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offrir les efforts de tous. Organes auprès de vous, Messieurs, des sentiments et du respect de nos concitoyens, daignez en agréer l'hommage. (Vifs applaudissements.)

M. le Président, répondant à la députation. Les troubles dont gémít la colonie de Saint-Domingue, leurs suites affreuses, affligent les Français et alarment le commerce, mais la certitude des pertes immenses n'a pu refroidir le patriotisme des habitants des ports de mer. De toutes parts des offres généreuses sont faites à la patrie; et les Français se distinguent par des vertus qui honorent l'humanité.

L'Assemblée vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements.)

Un membre: Je demande qu'on fasse mention honorable de cette offre au procès-verbal, et qu'on la renvoie, de même que celle des citoyens de Bordeaux, aux comités des colonies et de marine réunis.

M. Cambon. Le Corps législatif ne peut pas être indifférent sur les troubles de Saint-Domingue. Je rappelle que l'Assemblée, par respect pour la Constitution, a écarté par l'ordre du jour la demande de 10,470,000 livres, faite par le ministre de la marine, pour l'armement destiné à Saint-Domingue, parce que cette demande n'était pas revêtue des formes constitutionnelles (1). Je ne crois pas que le Corps législatif doive garder un état d'inaction sur le silence actuel du ministre. Je demande que le comité de législation soit chargé de présenter demain un mode pour rappeler les ministres à l'exécution des formes constitutionnelles, quand ils les perdront de vue dans leurs demandes.

(L'Assemblée décrète qu'elle fera dans son procès-verbal mention honorable de l'offre des habitants de la Rochelle et qu'elle renvoie au pouvoir exécutif pour en faire usage.)

M. Dorliac, député de la Haute-Garonne, prête le serment individuel prescrit par la Constitution.

M. Rouhière, citoyen de Cherbourg, est admis à la barre et s'exprime ainsi :

Messieurs, victime de ma bonne foi, de mon amour pour la chose publique, je le suis aussi des ministres, de leurs commis et de tous leurs agents. Les motifs de mes réclamations seraient trop longs à déduire ici. Vous les connaissez par l'adresse que j'eus l'honneur de présenter à l'Assemblée constituante. J'ai fait des avances pour les hôpitaux au moment des travaux de la rade de Cherbourg. L'Assemblée ordonna que les faits seraient vérifiés par le directoire du département et par celui du district de Cherbourg. Les avis des deux corps administratifs me furent également favorables; mais le comité des rapports, ne se croyant pas compétent, m'a renvoyé au commissaire du roi, liquidateur. C'est à des hommes du roi qu'on me renvoie, quand je me plains des hommes du roi.

Pardonnez à mon importunité. Ma femme, mon fils, mes créanciers me demandent du pain; je n'en ai point à leur offrir. Je sollicite votre humanité. Je demande que l'Assemblée me juge, ou me donne un juge qui ne soit pas le pouvoir exécutif; car c'est contre le pouvoir exécutif que je plaide.

Vous me rendrez cette justice, Messieurs, en or

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 s., t, XXXIV, séance du 9 novembre 1791, page 723.

donnant que les pièces qui sont chez le commissaire du roi, liquidateur, me seront communiquées et seront déposées au comité des pétitions, qui devra les examiner et vous en faire ensuite le rapport que j'attends depuis un an.

M. le Président. Monsieur, le sanctuaire des lois est aussi celui où les citoyens peuvent avec assurance faire entendre leurs plaintes. L'Assemblée nationale se fera rendre compte de vos réclamations et vous invite à assister à sa séance.

M. Le Tourneur. L'Assemblée nationale a rendu, sur cette affaire, un décret par lequel elle avait ordonné que M. Rouhière remettrait en bon état les lits et autres objets qui lui avaient été confiés par le gouvernement; qu'après la remise de ces objets, sa réclamation serait liquidée; et que dans le cas où il ne ferait pas cette remise, il serait poursuivi et contraint. D'après ce décret, la question, qui se réduit à savoir si M. Rouhière a fait la remise des effets dont il s'agit, doit être renvoyée au comité de liquidation. Il est juste d'autoriser la communication des pièces au pétitionnaire.

(L'Assemblée adopte les conclusions de M. Le Tourneur.)

