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3° Pétition de Fontaine de Brassine, ci-devant garde-magasin des hôpitaux de l'armée de Rochambeau, à Philadelphie: il réclame : 1° une demiannée des appointements dont il jouissait; 2° 500 livres qu'il dit avoir avancées pour son retour en France; 3° une gratification telle que l'ont obtenue les autres gardes-magasins de l'armée de Rochambeau; 4° une indemnité proportionnée au préjudice qu'il a souffert par une injustice détention.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des pétitions.)

4° Adresse de trois cents citoyens de Calais pour exprimer la joie qu'ils ont éprouvée à la nouvelle du décret rendu contre les émigrés et la douleur dont les a pénétrés le veto du roi; cette adresse est ainsi conçue :

« Représentants de la nation,

« Le décret sur les émigrants avait comblé les vœux des patriotes. Des cris de joie s'élevaient déjà de toutes les parties de l'Empire; déjà des actes d'adhésion partaient pour vous exprimer la reconnaissance de la nation.

"De vils conspirateurs, ennemis de la raison et de notre liberté, sur qui toutes les voies de douceur avaient été impuissantes, allaient être dispersés par une rigueur juste et salutaire; ils allaient cesser de menacer notre tranquillité, et être forcés enfin, ou de rentrer dans leur patrie, qui n'a jamais cessé de leur tendre les bras, malgré leur ingratitude, ou de s'éloigner de nos frontières.

«Le roi a cru devoir refuser sa sanction à ce décret; nous respectons ses motifs; ils sont justes sans doute, puisque la nation ne lui a confié cette partie de sa souveraineté que pour sa plus grande utilité; nous nous soumettons avec résignation; mais nos inquiétudes durent encore, nous venons les déposer dans votre sein.

«Le refus du roi prouve, dit-on, d'une manière évidente à nos ennemis sa liberté : nous n'en doutions pas; nos ennemis même n'avaient pas besoin d'en être convaincus; s'ils ont paru en douter, c'est que cette feinte était nécessaire à leurs projets hostiles, et nous n'y voyons, nous, qu'un sujet de chagrin, puisque ces ennemis, loin d'interpréter le veto en faveur de la liberté du roi, ne le feront envisager que comme la preuve que Louis XVI s'expose enfin à tout, pour donner à son infidèle noblesse les preuves d'une adhésion indirecte et d'une approbation tacite.

«Augustes législateurs, l'Etat est en danger; notre espoir est en vous, nous attendons avec anxiété le résultat de vos délibérations. Quoi qu'il arrive, nous nous rallierons toujours autour de la Constitution, et nous jurons de vaincre pour elle. (Applaudisements.)

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Nous sommes avec respect, etc. »

(Suivent les signatures.)

(L'Assemblée ordonne que cette adresse sera insérée au procès-verbal et qu'il en sera fait une mention honorable.)

5° Lettre de M. Dufresne-Saint-Léon, directeur général de la liquidation, ayant pour objet la prompte émission du projet de décret relatif aux retenues sur les intérêts accordés aux titulaires d'office, sur les intérêts moratoires, et sur les rentes aujourd'hui à la charge de la nation.

(L'Assemblée ajourne cette réclamation à lundi matin, après la lecture du procès-verbal.)

6o Lettre de M. Rovencheol, habitant de Bercy,

qui représente qu'on est sans curé dans sa paroisse et qui príe l'Assemblée nationale de fixer le jour où elle entendra le rapport qui lui doit être fait à ce sujet par le comité de division. (L'Assemblée ordonne que le rapport lui sera fait à la séance de ce soir.)

70 Lettre de M. Sarrot, accompagnée d'une adresse qu'il a faite aux 83 départements, relativement au mode à suivre dans la répartition des assignats de cent sols.

(L'Assemblée renvoie la lettre et l'adresse au comité des assignats et monnaies.)

