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ont couru les plus grands dangers, et vous allez voir, Messieurs, qu'il est très important que l'Assemblée nationale fasse rendre compte par le ministre de l'intérieur des mesures qu'il aura prises d'après les lettres du département pour rétablir enfin l'ordre dans cette contrée.

La première lettre est du 8 novembre :

«Nous vous supplions, Messieurs, de donner lecture de cette lettre à l'Assemblée nationale. Vous jugerez de notre douleur, et surtout de notre indignation.

"Avant-hier des séditieux arrêtèrent plusieurs voitures de grain. La municipalité, instruite par des actes très énergiques de la disposition des esprits, ne vit d'autre moyen que d'appeler deux brigades de la gendarmerie nationale aux portes de Joinville, de requérir le commandant de la garde nationale de Chaumont, d'assembler un piquet de soldats citoyens. Le lendemain, à l'arrivée des brigades qui formaient quinze hommes, y compris les commandants, le rassemblement populaire était considérable.

Le corps de la gendarmerie se tint en piquet sur la place, il s'opposa aux attentats et éntendit les injures et les menaces affreuses que vomissait le peuple contre lui.

« Réunis alors pour délibérer sur les moyens d'assurer la tranquillité publique, nous apprenons que les séditieux arrêtaient à chaque moment des voitures et se répandaient en même temps dans les églises, et y sonnaient le tocsin.

"

La gendarmerie facilita la retraite d'un cnltivateur à qui on avait jeté une corde au cou.

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« Il s'agissait, sans doute, de proclamer la loi martiale; mais comment le faire sans force suffisante; lorsque le corps de la gendarmerie menaçait de se joindre aux séditieux ? Les citoyens éclairés ne se présentèrent pas. Battre la générale eût été appeler la classe du peuple notoirement connue pour désirer l'arrestation des grains.

Dans un instant nous fimes une proclamation. Nous annonçâmes un magasin de secours et une souscription de fonds où nous nous plaçâmes pour une somme considérable à raison de nos facultés. Quelques voituriers dirent au peuple qu'ils consentaient la vente ouverte. Le peuple, ne s'accordant pas pour le prix, les força de délivrer les grains. Nous fimes battre la générale. Il fut impossible de faire entendre raison et d'obtenir des secours des gardes nationales. Croirat-on jamais que la générale n'a amené qu'un très petit nombre de citoyens, dont une partie était extrêmement mal armée? Ainsi l'autorité constitutionnelle a été forcée de céder par l'insouciance des citoyens.

«Nous n'avons laissé la nuit au corps de garde qu'un petit nombre d'hommes sûrs. Ils ont arrêté 5 hommes des plus séditieux. Le premier assesseur, en l'absence du juge de paix, les a interrogés ils sont convenus d'avoir été dans différentes maisons forcer les habitants de leur donner de l'argent. Pour cette arrestation, le croiriezvous encore? l'homme public a refusé de donner les mandats d'arrêt pour emprisonner ces malheureux; il a été diner avant de prononcer, il n'est revenu que pour les renvoyer à la police municipale. Aussitôt une multitude révoltée, que le retard avait fait rassembler, s'est précipitée sur le corps de garde et a enlevé ces 5 hommes. Le procureur général avait été trouver l'assesseur, il avait répondu que l'affaire n'était pas de la compétence des corps administratifs. Au mo

ment où nous vous écrivons, ces mêmes hommes, conduits en triomphe, ont arrêté et amènent d'autres voitures de grains.

« Réduits aux dernières ressources, nous requérons les brigades de gendarmerie de tout le département, ce qui fera 30 hommes avec ce que nous avons déjà; nous requérons également de la garde nationale choisie dans les villes voisines. En attendant, le commandant de la gendarmerie nationale fait parvenir une réquisition écrite à chaque citoyen non suspect de venir en armes. Nous emploierons tous les moyens que les circonstances nous suggéreront.