En conséquence, le décret suivant est rendu : « L'Assemblée nationale décrète le renvoi de la pétition du sieur Rouhière à son comité de liquidation, auquel le commissaire liquidateur sera tenu de remettre toutes les pièces relatives à cette affaire, et à l'apurement des comptes dudit sieur Rouhière. »

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une délibération du directoire du département de la Haute-Vienne.

(L'Assemblée renvoie cette délibération au comité de division.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Camus, archiviste de l'Assemblée, relative aux listes des hauts jurés. Elle est ainsi conçue :

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Un membre: Je demande que les départements qui n'ont pas encore fait leurs élections soient nommés.

(Cette motion n'a pas de suite.)

M. Voysin de Gartempe. J'observe que les élections de divers jurés doivent être vérifiées par l'Assemblée. J'en demande le renvoi au comité de division.

(L'Assemblée renvoie au comité de division les procès-verbaux des nominations des hauts jurés, pour lui en faire son rapport demain.)

Un membre J'observe que. MM. Casamajor et Lerembourg, députés des Basses-Pyrénées, ont prêté le serment le 25 octobre dernier et que la mention n'en a pas été insérée au procès-verbal.

(L'Assemblée décrète que cette omission sera réparée dans le procès-verbal de ce jour.)

M. Hédouin, ancien officier de Royal-Comtois, est admis à la barre et s'exprime ainsi :

Messieurs, la cause qui m'amène ici est de même nature que celle de M. Moreton-Chabrillan. Je me garderai bien d'abuser de vos moments en Vous parlant d'une somme de 30,000 livres qui m'est due. En deux mots, Messieurs, j'avais 20 ans de services en 1773, lorsqu'on m'a spolié de mon état, avec les autres officiers de RoyalComtois. J'ai depuis sollicité vainement les ministres et M. Duportail, mon cadet sous tous les rapports. Mes frères d'armes qui, comme moi, ont 40 ans de services, sont ou morts ou maréchaux de camp, ou lieutenants généraux. Je réclame la protection et la justice du Corps législatif. Mon sort est à la disposition de l'Assemblée nationale; c'est-à-dire de la raison, du bon droit et de l'équité. (Applaudissements.)

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition du sieur Hédouin au comité militaire.)

M. Léonard Bourdon est admis à la barre et fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage imprimé en 1788, précurseur de la Révolution, et portant le titre de Plan d'éducation nationale pour la jeunesse. Il demande en outre le rapport, par le comité d'instruction publique, d'une pétition qu'il a présentée à l'Assemblée constituante et qui a pour objet la formation d'une Ecole d'expérience pour trouver la meilleure méthode d'éducation. (Applaudissements.)

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée ordonne une mention honorable au procès-verbal, de l'hommage de M. Bourdon, et le renvoi de sa pétition au comité d'instruction publique.)

Une députation de la section de Sainte-Geneviève

est admise à la barre.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Législateurs, la section de Sainte-Geneviève, convoquée et formée selon le vœu de la loi, á lu vos décrets contre les émigrés; elle a reconnu dans la première législature les principes sévères, la fermeté inébranlable quí caractériseront toujours les représentants d'un peuple libre. Elle sera donc consolidée, cette étonnante Révolution! nos ennemis ne se joueront plus impunément de la souveraineté nationale! Des enfants ingrats et rebelles conspiraient contre la patrie, ils vont être forcés de rentrer dans son sein, où le glaive de la loi frappera leurs têtes coupables.

Continuez, législateurs, la liberté languissait, vous l'avez ranimée par votre énergie. Le peuple a les yeux sur vous; si vous fléchissez, nos maux sont incalculables. Agissez avec force et l'Empire est sauvé. (Applaudissements dans les tribunes.) Non, le patriotisme n'est pas éteint. Nous verrons bientôt ce feu sacré répandre une lumière plus vive et plus éclatante que jamais.

Paris vous doit encore un autre tribut de reconnaissance, les braves troupes du centre allaient nous être enlevées, toute la ville frémissait en voyant ces premiers soldats du patriotisme, prêts à quitter nos murs, théâtre de leurs exploits civiques. Il nous semblait que la liberté allait s'exiler de notre enceinte avec ceux qui, d'un bras courageux, y avaient planté ses étendards. Un décret provisoire a suspendu nos inquiétudes; un décret ultérieur, nous l'espérons, comblera nos vœux!