8° Pétition de M. Cointereau, professeur d'architecture rurale, par laquelle, en rappelant à l'Assemblée nationale qu'il a trouvé le moyen de mettre les maisons à l'abri de l'incendie, il demande qu'il lui soit fait quelque avance, et qu'elle accepte l'hommage des cinq premiers cahiers de l'école d'architecture rurale.

(L'Assemblée agrée cet hommage, en ordonne la mention honorable au procès-verbal et renvoie le surplus de la pétition au comité d'agriculture.)

9° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, pour rendre compte à l'Assemblée des troubles arrivés à Brest dans la journée du 27 novembre, à l'occasion de la nomination de M. Lajaille au commandement d'un des vaisseaux destinés à Saint-Domingue; cette lettre est ainsi conçue:

Monsieur le Président,

Le roi me charge de vous adresser les copies des lettres que je reçois de Brest, et qui m'apprennent que M. Lajaille y étant arrivé le 27 du mois dernier, pour prendre commandement du vaisseau le Dugay-Trouin, un de ceux qui sont destinés pour Saint-Domingue, un grand nombre de personnes se sont rendues le même jour, à l'auberge où était cet officier, lui ont intimé l'ordre de sortir de la ville sur-le-champ, et l'ont conduit hors des portes. Peu de moments après, il a été attaqué par une foule nombreuse, et ce n'est qu'avec une extrême difficulté et avec le secours de gardes nationales et des troupes de ligne, qu'on est parvenu à lui sauver la vie, et que les officiers municipaux ont pu le conduire dans les prisons du château. Il paraît par la copie ci-jointe d'une lettre des corps administratifs, que sa sûreté exige qu'il y soit encore tenu. M. Lajaille n'étant arrivé à Brest que deux heures avant cet événement, et n'ayant rien fait qui ait pu lui attirer ce traitement, j'ignore entièrement quel est le motif. Je n'avais proposé au roi, cet officier pour le commandement d'un vaisseau, que d'après l'opinion générale bien prononcée en sa faveur, et le vœu des colons de Saint-Domingue qui sont actuellement à Paris. Je ne puis me dispenser d'ajouter que dans une assemblée très nombreuse de club, qui avait été tenue la veille, dans la salle de spectacle de Brest, M. Lajaille avait été dénoncé, ainsi que M. Klérec, destiné à commander la frégate La Princesse, et cet officier paraissait aussi exposé à quelque danger. Le commandant du port a cru devoir lui donner l'ordre de s'éloigner.

« Cet événement, joint à celui de l'insurrection de l'équipage de l'Embuscade, et de la désobéissance de ce vaisseau l'Eole dont j'ai eu l'honneur de vous informer il y a quelques jours, met les plus grands obstacles au succès des armements qu'on prépare pour porter des secours aux colonies.

"Les officiers qui avaient accepté des com

mandements, n'osent maintenant plus s'en charger. Plusieurs donnent leur démission, et j'ai tout lieu de craindre d'en recevoir bientôt un plus grand nombre. Je me félicitais, il y a quelques jours, de pouvoir dire qu'aucun officier de la marine n'avait quitté son poste, parce qu'effectivement aucun de ceux qui étaient en service, soit à la mer, soit dans les ports, n'avait abandonné ses fonctions; mais je crains que, bientôt, cela ne soit plus vrai; que, dans très peu de temps, ces officiers n'abandonnent des postes où ils sont exposés à de si grands dangers, et ne veulent pas hasarder de prendre des commandements. Je suis maintenant très embarrassé pour remplacer ceux des bâtiments destinés à l'expédition de Saint-Domingue, et je ne puis ni ne dois dissimuler que, dans ce moment, il paraît presque impossible de mettre en activité une partie des forces navales, si on ne parvient à rétablir très promptement l'ordre et la tranquillité dans les ports. Je vous prie instamment, Monsieur le Président, de vouloir bien engager l'Assemblée nationale à prendre, sans délai, cet important objet en considération, et à déterminer des mesures propres à arrêter les progrès de ce désordre alarmant.

« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.

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Signé: BERTRAND.

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10° Lettre des administrateurs du district et de la municipalité de Brest qui rendent compte à l'Assemblée d'un soulèvement arrivé dans leur ville et occasionné par la nomination de M. Lajaille, suspect d'incivisme, au commandement d'un des vaisseaux destinés à Saint-Domingue : cette lettre est ainsi conçue :

"Monsieur le Président,

« Nous avons l'honneur de vous adresser le procès-verbal de ce qui s'est passé hier dans notre ville, relativement à M. Lajaille, capitaine de vaisseau.

« Vous y verrez le récit d'une scène effrayante, sans doute, mais qui n'a pas amené les événements qu'elle faisait craindre. Cependant, Monsieur le Président, nous vous devons, nous devons à l'Assemblée nationale des détails sur les causes de cette émeute; ils sont de nature, sinon à excuser les intentions du peuple dirigées contre M. Lajaille, du moins à prouver que des hommes perfides semblent désirer et exciter le mécontentement général.

En 1790, des horreurs ont été commises, à Saint-Domingue; ce capitaine de vaisseau y commandait la frégate l'Engageante, et des rapports circonstanciés, des dénonciations motivées l'ont successivement accusé de machinations affreuses contre les colons patriotes, de vexations inouïes commises envers tous ceux qui osaient se plaindre et protéger ces citoyens opprimés. Nous n'assurons pas qu'il fut coupable de tant de crimes, nous pensons seulement qu'il devait offrir des moyens publics de défense, puisqu'il était accusé publiquement au sein même de l'Assemblée constituante. Il ne l'a pas fait; il n'est donc pas étonnant que sa conduite ait été vivement suspectée, et sa présence ici capable d'inquiéter. Mais une circonstance bien singulière a fini d'aigrir les esprits. M. Lajaille arrive, et c'est pour commander les forces envoyées dans cette même colonie, où il a déjà porté le trouble. D'un autre côté, M. Bertrand fait insérer dans les papiers publics que tous les officiers de la

marine sont à leur poste, que si quelques-uns l'ont quitté, des attentats, des menaces les ont obligés à prendre ce parti, et malgré cela, le ministre s'empresse de donner des commandements aux hommes que l'opinion publique a depuis longtemps réprouvés.

Une marche aussi inconsidérée est faite pour jeter de la défiance sur toutes les opérations de M. Bertrand; elle indique du moins qu'il est peu jaloux de mériter l'estime des patriotes, et qu'il n'est pas fidèle dans ses rapports, puisque nulle insulte n'a été faite aux officiers de mer, puisque la dernière revue passée au port de Brest annonce qu'il y a 104 officiers de marine absents par congé, 271 sans congé, et 28 qui demandent leur retraite, ce qui forme un déficit de 403 sur le nombre total de 600.

« Voilà, Monsieur le Président, les véritables causes du mouvement passager que notre ville vient d'éprouver. Quant aux moteurs de l'émeute, ils nous sont encore inconnus; mais nous vous assurons que la garde nationale de Brest, les troupes de terre et de mer ont donné le plus grand exemple de soumission aux lois, de zèle pour les défendre et d'empressement sans bornes à protéger l'individu censé coupable, lorsque sa sûreté leur a été commandée. Nous devons beaucoup d'éloges au maréchal de camp commandant, aux officiers qui ont marché à la tête d'un régiment et des canonniers de la marine, et au commandant de la garde nationale. Tous ont prouvé que le salut public est leur premier væu, et qu'ils sont prêts à tout entreprendre lorsqu'il s'agit de l'affermir.

