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tude sur les assignats, si faciles à protéger contre les détracteurs de la Révolution. Les joueurs à la baisse sur le change, contre lesquels on ne saurait trop exciter la haine et le mépris, chercheront jusque dans les discours et les écrits des citoyens eclaires et honnètes, ce qui, étant denature, semblera justifier les alarmes qu'il leur convient de repandre; leur langage hypocrite gémira sur certaines circonstances, pour mieux cacher l'intention de répandre l'eftroi; leur correspondance avec les etrangers ne leur portera que des nouvelles propres à les inquieter; les sinistres interpretations, les contes les plus ridicules, les calculs les plus completement faux ne leur coùteront rien, s'ils favorisent leur spéculation.

A la nouvelle du désastre de Saint-Domingue, ils n'ont pas manqué de répandre que le change sur la France s'avilirait encore, et ils ont aussitôt fait des provisions, soit de lettres sur l'étranger, soit des promesses de leur en fournir à de certaines époques; en sorte que leurs demandes spéculatives ont eu l'effet qu'ils ont prédit, et qui, sans cela, n'eussent pas répondu à leurs vues.

La même chose était déjà arrivée lorsque l'Assemblée nationale a décrété une augmentation de la somme d'assignats qui pourraient être émis; ils publièrent d'abord que les changes sur l'étranger s'en aviliraient; et ils avaient soin de dire que cette augmentation était occasionnée par la pénurie de la caisse de l'extraordinaire; pénurie d'autant plus alarmante, qu'on ne voit pas encore clair, ni dans la dette exigible, ni dans la valeur des domaines nationaux; ce qui leur donne un moyen facile d'eloigner la confiance que les etrangers pourraient prendre dans nos assignats; confiance qui leur serait plus utile que les terreurs qu'on leur inspire à dessein.

Tels sont les joueurs à la baisse sur le change. Ennemis de toute mesure tendant à rétablir le crédit.. Ne pouvant opposer à leurs ravages que ce crédit même, il faut, par conséquent, éviter les opérations qui, n'étant pas absolument nécessaires, causent des inquietudes. Or, telles sont des emissions d'assignats qui se rapprochent trop de la valeur des domaines nationaux, avant que la véritable situation des finances soit bien connue, avant que le chapitre des dépenses extraordinaires puisse être fermé, non seulement en faisant cesser les inquietudes couteuses qui se prolongent sur nos frontières, mais en mettant les impôts en plein recouvrement... Or, je dis que la continuation des remboursements, obligeant à rapprocher la somme des assignats créés de la valeur de leur hypothèque, cette continuation alarme sur les assignals, et que cette alarme sert merveilleusement Tes brigands qui jouent à la baisse sur les changes avec l'étranger.

Il y a plus. La chierté des espèces sert encore leur internale spéculation; car plus l'espèce est chère en France, et plus le change s'avilit. Or, rien n'est plus aise que de faire hausser les espèces; d'ou il arrive que la hausse de l'espèce faisant baisser le prix du change, la baisse du change fait à son tour élever le prix de l'espèce. Or, comment sortir de la, si ce n'est par ia cessation de toutes les causes qui empêchent le credit de se rétablir?

Ainsi, lors meme que la suspension des remboursements devrait influer en mai sur le prix des effets publics, ce que je ne crois point, vu

que ces effets appartiennent à la dette constituée; il faudrait encore préférer à ces inconvénients passagers l'avantage de ne rien faire qui puisse alarmer, quoiqu'à tort, sur les assignats.

Cet état du change est-il donc si terrible? Qu'importe, dit-on, un jeu qui produit des différences renfermées entre une certaine classe de joueurs? C'est ce qu'on a dit avec plus de raison, du jeu sur les effets publics; et cependant on lui trouvait des inconvenients si désastreux pour l'industrie productive, qu'il est devenu un objet perpétuel de réclamations.

