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à distinguer leur zèle, mais qui, en même temps, réprimera sévèrement les fonctionnaires publics, dont la tiédeur dans l'exécution de la loi ressemblerait à une connivence tacite avec les ennemis de la Constitution;

« Qu'enfin, c'est toujours aux progrès de la saine raison, et à l'opinion publique bien dirigée, qu'il est réservé d'achever le triomphe de la loi, d'ouvrir les yeux des habitants des campagnes sur la perfidie intéressée de ceux qui veulent leur faire croire que les législateurs constituants ont touché à la religion de leurs pères, et de prévenir, pour l'honneur des Français, dans ce siècle de lumières, le renouvellement des scènes horribles dont la superstition n'a malheureusement que trop souillé leur histoire dans les siècles où l'ignorance des peuples était un des ressorts du gouvernement;

« L'Assemblée nationale décrète préalablement l'urgence, et décrète définitivement ce qui suit : (Applaudissements.)

M. le Président. Je mets aux voix le préambule. (Oui! oui !)

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M. Pieyre. Je demande une addition nécessaire au préambule. Il y est dit : « que le serment purement civique est la caution que tout citoyen doit donner de sa fidélité à la loi... » Ce principe annonce que cette caution doit être demandée à tous les citoyens; cependant le décret ne parle que des ecclésiastiques. Il y a, dans l'Etat, une classe immense de citoyens qui ne sont pas astreints par la loi à prêter le serment. (Murmures.) Je demande que l'on ajoute «< lorsqu'il en est requis» (Bah! bah!)

Un membre: La question préalable!

(L'Assemblée, consultée, décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Pieyre; puis adopte le préambule. (Vifs applaudissements.)

M. Gossuin. L'article pour porter le décret à la sanction; c'est intéressant, Monsieur le Président.

(L'Assemblée décrète que le décret sera porté dans le jour à la sanction.)

M. Carnot l'aîné. Je demande qu'il soit donné une lecture générale du décret à l'Assemblée, avant de le porter à la sanction.

M. Garran-de-Coulon. La question préalable sur la relue.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Carnot.)

Suit la teneur du décret tel qu'il a été porté à la sanction du roi. (Voir ci-dessus le préambule.)

« L'Assemblée nationale, ayant décrété préalablement l'urgence, décréte définitivement ce qui suit :

Art. 1er.

«Dans la huitaine à compter de la publication du présent décret, tous les ecclésiastiques, autres que ceux qui se sont conformés au décret du 27 novembre dernier, seront tenus de se présenter par devant la municipalité du lieu de leur domicile, d'y prêter le serment civique dans les termes de l'article 5 du titre II de la Constitution, et de signer le procès-verbal qui en sera dressé sans frais.

Art. 2.

A l'expiration du délai ci-dessus, chaque municipalité fera parvenir au directoire du département, par la voie du district, un tableau

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« Les églises et édifices employés au culte dont les frais sont payés par l'Etat, ne pourront servir à aucun autre culte.

« Les églises et oratoires nationaux que les corps administratifs auront déclaré n'être pas nécessaires pour l'exercice du culte dont les frais sont payés par la nation, pourront être achetés ou affermés par les citoyens attachés à un autre culte quelconque, pour y exercer publiquement ce culte sous la surveillance de la police et de l'administration; mais cette faculté ne pourra s'étendre aux ecclésiastiques qui se seront refusés au serment civique exigé par l'article 1er du présent décret (ou qui l'auront rétracté) et qui, par ce refus ou cette rétractation, sont déclarés, suivant l'article 6, suspects de révolte contre la loi, et de mauvaises intentions contre la patrie.

Art. 13.

«La vente ou la location des églises ou oratoires dont il est parlé dans l'article précédent ne peuvent s'appliquer aux églises dont sont en possession, soit privée, soit simultanée avec les catholiques, les citoyens qui suivent les confessions d'Augsbourg et Helvétique, lesquels sont conservés en leurs droits respectifs dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, du Doubs et de la Haute-Saône, conformément aux décrets des 17 août, 9 septembre et 1er décembre 1790.