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Quant à nous, défenseurs nés de tous les hommes opprimés, nous n'avons fait que notre devoir en protégeant celui que la loi ne condamnait pas. Nous ne devons cependant pas vous dissimuler que M. Lajaille et même que quelques autres officiers commandant dans l'escadre destinée pour Saint-Domingue, n'inspireront jamais de confiance, d'après l'opinion fortement prononcée contre eux. Nous saurons mourir, s'il le faut, pour le maintien de la liberté; mais la vérité et l'intérêt public nous commandent de faire connaître à l'Assemblée nationale que de pareils choix ne peuvent que compromettre éminemment la tranquillité de notre ville, les forces de l'Etat et le salut des colonies.

« Nous espérons, Monsieur le Président, que l'Assemblée nationale trouvera dans le procèsverbal que nous joignons à cette lettre, des motifs d'approuver que nous ayons déposé M. Lajaille au château, puisque cette mesure pouvait seule assurer ses jours, en évitant d'ailleurs l'effusion du sang.

« L'Assemblée ne tardera pas à recevoir, sur l'événement dont nous avons dû lui rendre compte, le rapport du directoire du département du Finistère, à qui nous en avons fait part. « Nous sommes avec respect, etc. «Les administrateurs du district et les officiers municipaux de la ville de Brest. »>

(Suivent les signatures.)

Procès-verbal de l'émotion populaire qui a eu lieu à Brest, le 27 novembre 1791, relativement à M. Lajaille, capitaine de vaisseau.

Aujourd'hui, 27 novembre 1791, nous, officiers municipaux de Brest, certifions et rapportons que, vers les quatre heures de l'après-midi, un planton de la garde nationale, de service au poste de la porte de Landerneau, s'est présenté à

la maison commune et nous a prévenus qu'un attroupement assez considérable, formé sur les glacis, avait entouré un particulier et l'avait forcé de rentrer en ville; que des menaces évidemment dirigées vers ce particulier avaient déterminé le commandant du poste à le recueillir, pour le soustraire à la fureur populaire, que l'attroupement croissait à vue d'oeil, et qu'il était à craindre que le poste ne fût forcé.

« A l'instant, nous sommes sortis du bureau municipal, au nombre de quatre, accompagnés du substitut du procureur de la commune, et revêtus de nos écharpes. Nous nous sommes transportés au corps de garde, devant lequel s'était formé l'attroupement, à l'effet de le dissiper et de nous informer des causes qui y avaient donné lieu. Nous y avons appris du commandant du poste que le sieur Lajaille, capitaine de vaisseau, ayant été poursuivi et maltraité sur les glacis, il avait cru de son devoir de détacher un piquet pour le secourir, et que pour protéger plus efficacement cet officier, il l'avait retiré dans son corps de garde. Entrés dans le poste, nous y avons effectivement vu un particulier, vêtu d'une redingote grise, lequel nous a dit se nommer Lajaille, capitaine de vaisseau. Il nous a ensuite déclaré qu'à peine arrivé dans cette ville, où il venait prendre le commandement d'un des bâtiments destinés pour Saint-Domingue, il avait été prévenu que sa présence ne manquerait pas de causer du trouble, que pour l'éviter il s'était déterminé à s'éloigner de la ville; mais que, rendu au haut des glacis, il avait été assailli et maltraité de propos et de coups, et qu'il aurait couru les plus grands dangers sans l'intervention de quelques citoyens et des fusiliers du poste venus à son secours.

«Nous adressant alors au peuple attroupé, nous lui avons ordonné au nom de la loi de se retirer. Des cris se sont élevés de toutes parts: « N'est-il "pas affreux de récompenser par un comman

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dement l'un des premiers agents des troubles « des colonies; c'est un scélérat qui a fait rougir « des boulets pour tirer sur les patriotes. Il est "sans doute renvoyé aux colonies pour y opérer la contre-révolution. Si nous n'en faisons pas justice, il restera impuni comme tous les autres traitres, etc. » (Applaudissements dans les tribunes.) Le tumulte augmentant avec l'attroupement, et ne nous permettant plus de nous faire entendre, trois d'entre nous sont restés au corps de garde pour la sûreté du sieur Lajaille, et les deux autres se sont rendus à la maison commune pour faire leur rapport au corps municipal qui y était alors assemblé.