Mais le prix du change décidant de nos rapports commerciaux avec l'étranger, ses variations ne se renferment point dans les transactions des joueurs; elles affectent le prix des productions étrangères, dont nous avons besoin; le bas change nous les renchérit; il nuit par conséquent aux manufactures qui les employent; il nous enlève sans cesse quelques parties de notre numéraire, car l'or et l'argent ne vont pas de France dans l'étranger par l'effet du bas change, sans y laisser une partie de leur quantité en puré perte pour la France. Le bas change accuse toujours quelque grand désordre; il inspire des craintes; et toutes les relations commerciales qui reposent sur un crédit utile aux Français, en sont interrompues ou affaiblies. Les assignats portés par quelque cause que ce soit, en pays etranger, y tombent en discrédit, et ce discredit les faisant acheter à vil prix, cause une sorte d'attiedissement sur leur valeur dans le royaume même. Le bas change favorise sans doute la demande des productions françaises, mais cette demande est bornee par la consommation; elle se règle encore plus sur le besoin que sur le prix de la marchandise; tandis que les opérations qui se combinent entre l'or et l'argent, et le bas. prix des changes n'ont point de bornes. Ces inconvénients n'empêchent pas les autres; l'agiotage sur les bas changes emploie, comme celui sur les effets publics, des capitaux, un fonds de credit, une industrie et un temps, dont le commerce national peut se ressentir désavantageusement, soit par des privations réelles, soit par le dégoût qu'inspire l'agiotage pour toutes les affaires conduites avec prudence et modération.

Entin dès que le discrédit est un mal evident, dès qu'il produit l'avilissement du change avec Tétranger, dès que celui-ci reproduit à son tour le discredit, il n'est pas douteux qu'il ne faille porter une attention sévère sur toutes ses causes, sur celles surtout qui naissent d'opérations contraires à l'ordre et au bon sens. Or, c'est le reproche que mérite tout l'établissement de liquidation et de remboursement, contre lequel je me suis élevé; je suis encore à concevoir, comment l'Assemblée constituante n'a pas su placer à côté des grandes choses qu'elle a faites, une administration des finances qui, ne pouvant prévenir tous les accidents d'une révolution vivement combattue, put toujours leur attribuer le discredit, et jamais à sa propre imperitie ou à ses négligences.

Je dis donc à ceux qui supposent que la France ne peut pas, après le secours des domaines nationaux, faire banqueroute; qui affirment en consequence, que l'Assemblée nationale ne doit pas decreter la suspension momentanee de la forme la plus absurde de remboursement qui ait jamais existe, sauf à recourir à un emprunt si la liquidation nous découvre une dette plus considérable que M. Montesquiou ne la suppose; je

leur dis que POUR EMPRUNTER IL FAUT AVOIR DU CREDIT, et j'ajoute qu'on ne l'obtiendra :

1° Que d'une résolution vigoureuse, d'obtenir par la force, s'il le faut, la fin de toute malveillance active de la part des puissances étrangères, ce qui, supposant la possibilité de dépenses considérables, qu'on ne peut faire qu'en assignats, C'EST-A-DIRE EN DOMAINES NATIONAUX, oblige nécessairement à ménager à d'autres égards, les assignats, le plus qu'il est possible;

2° Que d'un travail accéléré, qui dévoilera incessamment l'état de la dette, la valeur des domaines nationaux, et le système de remboursement qu'on peut raisonnablement adopter à l'égard de la dette exigible;

3° Que du recouvrement des contributions, et en général d'une administration très sévère et très active pour faire rentrer au trésor royal toutes les restitutions ou remboursements qu'il peut demander avec justice. Il n'y a pas deux partis à prendre à cet égard; il faut se déclarer envers la nation, OU SOLVABLE OU INSOLVABLE;

4° Que d'une suspension, qui étant nécessairement liée aux idées d'ordre et de règle, n'engendrera chez les hommes honnêtes et éclairés, que des opinions favorables au crédit public. Or, une assemblée de législateurs ne doit voir sur ce point, que cette classe de citoyens. On ne pensait pas ainsi sous l'ancien régime, et l'ancien régime s'est culbuté.

Il faut donc reléguer parmi les pusillanimités peu dignes de l'Assemblée nationale, toutes ces prétendues conséquences qu'on attache au mot de suspension ouverte et légale, et qu'on cesse de craindre pour des suspensious occultes et sujettes à des abus.

Enfin, il faut se convaincre qu'un emprunt sera peut-être nécessaire à l'instant où le crédit sera rétabli au dehors, pour opérer une prompte révolution dans les changes, et qu'encore à cet égard, l'établissement de l'ordre, et la prompte révélation du véritable état des finances sont indispensables.

Signé: E. CLAVIÈRE.