Pères de la patrie, une section nombreuse de la capitale vient vous témoigner sa satisfaction. Recevez l'assurance de son respect pour la loi et le serment qu'elle renouvelle, par notre organe, de mourir pour la défendre. (Vifs applaudissements.)

M. le Président, répondant à la députation. L'Assemblée nationale a entendu avec satisfaction l'expression de vos sentiments et de votre reconnaissance; elle vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements.)

Plusieurs membres demandent qu'il soit fait mention honorable de la demande de ces citoyens au procès-verbal, et que leur discours y soit inséré.

(L'Assemblée adopte cette motion. (Vifs applau dissements.)

Un membre: Je demande que le comité de commerce fasse incessamment le rapport d'une pétition présentée au mois de maí dernier par les fabricants de jayet.

(L'Assemblée décrète cette motion.

M. Rossignol, garde national, est admis à la barre, avec un autre garde national, et présente une pétition où il annonce différentes découvertes; il fait hommage à l'Assemblée d'un fusil de son invention.

M. le Président lui répond et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition du sieur Rossignol au comité de commerce.)

M. Ouvrier Delile est admis à la barre et fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé. l'Arithmétique méthodique.

M. le Président lui répond et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée décrète que mention honorable sera faite de cette offre au procès-verbal.)

M. Charles de Bourbon-Montmorency, connu sous le nom Alexandre de Créqui, est admis à la barre; il s'exprime ainsi :

Messieurs, je manque d'expression pour rendre la vivacité de la reconnaissance dont je suis pénétré. Tributaire envers l'Assemblée nationale de France qui m'admet à l'honneur d'entrer dans son sein, après m'avoir rendu la liberté, la vie et ma patrie, j'apporte devant vous, Messieurs, l'intérêt général de tout citoyen, et la preuve complète des rigueurs du despotisme ministériel, arbitraire et déprédateur sous le règne de Louis XV et de Louis XVI, ce qui nécessite le récit et le précis de ma naissance et de mes événements.

Elisabeth de Montmorency, dite princesse de Friberg et de Schranberg, me donna le jour et m'apprit que je suis le fruit de son mariage secret avec Louis XV, antérieurement à celui qu'il fit en public avec la princesse de Leczinski. Ma mère retourna dans ses Etats, à Friberg, en Empire. Là, elle fut recherchée en mariage par Jacques-Alphonse de Créqui, envoyé extraordinaire de France à Vienne, et qui ignorait ce mariage

clandestin.

Le roi Louis XV s'y opposa, et ne permit cette alliance qu'en 1736, mais sous des réserves politiques à expliquer en temps et lieu. Ceci se passait à Paris. La princesse de Montmorency, disgraciée de la cour de France et mécontente d'Alphonse de Créqui, se retira dans ses Etats, en Empire, près de Vienne. Ce fut à cette époque, en 1737, que je naquis et que je fus baptisé; ma mère repassa en France aux ordres de Louis XV,

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vers l'an 1748 ou 49. Alphonse de Créqui avait | lui demander justice et protection; je lui rapété aux portes de la mort, et comme il avait reçu la dot de ma mère qui absorbait tout ce qu'il possédait, en réparation, il me déclara son unique héritier par son testament; il fut fait ensuite devant notaire, un autre acte à Paris, qui porte mon signalement, par la singularité d'une empreinte que la nature m'avait imprimé ineffaçablement.

Par cet acte, je fus pensionné par Alphonse de Créqui pour mon éducation, sous la main de Gaudem d'Arosté, résidant alors à Paris; l'on me pourvut ensuite, par le même acte, d'un tuteur, qui fut Blanchefort, père de l'actuel, mon persécuteur, qui se dit Créqui. Ma mère fut placée, par ordre du roi, dans une maison de retraite. Dès ce moment, je la perdis de vue, je la crois vivante, n'ayant aucune preuve de sa mort.

Alphonse de Créqui ayant vécu concubinairement avec une demoiselle, pendant nombre d'années, continua ses errements avec elle, et elle le sollicita à me haïr et à me persécuter. La persuasion où était Alphonse de Créqui que je n'étais pas son fils, mais celui de Louis XV, le poussa à me faire moine.