"Aussitôt, le corps municipal a fait battre la générale, et a requis les commandants de terre et de mer et celui de la garde nationale, de faire mettre, sur-le-champ, en armes leurs troupes respectives. En ce moment, les administrateurs du district se sont rendus à la maison commune; ils ont approuvé les mesures déjà prises, et les deux corps se sont de suite transportés au lieu de l'attroupement où les troupes de ligne et les gardes nationales se rendaient avec affluence. Les ténèbres de la nuit rendant aussi incertain que dangereux l'emploi de la loi martiale on s'est borné à publier à son de caisse l'ordre suivant :

Il est ordonné, au nom de la loi, à tous les - citoyens rassemblés sans armes, de se retirer sur-le-champ, afin que les troupes puissent exécuter les ordres qui leur sont et seront donnés pour le rétablissement de la tranquillité publique. »

« Cet ordre a paru d'abord diminuer l'attroupement; mais presque aussitôt il s'est reformé avec autant de force. Les corps administratif et municipal ont balancé sur le parti qui leur restait à prendre. Il a été proposé de faire sortir le sieur Lajaille de la ville sous l'escorte des dragons et des gendarmes nationaux, avec charge de le conduire dans le lieu qu'il indiquerait. Mais, sur ce qu'il a été observé que les avenues des glacis étaient remplies d'un peuple immense; qu'ainsi ce moyen exposerait cet officier aux plus grands dangers, que d'ailleurs sa présence au corps de garde irritait de plus en plus les esprits, et que l'obscurité de la nuit ne permettait pas d'espérer que sa translation à son domicile pût s'effectuer sans crainte pour ses jours, après en avoir conféré avec M. de La Bourdonnaye, maréchal de camp et autres chefs militaires, il a été unanimement résolu de transférer le sieur Lajaille au château de Brest, sous l'escorte des troupes réunies.

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Le sieur Lajaille rendu au château, nous l'avons remis à la garde du concierge, avec injonction expresse d'avoir pour lui tous les égards dus à sa position. Cette disposition exécutée, les attroupements se sont insensiblement dissipés par les vives exhortations des magistrats et des bons citoyens, et par le zèle soutenu des gardes nationales et des troupes de ligne.

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Le calme ainsi rétabli, nous nous sommes retirés à la maison commune; les portes de la ville ont été rouvertes aux habitants qui en solJicitaient l'entrée, et nous avons requís les commandants de faire rentrer les troupes dans leurs quartiers respectifs; le commandant de la garde nationale a été en outre requis de faire redoubler les patrouilles pendant la nuit. (Applaudissements.)

«Fait et arrêté à Brest, etc. »

(Suivent les signatures.)

Un membre: En remontant à la source de ces émeutes populaires, ne peut-on pas en accuser le pouvoir exécutif? Tandis que vous apportez le plus grand soin à rechercher les causes et à arrêter le progrès des maux qui désolent nos colonies, if envoie, pour y rétablir le calme, un sieur Guernera, obligé de fuir de Brest pour avoir tenu les discours les plus indiscrets au sujet de la Révolution; il y envoie un sieur Lajaille, qui a déjà manifesté des sentiments antipatriotiques aux colonies, qui a été dénoncé de toutes parts au corps constituant, et qui, par son silence même, s'est avoué coupable des crimes qu'on lui imputait. Jugez si de tels hommes peuvent inspirer de la confiance; si l'on n'a pas lieu d'être révolté en voyant remettre en de telles mains le sort des colonies. Croyez-vous qu'il n'est pas infiniment dur pour les corps administratifs, pour la garde nationale, pour les troupes de ligne, de s'exposer sans cesse en faveur des ennemis de la Constitution?