Art. 14.

Le directoire de chaque département fera dresser deux listes, la première comprenant les noms et demeures des ecclésiastiques sermentés avec la note de ceux qui seront sans emploi et qui voudront se rendre utiles; la seconde comprendra les noms et demeures de ceux qui auront refusé de prêter le serment civique, avec les plaintes et les procès-verbaux qui auront été dressés contre eux. Ces deux listes seront arrêtées incessamment de manière à être présentées, s'il est possible, aux conseils généraux du département avant la fin de leur session actuelle.

Art. 15.

A la suite de ces listes, les procureurs généraux syndics rendront compte au conseil de département (ou aux directoires si les conseils sont séparés) des diligences qui ont été faites dans

leur ressort pour l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale constituante des 12, 24 juillet et 27 novembre 1790, concernant l'exercice du culte catholique salarié par la nation. Ce compte rendu présentera le détail des obstacles qu'a pu éprouver l'exécution de ces lois, et la dénonciation de ceux qui, depuis l'amnistie, ont fait naître de nouveaux obstacles, ou les ont favorisés, par prévarication ou par négligence.

Art. 16.

« Le conseil général de chaque département (ou le directoire, si le conseil est séparé) prendra, sur ce sujet, un arrêté motivé, qui sera adressé sur-le-champ à l'Assemblée nationale, avec les listes des ecclésiastiques sermentés et non assermentés (ou qui se seront rétractés), et les observations du département sur la conduite individuelle de ces derniers, ou sur la coalition séditieuse, soit entre eux, soit avec les Français transfuges ou déserteurs.

Art. 17.

"A mesure que ces procès-verbaux, listes et arrêtés seront adressés à l'Assemblée nationale, ils seront remis au comité de législation pour en faire un rapport général, et mettre le Corps législatif à portée de prendre un dernier parti, afin d'extirper la rebellion qui se déguise sous le prétexte d'une prétendue dissidence dans l'exercice du culte catholique. Dans un mois, le comité présentera l'état des administrations qui auront satisfait aux articles précédents, et proposera les mesures à prendre contre celles qui seront en retard de s'y conformer.

Art. 18.

<< Comme il importe surtout d'éclairer le peuple sur les pièges qu'on ne cesse de lui tendre au sujet d'opinions prétendues religieuses, l'Assemblée nationale exhorte tous les bons esprits à renouveler leurs efforts, et à multiplier leurs instructions contre le fanatisme. Elle déclare qu'elle regardera comme un bienfait public les bons ouvrages à la portée des citoyens des campagnes, qui lui seront adressés sur cette matière importante; et d'après le rapport qui lui en sera fait, elle fera imprimer et distribuer ces ouvrages aux frais de l'Etat, et récompensera les au

teurs.

"

Art. 19.

Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction. >>

M. le Président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Delessart, ministre des affaires étrangères. Messieurs, ma nomination au département des affaires étrangères est une occasion précieuse pour moi de renouveler au milieu de l'Assemblée nationale l'assurance de mon attachement à la Constitution, et de lui offrir celle de mon zèle, de mes efforts, de mon application constante à faire dans cette nouvelle carrière tout ce qui peut intéresser le bien et la sûreté de l'Etat. (Vifs applaudissements.)

Plusieurs membres: Mention honorable au procès-verbal !

M. Delessart, ministre des affaires étrangères. Je demande en même temps à l'Assemblée la permission de continuer à lui rendre le compte

que je lui dois des différentes parties du département de l'intérieur, et même à mettre sous ses yeux différents travaux que j'avais commencés. Je vais en ce moment entretenir l'Assemblée de deux objets particuliers dont l'un pourra l'intéresser et dont l'autre est urgent.

Le premier est un récit des désordres arrivés à Pamiers, département de l'Ariège, le 14 de ce mois et la nuit suivante, à l'occasion des élections municipales.

