatif à cet objet.

(L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Rouyer. Je demande, par amendement, que le caissier soit tenu de remettre son registre avec ses notes.

Plusieurs membres: La question préalable sur l'article et sur l'amendement!

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 4 et sur l'amendement de M. Rouyer.)

M. Thuriot. L'Assemblée vient de prononcer qu'il ne fallait pas de compte détaillé de l'emploi qui a été fait des petits assignats; mais l'Assemblée entend bien que l'on rendra le compte général (Oui! oui!). Et je crois que l'Assemblée peut décréter qu'à l'avenir, M. Lecouteulx rendra un compte détaillé. (Oui! oui!)

(La discussion du projet de décret sur une

nouvelle émission d'assignats de 5 livres est de nouveau interrompue.)

M. Lemontey, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, qui informe l'Assemblée du résultat des négociations entamées avec le dey d'Alger, et qui communique à l'Assemblée une lettre de la chambre de commerce de Marseille sur le même objet; ces lettres sont ainsi conçues :

"

« Monsieur le Président,

« Le roi m'a chargé de vous instruire du résultat de la négociation dont M. de Missiessy-Quiès, et le capitaine Dommergues ont été chargés auprès du dey d'Alger. L'Assemblée nationale apprendra sans doute avec la plus grande satisfaction que les mesures de prévoyance et de conciliation ordonnées par Sa Majesté dans une circonstance aussi délicate qu'importante, ont eu un succès si complet, que la France doit regarder aujourd'hui le dey d'Alger comme un ami sur lequel elle peut compter plus que jamais. Après avoir entendu les explications que M. de Missiessy était chargé de lui donner sur ses différentes demandes, il a fait asseoir cet officier auprès de lui et lui a dit « Ecrivez au roi que je vous ai fait «asseoir comme un ami, ce que je ne fais pour « aucun envoyé. Je vais vous faire remettre la « lettre que j'écris à Sa Majesté, et celle que j'écris à son ministre. Je vous ferai donner " également trois chevaux dont je fais présent « au roi. Mandez lui que j'ai pris beaucoup de « part aux troubles de France, et que si mes se« cours avaient pu être utiles à la tranquillité « des Français, rien ne m'aurait coûté pour «prouver mon attachement à la nation française, "et particulièrement pour la personne du roi." (Applaudissements.) J'ai cru ne pouvoir mieux vous faire connaître les dispositions actuelles du dey, qu'en rapportant les paroles les plus remarquables dont il s'est servi pour les témoigner. Elles ne laissent plus aucun doute sur ses sentiments envers la France. M. de Missiessy-Quiès en a profité pour transiger avec lui sur ses diverses prétentions. Le prince les a même diminuées, de son propre mouvement. Lorsque j'aurai rassemblé tous les éclaicissements nécessaires pour connaître l'étendue de cette dépense extraordinaire, j'aurai l'honneur d'en mettre l'état sous les yeux de l'Assemblée nationale, en la priant d'en ordonner le payement.

«L'heureuse et prompte issue de cette négociation a parfaitement rétabli le calme et la sécurité dans la place de Marseille, ainsi que le prouve la lettre que m'ont adressée les commerçants de cette ville, et dont j'ai l'honneur de vous envoyer copie.

Je ne dois pas laisser ignorer à l'Assemblée nationale que le grand-maître de Malte, instruit des différends qui s'élevaient entre nous et la régence d'Alger, s'était hâté de prescrire aux commandants des escadres de la religion d'escorter nos bâtiments. Cette nouvelle preuve de l'intérêt et de l'attachement que prend l'ordre de Malte à la sûreté et à la prospérité des Français, et de leur commerce, est d'autant plus remarquable, que le grand-maître n'a pas attendu d'y être invité par Sa Majesté, et que la protection de son escadre aurait devancé celle de nos propres armements, si les dispositions du dey d'Alger eussent été réellement hostiles. » (Vifs applaudissements).

Je suis avec respect, etc...