« Comme nos vies et nos propriétés sont menacées, et que la tranquillité publique peut être longtemps troublée, nous vous demandons avec instance de faire envoyer 2 compagnies de troupes de ligne pour qu'on puisse établir un passage continuel des grains qui doivent être embarqués sur la Saône, et approvisionner les départements du Midi. Nous espérons que nos efforts nous feront obtenir le calme; nous adressons une pareille lettre au pouvoir exécutif. « Nous sommes, avec respect, etc...

Signé LES ADMINISTRATEURS composant le directoire du département de la Haute-Marne. »>

Voici, Messieurs, une autre lettre du 10 novembre:

A peine commençons-nous à espérer du calme, et nous ne le devons qu'à la nécessité de céder à la force du peuple. Depuis que nous vous avons écrit, la sédition n'a fait qu'augmenter, nous avons reconnu que la garde nationale dé Chaumont, loin de donner force à la loi, a soutenu les violences exercées contre elle pour empêcher la circulation des grains. Les chefs ont secondé les efforts des corps administratifs; mais ils n'ont pu obtenir obéissance que d'un très petit nombre. Nous avons requis la gendarmerie nationale du département, et des détachements des gardes nationales de Joinville, Bourbonne et Langres, pour venir protéger les convois de grains et arrêter la sédition. Le peuple n'a pas eu plutôt pénétré les projets du département, à la vue des détachements des gardes nationales de Langres, qu'il s'est rendu aux portes de la ville, a sonné le tocsin, s'est opposé à l'entrée des autres troupes, s'est assemblé dans la maison commune, et à menacé le département de se porter sur ses membres s'ils faisaient quelques efforts.

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Les corps administratifs ont cru qu'ils n'avaient d'autres moyens que de parler au peuple. Les membres se sont mêlés dans la foule des séditieux, leur ont parlé; mais ils n'ont pu parvenir à leur faire entendre qu'il fallait exécuter la loi et à laisser libre la circulation. Les séditieux ont promis de se séparer, si on laissait à leur disposition les grains qu'ils avaient arrêtés. Les corps administratifs, n'ayant aucun moyen d'apporter de la résistance, ont été forcés de sévir.

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1,000 personnes ont forcé la garde, sont montées avec fureur dans la salle, où les administrateurs du directoire du département étaient seuls assemblés. Alors les administrateurs, craignant pour leur vie et dénués de tout secours au dedans, abandonnés au dehors, se sont vus forcés de quitter leur salle, l'hôtel de ville, et plusieurs la ville même. Heureusement, il ne s'est commis aucun assassinat; les papiers de l'administration ont été respectés. Aujourd'hui que les séditieux sont les plus forts, ils ne veulent pas rendre les grains qu'ils ont arrêtés. »

Un membre: On n'entend pas!

M. Becquey, continuant la lecture :

« Le procureur général de la commune a couru le plus grand danger. Il est, à ce que nous apprenons, à Saint-Dizier. On va se concerter.

« Vous voyez que la force publique est nulle dans le département, que les lois sont violées, malgré les mesures qui ont été prises par les corps administratifs, et qu'ils ne pourront reprendre leur vigueur qu'à l'époque où il sera envoyé à Chaumont un régiment sur la fidélité duquel on puisse compter. Les gardes nationales ne serviront jamais utilement, tant qu'il s'agira d'établir la circulation des grains dans le pays. Nous travaillons à reprendre notre procès-verbal; nous aurons soin d'en faire parvenir une expédition, nous sollicitons des troupes de ligne du ministère, et nous espérons que l'Assemblée nationale voudra bien veiller à ce qu'elles nous soient accordées.

« Nous sommes, avec respect, etc.

« Signé: LES ADMINISTRATEURS composant le directoire du département de la HauteMarne. »

Je demande, Messieurs, que l'Assemblée nationale veuille bien se faire rendre compte, par le ministre de l'intérieur, qui a reçu des nouvelles officielles sur ce sujet, des mesures qu'il aura prises pour envoyer une force publique à la disposition des corps constitutionnels dans le département de la Haute-Marne, et qu'il en informe l'Assemblée le plus tôt possible.