Il paraît qu'il règne dans cette ville beaucoup de discussions, et qu'une partie des habitants est animée contre la garde nationale.

Le département, d'après une pétition de citoyens, avait envoyé des commissaires pour maintenir le bon ordre dans les assemblées: cela n'empêcha pas qu'elles ne fussent troublées, de manière qu'il n'y eut pas moyen de terminer la moindre opération pendant près de deux jours.

La municipalité avait établi à l'Hôtel-de-Ville un poste de 12 gardes nationales, dont quelquesuns allèrent, le 14, se présenter par curiosité, et sans armes dans une assemblée. On voulut les en faire sortir, ils résistèrent, en observant que, quoiqu'ils ne dussent pas voter, on ne pouvait les mettre ainsi à la porte. Le tumulte devint si considérable que l'assemblée fut dissoute. La rixe se continua dans la rue, et les gardes nationales, n'étant pas en force, se réfugièrent chez un marchand de fer où ils furent poursuivis et presque assommés à coups de barres de fer; ils retournèrent ensanglantés vers leurs camarades, qui ayant juré de les venger, firent battre la générale,

D'un côté, la garde nationale s'arma et s'assembla sur la place.

D'un autre côté, les habitants s'attroupèrent dans les rues en grand nombre, ayant des bâtons et autres instruments, et demandant que la garde nationale mit bas les armes.

Les officiers municipaux parvinrent à empêcher le combat que les deux partis étaient sur le point de se livrer, et l'on parut se calmer.

Mais sur les 4 heures après-midi, on vit arriver des gardes nationales des environs, sans avoir été requis par la municipalité de Pamiers. Ces gardes nationales forains se mirent à boire, et le calme sembla continuer, mais le désordre recommença vers les 11 heures du soir.

Le procès-verbal de la municipalité porte que « la boisson donna l'idée aux soldats de profiter des ombres de la nuit pour commettre les excès les plus répréhensibles; qu'il est inconcevable, qu'en aussi peu de temps, on ait pu faire tant de mal; que des brigands brisèrent et enfoncèrent les portes des citoyens, jetèrent les meubles par les fenêtres, après les avoir foulés aux pieds; et que des forfaits de cette nature ne sauraient être punis trop sévèrement ».

On ne voit pas toutefois qu'il y ait eu personne de tué, du moins on ne l'articule pas.

Le lendemain matin, les gardes nationales voulurent encore faire battre la générale, mais on les en empêcha, et il ne parait pas qu'il y ait eu d'autre suite.

Le département, sur le procès-verbal de la municipalité, a pris, le 18, un arrêté pour suspendre provisoirement les élections municipales de cette ville, et pour aviser aux moyens d'y rétablir la sûreté et la tranquillité.

Le président du département qui envoie les pièces, marque qu'il fera part incessamment des mesures qui auront été prises. Dans cette position, je crois qu'il faut attendre que les nou

velles instructions promises par le département soient arrivées; et j'ai cru toujours devoir faire connaître à l'Assemblée nationale l'état des choses à cet égard.

Voici maintenant un objet particulier, sur le quel je suis pressé par le département de Paris. Le Salon du Louvre a été ouvert pour l'Exposition des ouvrages de peinture, sculpture et gravure, le 15 septembre dernier, en conséquence d'un décret dù 21 août 1791. La clôture du Salon devait avoir lieu le 1er novembre, suivant un avis publié par le département de Paris. Mais, à l'occasion d'une pétition présentée à l'Assemblée par les artistes non académiciens qui réclamaient contre une disposition du décret du 17 septembre dernier relatif à la distribution des prix d'encouragement, l'Assemblée nationale a rendu, le 19 octobre, un décret qui a prorogé la clôture du Salon jusqu'après le rapport du comité de l'instruction publique, auquel la pétition a été renvoyée. Les affaires importantes qui ont occupé l'Assemblée nationale ont éloigné celle-ci. Cependant, un mois s'est écoulé depuis le terme qui avait été fixé pour la clôture du Salon; le public cesse d'y aller, les artistes réclament leurs ouvrages et on ne peut les satisfaire sans un grand dérangement. Les commissaires nommés par le département de Paris pour l'Exposition, ont proposé en conséquence de faire fermer le Salon, et le département vient de m'en demander l'autorisation. J'ai pensé que la prolongation et le terme de cette prolongation ayant été arrêtés par un décret, le ministre de l'intérieur n'avait pas le droit de la faire cesser sans un autre décret qui l'ordonnât.