Signé BERTRAND. »

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« Nous ne saurions mettre trop d'empressement à vous donner la nouvelle satisfaisante qu'il règne à Alger, dans ce moment, la meilleure intelligence entre la France et la Régence. C'est par le retour de la frégate la Modeste, au port de Toulon, que nous venons d'en recevoir l'avis. M. de Missiessy, qui commande cette frégate, ayant été forcé, par le temps, de relâcher aux îles d'Hyères, eut d'abord l'attention de faire savoir aux administrateurs du port de Toulon, qui en écrivirent tout de suite par exprès à notre chambre. La frégate étant ensuite arrivée en rade de Toulon, ils nous ont expédié par un courrier, les deux paquets à votre adresse que nous avons l'honneur de joindre ici. Il nous reste à vous témoigner la satisfaction que le commerce de cette ville a ressentie en apprenant une nouvelle aussi intéressante. C'est par l'effet des soins et de l'attention que vous donnez à tout ce qui regarde le bien de la navigation et du commerce, que les accidents auxquels ils pouvaient être exposés dans cette occasion, ont été sagement prévenus. Nous en sommes pénétrés de la plus vive reconnaissance, et nous vous prions d'en recevoir les assurances.

« Pour copie, etc... »

(Suivent les signatures.)

M. le Président. Messieurs, d'après le résultat du second tour de scrutin pour l'élection d'un président, il n'y a pas eu de majorité absolue : M. Brissot de Warville a obtenu 118 voix, M. Lacépède, 164. Ainsi, c'est entre ces deux membres que vous devez choisir votre président.

(L'Assemblée se retire dans les bureaux pour procéder à un troisième tour de scrutin et rentre en séance un quart d'heure après.)

La discussion du projet de décret sur une nouvelle émission d'assignats de 5 livres est reprise.)

M. Dorizy, rapporteur, donne lecture de l'article 5 du projet de décret du comité, qui devient article 4, et qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :

Art. 4 (ancien article 5.):

"Les commissaires de la trésorerie nationale rendront également un compte détaillé de l'emploi fait dans leurs différentes caisses, de la partie desdits 100 millions qui y a été versée par M. Lecouteulx, en exécution des décrets de l'Assemblée nationale. »

M. Dorizy, rapporteur. La suppression de l'article 4 nécessite une disposition additionnelle qui ait un effet certain pour l'avenir; j'ai rédigé en conséquence l'article suivant que je vous ai déjà présenté, et qui, avec l'amendement de M. Delaporte, adopté tout à l'heure, sera conçu en ces termes :

Art. 5 (nouveau).

"L'administrateur de la caisse de l'extraordinaire et les commissaires de la trésorerie nationale seront tenus de rendre un compte détaillé de l'emploi qui sera fait, sous leurs ordres et sous

leur responsabilité, des 25 millions qui leur sont accordés, tant par le présent décret que par celui du 11 de ce mois. Les payeurs de cette caisse, ceux de la trésorerie nationale, seront tenus dé fournir en tête de leurs quittances un bordereau des espèces et natures d'assignats qu'ils donneront en payement, à peine de rejet des quittances dans les comptes qu'ils rendront. »

Un membre: La rédaction de cet article me parait insuffisante pour prévenir l'agiotage que vous voulez détruire. Il est essentiel et je demande que les receveurs et les payeurs de district tiennent un registre exact de l'état de leurs payements et de la valeur des assignats.

M. Lavigne. J'approuve l'amendement proposé par le préopinant, mais je vous observe que le décret que vous rendez en ce moment n'est qu'un décret relatif à l'administration de la caisse de l'extraordinaire et de la trésorerie nationale; que le décret relatif à l'échange des assignats que le comité doit vous proposer, fait mention particulière des administrations de district, et que c'est à la suite de ce décret que vous devez appliquer l'amendement proposé; je demande donc l'ajournement au moment où l'on vous présentera le décret.

(L'Assemblée ajourne l'amendement et décrète l'article 5.)