Un membre D'après la Constitution, le roi, sous la responsabilité des ministres, donne des ordres pour l'exécution de la loi. La loi est faite, il ne s'agit que de la faire exécuter. Vous devez donc ordonner le renvoi pur et simple au pouvoir exécutif.

(L'Assemblée, consultée, renvoie ces deux lettres au pouvoir exécutif.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du sieur Vallette, notaire à Saint-Georges, près Périgueux, qui fait don à la nation de lá finance de son office.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette lettre au procès-verbal.)

M. Fauchet. Voici une lettre officielle signée par tous les membres du directoire du district de Caen et relative aux troubles de cette ville.

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texte apparent qu'ils ont saisi pour fomenter une insurrection qui a failli mettre tout à feu et à sang dans la ville.

Vendredi dernier, le sieur Bunel, ci-devant curé de Saint-Jean, sé présenta à cette paroisse pour y dire sa messe; il y fut reçu. Il y avait une grande affluence de monde à l'issue de sa messe; il annonça qu'il en dirait une autre pour le lendemain. Il s'était fait beaucoup de murmures ce jour; les esprits parurent s'allumer, et on annonça qu'il y aurait à la messe une scène sanglante. La municipalité crut qu'il était de sa prudence de la prévenir en avertissant le sieur Bunel de se dispenser de dire sa messe le lendemain. Il ne se présenta pas à l'église; mais, dès les 7 heures du matin, il y avait beaucoup de monde. Des malveillants garnissaient le sanctuaire avec des jeunes gens notoirement connus par leur libertinage et leur incivisme. La garde nationale, qui y fut envoyée pour maintenir le bon ordre, fut insultée. Celui qui commença l'attaque est un nommé Maillot, fils d'un ancien marchand de la rue Saint-Sauveur, qui se mit à crier aux armes !

L'alarme se répand, la garde nationale veut l'arrêter; il y a résistance, elle reçoit des bourrades et des coups de fusils; l'affaire s'engage avec des ci-devant gentilshommes qui se trouvent présents; on les désarme, on les blesse à coups de sabres; on tire par quelques fenêtres; enfin, on est obligé de battre la générale. Les boutiques sont fermées, et on voit se préparer le spectacle le plus affreux; la garde nationale montre la plus grande activité, elle se présente en grande force, elle établit des patrouilles nombreuses et le calme se rétablit; mais on saisit des compagnies de ci-devant gentilshommes et autres gens malintentionnés réunis à eux on les conduit à la municipalité, on les trouve armés de fusils et de pistolets en grand nombre, on leur saisit une quantité immense de cartouches, on va dans leurs domiciles faire des perquisitions, on y trouve pour ainsi dire des arsenaux et des fourches meurtrières apprêtées de la manière la plus dangereuse. La municipalité fait inviter par commissaires le directoire du département et celui du district de se rendre à la maison commune pour y former la réunion des corps administratifs et prendre les mesures les plus promptes et les plus convenables au rétablissement de l'ordre. Le directoire du département veut d'abord y envoyer deux commissaires, le directoire du district consent de s'y rendre aussitôt qu'il en est requis; enfin, le directoire du département y vient en entier. Tous ces corps réunis délibèrent; deux objets fixent leur attention : 1° l'inquiétude trop bien fondée que donnait aux citoyens la résidence, dans la ville de Caen, depuis deux ou trois mois, d'une foule d'étrangers; 2° l'effet que pourrait produire, dans la circonstance présente, la messe des prêtres non assermentés, et ci-devant fonctionnaires publics, dans les églises constitutionnelles de la ville.

« On délibère en conséquence un arrêté. "Sur le premier objet, on enjoint à tous les étrangers qui sont résidents dans les auberges ou chez les bourgeois, en chambre garnie, de passer, dans les 24 heures, une déclaration à la municipalité, des motifs de leur résidence, du nombre de leurs famille et domestiques, les espèces d'armes dont ils sont saisis, de les déposer à la municipalité, à peine, faute de satisfaire à tout ce que dessus, d'être regardés comme suspects. On fait aussitôt proclamer cet arrêté au

son du tambour, et on prévient que les trois corps administratifs vont prendre toutes les mesures nécessaires pour le rétablissement de la tranquillité.