Les motifs qui peuvent engager l'Assemblée nationale à rendre ce décret, sont que le Salon est tous les jours moins fréquenté; qu'on ne peut, sans faire du tort aux artistes, leur refuser plus longtemps la remise de leurs ouvrages, pour la disposition desquels ils ont pu prendre des engagements; qu'enfin les frais d'Exposition se perpétuent sans aucune utilité. J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée nationale, à l'appui de ces considérations, qu'il n'y a aucun inconvénient à ordonner la clôture avant qu'elle ait entendu le rapport de son comité d'instruction publique, sur la pétition des artistes non académiciens; parce que la prolongation, pour la cessation de l'Exposition publique des tableaux du Salon du Louvre, ne peut, en aucune manière, à ce qu'il me semble, influer sur le sort des artistes non académiciens. Je prie l'Assemblée nationale de prendre cette demande en considération.

M. Romme, au nom du comité d'instruction publique. Le rapport ordonné par l'Assemblée sur les pétitions respectives des artistes non académiciens et des artistes académiciens est prêt depuis longtemps; on peut le faire ce

soir.

(L'Assemblée adopte cette motion.)

M. le Président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret sur les émigrés, présenté dimanche dernier par M. Daverhoult et ajourné à aujourd'hui, ainsi que la discussion d'un projet de décret présenté par M. Koch, au nom du comité diplomatique, à la séance du 22 novembre, et qui avait été ajourné à vendredi dernier (1).

Un membre: Je demande que l'on ouvre la

(1) Voy. ci-dessus, séance du 22 novembre 1791, page 290 et séance du 27 novembre 1791, page 397.

discussion sur le projet de M. Daverhoult. (Oui! oui !)

M. Daverhoult. Messieurs, lorsque l'Assemblée jugera que la discussion est assez éclairée, et avant qu'elle soit fermée, je prie l'Assemblée de me permettre de répondre aux objections qui auront pu être faites.

Plusieurs membres : C'est juste!

M. Guadet. L'Assemblée avait ajourné à jour fixe le rapport du comité diplomatique un membre ayant exposé à l'Assemblée des faits relatifs à notre situation extérieure, M. Daverhoult vous présente un projet de décret qui doit entrer en concurrence pour la priorité, soit avec celui du comité diplomatique, soit avec tout autre. Je demande donc que la discussion s'ouvre sur le projet de décret du comité diplomatique.

M. Couthon. C'est d'après un décret particulier que l'Assemblée a entendu la lecture de M. Daverhoult, et que la discussion en a été ajournée à aujourd'hui. Il faut donc, afin d'exécuter ce décret d'ajournement, ouvrir la discussion sur le projet de M. Daverhoult.

M. Koch, au nom du comité diplomatique. Je demande la parole pour présenter, au nom du comité diplomatique, le rapport sur le projet de décret de M. Daverhoult.

M. le Président. Vous avez la parole.

M. Koch, rapporteur. Le comité diplomatique, ayant vu la vive sensation que le projet de décret de M. Daverhoult a produite dans cette Assemblée, et désirant concourir de son zèle et de ses efforts, à tout ce qui intéresse la dignité de la nation et le sort de l'Empire, s'est assemblé extraordinairement hier soir, pour délibérer sur ce projet, et le conférer avec celui que le comité avait présenté à l'Assemblée, dans la séance du 22 de ce mois.

