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depuis cette époque, ils sont restés réunis pour étouffer le sentiment de la régénération.

Les patriotes ont résisté vainement; leur sort a été constamment de gémir dans l'humiliation, ou d'être en proie aux horreurs de la guerre. M. Damas a remplacé M. Vioménil sans changer de système. Il fut déclaré imbécile à son arrivée dans l'ile; il fut destitué de toutes ses places par l'assemblée coloniale, que ne lui remit, au bout de deux mois, le gouvernement, que pour le faire obéir à toutes ses volontés.

Au mois de septembre 1790, les patriotes purent faire entendre leurs voix. M. Damas et l'assemblée coloniale s'enfuirent du Fort-Royal, pour s'entourer des colons qu'ils trompèrent, et des gens de couleur qu'ils armèrent. Je fus envoyé deux fois de suite vers eux, pour leur porter des propositions de paix. Ils les repoussèrent et suivirent les instructions du sieur Bellevue, leur député extraordinaire auprès de l'Assemblée constituante. Dans sa lettre du 15 juin 1790, il leur écrivait : « Je vous avertis que vous n'aurez jamais que ce que vous prendrez; prenez donc et soyez inflexibles. Le moment des réclamations violentes est venu pour vous comme pour toute la France. J'irai parmi vous, comme ce matelot anglais qui, mutilé par les Espagnols, se présenta à la barre du Parlement d'Angleterre, encore tout ensanglanté et détermina la guerre.

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Les conseils du sieur Bellevue déterminèrent la guerre, et elle a été cruelle. Le 25 septembre, les patriotes tombèrent dans une embuscade. La plupart furent inhumainement massacrés. Je fus pris, dépouillé de mon argent et de mes habits et accablé d'injures. Arrivé au camp, je fus conduit dans la chambre du sieur Beauregard. Là, je fus inhumainement percé à coups de baïonnettes et de sabres; on demandait ma mort, je la demandai moi-même, et je n'y aurais pas échappé, sans la protection de deux mulâtres qui me préservèrent de la fureur de ceux qui m'entouraient.

Couvert de blessures, je fus mis aux fers par l'ordre de M. Drouy qui commandait, et jeté dans une écurie au milieu des fiévreux et des galeux, ayant à peine pour vivre de l'eau et de la morue. Notre garde fut confiée à deux blancs, deux monstres, dont la conduite atroce ne peut se rendre par aucune expression. On fit panser mes blessures, dans l'espoir de m'arracher des déclarations, et l'on me fit subir un interrogatoire sur la sellette, au milieu des baïonnettes, tout ensanglanté que j'étais, pour me forcer à avouer des complots qui n'ont jamais existé. L'excès de mes maux me porte à regretter de ne m'être pas brûlé la cervelle. Un officier, nommé Pierre Bellefond, venait me voir quelquefois. Je l'implorai cent fois de m'apporter un pistolet, de la poudre et des balles; il fut inflexible.

Il y avait 7 mois et demi que j'étais en cet état, lorsque M. de Béhague arriva à la Martinique. Les secours donnés à l'assemblée coloniale par MM. Rivière et Orléans entretenaient la guerre contre les patriotes. J'écrivis aux commissaires civils pour demander à être transféré au FortRoyal et y être jugé. L'on ne pouvait plus se soustraire à cette juste demande. Ce moment devait être celui de ma délivrance et je sortis de prison. Ne pouvant marcher, je fus mis sur un tombereau et lié avec des cordes. Tous ceux qui étaient détenus avec moi furent liés deux à deux et on nous conduisit pendant 7 lieues, comme en trophée, au milieu des plus cruelles injures. On nous jeta ensuite dans un bateau, en rade de Fort-Royal, entre deux vaisseaux de ligne. Nous

étions gardés par un officier de marine et 20 matelots et nous couchions sur des pierres.

