Page images
PDF
EPUB

(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)

M. Delacroix. Je demande qu'à l'avenir...
Plusieurs membres : A l'ordre! à l'ordre!

M. Delacroix... l'Assemblée ne décrète l'impression d'aucun discours, même de ceux des ministres, qu'au préalable ils n'eussent été remis sur le bureau; car, Messieurs, si un ministre refusait de remettre son discours, vous ne pourriez pas l'imprimer.

(L'Assemblée décrète la motion de M. Delacroix.)

(La séance est levée à trois heures et demie.)

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du lundi 5 décembre 1791, au soir. PRÉSIDENCE DE M. LEMONTEY, vice-président.

La séance est ouverte à six heures du soir. Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 4 décembre 1791.

(L'Assemblée adopte la rédaction du procèsverbal.)

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Charon, officier municipal, qui annonce à l'Assemblée qu'il lui a déjà présenté une pétition sur les maisons de jeu, qu'elle a été renvoyée au comité de législation sans avoir été lue. Il prie l'Assemblée de hâter le rapport sur ces infâmes repaires.

M. Mulot. Il est impossible que l'Assemblée laisse subsister plus longtemps des repaires de brigands où l'on dépouille les citoyens et où les antirévolutionnaires s'engraissent. C'est au nom des mœurs que je demande la destruction de 2 ou 3,000 maisons de jeu qui infestent la capitale, et que je prie l'Assemblée d'ajourner à jour fixe le rapport du comité de législation sur cet objet. (Applaudissements dans les tribunes.)

(L'Assemblée, consultée, charge le comité de législation de faire son rapport, le 15 de ce mois, sur un projet de loi propre à réprimer les excès de la passion du jeu.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :

1° Adresse d'un citoyen à l'Assemblée, pour assurer la subsistance dans tout le royaume. (L'Assemblée renvoie cette adresse aux comités de commerce et d'agriculture réunis.)

2o Adresse des administrateurs du département des Cotes-du-Nord, qui félicitent l'Assemblée sur le décret contre les émigrants attroupés aux frontières; cette adresse est ainsi conçue :

Messieurs,

« Le décret que vous avez rendu dans votre sagesse, contre les émigrés, est tellement l'expression du vœu le plus ardent de tous les amis de la Constitution, que nous croyons de notre devoir de vous témoigner toute la satisfaction et la joie que nous a fait éprouver son émanation. Il était temps enfin de mettre un terme à l'indulgence de la nation envers des ingrats et des re

belles obstinés. Il eût été injuste de laisser impunis les complots de ces lâches conspirateurs, qui font tous leurs efforts pour porter le fer et la flamme dans leur patrie. En vain, se plaindraientils de la rigueur des moyens qu'on emploie contre eux; ils devaient s'y attendre: ils ont eu tout le temps de reconnaître et de réparer leurs fautes, s'ils en avaient eu le désir; mais ils ont constamment manifesté et manifestent encore des intentions absolument contraires. L'envie de satisfaire leur ambition, le ridicule espoir de recouvrer leurs privilèges odieux, et de faire revivre le despotisme et les abus à jamais bannis de la France, voilà le seul sentiment qu'ils embrassent avec ardeur.

« Vous avez pris, Messieurs, le seul parti digne des représentants d'une nation libre et pleine de confiance dans ses propres forces. Elle applaudit, cette nation, à votre décret, et n'attend plus que le moment où la sanction royale permettra de lui donner une entière exécution.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

་་

« Messieurs,

Vivre libre ou mourir, c'est la devise des Français régénérés par la Constitution, c'est le cri de ralliement des enfants de la patrie, c'est un sentiment que vous avez manifesté avec autant de solennité que d'énergie à votre avènement à la législature; il est gravé dans Vos cœurs; nous le trouvons dans les nôtres, et nous en avons avec vous répété l'expression; il vous éclaire dans la carrière immense ouverte devant vous: il nous a toujours dirigés dans celle que nous avions à parcourir. Nous ne vous louons pas de votre civisme, il est un devoir; le culte de la liberté que nous professons tous, rejette l'encens de l'adulation. Nous félicitons seulement l'Empire d'avoir choisi pour ses représentants des citoyens qui travaillent de bonne foi à son bonheur et à sa prospérité. La Révolution a produit de grandes secousses, beaucoup de fortunes particulières sont altérées, beaucoup de ressentiments sont nés des plaies qu'elle a faites, l'intérêt et la vanité se sont armes contre elle sous le voile sanglant du fanatisme; enfin la Constitution a triomphé de tant d'efforts, et sur la destruction des abus, elle a fondé le règne de l'égalité et de la loi. C'est à vous maintenant à rétablir, c'est à vous à distribuer les parties de l'édifice dont les bases sont posées, à remplir le plan qui vous est tracé, à faire renaitre le crédit, la confiance, l'union et la paix par lesquels la Constitution deviendra durable et chère aux