Je résistai, on me mit dans un couvent pour m'y contraindre. Je m'étais échappé des mains d'Arosté, je fuis également du cachot monacal. J'avais alors environ 20 ans; enfin, pour me soustraire à mes persécuteurs, je voyageai dans l'étranger, où j'appris la mort d'Alphonse de Créqui, décédé en Poitou, dans sa terre, en 1771; je rentrai en France; où j'appris qu'il avait testé de nouveau. Je me procurai son extrait mortuaire, et copie de son testament et vins trouver Blanchefort le fils, qui avait succédé à son père dans l'administration de mes biens pupillaires; ce testament porte que le testateur avait un fils par le monde à qui appartenaient et auquel il laissait tous ses biens, qu'au cas qu'il reparùt, ils lui seraient rendus, et dans le cas contraire, ils resteraient audit Blanchefort fils. Ce testament portait, de plus, qu'on reconnaîtrait le fils aux marques indélébiles qu'il portait, et voilà la cause des criminelles persécutions que j'ai essuyées de la part de ce Blanchefort et de ses complices.

A mon apparition, sur la fin de 1773, cet administrateur de mes biens, mécontent sans doute de ma présence, me traita de faussaire, d'insposteur et d'aventurier; sur la demande formée par lui à la prévôté de Versailles où il résidait, étant attaché à la maison de Monsieur, il m'accusa et me dénonça comme tel; il conclut à mon arrestation; je fus emprisonné, mis au cachot, dessaisi de tous mes titres, qui furent livrés à Blanchefort sous prétexte d'examen. Par un coup du ciel, je me procurai l'acte ci-devant mentionné, il portait mon signalement, et prouvait mon identité. J'en sortis sous le nom de Créqui, comme j'y étais

entré.

On imagina ensuite de dire que j'étais complice de Lally dans l'Inde, où je ne fus jamais. La calomnie fut reconnue, le roi fut détrompé, et je sortis encore de prison.

Le roi meurt en mai suivant, le prince des Deux-Ponts, mon parrain et protecteur, meurt bientôt après; il m'avait conseillé de voyager encore, tandis qu'il me vengerait; sa mort me laissa désespéré. Je m'éloignai de mes ennemis, dont la persécution me suivait; je passai en Pologne, où je pris de l'emploi militaire, et pris femme en Silésie, en 1781. Je revins en France en 1782, je présentai des mémoires au roi, pour

pelai les promesses qu'il m'avait faites sous La Vauguyon; il s'en souvint et promit encore. Il me fit dire, ensuite, de me pourvoir au Parlement pour mes droits et réclamations. Le despotisme ministériel de France me persécuta; des circonstances me rappelèrent en Silésie; ces mêmes persécuteurs m'y poursuivirent; on m'y arrête; j'avais été calomnié, je me justifie, et je suis libre.

Mais bientôt, le ministère de France servit Blanchefort par complicité; on m'y crée une pension de 600 livres de rente viagère, le fonds constitué de 12,000 livres est consigné à la banque de Berlin et l'on me descend tout vivant dans un cachot, pour y pourrir et pour se soustraire à mes réclamations expresses.

L'Assemblée nationale l'apprend, après 9 ans de supplice, dans cet état affreux; sa justice et son humanité me rendent ma liberté et ma patrie. Le supplément historique de mes malheurs est sous la presse. Il existe aussi des preuves affirmatives de mon état personnel et naissance. Elles sont un secret de l'histoire de la famille régnante. On me les a refusées, parce qu'elles contiennent des faits contre Louis XV. On y trouve aussi les pensions, traitements et les ordres dont je fus décoré, et il n'est aucun prétexte de les refuser à l'Assemblée nationale. Il n'est aucun livre rouge, ni vert, ni de couleur quelconque, qu'elle n'ait le droit de voir, surtout, quand le motif comme ici, est juste, et je conclus en attendant, Messieurs, cette représentation: 1°que Blanchefort soit d'abord tenu de représenter le titre qui l'a établi administrateur de mes biens pupillaires, et à ce qu'il rende compte de sa gestion.

2o Je demande que le même Blanchefort soit également contraint de représenter l'acte testamentaire qui défère et conserve les biens au pupille, en cas qu'il reparaisse, et à défaut de laquelle disparution et retour, les délaisse et abandonne audit administrateur ci-dessus nommé. J'observerai que les indemnités qui me sont dues par le gouvernement, pour raison de l'oppression et supplication de ma personne et de mes biens, le tout par la complicité du despotisme ministériel, et afin de me soustraire à la conservation de tous mes droits et indemnités, sont un objet sur lequel l'Assemblée est seule compétente de prononcer.