Votre comité a reconnu que les deux projets étaient bien les mêmes dans le fond, mais que celui de M. Daverhoult présentait plus de détails, et surtout un mode plus solennel qui lui donnait l'avantage de mieux fixer l'attention générale. Il n'a donc pas hésité un instant d'adopter le projet avec quelques modifications, et en y ajoutant deux nouvelles mesures qui lui ont paru devoir être également comprises dans le décret dont il s'agit.

La première des ces mesures tend à accélérer les négociations relatives à l'indemnité que les princes de l'Empire ont à réclamer en vertu des décrets de l'Assemblée constituante, et dont le retard forme aujourd'hui le principal espoir des émigrés.

Il n'est pas moins urgent de fixer les yeux sur un changement indispensable, que le roi sera prié de faire dans le corps diplomatique, afin que dans ses négociations avec les puissances étrangères, il soit secondé par des agents dont la pureté des intentions ne puisse être suspectée, et qui, par leur dévouement à la chose publique, puissent mériter la confiance de la nation. (Quelques applaudissements.) Je vous lirai donc, Messieurs, le projet de M. Daverhoult, tel qu'il vous est présenté par le comité diplomatique :

«L'Assemblée nationale, ayant entendu le rapport de son comité diplomatique, décrète qu'une députation de 24 de ses membres se rendra près du roi pour lui communiquer, au nom de l'Assemblée, sa sollicitude sur les dangers dont menacent la patrie les combinaisons perfides des Français, armés et attroupés au dehors du

royaume, et de ceux qui trament des complots au dedans, ou excitent les citoyens à la révolte contre la loi, et pour déclarer au roi que l'Assemblée nationale regarde comme essentiellement convenable aux intérêts et à la dignité de la nation, toutes les mesures que le roi pourra prendre afin de requérir les électeurs de Trèves, Mayence, et autres princes de l'Empire qui accueillent des Français fugitifs, de mettre fin aux attroupements et aux enrôlements qu'ils tolèrent sur la frontière, et d'accorder réparation à tous les citoyens français, et notamment à ceux de Strasbourg, des outrages qui leur ont été faits dans leurs territoires respectifs; que ce sera avec la même confiance dans la sagesse de ces mesures, que les représentants de la nation verront rassembler les forces nécessaires pour contraindre, par la voie des armes, ces princes à respecter le droit des gens, au cas qu'ils persistent à protéger ces attroupements et à refuser la justice qu'on

réclame.

« Et enfin, que l'Assemblée nationale a cru devoir faire cette déclaration solennelle, pour que le roi fût à même de prouver, tant à la cour impériale qu'à la diète de Ratisbonne, et à toutes les cours de l'Europe, que ses intentions et celles de la nation française ne font qu'une.

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Décrète, en outre, que la même députation exprimera au roi que l'Assemblée nationale regarde comme une des mesures les plus propres a concilier ce qu'exige la dignité de la nation, et ce que commande sa justice, la prompte terminaison des négociations d'indemnités entamées avec les princes allemands possessionnés en France, en vertu de décrets de l'Assemblée nationale constituante, et que les représentants de la nation, convaincus que les retards apportés aux négociations qui doivent assurer le repos de l'Empire, pouvaient être attribués en grande partie aux intentions douteuses d'agents peu disposés à seconder les intentions loyales du roi, lui dénoncent le besoin urgent de faire dans le corps diplomatique les changements propres à assurer l'exécution fidèle et prompte de ses ordres. »> (Applaudissements.)