« On délibère légalement sur le second objet, et on arrête, à la majorité, que les prêtres non assermentés se dispenseront provisoirement de dire leurs messes jusqu'à ce qu'il ait été référé au Corps législatif du trouble arrivé dans la ville de Caen, et jusqu'à ce qu'il ait pris les mesures convenables en pareille circonstance. Le malheur des choses exigeait cet arrêté, et s'il en eût été autrement, l'insurrection serait parvenue au comble. Le prétexte était une messe, il fallait ôter ce prétexte, et ne plus laisser subsister aucune cause. Nous avons eu la douleur de voir le département se refuser à signer son arrêté, excepté M. Richier. L'arrêté avait été délibéré en sa présence, et il a été exécuté. A ce moyen, le calme a été rétabli et tout s'est passé dans la tranquillité.

« Il y a quantité de gentilshommes détenus au château. Les sieurs Achard de Valogne et Suffrey de Blancourt y sont grièvement blessés, mais sans danger. Leur conspiration est découverte

les pièces qu'on a trouvées sur un sieur Vaillant, dont nous vous faisons passer la copie. Nous ferons passer incessamment à l'Assemblée nationale une pétition que nous nous proposons de faire. Nous vous la recommanderons.

« Nous sommes, avec respect, etc.

Signé LES MEMBRES du directoire du district de Caen. »

Je vais maintenant vous donner lecture de la copie de diverses pièces qui ont été envoyées et certifiées par le directoire du district de Caen et qui ont été trouvées dans la poche du nommé Vaillant, arrêté le 5 novembre 1791, et envoyé prisonnier au château. Les premières pièces sont des lettres écrites à une dame Harel, et les réponses de cette dame sur les préparatifs, les moyens de la réussite de conjuration, et les obstacles qu'y apportait la municipalité trop clubiste c'est ainsi que les conjurés la qualifient la garde nationale et le peu d'énergie du bourgeois.

Ensuite une lettre adressée à la dame Harel, après l'arrestation des principaux conjurés, dont voici la teneur :

Vous voudrez bien faire des tentatives pour avoir des nouvelles de nos malheureux compagnons. Je suis inculpé, poursuivi; je n'ai dû ma retraite qu'à m'a prudence et à la force de mes armes. Je ne peux m'éloigner sans avoir des nouvelles de votre hôte. Je ferai passer demain matin chez vous, sous le nom de..., vous tiendrez votre réponse prête (Le nom coupé).»

Voici une autre lettre de Mme Harel, à M. Pocquelin :

«Vous ne sauriez croire combien notre pauvre cœur est affecté de votre détention. Vos cousines sont dans la grande désolation. Je vous envoie deux louis, un pour vous et l'autre pour Daquin. »

A ces lettres se trouve jointe une instruction en 7 articles, relatives au complot formé contre la ville de Caen. Cette pièce à été saisie sur le sieur Vaillant par M. Postel, sergent-major de la la garde nationale, et déposée à la maison commune. En voici la teneur :

Dans le cas où les autorités se taisent, la voix suprême de l'honneur doit se faire entendre, et c'est aux gentilshommes surtout à pro

fesser ces principes souverains. Il est de toute nécessité de se rallier sous des chefs respectables et qui peuvent en imposer. Le désir de protéger les personnes et les propriétés, et la nécessité d'obtenir l'exécution des lois, à chaque instant violées, ont provoqué la réunion de honnêtes gens. Comme les mesures les plus sages et les plus avantageuses ne produisent leur effet que par l'uniformité des procédés et des mouvements; qu'elles peuvent être à chaque instant l'objet de la critique et de la dénonciation des méchants, on a cru devoir joindre aux premières instructions qui ont été données, quelques additions explicatives, et réunir leur ensemble dans une forme réglementaire qui ne laisse aucun doute sur la pureté des intentions. Il faut considérer d'abord que l'assistance du citoyen peut devenir nécessaire à chaque instant du soir et de la nuit, qu'on peut être requis par des signes d'alarme publiquement donnés, par des insurrections particulières, que par conséquent le parti à suivre dans ces différentes circonstances doit être nettement indiqué, afin d'éviter le trouble et la confusion. Pour fixer cette uniformité, il faut d'abord établir la conduite ordinaire des comités, établir ensuite celle qu'ils devront suivre en cas d'alarme publique et particulière. C'est le but des articles suivants :