Je demande qu'il soit envoyé un message au roi pour lui représenter combien les choses que l'on fait en son nom sont en opposition avec les sentiments dont il paraît animé, et le prier de n'envoyer aux colonies, à la tête des troupes qui doivent y passer, que des hommes environnés de l'estime et de la confiance publique. Je demande en second lieu qu'on s'occupe du remplacement des officiers de marine qui ont abandonné leur poste.

Plusieurs membres Le renvoi du procès-verbal au comité de marine!

M. Voisard. Je demande le renvoi du procèsverbal aux comités réunis de marine et de surveillance pour vérifier les faits dénoncés.

M. Bréard. Je prie l'Assemblée de vouloir bien se rappeler que je lui ai dénoncé qu'au port de Rochefort il manquait deux cents officiers de marine; ce fait est prouvé par les procès-verbaux de la municipalité. Je demande que le comité de marine vous présente, le plus tôt possible, les moyens de connaître les officiers absents et de pourvoir à leur remplacement. Nous avons un grand nombre de marins dans la marine marchande qui, je l'atteste, sont plus capables de faire le bien et de commander.

M. Delacroix. Le moyen qu'on demande est bien simple, c'est d'enjoindre au ministre de la marine d'envoyer l'état des officiers en activité, de ceux qui se sont retirés et de ceux qu'il a remplacés, etc., sous trois jours.

Plusieurs membres: Le renvoi au comité de marine !

Un membre Avec des renvois aux comités on donne le temps aux officiers de trahir la patrie. J'insiste pour que le ministre de la marine vous présente l'état des officiers émigrés, et qu'on procède, sans délai, à leur remplacement.

M. Cambon. Nous ne devons pas ainsi multiplier et croiser nos demandes. Il y a eu dernièrement un décret qui ordonne au ministre de la marine de vous présenter, d'ici au 15 de ce mois, l'état des officiers à remplacer; il faut donc attendre le terme fixé par le décret. Je demande la question préalable sur la motion de M. Delacroix et le renvoi du procès-verbal de la municipalité de Brest au comité de marine.

Un membre du comité de marine : J'observe que les états demandés sont remis au comité de marine qui fera son rapport sans délai.

(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Delacroix, ordonne que le comité de marine lui fera mardi au soir un rapport sur le remplacement des officiers de la marine et renvoie à ce comité le procès-verbal des administrateurs du district de Brest.)

Un membre: Je demande qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de la conduite qu'ont tenue les administrateurs du district, la municipalité, la garde nationale et les troupes de Brest. (Appuyé! appuyé !)

(L'Assemblée décrète cette motion.)

M. Fauchet. Voici une lettre du conseil général du département du Calvados, adressée à la députation et dans laquelle il se plaint de ce que le ministre de l'intérieur n'a fait parvenir au Directoire que le 25 novembre le décret du 29 septembre dernier, concernant la fixation et la répartition des contributions foncière et mobilière pour l'année 1792; elle est ainsi conçue :

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« Le conseil du département du Calvados vous a informé, le 16 de ce mois, qu'il lui est impossible de terminer le répartement dans le délai fixé par la loi. Les travaux importants qui lui sont confiés, la nécessité d'une prolongation de 15 jours devient plus indispensable pour la chose publique. Nous avons cru, Sire, qu'il était de notre devoir de vous instruire des principaux motifs qui se sont présentés à notre sollicitude pour obtenir cette prolongation.

"

La principale opération qui nous est soumise consiste dans le répartement des contributions publiques, pour l'année 1792. Le répartement ne pourra avoir lieu, si le délai que nous sollicitons nous est refusé. La négligence du ministre de l'intérieur qui n'a fait parvenir que le 25 de ce mois la loi du 29 septembre, a empêché le directoire de préparer ce répartement qui doit être arrêté par le conseil. Cette négligence est alarmante, elle excite les plus vives inquiétudes; elle prépare les plus grands dangers, parce qu'on ne pourra s'occuper, dans le délai prescrit par la loi, de la partie la plus importante de nos travaux. Nous nous flattons donc, Sire, que Votre Majesté prendra en considération et qu'elle accueillera favorablement une demande qui a pour objet l'intérêt général.