Le principal changement que le comité diplomatique a cru devoir faire au projet de M. Daverhoult, est relatif aux termes des trois semaines dans lesquelles les rassemblements doivent être dissipés. Cette mesure serait sans doute très sage et conforme à la fois à la justice et à la dignité de la nation, s'il était bien constaté que les démarches que notre ministre auraient faites par des réquisitions formelles et officielles, adressées à la cour impériale, aux cercles, et individuellement aux princes nos voisins, aient été infructueuses; mais, convaincu qu'il est impossible que le ministre soit averti à temps de l'effet de ces premières mesures, il n'a pas paru sage à votre comité de recourir, dès à présent, à des voies menaçantes et offensantes, avant d'avoir épuisé celles d'honnêteté que l'usage a consacrées entre les nations. Un pareil procédé serait d'autant moins juste, que nous croyons pouvoir annoncer avec certitude qu'un grand nombre de princes et d'Etats de l'Empire ne demanderaient pas mieux que d'être débarrassés de nos fugitifs qui les molestent, et qu'ils sont eux-mêmes à soupirer après le moment où le calme renaîtra sur nos frontières; que plusieurs, d'ailleurs parmi eux, sont trompés par des ministres perfides que nous avons dans leurs cours, et qui leur ont présenté, sous un faux point de vue, le vrai état des choses.

M. le Président. Messieurs, M. le ministre des

affaires étrangères demande à donner des éclaircissements sur l'objet présent de la discussion; je lui accorde la parole.

M. Delessart, ministre des affaires étrangères. Le projet de décret qui vient d'être présenté à l'Assemblée nationale contient trois objets principaux la dispersion des rassemblements d'émigrés qui peuvent exister, l'état actuel du corps diplomatique et les indemnités dues aux princes de l'Empire possessionnés en France.

Sur le premier point, je demande à l'Assemblée la permission de fui rappeler ce que j'ai eu l'honneur de lui dire le 16 de ce mois. J'ai dit, de la part du roi, que Sa Majesté, en remerciant l'empereur du soin qu'il avait pris de faire cesser tout ce qui pouvait nous donner de l'inquiétude, avait deniandé à ce prince d'interposer ses bons offices et son autorité, à l'effet d'assurer, dans toute l'étendue de l'Empire, le respect dù au droit des gens, ainsi qu'aux lois et aux traités qui les assurent. J'ai ajouté qu'indépendamment de ces démarches, le roi avait fait demander directement à l'électeur de Trèves, de faire cesser les rassemblements et les préparatifs qui existaient dans ses Etats, et d'empêcher expressément qu'il s'en formât de nouveaux à l'avenir; que le roi avait adressé la même demande à l'électeur de Mayence, en qualité d'évêque de Worms; enfin, que Sa Majesté avait donné des ordres pour qu'en suivant les formes constitutionnelles du corps germanique, il se fit de toutes parts les réclamations nécessaires pour dissiper et pour prevenir toute espèce de rassemblements, pour s'opposer aux enrôlements, pour empêcher qu'il ne fût fourni des armes et des munitions, pour faire cesser, en un mot, tout ce qui pouvait avoir l'apparence de projets hostiles.

Voilà ce que j'ai dit, et en effet une partie de ces mesures ont été remplies. Des dépêches, en très grand nombre, ont été expédiées dans les différentes cours. Il faut espérer que ces mesures auront quelque succès.

A l'égard de l'état du corps diplomatique, le roi m'a déjà fait connaitre ses intentions. Sa Majesté m'a ordonné de lui présenter un travail à ce sujet; et l'Assemblée doit être assurée que, dans le choix des moyens et dans le choix des personnes, Sa Majesté prendra les mesures les plus propres à inspirer la confiance à la nation et à procurer en même temps le succès des négociations que nous avons à suivre.

Sur le troisième point, le roi m'a aussi donné l'ordre formel de poursuivre avec la plus grande activité tout ce qui pouvait accélérer les indemnités qu'il est question d'accorder aux princes possessionnés qui en ont à réclamer.

M. Rühl. La marche des agents du pouvoir exécutif, leur apathie, leur torpeur est en grande partie cause des attroupements, des enrôlements et des rassemblements des fugitifs français sur nos frontières. Si les ministres que vous salariez dans les cours des électeurs de Trèves et de Mayence, auprès des cercles des Haut et Bas-Rhin, celui qui est à Ratisbonne, avaient fait leur devoir, vous n'auriez pas aujourd'hui à prendre des mesures contre ces émigrés et contre leurs projets hostiles; vous n'auriez pas à vous occuper d'un objet qui mérite toute votre sollicitude. C'est principalement aux insinuations perfides de ces ministres que vous salariez, que vous devez attribuer la résistance des princes possessionnés en Alsace, et le refus qu'ils ont fait jusqu'ici d'ac

cepter les indemnités qui leur ont été offertes par la nation.