P. S. Quelques personnes, en approuvant mes réflexions sur les remboursements, appuyent la nécessité de les continuer, sur l'embarras où se trouveraient ceux qui, sur la bonne foi de l'Assemblée constituante, ont acheté des biens nationaux, pour les payer avec le remboursement de leur charge, laquelle ne leur rendant que 2 1/2 0/0, ne leur rendra pas davantage en biens nationaux. Pourquoi faut-il, ajoutent-elles, qu'en attendant de nous acquitter avec le remboursement de notre charge, nous payions un intérêt de 5 0/0 d'un capital qui ne nous produira en rente que la moitié de cet intérêt?

Mais on paye l'intérêt des charges liquidées jusqu'au remboursement, on doit du moins le payer, à un taux égal à celui auquel un titulaire, acquéreur de bien, peut emprunter sur son titre. On peut aussi statuer quelque arrangement favorable à tout titulaire acquéreur de biens, dont le remboursement de sa charge sera destiné à acquitter un achat de domaines nationaux. Enfin il ne s'agit que d'une suspension courte, immédiatement suivie d'un ordre de remboursement, par lequel chacun connaîtra son sort; ce qui, dans un bon ordre de choses, donnera au titre de la créance une valeur plus certaine qu'actuellement. Et comme actuellement, nul remboursement n'est assuré; comme il dépend, ou de la faveur, ou d'une caisse garnie, il est évident que le créancier 1re SÉRIE. T. XXXV.

sera dans une meilleure position qu'il n'est aujourd'hui, et qu'il ne sera, si, ne décrétant point de suspension, on suspend néanmoins par des dispositions internes et secrètes.

Les cas particuliers qui, jamais, ne doivent prévaloir sur l'intérêt général, n'ont donc ici rien qui puisse inquiéter les créanciers acquéreurs de biens nationaux.

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du jeudi 1er décembre 1791, au soir. PRÉSIDENCE DE M. LEMONTEY, vice-président.

La séance est ouverte à six heures du soir.

M. le Président. Messieurs, le concierge de l'Abbaye vient de me faire parvenir une lettre adressée à M. Varnier; elle vient d'Angleterre. Je consulte l'Assemblée sur l'usage que j'en dois faire.

MM. Basire jeune et Fauchet demandent que cette lettre soit publiée par la voie de l'impression. (Murmures prolongés.)

M. Delacroix. Je demande qu'on se souvienne du respect dû au secret des lettres; je propose de renvoyer celle-ci aux archives.

(L'Assemblée ordonne le dépôt de cette lettre aux archives.)

M. Seranne, au nom du comité de marine, fait un rapport concernant les maîtres de quais et les jaugeurs de navires; il s'exprime ainsi (1):

Messieurs, le décret de l'Assemblée constituante, rendu le 9 août dernier, sur la police des ports de commerce et de la navigation, a donné lieu à plusieurs réclamations de la part des maitres de quais et des jaugeurs qui sont encore en place, et qui craignent de n'être point appelés dans la nouvelle formation dont on s'occupe actuellement.

Vous avez renvoyé ces différentes réclamations à votre comité de la marine, qui, après en avoir délibéré dans plusieurs de ses séances, m'a chargé de vous en rendre compte.

Le décret du 9 août porte que, dans les villes maritimes où il y des tribunaux de commerce, il sera nommé des capitaines et lieutenants de port pour veiller à la liberté et sûreté des ports et rades de commerce et de leur navigation; à la police sur les quais et chantiers des mêmes ports; au lestage et délestage; à l'enlèvement des cadavres, et à l'exécution des lois de police des pêches, et du service des pilotes.

Les officiers des ports seront nommés par le conseil général de la commune de chaque ville de leur établissement. Ils seront six ans en fonctions, et pourront être réélus. Enfin, ils seront pris exclusivement parmi les enseignes de la marine française, ayant au moins 30 ans accomplis.

La même loi supprime les maîtres de quais qui remplissaient la plupart des fonctions attribuées aux officiers des ports.

Les places de jaugeurs seront donnés au concours, sur un examen public, fait en présence de

(1) Bibliothèque de la Chambre des députés Collection des affaires du temps. Bf in-8° 165, t. 146, no 28. 32

la municipalité par les examinateurs hydrographes. Ils seront nommés à vie, et tenus de se conformer à une méthode uniforme de jauger tous les bâtiments, qui sera déterminée par un règlement particulier.

Voilà, Messieurs, quelles sont les dispositions sur lesquelles portent les réclamations des maitres de quais et des jaugeurs en place; et voici les raisons d'après lesquelles elles ont paru fondées à votre comité.