« Nous sommes avec respect, Sire, etc.
(Suivent les signatures.)

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« Le conseil du département du Calvados, depuis l'ouverture de sa session, emploie tout son zèle et son activité pour remplir la grande tâche qui lui est confiée.

« Le 16 de ce mois, il s'est adressé au roi pour demander une prolongation de 25 jours, nécessaire à l'achèvement de ses travaux. Nous venons de l'informer de nouveau de l'impossibilité où nous sommes réduits, de déterminer l'opération la plus essentielle de l'administration, par l'effet du ministre de l'intérieur, qui n'a fait parvenir que le 25 de ce mois, au directoire, le décret du 29 septembre, concernant la fixation et la répartition pour les contributions foncière et mobilière. Ce retard coupable et funeste à la chose publique pour le département a empêché le directoire de faire le répartement qui devait être arrêté par le conseil.

« Le conseil du département du Calvados a cru qu'il était de son devoir de prévenir l'Assemblée nationale de cette conduite repréhensible du

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M. Fauchet. M. le Président, je vous demande la parole là-dessus.

M. le Président. Vous l'avez.

M. Fauchet (1). Il est temps de faire un exemple; la France l'attend, la patrie l'exige, la justice le veut, les intérêts de la liberté le commandent. Nous perdons l'Etat si nous ne perdons pas un ministre prévaricateur. J'accuse, au nom de la Constitution, M. Delessart de deux crimes de haute trahison. Il a trahi le plus essentiel devoir de son ministère, en n'envoyant pas à temps la loi pour la répartition de l'impôt. Il a trahi la cause de la nation, en diffamant solennellement, au nom du roi, la première des autorités constituées; en calomniant, dans une proclamation adressée au peuple français, l'Assemblée nationale. Ces deux crimes sont incontestables, la preuve officielle du premier est dans la dénonciation qui vous est faite par le conseil du département du Calvados. La preuve complète du second est dans toutes les places publiques et dans les mains de chacun de nous, qu'on a voulu rendre dépositaires des monuments multipliés de cet attentat. Ces deux crimes sont graves: ils attaquent ouvertement la sùreté de l'Etat; ils appellent sur la tête de celui qui s'en est rendu coupable, l'exercice le plus terrible de la responsabilité.

Le directoire du Calvados devait avoir deux mois pour préparer son travail de répartement des impositions. Le conseil du département devait, au moment de son rassemblement, examiner ce travail et le consommer. La loi, au lieu d'être envoyée à son époque, n'arrive au directoire que la veille du jour où le conseil s'assemble. Rien n'est fait, rien n'a pu être fait. L'assiette des contributions publiques est rendue impossible dans un des plus riches départements de l'Empire. Et c'est un ministre chargé d'envoyer les lois aux administrateurs, qui brave ainsi le plus sacré de ses devoirs, qui expose l'Etat à manquer ses recouvrements essentiels, et qui se joue de la fortune publique ! S'il se permet cette prévarication avec audace, il ne faut pas du moins que ce soit avec impunité.

Observez d'abord, Messieurs, quel est l'homme dont il s'agit, et ensuite quelles sont les combinaisons de ses rapports avec le Calvados. C'est l'homme qui avait pris l'esprit d'agiotage et d'aristocratie auprès de M. Necker; c'est lui qui était le premier instigateur de la manoeuvre de M. Rutledge, pour affamer Paris dans les premiers mois de la Révolution. Je gérais alors la police de la capitale : j'ai connu toute cette odieuse affaire ensevelie dans les greffes du Châtelet, et où M. Rutledge, le seul puni par une longue détention, était le moins coupable. C'est l'homme qui, cette année même, n'a rien su combiner pour alimenter la France, et n'a pas prévenu ce qui peut la réduire à la disette. Il a écrit, dit-il, des lettres à tous les départements du royaume, pour leur recommander les mesures qui pouvaient leur assurer des subsistances, et il est convenu ici que la majorité