M. Bérenger, qui est accrédité à la diète de Ratisbonne, n'a pas cessé, même après l'acceptation de la Constitution par le roi, de parler de la manière la plus méprisante, dans toutes les sociétés, de cette acceptation et de la faire suspecter comme n'étant ni sincère, ni véritable. M. de Montesson, qui est attaché à l'électeur Palatin, n'a pas rougì, en dépit de la nation et en dépit de ses lois et de ce qu'elle avait arrêté, de faire porter à tous ses domestiques des livrées avec toutes les couleurs et avec tous les brimborions de l'ancienne féodalité. Accompagné d'une foule de laquais ainsi bigarrés, et trainé dans une voiture chargée d'armoiries, il est allé à la cour dire qu'au mois de février prochain, il se présenterait avec tout cet attirail au milieu de vous et au milieu de Paris. M. de Groschlag, accrédité au cercle du Haut-Rhin, a présenté à M. l'évêque de Spire des notes diplomatiques qui étaient si maigres, qui disaient si peu de choses, en réponse aux différentes injonctions que cet évêque de Spire, que ce curé de la cathédrale de Spire lui a faites, que c'est véritablement honteux. Pour s'en convaincre on n'a qu'à lire la note et les réponses qui ont été faites par cet évêque, que vous avez mis sur le siège épiscopal de Spire. En effet, c'est M. Andome, en ce temps-là, ministre de France à Manheim, et M. de Schevisk, ministre de cet électeur, qui ont acheté avec notre argent les suffrages. Et ce même Spiron nous insulte aujourd'hui ! Et ce même Spiron, que vous avez élevé à la dignité épiscopale par les suffrages que vous lui avez achetés, puisque vous faites encore une pension à M. le baron Wessemberg, grand chanoine de Spire, qui a voté pour lui, cet évêque, dis-je, ose se montrer votre ennemi en donnant asile à vos plus cruels ennemis. Si M. le ministre des affaires de France avait d'abord, quand les Français se sont rassemblés dans l'évêché de Worms, parlé comme il aurait dù parler aux magistrats de Worms, croyez-moi, ces citadins n'auraient pas souffert que des Français s'établissent dans leurs foyers; ils les auraient chassés bien loin. Ils se souviennent encore de tout ce que la main du despotisme a fait dans ce pays-là, et ils n'auraient pas donné le chagrin à la nation française, qui veut leur assurer leur liberté, de voir dans leurs maisons des émigrés français qui nous insultent tous les jours. Si M. l'envoyé avait pris sur lui de faire la même déclaration au cercle du Haut-Rhin, assemblé à Francfort; s'il avait rappelé à tous les envoyés à ce cercle que les lois germaniques ne permettaient point que les princes souffrissent des enrôlements qui pourraient leur attirer une guerre étrangère, ces attroupements seraient dissipés depuis longtemps. Si M. O'Kelly, accrédité à Mayence, avait fait la même chose vis-à-vis de M. l'évêque de Mayence, s'il n'avait point suivi les principes de la plus grande partie des personnes dont les noms commencent par A, par C, par D (Rires.), tous ces rassemblements n'auraient point eu lieu. Ainsi, Messieurs, je vous prie d'ajouter au projet qui vous a été lu, que le roi sera prié de rappeler ces gens-là qui ont perdu la confiance. Il est inconcevable que vous ayez tant de ministres pour être si mal servis. Vous en avez un accrédité auprès de Monseigneur le duc des Deux-Ponts; mais qu'est-ce que ce monseigneur vous importe!

Frédéric le Grand, d'immortelle mémoire, qui n'a jamais été un grand homme, s'il a été ùn grand conquérant, feu Frédéric le Grand, lors

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