Les maîtres de quais étaient ordinairement nommés par l'amiral. Cependant les chambres de commerce avaient, dans plusieurs villes, le droit de les élire. Il se trouve parmi eux quelques individus qui ne doivent leur état qu'à la protection, et qui, peu capables de s'acquitter des fonctions importantes de leur service, les faisaient remplir par des sous-ordres expérimentés de sorte que, par une suite d'abus trop communs dans l'ancien régime, des émoluments avantageux étaient la proie de l'ignorant, enfant de la faveur, tandis que l'homme à talent, qui supportait toute la fatigue, qui courait tous les risques, qui rendait tous les services, jouissait à peine d'un traitement suffisant pour sa subsistance.

Mais, dans beaucoup de ports aussi, les places de maîtres de quais étaient occupées par des citoyens instruits, à qui une longue habitude donnait cette précision du coup d'œil et cette présence d'esprit, qui, dans les occasions délicates, décident toujours du succès. Il en est parmi eux qu'une théorie simple, mais lumineuse, et surtout des connaissances locales, fruit d'une expérience raisonnée, rendent dignes de la confiance la plus illimitée. Il y a plus on pourrait citer tel port où le maître de quais serait fort mal remplacé par le marin même le plus habile, parce que celui-ci manquerait de notions particulières, qui doivent diriger sa conduite dans certaines circonstances, et que ces notions ne peuvent être acquises que par une longue pratique et une suite d'observations faites avec autant de perspicacité que de persévérance, et dans le lieux même où doit s'en faire l'application.

Le décret du 9 août, en supprimant indistinc tement et sans aucun espoir de remplacement tous les maîtres de quais, à donc le double inconvénient, d'abord de priver un très grand nombre de citoyens honnêtes et utiles, d'un état qu'ils possédaient légitimement, qui faisait souvent toute leur fortune, et dont ils remplissaient, peutêtre, les fonctions avec fruit et avec distinction; ensuite de priver les places de commerce de fonctionnaires qui ont mérité leur confiance, et que d'autres, fussent-ils plus instruits dans l'art de la navigation, ne pourront pas toujours suppléer d'une manière convenable.

Cependant, Messieurs, votre comité ne vous propose point de laisser les maitres de quais dans la jouissance de leur emploi. Cette disposition ne tendrait qu'à perpétuer des abus que l'Assemblee constituante a sagement détruits. Mais la loi qui fixe le mode d'election pour les capitaines et lieutenants de port, offre un moyen facile et sûr de concilier avec la justice due à d'anciens officiers, et la rigueur des principes, et l'intérêt de la navigation. Le conseil général de la commune, à qui la loi confie les elections, saura toujours distinguer le mérite de l'officier supprimé et celui des officiers qui se présenteront pour le remplacer. Il saura parfaitement apprécier le degré de connaissances particulières qu'exige la situation du port qu'il faut pourvoir

d'un capitaine ou d'un lieutenant, les accidents auxquels il est sujet, le caractère de celui qu'il faut charger de les prévenir ou d'y remédier. Donnez donc une plus grande latitude aux choix des électeurs: qu'ils ne soient pas astreints à confier exclusivement la garde et la surveillance de leur port à un enseigne de la marine qui pourrait n'être pas capable de s'acquitter d'une charge aussi importante; qu'ils puissent enfin la rendre à l'homme vieilli dans ce service et dont les talents et l'expérience lui ont concilié la confiance et l'estime de ses concitoyens. Cette disposition loin de compromettre la fortune publique, la sûreté des ports et de la navigation, se rapproche au contraire des véritables intérêts du commerce maritime; et ce qui vous déterminera surtout, Messieurs, elle se rapproche aussi des règles éternelles de la justice, qui veut que les places appartiennent de droit à ceux qui sont les plus capables de les remplir, et qui ne permet pas d'en exclure un citoyen qui les a précédemment occupées avec succès.

Les jaugeurs étaient nommés de la même manière que les maîtres de quais, mais ces places étant dans un ordre subalterne, tant par rapport au traitement que par rapport à des opérations manuelles, il n'y avait pas à craindre les mêmes abus de la part de ceux qui en étaient pourvus, obligés d'en remplir eux-mêmes les fonctions apres en avoir été reconnus capables. Il n'a pu y avoir dans aucun temps, ni relâchement, ni complaisance à cet égard, puisqu'il s'agit d'une opération pour laquelle il faut des connaissances théoriques et pratiques qui tiennent à un calcul positif.