"

Art. 1er. Il sera formé dans chaque quartier un comité de 8 personnes, qui sera composé d'un chef et de 2 suppléants pour le remplacer en cas d'absence, et de 5 membres, du nombre desquels seront un officier de justice ou un membre du corps administratif, et un officier ou sous-officier de la garde nationale.

Art. 2. Aussitôt après la formation, chaque comité se procurera la liste de tous les honnêtes gens de son arrondissement. Il en formera des divisions relatives à leur nombre, et déléguera un ou plusieurs citoyens, pour faire parvenir avec plus de célérité, à chaque division, les annonces que les circonstances rendront nécessaires.

Art. 3. Chaque division sera composée de 20 à 30 personnes, et distribuée dans les formes les plus avantageuses à la réunion du quartier, et chaque délégué donnera aux membres de son association la connaissance ou notice particulière des personnes qui la composent. Chaque associé indiquera de la même manière, au délégué, les personnes dont les intentions lui sont connues, et qui, par leur sentiment ou leur désir, sont dignés d'être admises dans la société des honnêtes gens.

«Art. 4. Le chef de chaque quartier ou son suppléant indiquera le lieu du rassemblement de son quartier et celui du rassemblement général par l'entremise des citoyens qui auront été délégués.

«Art. 5. Il s'assurera d'un certain nombre de personnes qui, en cas d'alarme générale ou particulière, s'uniront subitement à lui et faciliteront le rassemblement des autres citoyens du quartier,

Art. 6. La nuit sera l'objet du soin du comité. Il tâchera d'obtenir des citoyens que deux ou quatre d'entre eux se promènent dans le quartier et veillent à la sûreté depuis 11 heures du soir jusqu'à 2 heures du matin.

Art. 7. Les citoyens, dans tous les cas possibles, auront la plus grande attention à éviter toute insulte particulière; ils considéreront que leur réunion à pour but d'assurer la tranquillité

publique et la protection que chaque citoyen a droit d'attendre de la loi. Ils considéreront encore qu'une fois admis dans la société des honnêtes gens, ils y sont attachés par la loi de l'honneur, et que ce sentiment et leur propre intérêt leur prescrivent le devoir de ne plus s'absenter sans en prévenir celui qui est délégué à cet effet, ainsi que l'instant de leur retour.

Le projet ci-dessus déposé par le sieur Postel, premier sergent-major de la compagnie de Saint-Gilles, qui a déclaré l'avoir saisi ainsi qu'un pistolet sur un particulier actuellement au château et qu'il reconnaîtra lorsqu'il lui sera présenté.

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Signé POSTEL, sergent-major. » Voilà une partie des pièces dont on a chargé un courrier expédié de Caen. Ces pièces-là donneront nécessairement lieu à une information plus étendue et nous recevrons des indications ultérieures qui démontreront comment ces genslà croyaient agir au nom de la loi et comment ils pouvaient croire avoir une autorisation de la loi. Je le sais bien, moi, comment ils l'auraient eue, mais on en aura la preuve, et il est inutile de le dire dans ce moment-ci. (Rires.)

M. Chabot. Je demande que mention honorable soit faite dans le procès-verbal de la conduite sage et vigoureuse qu'ont tenue, dans cette circonstance critique, la municipalité, le directoire du district, la garde nationale et le membre du directoire de département qui a signé le procès-verbal qui nous a été envoyé.

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!