M. de Béhague donna l'ordre de m'empêcher d'écrire, ni de faire aucune demande. Cependant, les capitaines et les négociants de Saint-Pierre apprirent, par voie indirecte, que j'étais renfermé dans le bateau, pendant qu'à terre on me faisait passer pour mort. Ils firent une députation aux commissaires, et leur exposèrent l'état de mes affaires, toutes mes marchandises endommagées, mon magasin fermé depuis 7 mois et demi, l'impossibilité de me faire payer par les planteurs. Ils déclarèrent qu'ils les rendraient responsables de ce que je devais. Toutes ces circonstances les déterminèrent à ordonner ma délivrance, mais ils me firent recommander de ne point aller au Fort-Royal, que j'y serais indubitablement assassiné, qu'ils n'y étaient pas les maîtres. Je me suis réfugié à Saint-Pierre où tous les citoyens se sont empressés de me donner des consolations.

Je suis venu réclamer des législateurs la justice qu'on m'a refusée dans ma patrie. Après tant de souffrances, ma ruine est consommée, et les moyens de poursuivre mes persécuteurs me semble interdits. Un commis qui, au Fort-Royal, s'était chargé pour moi de faire des recouvrements, vient, dans ce moment, d'être obligé de s'expatrier avec toute sa famille. Mais ici, mon espoir renaît. L'Assemblée nationale percera enfin les événements dont la Martinique a été le théâtre. Elle verra que trois gouverneurs, d'accord avec l'assemblée coloniale, et peut-être avec les ministres, ont fait l'un après l'autre tous leurs efforts pour anéantir la Constitution et étouffer le patriotisme. Elle saura que les fonds envoyés dans les colonies pour les dépenses annuelles, ont été employés pour soutenir la guerre contre les patriotes.

Je réclame, Messieurs, votre justice et votre humanité. Je vous demande réparation des dommages causés par toutes les pertes que j'ai essuyées. Je vous demande, pour la nation, justice de tous les outrages qui lui ont été faits à la Martinique par les ennemis de la Constitution. (Applaudissements.)

M. le Président. Monsieur, l'Assemblée nationale prendra en considération la pétition que Vous venez de lui présenter. Elle vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements.)

M. Dehaussy-Robecourt. Je demande le renvoi de la pétition au comité colonial. (Oui! oui!)

(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Tanaïs au comité colonial.)

Un ecclésiastique, ci-devant chanoine de Tours, et actuellement maire de Nogent-le-Rotrou, est admis à la barre; il dénonce à l'Assemblée le despotisme des administrateurs de l'Hôtel-Dieu et du collège de la ville de Nogent-le-Rotrou, et s'exprime ainsi :

Messieurs, nous ne pouvons plus le dissimuler, il existe dans toutes les villes du royaume deux partis divisés par les querelles religieuses. La ville de Nogent-le-Rotrou, chef-lieu du district de ce nom, département de Loir-et-Cher, est plus que toute autre ville agitée de ce vertige. Le dimanche 20 de ce mois, les deux partis se trouvaient en présence les armes à la main.

Législateurs, une étincelle peut allumer le feu de la guerre civile, qui embraserait la France et consumerait la Constitution. Les ennemis de la patrie ne le cachent plus, ils n'attendent que la