Ma demande est donc essentiellement juste, puisqu'elle est constitutionnelle et digne de toute l'intégrité qui vous caractérise, et que je me propose de célébrer toute ma vie.

M. le Président. Monsieur, vos infortunes ont retenti dans toute la France. Au moment où l'Assemblée constituante en a été instruite, elle a brisé vos fers, et la première législature achèvera son ouvrage en étendant sur vous sa main prendra votre demande en considération, elle puissante et secourable. L'Assemblée nationale vous a écouté avec intérêt et vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements.)

Plusieurs membres: Le renvoi de la pétition aux tribunaux!

M. Chabot. Je m'oppose au renvoi aux tribunaux. Je vois dans cette pétition une dénonciation du pouvoir exécutif. Le pétitionnaire pourra qui devrait servir à indemniser ceux que le vous apprendre, par exemple, que la liste civile pouvoir exécutif persécuta jadis, sert à alimenter les ressources des émigrants; il vous apprendra

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que les enfants des princes sont pour ainsi dire des enfants nationaux. (Rires ironiques dans l'Assemblée. Applaudissements dans les tribunes.) Il vous apprendra encore beaucoup d'autres choses. Vos rires ne m'intimident pas et je monterai à la tribune s'il le faut parce que je ne crains pas les huées de ceux qui ne veulent pas entendre parler contre le ministère. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)

M. le Président. Je rappelle aux tribunes le respect qu'elles doivent à l'Assemblée et j'ajoute que les amis de la liberté seront toujours prêts à exécuter le règlement.

(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Charles de Bourbon-Montmorency au comité de législation.)

Un de MM. les secrétaires. Voici une lettre datée de Longwy, 7 novembre 1791, et signée Launay, commandant le quatrième bataillon des volontaires de la Moselle; elle est ainsi conçue:

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Plusieurs membres: L'ordre du jour! Il n'a qu'à se pourvoir devant les tribunaux.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une pétition du sieur Johannot, d'Annonay, qui promet à la nation une grande économie sur la fabrication du papier des assignats.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des assignats et monnaies pour en faire le rapport incessamment.)

M. Barthelet est admis à la barre pour présenter une pétition relative à la découverte d'un signe inimitable pour empêcher la falsification du papier nécessaire aux assignats; il s'exprime ainsi : Messieurs, j'ai trouvé un moyen sûr d'empêcher la falsification du papier par le moyen d'une machine que j'ai inventée. Cette machine est unique. On peut bien en faire 100,000 autres, mais on ne peut en composer deux de semblables, car le signe inimitable est produit dans la matrice par un concours fortuit de circonstances qui ne peuvent jamais se retrouver les mêmes. Une nouvelle formation de la même matrice est aussi impossible que, dans le système d'Epicure, une nouvelle formation de l'univers par le moyen des atomes. Non seulement vous pourriez l'adopter, Messieurs, pour garantir les assignats de la falsification, mais encore les caisses particulières, les négociants, tous les citoyens pourront en faire usage. L'univers entier s'en servirait, sans qu'il y eût de confusion, car les empreintes peuvent se diversifier à l'infini, mais la matrice ne se renouvelle plus. Puisse cette découverte prévenir des crimes et assurer la fortune publique.

M. le Président répond à M. Barthelet et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition du sieur Barthelet au comité des assignats et monnaies et décrète, en outre, que mention honorable en sera faite aux procès-verbal.)

M. Le Tourneur. On a déjà mis sous vos yeux les malheurs des familles acadiennes. Leurs réclamations ont été renvoyées au comités des pétitions. Je demande qu'il en fasse son rapport dans deux jours.

(L'Assemblée ajourne à mardi prochain la discussion sur les familles acadiennes.)

MM. Delion, Drouet et Gentil, citoyens de Varennes, sont admis à la barre.

Ils abandonnent aux gardes nationales les plus maltraités par la fortune, l'argent qui leur à été donné par un décret de l'Assemblée nationale constituante, et réclament l'effet de la promesse qu'elle leur a faite, lors de l'arrestation du roi à Varennes, de leur donner du service, en qualité d'officiers, dans les troupes de ligne.

M. le Président, répondant aux pétitionnaires. Messieurs, c'est ajouter aux services que vous avez déjà rendus à la patrie, que de demander un poste utile à sa défense. Je puis vous assurer que l'Assemblée prendra votre demande en considération; elle vous invite à assister à sa séance.