M. Dorizy, rapporteur, donne lecture de l'article 6 (ancien article 7 modifié) qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :

Art. 6 (ancien 7 modifié).

« Le tableau général de distribution des 94 millions d'assignats de 5 livres remis à la trésorerie nationale, ensemble les bordereaux qui ont été tenus par les agents, pour l'échange de partie desdits assignats de 5 livres, en faveur du commerce et des départements, ainsi que les noms, qualités et demeures de ceux qui les ont échangés, seront imprimés et distribués dans les départements et districts du royaume, pour ce qui concerne chacun desdits départements ou districts. »

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M. Haussmann. Voici l'article additionnel que j'ai présenté au moment de la discussion de l'article 1er: Tous administrateurs et caissiers, tous chefs d'ateliers et autres personnes qui recevront des mandats pour faire des échanges d'assignats de 5 livres seront tenus de certifier la réception de ces assignats et de faire mention de leurs lettres et numéros. »

M. Crestin. Je demande la question préalable. Un membre: Je demande l'ajournement de l'article.

(L'Assemblée décrète l'ajournement de l'article additionnel de M. Haussmann.)

M. le Président. Voici le résultat du troisième tour de scrutin pour l'élection d'un président M. Brissot de Warville a obtenu 156 voix; M. Lacepède, 321. En conséquence, je proclame M. Lacepède, président.

M. Dupont-Grandjardin. Je demande à faire une motion d'ordre en vue d'accélérer les travaux de l'Assemblée, toujours interrompus par des questions incidentes et étrangères à l'ordre du jour. Je propose de fixer un jour de chaque semaine pour les divers objets qui doivent occuper l'Assemblée, et je demande le renvoi de ma proposition au comité de législation.

Plusieurs membres : L'ordre du jour! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. Dupont-Grandjardin, au nom du comité de la trésorerie nationale, présente un rapport (1) sur les subsistances de l'armée; il s'exprime ainsi : Messieurs, le ministre de la guerre ayant demandé en avance à la trésorerie nationale les fonds nécessaires pour faire, pendant les mois de novembre et décembre 1791, janvier, février et mars 1792, les masses de boulangerie et de fourrages pour la consommation de l'armée pendant l'année 1792, les commissaires de la trésorerie, scrupuleusement attachés à l'exécution de la loí, lui répondirent qu'ils ne pouvaient, sans un décret particulier du Corps législatif, lui délivrer aucun fonds d'avance: alors, le ministre s'est empressé de solliciter ce décret par sa lettre du 19 du présent mois, que vous avez renvoyée à votre comité de la trésorerie, pour vous en rendre compte.

Votre comité a pensé que ses fonctions se réduisaient à examiner si les avances demandées par le ministre sont raisonnables, et s'il est avantageux pour la chose publique, qu'elles lui soient faites par le Trésor national.

Votre comité militaire examinera si les moyens actuels de pourvoir aux besoins de l'armée sont en même temps et les plus avantageux au maintien de la force publique, et les plus économiques pour les finances de la nation; il verra si, pour toutes les entreprises de fournitures, une adjudication publique au rabais, annoncée quelque temps d'avance, ne serait pas plus avantageuse au Trésor, qu'une transaction secrète passée entre le ministre et quelques compagnies de capitalistes.

Votre comité de la trésorerie, se renfermant dans les bornes de l'objet particulier qui le concerne, a examiné attentivement la demande du ministre, et il n'a pas balancé à reconnaître l'utilité, la nécessité même de l'avance qu'il sollicite. Plus les approvisionnements sont considérables, et plus il est intéressant pour l'économie de saisir les instants favorables. Leur succès ne peut avoir lieu que pendant certains mois, dont il est avantageux de profiter. Pour en profiter, il est nécessaire d'avoir quelques fonds d'avance, et il n'est pas douteux qu'il vaut mieux recevoir ces fonds du Trésor public que des fournisseurs.