première explosion. Les foyers de conspiration, intérieurs et extérieurs se communiquent, et l'on doit craindre, dans la ville de Nogent, une vieille corporation formée des débris de la féodalité et de la fiscalité. Cette corporation subsiste sous le nom de bureau de l'Hôtel-Dieu, telle qu'elle existait avant 1789. La Constitution la réprouve, le peuple la voit avec effroi, et ne lui a jamais donné son assentiment. Elle délibère, elle ordonne, elle agit à l'égal des autorités constituées dont elle se croit la rivale, je dirais presque la supérieure. Sous le prétexte apparent d'administrer l'Hôtel-Dieu, le bureau s'assemble la nuit comme le jour, mais ce rassemblement des membres qui le composent n'a véritablement pour objet que de se communiquer leurs opinions et de tracer leur plan. Ce bureau est composé d'un sieur Saint-Paul, ancien major de cavalerie favorisé de la cour, et à qui la Constitution a fait perdre sa haute noblesse (Applaudissements dans les tribunes.); d'un sieur Bourdon, à qui le peuple n'a donné aucune place dans le nouveau régime, et privé par la Constitution du titre de conseiller du roi, échevin de la ville; d'un sieur Bruzot, à qui le peuple n'a jamais donné la moindre marque de confiance, et qui a perdu par la Constitution le titre imposant de procureur du roi; d'un sieur Gautier, à qui la Constitution a fait perdre la place de secrétaire dans l'ancienne municipalité, et une charge utile dans les gabelles; d'un sieur Goilard, à qui la Constitution a fait perdre celle de juge de la ville et de subdélégué de l'intendant; d'un curé de la ville, qui aussitôt son admission, après avoir remplacé un pasteur non sermenté, a profité de son titre d'administrateur de l'Hôtel-Dieu pour dépouiller et s'emparer de toutes les fonctions d'un confrère élu par le peuple en vertu de la Constitution; enfin, du sieur Cron, commissaire du roi, à qui la Constitution a fait perdre le titre de juge, d'avocat du roi, de procureur du roi, de maire de la ville, de receveur du grenier à sel, et qui, avec le traitement que la nation lui paie, entretient aux Tuileries, la dame Hervé, sa fille, son gendre, garde du roi, à Coblentz, l'un de ses fils officier au régiment de Warwick, aussi à Coblentz, et son autre fils, ci-devant avocat, également à Coblentz. (Applaudissements.)

Dès que le mépris dont les législateurs ont voulu couvrir le délire du fanatisme eut détruit l'espoir des ennemis de la Constitution, le bureau de l'Hôtel-Dieu de Nogent expulsa successivement de cette maison le chapelain assermenté, les sœurs patriotes, le chirurgien et son élève patriotes, tous ceux enfin qui osèrent manifester leur respect pour la Constitution. La municipalité elle-même a été formellement exclue de toutes les délibérations anticiviques de ce bureau, et le département, trompé sans doute par les talents et par les réponses d'un rassemblement d'anciens formalistes, croyant faire triompher la bonne cause, a toujours prononcé contre la municipalité.

Victime de ma soumission à la loi, criminel aux yeux de ce rassemblement, d'avoir prêté mon serment, je recevais paisiblement dans mon église les ecclésiastiques non sermentés, les invitant même, avec toute la tolérance de la philosophie et de la religion, à disposer fraternellement de tout ce qui dépendait de moi pour le libre et tranquille exercice de leur culte, lorsque les électeurs, mes collègues, réunis pour les élections à faire dans notre territoire, me nommèrent successivement président du corps électoral, et Are SÉRIE. T. XXXV.

membre de l'administration, et les administrateurs eux-mêmes, président de l'administration. La confiance du peuple irrita les membres du bureau, ils sollicitérent mon exclusion et le département la prononça. Les citoyens de la ville réunis à l'assemblée primaire pour la formation de la municipalité, m'ont élu maire à la grande majorité des suffrages. Le département à prononcé contre moi une troisième proscription."

La ville de Nogent demande la suppression totale et prompte de l'administration de l'HôtelDieu, de ce corps voué à l'impiété et proscrit par la Constitution. A cet effet, elle remet sur le bureau de l'Assemblée nationale sa pétition légalement souscrite, par environ 300 individus, tous citoyens actifs et fonctionnaires publics, tous véritables citoyens. Le but de cette pétition est de ne plus laisser subsister que les corps établis par la Constitution. (Applaudissements dans les tribunes.)

M. le Président. Monsieur, l'Assemblée nationale prendra votre demande en considération; elle vous invite à assister à sa séance.

M. Léopold. Je demande que l'Assemblée veuille bien renvoyer cette pétition à celui de ses comités qui doit en connaître, et l'on verra qui a raison, ou de toutes les autorités constituées du département, ou du ci-devant chanoine de Tours, porteur de cette pétition.