Un membre: Le renvoi de la pétition au comité militaire !

(L'Assemblée renvoie la pétition des sieurs Delion, Drouet et Gentil au comité militaire, pour en faire le rapport sans délai.)

Une députation de citoyens des 48 sections de Paris est admise à la barre pour faire lecture d'une pétition relative aux subsistances.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Messieurs, le corps municipal a convoqué la commune pour délibérer sur la subsistance; une inquiétude générale a suivi. Cette inquiétude est fondée sur la hausse prompte et excessive du prix du pain, sur la reproduction spontanée des farines viciées que l'on garde à grands frais depuis deux ans dans les magasins de la capitale. Ces malheurs sont la suite nécessaire des exportations au dehors et des accaparements intérieurs d'une denrée de première nécessité sur laquelle toute spéculation est un crime.

Les 48 sections, provoquées par le corps municipal, ne pouvaient délibérer séparément; un vœu isolé n'aurait produit qu'une fâcheuse incertitude sur un objet aussi urgent et aussi général. Elles ont commencé par mettre en avant quelques opinions particulières, et ont chargé des commissaires de se réunir pour délibérer sur ces bases, qui, pour être utiles, devaient être uniformes.

La première démarche du commissaire a été d'en donner connaissance au corps municipal. Les entraves multipliées des administrateurs municipaux et du directoire du département ont privé la commune de Paris, par une décision, d'un droit sans lequel le but de la convocation serait toujours manqué. Ils ont affecté de confondre avec des pétitionnaires des citoyens qui ne s'assemblaient que pour préparer la réponse unanime des sections aux interpellations du corps municipal. La loi du 22 mai défend à des commissaires chargés de recenser des délibérations déjà prises, de délibérer eux-mêmes; mais elle ne défend pas aux sections de se réunir dans un comité central des commissaires chargés de se

concerter sur les bases d'une délibération unanime.

Si les commissaires que le corps municipal a désunis eussent marqué le désir de se coaliser avec l'administration en faisant de leur délibération un arrêté qu'ils eussent voulu immédiatement mettre à exécution, sans doute ils eussent mérité alors le blâme du département; mais l'autorité compromise des corps constitués, et le danger de laisser l'administration aux citoyens ne sont ici que des prétextes. Les commissaires des sections n'avaient d'autre objet que d'arrêter entre eux, selon leurs pouvoirs, les éléments et les bases d'une réponse uniforme. Cela fait, chacun devrait retourner à sa section qui aurait délibéré sur des principes certains. Comment pourrait-on exiger que 48 assemblées séparées, livrées à des diversités d'opinions, qui, chez ellesmêmes, rendent très difficile la connaissance de leur vou, puissent, sans s'entendre et sans se concerter par un travail préliminaire, présenter un travail satisfaisant sur des questions aussi délicates que celles relatives aux subsistances? De quoi donc doivent se plaindre la municipalité et le département? et pourquoi accumuler tant de questions étrangères? Dans la position des choses, ils ont eux-mêmes recensé les délibérations, ils ont constaté 45 opinions sur le même objet. N'était-il pas ridicule, d'après cela, de s'opposer au travail des commissaires?

Cependant, Messieurs, les commissaires des sections ont obéi aux décisions qui les ont désunis, tout injustes qu'elles étaient; mais nous venons déposer individuellement dans votre sein nos inquiétudes sur les subsistances, et vous découvrir des abus qui sont dignes de vous

occuper.

On doit attribuer la rareté des subsistances à la nécessité de fournit des blés à une partie de nos colonies, et plus encore à celle de faire voyager les blés et farines par mer, pour faire passer aux provinces méridionales l'excédant des productions du nord. Tant que les canaux commencés ne seront pas achevés pour établir les communications intérieures, il sera toujours moins difficile de tirer des blés et des farines de la Barbarie et du commerce du Levant par Marseille, que de faire arriver à Bordeaux, et seulement jusqu'au Havre, les productions alimentaires de ci-devant province de Flandre, de Picardie, etc.