M. Léopold. Je suis parfaitement de l'avis de M. Chabot; mais tout en donnant les plus grands éloges à la conduite de ces fonctionnaires publics, je crois qu'il n'est pas temps encore de prononcer entre le directoire de département d'une part, et le directoire de district de l'autre. Il est sage de connaître tous les faits relatifs à cette affaire. Je crois donc que la mention honorable qui sera faite de la conduite du district et de la municipalité, lorsque l'Assemblée aura sagement réfléchi dessus, n'en sera que plus avantageuse pour le district et la municipalité. C'est pourquoi je conclus à l'ajournement pur et simple.

Plusieurs membres : Appuyé! appuyé! Aux voix l'ordre du jour!

M. Couthon. J'appuie la demande de l'ajournement jusqu'après l'arrivée du courrier expédié à Caen.

(L'Assemblée prononce l'ajournement pur et simple.)

M. Lecox a la parole et fait connaître, dans les termes suivants, les troubles qui ont eu lieu, le 4 novembre, dans la ville de Rennes.

M. Lecoz. Le vendredi 4 de ce mois, les mêmes troubles ont aussi commencé par une messe dans la ville de Rennes. Ces troubles sont encore augmentés par les mêmes moyens, et enfin, le dimanche, le zèle sage de Messieurs les administrateurs du département, du district et de la municipalité, d'accord pour le bien public, les a portés à emprisonner un supérieur des capucins. (Rires.)

Cet orage qui, heureusement, n'a pas eu grand effet à Rennes, était annoncé depuis plusieurs jours, par des bruits sourds, et même le peuple faisait entrevoir qu'il y aurait une seconde représentation de la Saint-Barthélemy. La garde nationale de Rennes, qui a toujours mérité l'es

time générale de la troupe de ligne, spécialement des dragons, à qui leur chef, qui réside dans cette Assemblée a su communiquer tout son patriotisme, s'est supérieurement montrée dans cette circonstance, ainsi que les troupes de ligne, et de concert ils ont sauvé la ville des malheurs qui ont affligé la ville de Caen. (Applaudissements.)

:

M. Le Tourneur obtient la parole sur l'inexécution de la loi d'amnistie du 14 septembre 1791 et dit Messieurs, le 10 septembre dernier, l'Assemblée nationale constituante a rendu lé décret d'amnistie que vous connaissez tous, et qui porte, en termes exprès, que toutes procédures instruites pour faits relatifs à la Révolution seront anéanties. Parmi cette foule de citoyens détenus pour faute de révolution, et conséquemment dans le cas d'amnistie, 61 laboureurs, arrêtés sur des ordres du département de la Dordogne, et sans que pas un seul ait été pris en flagrant délit, ni décrété par les tribunaux, gémissaient dans les prisons de la ville de Périgueux, prisons des plus froides et des plus malsaines du royaume.

La loi juste et bienfaisante de l'amnistie est venue frapper les portes de ces prisons devant lesquelles on voyait chaque jour les enfants de ces infortunés déchirer le cœur des vrais citoyens en demandant à la pitié publique le pain du pauvre qu'ils ne trouvaient pas dans sa maison. Eh bien! Messieurs, les portes ne sont point ouvertes; on a prétendu que la loi de l'amnistie n'était pas faite pour les laboureurs, on a dit qu'elle ne concernait que les illustres conjurés de Coblentz.