Un membre: Nous ne pouvons plus douter, d'après cette pétition, qu'il existe à Nogent une guerre entre les citoyens et le bureau dont ils demandent la suppression. Le pétitionnaire a eu raison de vous dire qu'il était plus sage encore et plus juste de faire une loi pour prévenir le crime, que de mettre les lois faites à exécution pour le punir. Je demande le renvoi de la pétition au comité de législation, pour qu'il vous en fasse un rapport.

M. François de Neufchâteau. J'appuie cette proposition, mais je la généralise en demandant une loi pour tout le royaume. Ces sortes de bureaux, qui existent encore dans beaucoup de villes, ont été composés à l'origine d'après la base des trois ordres, le clergé, la noblesse et le tiers Etat. C'est une ancienne barbarie féodale que vous ne pouvez laisser subsister. (Applaudissements.)

(L'Assemblée décrète que le comité de législation sera chargé de présenter une loi générale sur les bureaux d'administration des hôpitaux du royaume.)

M. Gysbert-Estein, Hollandais réfugié, est introduit à la barre : il présente une réclamation au sujet des pensions accordées à ses compatriotes réfugiés comme lui, et s'exprime ainsi :

Messieurs, je me nomme Gysbert-Estein, Hollandais, ancien trésorier de la commission des guerres de la ville d'Amsterdam. Dans mon pays je fus patriote, je le suis aujourd'hui envers ma patrie adoptive. Apprenez, législateurs, quel sort m'y attendait.

Lorsque les Hollandais, en 1788 et en 1789, ont fui le despotisme, la France les recevait avec toute l'humanité possible, en donnant à ces fugitifs des secours, par forme de pensions, pour fournir à leurs besoins. Ils établissaient parmi eux des représentants. Le suppliant fut honoré de leur choix. Jamais il n'a été dans le cas de se déshonorer, et c'est sur sa conduite sur laquelle on a élevé des soupçons, qu'il demande un examen sévère. On l'accusa de ne pas avoir 27

rendu ses comptes, et il a été privé de sa pension. Cependant des certificats, déposés chez des notaires de Paris, établissent qu'il les a rendus.

Je demande : 1° La liberté, pour mes compatriotes qui habitent la ci-devant province de Flandres, de dépenser les pensions que vous voulez bien leur accorder où bon leur semblera dans le royaume; 2° Un examen sévère sur l'administration de ces pensions; 3° Un décret par lequel il sera accordé au suppliant les arriérés de sa pension, depuis le mois de mai 1789, pour les sacrifier à la patrie. (Applaudissements.)

Oui, sénateurs, je les sacrifierai. Pourquoi ? Pour vous fournir des bras pour défendre votre Constitution. Daignez entendre les vœux des patriotes, mais sachez qu'on doit contribuer à prévenir les crimes, pour diminuer le soin de les punir. (Applaudissements.)

Votre bon patriote, M. Daverhoult, vous a prévenus hier. Songez et réfléchissez. Armez-vous et défendez la Constitution (Applaudissements.) avant que vous tombiez dans les fers. Nous vous servons d'exemple. Les Belges, les Liégeois, tous vous sont attachés. Me permettez-vous de vous assurer, non seulement que vous-mêmes, mais que tout honnête réfugié doit défendre la cause de sa patrie adoptive? c'est dans ces sentiments que le suppliant offre de verser les dernières gouttes de son sang. (Applaudissements.)

M. le Président. L'Assemblée nationale applaudit à votre zèle et à votre patriotisme! vous pouvez être assuré qu'elle vous rendra justice; elle vous invite à assister à sa séance.

Plusieurs membres demandent qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal, de l'offre généreuse de M. Gysbert-Estein.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette offre dans le procès-verbal.) M. Gossuin. Je demande le renvoi de la pétition aux comités diplomatique et des pensions réunis.

(L'Assemblée renvoie la pétition de M. GysbertEstein aux comités diplomatique et des pensions réunis.)

Une députation des porteurs de quittances d'actions de l'administration des Eaux de Paris est introduite à la barre.