D'après cet usage, qui a été constamment observé dans tous les ports de mer; et d'après des principes de justice et d'économie, votre comité pense que les jaugeurs actuels doivent être conservés, après néanmoins leur avoir fait subir un second examen pour les obliger à suivre la nouvelle méthode de jauger qui doit être incessamment déterminée.

En leur accordant cette justice, vous vous conformerez, Messieurs, à la disposition de la loi qui dit qu'ils seront nommés à vie.

Assimilés déjà sur ce point aux professeurs d'hydrographie, il est convenable et économique. de les y assimiler aussi à l'égard du concours dont les examinateurs hydrographes sont exemptés pour cette fois seulement.

Les jaugeurs sont fondés à croire que l'Assemblée constituante n'a pas eu l'intention de les traiter avec plus de rigueur, et qu'il était dans ses principes, comme il est dans les vôtres, de concilier le bonheur des individus avec l'intérêt général.

D'ailleurs, en conservant d'anciens titulaires dans l'exercice de leur emploi, vous ne serez pas dans le cas d'augmenter le nombre déjà si prodigieux des pensionnaires de l'Etat. C'est ce qui arriverait, si les jaugeurs, nommés ci-devant à vie, étaient obligés de se présenter à un nouveau concours, car, quoiqu'en état sans doute, de remplir leur place, ils auraient quelque répugnance à concourir avec des jeunes gens, pour les obtenir une seconde fois; et ces places n'étant pas bien lucratives, il y a lieu de croire que les titulaires d'un certain age préféreraient une pension de retraite à un plus long exercice, par cela seul que, pour le continuer, ils seraient assujettis à une formalité qui n'est établie que pour des novices ou aspirants.

Ces diverses considérations, Messieurs, ont

porté votre comité de marine à vous proposer le décret suivant, qui doit être précédé du décret d'urgence, parce que les élections des capitaines et lieutenants de ports, ainsi que les examens des jaugeurs, se font actuellement dans un grand nombre des villes maritimes.

Décret d'urgence. L'Assemblée nationale, considérant que le moment des élections aux places de capitaines et lieutenants de port est arrivé, ainsi que celui du concours pour la nomination aux places de jaugeurs, et que l'intérêt commun exige qu'il soit fait quelques changements à la loi qui fixe le mode de ces élections, décrète qu'il y a urgence.

Décret définitif. L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de la marine, ayant reconnu qu'il n'est ni juste ni conforme aux intérêts de la navigation, d'exclure du concours aux places de capitaines et lieutenants de port dans les villes maritimes, les maîtres de quai qui en remplissaient précédemment les fonctions, et que les jaugeurs actuellement en place ont subi un premier examen d'après les anciennes ordonnances, après avoir rendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit :

Art. 1er. Les conseils généraux des communes qui, conformément à l'article 5, titre III du décret du 9 août 1791, concernant la police de la navigation et des ports de commerce, doivent nommer les capitaines et lieutenants du port, et qui, suivant l'article 11 dudit titre de la même loi, sont obligés de les prendre exclusivement parmi les navigateurs, âgés de plus de 30 ans et pourvus du brevet d'enseigne de la marine française, pourront, pour la première fois seulement, admettre en concurrence et comme éligibles, aussi bien les enseignes de la marine, les maîtres de guai, ci-devant attachés aux ports de leur arrondissement, s'ils sont âgés au moins de trente ans, et s'ils ont cinq ans de service en cette qualité.

Art. 2. Les jaugeurs actuellement en exercice, seront maintenus dans leurs places, si, après avoir été examinés par les professeurs d'hydrographie en particulier, ils sont reconnus capables de suivre la méthode uniforme de jauger, qui sera incessamment déterminée pour tous les bâtiments.

(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à samedi soir.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture des pétitions et adresses suivantes :

1° Réclamation de M. Aguillon.
(L'Assemblée renvoie au comité de marine.)

2° Adresse des citoyens de Rouen qui demandent le redressement d'une erreur commise dans le tarif des droits de traites.

(L'Assemblée renvoie cette adresse aux comités réunis du commerce et des travaux publics.)