(1) Bibliothèque de la Chambre des Deputes: Collection des affaires du temps, Bf. in-8° 165, t. 143, n° 226.

des départements ne lui avaient pas seulement répondu... «ne lui avaient pas seulement répondu " sur un objet de nécessité première; et il reste tranquille et il est venu étaler froidement dans l'Assemblée nationale cette indifference criminelle! Et nous aussi, nous restons paisibles! Cependant les grains, les farines, jusqu'aux moindres graines comestibles s'écoulent par les côtes du royaume, par les frontières, sans arriver aux départements méridionaux qui en manquent (*). On crie de toutes parts; le ministre de l'intérieur ne s'émeut pas. Un seul objet attire sa tendre sollicitude: c'est le sort des prêtres réfractaires. Leurs traitements sont fixés avec facilité, avec largesse. La plupart des départements les payent les premiers. Quant aux ecclésiastiques fidèles, leur traitement se fixe avec une lenteur infinie; leurs payements ne s'effectuent point, ou ne se perçoivent qu'après des demandes réitérées, des rebuffades continuelles, de longs et coûteux voyages au district, au département plusieurs curés constitutionnels sont obligés de quitter leur paroisse où ils meurent de faim. Toutes leurs réclamations sont vaines; des administrateurs aristocrates s'en font un jeu barbare; ils comptent sur le ministre. Leur espoir n'est pas trompé : ils reçoivent de lui des éloges; il les fait signer par 5 autres ministres. Des ennemis notoires du bien public, qui font l'exécration de tout ce qu'il y a de patriotes, sont pour lui les premiers des hommes, et les patriotes zélés lui paraissent des factieux qu'il faudrait effacer de la France. Est-il un seul administrateur aristocrate contre qui la voix publique se soit élevée, qui n'ait été soutenu par le ministre? Est-il un seul bon citoyen qu'il n'ait pris plaisir à voir impunément vexé par ces petits despotes? n'a-t-il pas dans sa main le fil de toutes les trames qui se sont ourdies contre la Révolution, en quelque partie que ce soit de l'Empire? Demandez à Marseille, à Arles, dans le Comtat. Vous avez entendu M. l'abbé Mulot s'excuser en disant : « Je manquais de force pour contenir les divers partis dans Avignon. J'ai demandé avec instance au ministre de l'intérieur qu'il m'accordât quelques bataillons de volontaires des départements voisins: il m'a refusé, sous le seul prétexte que ces bataillons devaient aller aux frontières. Cependant ils

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ne partaient pas encore. Avignon alors était frontière le trouble y était, le sang allait couler. Les cris du médiateur sont inutiles : le cruel ministre se tait. Point de force répressive; on s'égorge, on se massacre. Si les volontaires avaient paru, toutes ces horreurs eussent été épargnées à la nature; nous n'aurions pas reçu au sein de la patrie une terre ensanglantée, mais un pays de frères ramenés à la concorde. Tous ces morts entassés sont à Delessart; je voudrais qu'on lui laissat la vie, et que longtemps son imagination tourmentée de remords contemplât cette caverne infecte où ils sont engloutis (*). (Murmures à droite.— Applaudissements dans les tribunes.)

Voix diverses à droite: Quelle horreur! - Un évêque tenir de pareils propos!

M. Fauchet. J'ai demandé qu'on lui laissât la vie; c'est un trait d'humanité. (Murmures à droite.)

Revenons dans le Calvados: C'est là où les conjurateurs qui se nommaient les gens de

(1) Voir aux annexes de la séance, p. 550, une lettre de M. Belle,député d'Indre-et-Loire,relative à ce passage.

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