M. Paumier, orateur de la députation, lit une pétition fréquemment interrompue, à cause de sa longueur. Il se plaint des déprédations du ministère, des malversations de quelques administrateurs de la compagnie, et notamment de MM. Gouy-d'Arcy, Caron de Beaumarchais, Lecouteulx-Lanoraye, etc.; de la partialité de la municipalité, du comité des domaines de la ville et demande le rapport du décret rendu par l'Assemblée constituante qui concerne la compagnie de M. Perrier.

(L'Assemblée renvoie la pétition au comité des domaines et accorde aux pétitionnaires les honneurs de la séance.)

Un membre: Le temps que vous employez à entendre les pétitionnaires est un temps très précieux. Je respecte sans doute leurs motifs, mais nous sommes ici pour faire et non pour entendre. Je demande que les pétitionnaires communiquent leurs pétitions à M. le Président (Murmures.) ou à telj autre (Murmures.) avant d'être admis. Si vous le préférez, je propose à l'Assemblée d'assujettir les pétitionnaires à lire l'extrait de leur pétition, avant de s'engager dans une lecture souvent très longue.

(L'Assemblée adopte cette proposition.)

Un citoyen, chargé des pouvoirs du sieur Revoux, colonel de la septième division de la gendarmerie nationale du département de la Gironde, présente à l'Assemblée la pétition de cet officier relative au payement d'une pension de 800 livres qui lui a été accordée par brevet du 12 novembre 1783, pour récompense de ses services, et que le département de la Gironde, chargé de l'acquitter, refuse de lui payer.

(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de liquidation et accorde au pétitionnaire les honneurs de la séance.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Duportail, ministre de la guerre; cette lettre est ainsi conçue:

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Paris, le 26 novembre 1791. Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur de vous prévenir que, sur la demande du directoire du département de la Somme, le roi a jugé convenable d'y envoyer deux escadrons de troupes à cheval, pour protéger la circulation des grains qui a rencontré des obstacles dans cette partie du royaume. Les dispositions ordonnées par Sa Majesté pour remplir cet objet, ont nécessité le déplacement de deux régiments, et, dans le mouvement qu'ils doivent faire, ils logeront dans quelques villes situées en deçà de la distance de 30,000 toises du lieu des séances de l'Assemblée nationale. Je joins ici, en conséquence, la copie de la route que ces troupes doivent tenir et la date de leur passage, pour lequel je vous prie de vouloir bien demander l'autorisation de l'Assemblée nationale.

«Je suis avec respect, etc.

Signé DUPORTAIL ». M. Lacombe-Saint-Michel. Je convertis en motion la demande du ministre de la guerre. (L'Assemblée accorde la demande du ministre de la guerre.)

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En conséquence, le décret suivant est rendu : L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de la lettre du ministre de la guerre, tendant à obtenir l'autorisation du Corps législatif pour le passage du cinquième régiment des chasseurs, et du dix-huitième régiment de cavalerie par les villes de Chaunes, Meaux, Dammartin, Senlis, Breteuil, Clermont et Melun, autorise le pouvoir exécutif à faire passer ces deux régiments dans lesdites villes de Chaunes, Meaux, Dammartin, Senlis, Breteuil, Clermont et Melun, pour se rendre dans le département de la Somme. »

M. Omarot est introduit à la barre et fait hommage à l'Assemblée nationale d'une Manauvre propre à sauver du naufrage les vaisseaux surpris par la tempête.

(L'Assemblée renvoie l'examen de l'ouvrage de M. Omarot aux comités réunis de marine et de commerce et lui accorde les honneurs de la séance.)

M. Gauthier est introduit à la barre. Il annonce avoir découvert le moyen d'empêcher la contrefaçon des assignats, et il offre de communiquer cette découverte au comité des assignats de l'Assemblée.

(L'Assemblée accepte l'offre de M. Gauthier et lui accorde les honneurs de la séance.)