3. Pétition de Marie Brandi, qui réclame la continuation d'une pension qui se trouve suspendue depuis deux ans.

L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)

Un membre: Le comité des pétitions in'a chargé de demander à l'Assemblée une autorisation pour s'attacher six nouveaux commis.

M. Thuriot. Je ne crois pas que l'Assemblée puisse se refuser à cette autorisation. Si le comité des pétitions a différé de vous déterminer le nombre de ses commis, c'est qu'il a voulu connaître

auparavant le besoin qu'il en pourrait avoir. Le nombre qu'il vous demande aujourd'hui n'est pas trop grand.

L'Assemblée autorise le comité des pétitions à prendre six commis.)

Un membre demande la prorogation de la loi du 4 mai 1791, relative au terme de 12 ans accordé aux acquéreurs de biens nationaux.

(L'Assemblée renvoie cette demande au comité des domaines.)

M. Delacroix, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret sur le mode de la revue des gardes nationales et sur le rappel des officiers de ligne à leurs postes; il s'exprime ainsi :

Messieurs, l'Assemblée, par l'article 17 de son décret du 29 novembre dernier (1), a renvoyé au comité militaire l'examen de la question de savoir si les officiers de toutes les armes, qui sont actuellement employés dans les bataillons des volontaires nationaux, doivent conserver les places qu'ils occupaient dans leurs régiments, qu'ils n'ont quittées que momentanément et dans la seule intention de se rendre plus utiles à la patrie, en marchant à la tête de nos volontaires nationaux, dont le zèle égale le courage, ou bien si, pour les conserver, ils doivent abandonner les emplois qu'ils ont dans les bataillons des volontaires nationaux, et rentrer dans leurs régiments. La confiance qu'ils inspirent, leur attachement à la Constitution, leur patriotisme, tout leur fait un devoir de retourner à leurs régiments. Mais il ne faut pas, par un rappel précipité, laisser nos volontaires nationaux sans officíers; en second lieu, il faut donner à ces officiers le temps de rejoindre leurs régiments. En conséquence, le comité m'a chargé de vous présenter le projet de décret suivant, en vous proposant l'urgence.

Décret d'urgence (2). « L'Assemblée nationale, considérant qu'il est indispensable de connaîtré positivement l'état des bataillons des volontaires nationaux qui sont déjà formés, le nombre de ceux qui restent à former, et qu'il est essentiel au bien du service et de la díscipline de faire procéder sans délai aux remplacements des emplois qui vont se trouver vacants par le retour des officiers de ligne dans leurs corps, décrète qu'il y urgence. »

Décret définitif..-L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, et rendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit:

« Art. 1er. La revue des troupes de ligne, ordonnée par l'article 13 du décret du 29 de ce mois, aura lieu pour les bataillons des volontaires nationaux dans les mêmes formes et le même délai.

« Art. 2. Les officiers en activité de toutes les armes, qui sont maintenant employés dans les bataillons des volontaires nationaux, rentreront dans leurs corps au plus tard le 1er avril prochain.

«Art. 3. Dans l'intervalle de la publication du présent décret au départ desdits officiers, les bataillons des volontaires nationaux procéderont à leur remplacement suivant les formes établies. » Un membre: Le terme pour rejoindre les régiments ne me semble pas suffisant; je demande

(1) Voy., ci-dessus, la séance du 29 novembre 1791, page 426.

(2) Bibliothèque nationale. Assemblée législative, Militaire, t. 4, E.

qu'on le prolonge jusqu'au 1er avril; d'un autre côté, on ne peut se dissimuler que ces officiers ont fait un service pénible, en commandant des gardes nationales qui n'avaient aucune idée de discipline; ils ont été obligés de faire beaucoup de dépenses. Je demande donc que vous leur laissiez les appointements de troupes de ligne et ceux des bataillons de gardes nationales, jusqu'au moment où ils rejoindront leurs corps. Je demande qu'on joigne au décret mes deux propositions, comme article additionnel.

Un membre: Nous irions contre les principes en accordant deux traitements. J'appuie la motion de prolonger jusqu'au 1er avril le délai pour rejoindre les régiments, et qu'au lieu du double appointement on accorde aux officiers des indemnités.

M. Delacroix, rapporteur. Je prie l'Assemblée d'observer qu'il n'est pas question aujourd'hui de discuter le projet que je vous présente. Conformément aux règlements, il doit être imprimé et distribué.

(L'Assemblée décrète l'impression et ajourne la discussion du projet à samedi soir.)