Les vrais et sages amis de la liberté, profondément émus et justement indignés de cette odieuse et tyrannique distinction, vous ont présenté à cet égard une pétition, et vous avez décrété, le 18 octobre dernier, que le ministre de la justice serait tenu de vous rendre compte dans quinzaine de l'exécution de la loi. Chacun de nous s'est reposé sur le décret, et a cru sans doute avoir infiniment soulagé les habitants des campagnes, détenus en prison. Cependant, qu'estil arrivé? le ministre de la justice, dont je suis bien loin de vouloir révoquer en doute le patriotisme et l'humanité, est venu à l'expiration de la quinzaine, et il a dit, en termes généraux, qu'il écrirait à tous les tribunaux, afin qu'on donnât à la loi de l'amnistie la plus grande latitude. Cependant, la loi de l'ammistie est du 14 septembre; elle devait être envoyée et exécutée sans délai; il devait vous en être rendu compte immédiatement après. Et, depuis cette époque, c'est-à-dire depuis plus de deux mois, les 61 laboureurs ont continué à être privés de la liberté qu'ils devaient obtenir. Le temps d'ensemencer leurs terres est passé, leurs terres sont restées en friche. La misère, le désespoir ont habité leurs maisons. Ce qui est plus alarmant, Messieurs, si la loi n'a pas reçu d'exécution, si les procédures n'ont pas été suspendues, peut-être quelques-uns de ces malheureux citoyens, que la loi a déclarés libres, ont été condamnés et exécutés.

J'arrête votre attention sur cette effrayante perspective, sur cet acte frappant de l'exécution de la loi, et je me permets seulement une légère réflexion sur la responsabilité du ministre; elle sera très courte lorsque, sur des réclamations très urgentes, des amis de la patrie ont demandé qu'il fût rendu compte de l'exécution de la loi, et que les ministres fussent mandés à cet effet, plusieurs voix se sont élevées, et ont prétendu

. [13 novembre 1791.

qu'on voulait humilier, fatiguer, mortifier les
ministres. Comme si un fonctionnaire, quel qu'il
soit, pouvait ou devait jamais être fatigué de
son devoir, humilié d'obéir à la loi et mortifié
de concourir au salut du peuple. (Applaudisse-
ments.) L'acte constitutionnel fixe le cas de la
responsabilité des ministres, et fixe la manière
dont ils doivent être poursuivis pour faits de
leur administration; lorsque ces cas arrivent, et
que, sur des dénonciations faites au Corps légis-
latif, il se trouve des commencements de preuves
légales et positives, alors, je ne fais aucun doute
que les ministres doivent être mandés à la barre,
afin qu'ils rendent compte sur les faits articulés
contre eux, et que le Corps législatif soit à même
de prononcer s'il y a ou s'il n'y a pas lieu à
accusation. Voilà, Messieurs, la mesure extrême
par la loi. Celle-ci serait véritable-
déterminée
ment une humiliation pour le ministre qui
l'aurait encourue. Mais elle importe que le salut
public et devant le salut public, le vrai citoyen,
quelles que soient l'honnêteté et la douceur de
sa morale, ne doit connaître ni intérêts ni engage-
ments personnels. Un autre article de l'acte cons-
titutionnel porte que les ministres seront entendus
toutes les fois qu'ils seront requis de donner des
éclaircissements. Cette mesure est très distincte
de la précédente; elle doit être employée, lorsqu'il
arrive ici des pétitions ou réclamations partícu-
lières. Il n'y a point de preuves acquises contre
le pouvoir exécutif, lorsqu'il reste aux ministres
la possibilité de déclarer sans pouvoir être dans
le moment convaincus du contraire, qu'ils ont
ignoré le fait, ou qu'ils n'y ont point concouru;
mais, en pareil cas, la première démarche à
faire est de requérir les ministres, et de leur
demander des éclaircissements; cette mesure
prépare les preuves qui doivent servir à leur accu-
sation, s'ils sont coupables, ou à leur justification,
s'ils sont innocents; elle porte un jour salutaire
sur les divers abus de l'administration.

Elle ne saurait être employée ni reparaître trop souvent dans le sein de cette Assemblée; d'après cela j'insisterai à demander que toutes les pétitions qui nous montreront un citoyen opprimé, ou se plaignant de l'être, lorsque le citoyen aura parcouru graduellement l'échelle des pouvoirs constitués, le ministre soit requis à l'instant de venir vous donner les éclaircissements nécessaires, sans que cette mesure soit considérée comme inculpation, et sans que, d'un autre côté, de vains égards pour les personnes puissent jamais nous faire oublier l'intégrité de nos devoirs. (Applaudissements.)