M. Mounier-Delachapelle, citoyen de la section des Lombards, ancien militaire, présente une

pétition où il expose que la Révolution à renversé sa fortune, qu'il ne peut plus subvenir à la subsistance et à l'entretien de sa femme et de ses enfants, à cause de son âge, de la faiblesse de sa santé, et des pertes qu'il a essuyées. Il réclame la bienveillance de l'Assemblée.

(L'Assemblée renvoie la pétition de M. MounierDelachapelle au comité des secours publics et lui accorde les honneurs de la séance.)

M. Rovère est introduit à la barre et expose à l'Assemblée le tableau des persécutions auxquelles, selon lui, les patriotes d'Avignon sont en butte: il s'exprime ainsi :

Messieurs, j'étais député d'Avignon et du comtat Venaissin, pour solliciter leur réunion à l'Empire français: le succès a couronné mes travaux. J'était bien loin de croire alors que je serais obligé de venir à la barre de l'Assemblée faire entendre les cris de la douleur et les accents plaintifs de mes commettants persécutés par ceux que la loi avait envoyés pour les protéger. M. le Président. Monsieur, un décret de l'Assemblée nationale porte que les pétitionnaires liront d'abord l'extrait de leur pétition.

Plusieurs membres: Non! non! Qu'il parle! (L'Assemblée décide que le sieur Rovère sera entendu en entier.)

M. Rovère. Une violation manifeste du droit des gens, des meurtres, des emprisonnements arbitraires, des pillages, des mauvais traitements de tout genre, des menaces, et enfin un raffinement de cruauté inconnu à tous les tyrans dont les noms souillent l'histoire ancienne et moderne, voilà ce qu'offrent dans Avignon et le Comtat, les agents du pouvoir exécutif. Ils se disent ministres de la loi, et ils ne s'en servent que pour écraser, pour vexer ceux qui ont adopté cette loi, ceux qui ont combattu pour elle, ceux qui on versé leur sang pour la conquérir.

Des crimes ont été commis à Avignon le 16 octobre dernier. Vous avez ordonné, Messieurs, que les crimes seraient recherchés et punis. Vous avez satisfait aux grandes obligations que vous impose votre qualité de représentants de la nation, et si en déployant d'un côté toute la sévérité que votre caractère exige, vous tolériez plus longtemps les forfaits que je vous dénonce, vous cesseriez d'être justes, et la nation française, qui attend tout de vous, frémirait de rage et de douleur de voir ses espérances déçues et la tyrannie des agents du pouvoir exécutif remplacer le despotisme qu'elle croyait à jamais disparu de l'Empire.

Le sieur Choisy, lieutenant général des armées, s'est emparé de la ville d'Avignon le 7 de ce mois, à la tête de 3,000 hommes de troupe de ligne, la plupart allemands. Il a dit, en entrant: «Malheur à ceux qui sont du mauvais parti. Les amis de la Constitution ne croyaient pas que ce peu de mots renfermaient une sentence de mort contre eux. Ils ont vu arriver le lendemain MM. Le Scène, Champion et d'Albignac, commissaires civils; ils étaient suivis des émigrants, occupés depuis leur fuite à machiner un plan dé contre-révolution. Les délibérations des sections d'Avignon présentées au Corps législatif, au pouvoir exécutif et aux commissaires civils arrivés à Orange, annonçaient la répugnance qu'éprouvaient les patriotes, en voyant le sieur Le Scène rentrer dans une ville où il avait déjà occasionné des malheurs par sa conduite partiale et despotique.