Un membre: On vous a lu dernièrement une lettre du département du Morbihan (1) par laquelle le Directoire vous demandait la suspension de la loi du 29 septembre dernier, qui ordonne le licenciement des 6 régiments des colonies. Il est nécessaire de conserver encore les troupes des colonies et notamment le régiment de la Guadeloupe qui occupe le Morbihan pour maintenir l'ordre dans ce département, où les malveillants et surtout les prêtres réfractaires pourraient profiter du licenciement pour exciter des troubles. Dans un moment où il est pour vous de la plus grande importance de porter vos armées au complet, si vous laissez exécuter cette loi, vous vous priverez de 6 à 7,000 hommes de troupes de ligne, de troupes disciplinées. Je demande qu'après avoir adopté préalablement l'urgence, vous décrétiez que la loi du 29 septembre dernier, qui ordonne le licenciement des régiments des colonies demeurera suspendue, et que vous chargiez votre comité militaire de vous présenter, sous huitaine, un mode pour former ces troupes en régiments de ligne. (Applaudissements.)

Voix diverses: Appuyé! appuyé! Le renvoi au comité militaire! (Murmures.)

Un membre: Tout en rendant justice au patriotisme du régiment de la Guadeloupe, j'observe à l'Assemblée que nous ne devons pas suspendre aussi légèrement l'exécution des lois qui ont été sans doute rendues après mùres réflexions. Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.)

Voix diverses L'ajournement à samedi! suspension du décret!

- La

(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de suspendre le decret et adopte cette motion après avoir déclaré l'urgence.)

Un membre: Je demande que ce décret soit porté, dans le jour, à la sanction du roi.

(L'Assemblée adopte cette motion.)

Suit la teneur de ce décret tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :

L'Assemblée nationale, considérant que

(1) Voir séance du 26 novembre, p. 370.

l'exécution de la loi du 29 septembre dernier, relative au licenciement des troupes employées à la garde des colonies, peut contrarier l'objet des lois qui ordonnent que l'armée de ligne sera portée au complet, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que la loi du 29 septembre dernier, relative au licenciement des troupes employées à la garde des colonies, demeurera provisoirement suspendue; charge son comité militaire de lui présenter, dans huitaine, un projet de décret sur la formation desdites troupes en nouveaux régiments, ou sur leur incorporation dans les troupes de ligne.

« Décrète que le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction. »

Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :

1° Lettre de M. Poinçot qui fait hommage à l'Assemblée de la continuation des œuvres de Jean-Jacques Rousseau.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cet hommage au procès-verbal.)

2° Lettre de M. Tarbé, ministre des contributions publiques, qui donne à l'Assemblée notification des personnes nommées par le roi pour remplir les fonctions de commissaires de la Comptabilité (1); cette lettre est ainsi conçue:

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« La loi du 29 septembre 1791, concernant la comptabilité, porte, article 2 du second titre, que les 15 commissaires pour la comptabilité seront nommés par le roi, et par l'article 17 du même titre, il est dit que les détails de l'organisation de ce bureau seront réglés par l'Assemblée nationale, sur l'examen des plans qui seront présentés par les commissaires après leur nomination. Les commissaires que le roi a nommés se sont en conséquence livrés avec zèle à la rédaction du plan dont ils avaient à s'occuper. Ce travail est terminé. Le roi me charge d'annoncer à l'Assemblée nationale que les 15 commissaires de la comptabilité sont : MM.Beaulieu, Boucher, Brière, Surgy, Sillery, Delle, Surveille, Michelin, Choisy, Parisot, Normandie, Faron des Pujets, Legardin, Ducarviels et Lerocher; et Sa Majesté a ordonné à ces commissaires de présenter à l'Assemblée le plan d'organisation qu'ils doivent soumettre à son examen et à sa délibération.

« Je suis avec respect, etc. Signé: TARBÉ. » (L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'examen des comptes.)

3o Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, concernant la formation des écoles de marine dans plusieurs ports; cette lettre est ainsi conçue: Monsieur le Président,

«On s'occupe avec activité de la formation des écoles de marine qui doivent être établies dans plusieurs ports, conformément à la loi du 10 août 1791. Ce travail met à portée de reconnaitre ce qui manquerait encore pour donner à cet établissement important toute la perfection dont il

(1) Voy. ci-dessus, séance du 24 novembre, p. 335, et seance du 25 novembre, p. 362.

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