Ces considérations présentées à l'Assemblée constituante par M. Bouthiller, lui parurent assez puissantes pour la déterminer à s'écarter de l'ordre qu'elle avait prescrit pour les versements à faire par le Trésor public pour toutes les dépenses de la guerre. Celles des masses générales d'hôpitaux, d'effets de campement, de chauffage, etc., devant avoir lieu dans tous les mois de l'année, elle crut qu'il suffisait d'un versement successif, et elle ordonna qu'il se ferait par douzième le 1er de chaque mois; mais pour les masses de boulangerie et de fourrage, elle reconnut qu'elles nécessitaient de grands approvisionnements, qui ne pourraient se faire avec avantage sans quelques avances; en conséquence, par son décret du 1er février 1791, elle ordonna que le ministre des finances serait autorisé à verser entre les mains du ministre de la guerre, et par égale portion, dans chacun des mois de novembre, décembre,

(1) Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection des affaires du temps, Bf. in-8 165, tome 141, n° 27.

janvier, février et mars, les trois quarts des fonds destinés à ces masses.

Inutilement opposerait-on que, pour faire ces avances, le ministre de la guerre n'a pas besoin de recourir à celles du Trésor public; que les mois cités étant ceux des congés de semestre, la suspension des appointements des militaires absents, couvrira de reste ces avances.

M. Bouthiller, rapporteur, donna les mêmes raisons à l'Assemblée constituante, pour prouver que l'avance qu'il proposait était plus fictive que réelle, et qu'en dernier résultat, les fonds à former par mois au ministre de la guerre, pour toutes les parties, n'excéderaient jamais le douzième de leur totalité.

Vous sentez, Messieurs, qu'il est impossible que les mêmes raisons puissent, en même temps, justifier l'utilité et l'ínutilité des mêmes mesures.

Ceux qui les opposeraient à la demande du ministre ne feraient pas attention, qu'au moins pour cette année, elles n'auraient pas d'application, puisque les circonstances ont empêché d'accorder des congés de semestre.

Enfin, l'objection n'aurait de force que dans la supposition que le ministre de la guerre recevrait en chaque mois le douzième des sommes fixées pour son département, sans considérer le complet ou l'incomplet de l'armée mais il est de fait qu'il ne donne d'ordonnances sur le Trésor que proportionnellement aux dépenses effectives.

S'il en était autrement, il existerait encore des bons de caisse; mais cet ancien abus a été totalement proscrit par l'Assemblée constituante, et c'est pour l'empêcher de renaître qu'elle forma l'établissement de la trésorerie nationale. C'est à cette caisse unique des recettes et dépenses ordinaires que se font tous les versements, c'est par elle que se font tous les payements, et elle n'en fait qu'à mesure des besoins. Tous les trésoriers répandus dans l'Empire ne sont que ses auxiliaires et comme ses premiers commis, qui ne peuvent jamais avoir de bons de caisse."

Après avoir établi que les avances demandées par le ministre sont nécessaires, il ne reste plus à votre comité qu'à vous en déterminer le mon

tant.

Le décret déjà cité du 1er février les fixe, pour 1791, aux trois quarts des masses de boulangerie et de fourrages, payables en cinq portions égales.

Le même décret fixe la masse de boulangerie pour l'infanterie française et suisse à 48 livres par an pour chaque homme.

La loi du 4 août la porte à la moitié en sus de celle des autres troupes pour les corps résidant à Paris.

C'est encore dans la loi du 11 février dernier qu'on trouve fixée à 290 livres par cheval la masse des fourrages.

Nous ne voyons rien qui engage à changer pour le moment ces fixations.

Prenant donc ces données pour bases de nos calculs, il n'est plus question que de connaître le nombre d'hommes et de chevaux qui devront composer l'armée française, pour avoir le montant des masses de boulangerie et de fourrages.

Mais, Messieurs, comment pourrions-nous vous proposer à cet égard une mesure définitive? Ne dépend-elle pas évidemment du nombre d'hommes et de chevaux dont il vous plaira de composer l'armée de terre pour l'année 1792?