Le massacre commis par le cinquième régiment

des hussards, sous les yeux des médiateurs, leurs menaces réitérées de détruire les amis de la Constitution, étaient des motifs bien susceptibles d'éloigner ces hommes dangereux; vous avez ajourné, Messieurs, ces deux questions par votre décret du 3 novembre. Rien de ce que la justice exigeait impérieusement n'a été fait, tandis que les dispositions les plus contraires aux intérêts des patriotes et aux droits sacrés de l'homme ont été ordonnés, et mises à exécution: on a voulu accabler les amis de la Constitution dans Avignon et dans le Comtat. Un projet s'est formé contre eux, leurs têtes ont été désignées à la mort par le démon exterminateur de l'aristocratie; on a voulu, par cet exemple effrayant, éloigner de vous les autres peuples que les bienfaits de la déclaration des droits de l'homme allaient réunir à l'Empire français. Le sieur Le Scène et ses collègues ont fait jeter dans les cachots tous ceux qui se sont distingués dans la Révolution, ils n'ont pas respecté ceux mêmes qui s'étaient mis à genoux devant le peuple pour fléchir sa colère, ceux qui s'étaient entourés des Français pour tâcher de remédier aux maux affreux d'un peuple qui va faire justice, sans dénonciations, sans accusations, sans décrets: hommes, femmes, vieillards, Avignonnais, Comtadins, tout a été conduit, le sabre à la main, traîné par les cheveux dans les prisons. La fuite n'a pu sauver une seule de ces infortunées victimes des vengeances du sieur Le Scène. Des ordres ont été donnés, exécutés par les départements voisins, et il a vu cette jouissance barbare s'augmenter par le nombre des compatriotes amenés des extrémités de la France.

Il vous a écrit que c'était pour les soustraire à la fureur du peuple, et ils étaient absents; comment eût-elle pu agir sur eux? Les Comtadins, paisibles dans leurs foyers, partagent le sort des Avignonnais; on ne pouvait les soupçonner d'avoir pris part aux événements du 16 octobre; cependant ils subissent le même sort. Enfin, plus de 300 citoyens gémissent illégalement dans les fers; ceux qui ont voulu s'exposer ont été assassinés sur leurs toits; Avignon a été livrée aux mêmes horreurs par le sieur Le Scène, que Sorgues l'avait été précédemment; les maisons des patriotes ont été pillées, leur argent enlevé, leurs meubles ravis ou détruits, les femmes mêmes n'ont pas été respectées; elles ont été traînées par les cheveux et accablées sous les coups de ses barbares satellites.

Les membres de l'administration provisoire sont aux fers, et le sieur Guillaume, qui le premier a porté une main parricide sur Lescuyer, est revêtu de l'écharpe nationale. Cette municipalité provisoire, cette municipalité d'Avignon, dénoncée, accusée, suspendue de ses fonctions, a été rétablie les armes à la main; elle s'est transportée chez le sieur Mainvielle père, lui a enlevé sa vaisselle d'argent, l'a menacé de le faire rentrer dans la prison d'où il était sorti la veille. Des traits aussi noirs sont parvenus à la connaissance des districts voisins où ils ont porté la terreur et l'indignation. Des députations de Marseille, d'Aix et de plusieurs autres villes de la ci-devant Provence, se sont rendues à Avignon pour demander à ces hommes sanguinaires, sí leur intention était d'être les bourreaux des patriotes. J'ignore même encore la plupart des actes de civisme des Provençaux, mais je crains, Messieurs, que ces hommes qui ont la Constitution dans la bouche, l'aristocratie

dans le cœur, et la loi à la main pour détruire les amis de la Constitution, ne donnent des ordres sévères pour repousser les pétitions des ci-devant Provençaux, et que ce refus ne développe le germe de ce fléau destructeur qui nous menace la guerre civile.

Si des ordres prompts, émanés directement du Corps législatif, ne font cesser cette persécution odieuse, la tranquillité de l'Empire est compro

mise.

Voilà, Messieurs, la perspective qu'offre le sol de la France, suite de la conduite des agents du pouvoir exécutif. Vous avez déjà réprimé un abus d'autorité effrayant qu'ils avaient commis, Vous avez cassé avant-hier ces juges qu'ils avaient établis sous le nom d'enquêteurs; ce tribunal que nous abhorrons, l'inquisition, eût été moins cruel; les sentences que ces gens auraient rendues eussent été écrites avec le sang humain, si votre justice n'eut réprimé cet acte de l'audacieuse tyrannie de ces commissaires.