La sainteté de la loi et la sûreté des citoyens, c'est là le seul moyen de surveiller utilement les ministres, de fixer leurs réponses équivoques et insignifiantes, et d'assurer l'effet de leur responsabilité légale, responsabilité qui ne doit pas être un vain mot, responsabilité sur laquelle nous devons enfin porter la plus sérieuse et la plus profonde attention si nous voulons que les lois soient exécutées, et que la liberté française existe ailleurs que dans l'acte constitutionnel. (Applaudissements.)

Malheur, oui, malheur au citoyen qui trouverait du plaisir à accuser, mais malheur et infamie à celui que de viles considérations d'intérêt ou de contrainte pourraient arrêter un seul instant dans la carrière de la liberté, qui nous est ouverte dans la défense de l'humanité opprimée.

Ici, je n'accuse personne, mais j'affirme que les citoyens détenus dans les prisons du département de la Dordogne, outre qu'ils se trouvent illé

, sont évidemment dans le cas de l'amnistie.

Je prends l'engagement solennel de le démontrer pièces à la main, si cela est contesté; mais je demande provisoirement, avec la plus vive insistance que le ministre de la justice soit requis de venir rendre compte demain de l'exécution de votre loi du 18 octol re, et, par une conséquence nécessaire, de l'exécution de la loi du 14 septembre, qui, comme je l'ai dit, s'applique à tous les faits relatifs à la Révolution, quelqu'en pùt être l'objet. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)

Plusieurs membres: Appuyé! Aux voix! aux voix!

(L'Assemblée décrète la motion de M. Le Tourneur.)

Un membre: Je demande que le ministre soit tenu de donner sa réponse par écrit, afin d'éviter les tergiversations et les réponses ambiguës.

Plusieurs membres : Appuyé!

D'autres membres : Non! non! La question préalable!

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette motion.)

Une députation de citoyens de la ville de la Rochelle est admise à la barre pour présenter une pétition au sujet des secours à envoyer à SaintDomingue.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi :

Messieurs, les citoyens de la ville de La Rochelle, consternés des affreuses nouvelles de Saint-Domingue, se sont hâtés de vous exposer leurs vives inquiétudes, et nous ont chargés de reproduire, devant les représentants de l'Empire, l'expression des douloureux sentiments qui les oppressent. Le malheur de nos frères devient l'objet de nos plus pressantes sollicitudes. Les infortunés colons vont connaître dans notre empressement à les secourir, et l'affection de la mère-patrie, et votre sensibilité.

Nous osons l'espérer, la contagion de la révolte aura épargné le Port-au-Prince et les Cayes. Nos frères, au milieu des désastres, auront pu du moins en arrêter les progrès, et, par votre sagesse, le Cap, ce berceau de la plus florissante colonie dont un instant a vu anéantir la prospérité, renaîtra à l'espoir d'un heureux avenir.

S'il était déçu de ce vœu, si la subversion de la colonie était entière, qui pourrait, sans frémir, envisager le sort de nos malheureux frères! Et dans la profonde affliction sur le sort de Saintsituation! Domingue, quel retour sur notre propre Quels malheurs menaceraient l'Empire! Quelles parties n'en seraient pas atteintes ! Et comment prévoir les effets funestes de la suppression de ces travaux, qui, dans nos ports de mer, plus encore que dans nos manufactures, alimentent un peuple immense ?

Dans ce malheur public, nous ne vous entretiendrons point de ceux qu'éprouve particulièrement la ville de la Rochelle. Nous vous assurerons de son patriotisme et de son courage dans ce moment de calamités. En vous sollicitant au nom de la patrie, de nos frères de Saint-Domingue, de nos concitoyens, de ne pas perdre un instant de vue la détresse de cette précieuse colonie, nous venons vous offrir tous les moyens qui nous restent, ceux de nos vaisseaux qui se trouvent prêts et le dévouement entier de nos frères marins dont le sang avait déjà coulé pour la défense de l'Etat, et qui brûlent de le répandre pour la défense de Saint-Domingue. Nous venons vous

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