Suivant l'article 8 de la section 1r du chapitre III du titre III de la Constitution, vous devez

statuer annuellement, après la proposition du roi, sur cet objet important. Suivant l'article 7 du chapitre précédent, le ministre était tenu, à l'ouverture de votre session, de donner l'aperçu des dépenses à faire dans son département. Ces deux mesures auraient dû précéder sa demande qui en est une dépendance naturelle; et faute de les avoir suivies vous ne pouvez adopter, et votre comité ne doit vous proposer que des dispositions provisoires : telles et plus dangereuses encore seront toujours les suites de l'oubli de la Constitution.

Cependant les besoins qui pressent avec l'avancement de la saison, déterminent votre comité à vous proposer de fixer l'avance des masses sur le nombre actuel de l'armée française, d'après l'état que le ministre en a donné à lá trésorerie.

Suivant cet état, l'infanterie française est de 225,118 hommes. Sur ce nombre, 218,111, sont fixés, pour la masse de boulangerie, à 48 livres par an; ce qui forme un total, pour l'année, de.... 10,469,328 liv.

Dont les trois quarts sont.... 7,851,996 7,007, à cause de leur résidence à Paris, ont leur masse de boulangerie fixée à 72 livres; ce qui fait au total..... 504,504 liv.

Dont les trois quarts sont.. 378,378 Ainsi, la masse entière de boulangerie, pour toute l'armée française, est de. 10,973,832 liv. Et les trois quarts de.... 8,230,374

Le même état porte le nombre des chevaux de l'armée française à 36,176, qui, à raison de 270 livres par cheval, portent la masse de fourrages, pour toute l'armée, à.... 9,767,520 liv. Et les trois quarts à celle de.. 7,325,640

Votre comité pense qu'il est urgent d'accorder des avances au ministre, pour le mettre en état de former avec avantage les approvisionnements nécessaires à ces différentes masses; mais il ne vous proposera de mettre à sa disposition que les deux cinquièmes à peu près des trois quarts des masses générales de boulangerie et fourrages, par portion égale, dans les mois de novembre et de décembre, parce que, après avoir examiné l'aperçu des dépenses de son département que, sans doute, il ne tardera pas à vous remettre, vous serez à même de juger des dépenses qu'il conviendra d'ordonner pour l'année 1792; et, en même temps, il croit nécessaire, pour l'ordre de la comptabilité, de vous proposer d'ordonner que les commissaires de la trésorerie ouvriront, dès à présent, pour cet objet le registre des exercices de 1792.

C'est d'après ces considérations, et après en avoir conféré avec votre comité militaire, que votre comité de la trésorerie vous propose les décrets suivants :

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La séance est ouverte à six heures du soir.

Un membre présente à l'Assemblée une adresse du département de l'Oise, qui demande la solution de quelques difficultés survenues au sujet de l'élection et du remplacement des administrateurs de ce département.

(L'Assemblée ajourne la discussion de cette adresse.)

M. Tanaïs, colon de la Martinique, est admis à la barre et expose les horreurs auxquelles il dit avoir été livre, pendant 6 mois, par les ordres arbitraires de MM. Vioménil, Damas et Béhague; il s'exprime ainsi :

Messieurs, j'arrive de la Martinique. J'étais domicilié depuis 25 ans dans la ville du FortRoyal; je n'ai cessé d'y jouir de l'amitié de tout le monde, qu'à l'instant où mon amour pour la Révolution française m'a attiré la haine des planteurs, et les persécutions de mes débiteurs.

M. Vioménil, après avoir repoussé la cocarde nationale, obligé de céder aux vœux des Français de la colonie, voulut les en punir et ensanglanter la Révolution. Je fus député à la ville de Saint-Pierre pour dénoncer M. Vioménil et y demander du secours. Tous les citoyens se réunirent d'abord contre lui; tous les grands propriétaires et les créatures du gouvernement devinrent bientôt ses défenseurs. Ils dominèrent dans une assemblée coloniale qui fut créée, et,

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