Sous prétexte d'embarquer pour l'Amérique et pour les provinces méridionales, on transporte notre blé et nos farines à l'étranger. La municipalité de Paris elle-même fait enlever des quantités considérables de grains dans les marchés, et cette précaution est une suite nécessaire, mais meurtrière, de sa persistance à vouloir se mêler du commerce des blés pour l'approvisionnement de la capitale. On peut, avec ce grand et spécieux motif, s'approprier les produits en grains de tout un grand royaume, et les revendre au prix qu'on veut. C'est ce qu'a fait l'administration de la ville, qui dispose à son gré du prix des comestibles, et a forcé, par ce moyen, les boulangers de prendre des farines viciées au prix excessif de 43 livres et de 45 livres le sac, ce qui établit, sans doute, la surenchère des farines extérieures, dont le prix du sac, pesant 325 livres, se porte à 54 livres.

Les abus existent encore dans l'intelligence affreuse qui règne entre la municipalité et les agents du pouvoir exécutif. Aussi avez-vous entendu le ministre de l'intérieur, précurseur de

la municipalité, vous dire nous devons être tranquilles sur les subsistances. Il ne s'agit que de favoriser la circulation dans le royaume du nord au midi, et tout sera en abondance.

Permettez-nous, Messieurs, de nous expliquer sur cette assurance ministérielle.

S'agit-il des subsistances du royaume, sous le rapport de la consommation généralé? Sans doute, il serait par trop ridicule d'annoncer une pénurie réelle après les trois récoltes dont la providence nous à favorisés depuis la Révolution. S'agit-il, au contraire, d'une famine factice ou méditée par nos ennemis dans la capitale, ou seulement d'un monopole criminel? c'est ici que la déclaration du ministre est aussi tortueuse que les menées du corps municipal sont suspectes; c'est ici, Messieurs, qu'il est nécessaire d'approfondir le système combiné du ministre et de la municipalité, dont elle n'est peut-être pas aussi dupe que le peuple; c'est ici qu'il vous appartient, Messieurs, de sonder la plaie dans toute sa profondeur, et de substituer au charlatanisme qui nous tue, des moyens vraiment curatifs dont le peuple a besoin, et qu'il attend de vous avec la plus grande confiance. S'il est vrai, comme nous aimons à le croire, que la capitale doive être dans une sécurité aussi parfaite que semble l'annoncer la déclaration vague et indéterminée du ministre, pourquoi depuis deux mois le pain, qui était à 8 et 9 sols les 4 livres, s'estil porté jusqu'à 11 sols?

Loin de nous, Messieurs, la tranquillité meurtrière qui nous endormirait sur des ruines très prochaines. Messieurs, ou la déclaration du ministre est vraie, ou elle est fausse et erronée. Si elle est fausse, pourquoi souffrir que le peuple suive aveuglément et dans une confiance perfide, un chemin qu'il croit sûr et qui pourtant le conduit à la mort. Si la déclaration est vraie, si la capitale est si bien approvisionnée, pourquoi les blés sont-ils si rares dans les marchés ? pourquoi les farines avariées de 1789 et 1790 répandent-elles encore dans nos magasins l'odeur infecte du despotisme qui les a entassées ? pourquoi le pain est-il porté à un prix excessif? pourquoi menace-t-on encore d'une hausse prochaine et intolérable aux approches d'une saison rigoureuse? Le ministre croit-il avoir satisfait à la vérité quand il a donné pour motif de la cherté des farines, le défaut d'une circulation intérieure? Est-ce donc là une excuse légitime et peut-on fournir pour justification la preuve même de son ineptie ou de son ignorance? Estce au moment où les besoins sont plus pressants et plus difficiles, que la surveillance, jusque-là morte ou engourdíe, doit s'éveiller pour sonner partout le tocsin.

Les départements, Messieurs, ne sont pas si ennemis les uns des autres, qu'on voudrait bien le dire. Heureusement, les sentiments de fraternité qu'on cherche à éteindre, sont dans le cœur des Français plus forts et plus solides que les petits moyens qu'on emploie pour les étouffer. Si le ministre eut fait afficher, dès le mois d'août, les besoins de nos provinces méridionales, si des états bien avérés eussent été publiés dans les départements du Nord, et si les destinations eussent été bien entendues et bien éclairées, très sûrement nous n'aurions point à répondre aujourd'hui à cette misérable excuse du ministre; mais nous démontrerons bientôt, d'une manière plus satisfaisante, la faiblesse des motifs qu'il a soumis; nous annoncerons les motifs réels de la hausse du prix, si vous permettez

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