Votre sollicitude, Messieurs, ne doit pas se borner là; les lois protectrices de la société ont été outragées; qu'un grand exemple apprenne enfin au peuple que la Constitution et les droits de l'homme, la liberté, la sûreté des propriétés ne sont pas des mots insignifiants; que les représentants de la nation française essentiellement préposés pour veiller au bonheur de tous, le désirent, le veulent et le réalisent.

M. le Président répond à M. Rovère que l'Assemblée se fera rendre compte de l'objet de sa pétition et ne lui offre point les honneurs de la séance.

Plusieurs membres : Les honneurs de la séance! M. le Président. Avant de consulter l'Assemblée pour savoir si elle accordera les honneurs de la séance à M. Rovère, je dois vous avertir que j'ai reçu hier différentes pièces qui m'ont été adressées par les sections de la ville d'Avignon et dont vous pouvez entendre la lecture.

Plusieurs membres : Les honneurs de la séance au pétitionnaire !

D'autres membres: Non! non !

M. Rovère se retire.

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des attentats à l'ordre social, il est de son devoir de se laver dans l'opinion publique; et c'est pour y parvenir qu'il s'adresse à vous qui en êtes l'organe, en vous priant de faire faire lecture, dans le tribunal de la nation, de toutes les délibérations qu'il vient de prendre pour sa réhabilitation, d'en ordonner l'impression aux frais de l'Etat et l'envoi dans tous les départements.

"Il vous prie encore d'approuver, par un décret, la conduite humaine et prudente de MM, les commissaires, celle du général et nominativement des braves soldats patriotes composant les régiments qu'il commande dans les murs d'Avignon; daignez, législateurs, daignez, nos représentants, par cet acte éclatant de justice, entretenir et perpétuer en nous l'enthousiasme de la vertu, surtout celui de la reconnaissance que nous vous devons, principalement parce que, dans votre sagesse, vous avez rejeté, le 4 novembre, un projet de décret présenté par votre comité de pétition, qui avait été sollicité et obtenu sans doute par les sieurs Rovère, Verninac et autres instruments de nos calamités, projet qui était un véritable plan de contre-révolution, puisqu'il tendait à improuver nos libérateurs, à les éloigner de nous (un peuple libre doit tout dire, même ses présomptions, lorsqu'il s'agit du salut de l'Etat), à livrer tout le Midi à une faction républicaine, à l'anarchie et au despotisme du crime, vous apprendrez avec plaisir...

vous

Un membre: Renvoyez à Mallet du Pan. M. le secrétaire continuant la lecture... apprendrez avec plaisir que nous sommes tous unis, que l'Acte constitutionnel a été solennellement proclamé au milieu des témoignages d'allégresse publique, que nous l'aimons, que nous l'observons, que nous le maintiendrons jusqu'à la mort. Vous apprendrez enfin que nous n'avons qu'une âme, que nous ne formons plus qu'un vou, celui de l'exécution des lois, celui de la punition des assassins, des bourreaux de nos frères, et nous l'obtiendrons. >>

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2o DELIBERATION du peuple avignonnais, du 16 novembre 1791.

En suite de la rémission faite par MM. les présidents et secrétaires des 10 sections de la ville d'Avignon, des délibérations respectivement prises dans les 10 sections composant la commune dudit Avignon, le lundi 14 du courant, il a été procédé par nous, officiers municipaux de la ville d'Avignon, au recensement des délibérations, en présence des présidents de chaque section à ce présents, et requérant le procureur de la commune, le dépouillement desdites délibérations ayant été émis, il en est résulté que la délibération a été unanimement prise par des citoyens actifs, au nombre de 3,335, mot à mot comme suit:

« Les citoyens d'Avignon, considérant que depuis longtemps leur patrie gémissait sous le joug du despotisme; que l'anarchie avait été la source des plus noirs attentats et des atrocités les plus horribles, que le gouvernement avait été usurpé par une horde de factieux et de scélérats qui avaient à leur solde une foule de brigands étrangers pour exécuter les complots que leur noire inalice ne cessait de leur suggérer; que depuis cette usurpation on n'a cessé de vexer les gens les plus honnêtes, qui, par des propos, des si

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