Français fatigués de tant d'agitations. Nous ne doutons point qu'en remplissant avec succès cette grande tâche, vous n'imposiez silence à Vos détracteurs. Nous Vous seconderons de toutes nos forces, et si malheureusement l'Etat ébranlé venait à périr, nous nous ensevelirions avec vous sous ses débris. Tel est l'hommage que, chargés spécialement de l'exécution de la loi, nous mêlons à celui du conseil général du département de la Mayenne; il est le seul digne des législateurs de la France, le seul qui puisse vous flatter. (Vifs applaudissements.)

« Signé LES ADMINISTRATEURS DU DIRECTOIRE DU DÉPARTEMENT DE LA MAYENNE.

(L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention honorable.)

4° Adresse des citoyens de la ville de Tulle pour féliciter l'Assemblée du décret rendu contre les émigrants. Cette adresse est ainsi conçue:

[blocks in formation]

« Une émigration téméraire alarmait déjà les esprits incertains et timides, la France attendait avec sollicitude une loi qui pût réprimer cette émigration coupable. Elle attendait que Votre sagesse se développât avec une juste sévérité pour renverser le colosse ridicule du fanatisme, et dissiper la cohorte qui s'était ralliée autour de lui. La France voit aujourd'hui avec une pleine satisfaction les résultats de votre prudence et de votre énergie; vous avez porté de grands remèdes aux grands maux qui nous menaçaient.

«Interprètes immédiats et fidèles du peuple, les membres composant le conseil d'administration du département de la Corrèze, vous assurent que les citoyens de leur arrondissement sont pénétrés de dévouement pour la Constitution, et de confiance pour vos lois. Réunissez-vous, renouvelez le serment du Jeu de Paume; les administrations des départements vous imiteront aussitôt, et l'Empire aura bientôt partout d'impénétrables remparts. (Vifs applaudissements).

[ocr errors]

Signé LES MEMBRES COMPOSANT LE
CONSEIL D'ADMINISTRATION
DU DEPARTEMENT DE LA COR-
REZE. »

(L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention honorable.)

5 Adresse des citoyens d'Angers, département de Maine-et-Loire, pour féliciter l'Assemblée du décret rendu contre les émigrants attroupés aux frontières. Cette adresse est ainsi congué:

Représentants du peuple,

« Chargés du précieux dépôt de notre liberté, vous veillez chaque jour à sa conservation avec la plus active sollicitude: grâces vous en soient rendues. Vos sages décisions seront toujours l'objet de notre reconnaissance, et notamment le décret du mois d'octobre 1791 contre les émigrants.

Des hommes que leur éducation et toutes les circonstances de leur vie n'avaient alimentés que de vanité et de sottises; des hommes, qui, incapables de s'élever à ces idées si nobles et si touchantes de liberté et d'égalité, préféreraient de se vautrer encore dans la fange de l'esclavage

au pied du Trône, plutôt que de renoncer, dans nos villes et dans nos campagnes, au rôle non moins avilissant d'insolents protecteurs, menacent de porter la désolation et la mort au sein de cet Empire. Les nombreux enfants de la patrie veillent attentivement sur elle, et ces ridicules bravades n'ont sans doute excité que vos mépris. Cependant il était d'une haute importance de réprimer des manœuvres criminelles, qui forcent l'Etat à d'énormes dépenses, pour se tenir sur un pied respectable de défense, et altèrent les sources de la prospérité publique, en favorisant les convulsions intérieures, en anéantissant partout la confiance, qui seule peut ramener la paix, le travail et l'abondance.

"Vous avez alors adopté des mesures sages, vigoureuses et dignes de la nation au nom de laquelle vous dictez des lois. Cet acte émané de vous, pour arrêter des projets qui ne tendent qu'à réplacer le despotisme sur le Trône, avait-il besoin d'un consentement pris hors de votre sein? Vous l'avez jugé ainsi. Vous n'avez pas voulu qu'on put vous reprocher la moindre violation des formes constitutionnelles. Satisfaite de vos délibérations, la France était attentive! la réponse a été un refus...! Grâces vous soient néanmoins rendues, Représentants du peuple, vous avez bien mérité de lui!

«Nous comptons sur de nouveaux efforts de votre part, pour en bien mériter encore; les partisans de l'esclavage redoublent d'astuce et d'audace, ils vous environnent de pièges et d'obstacles; mais forts de toute la volonté nationale, guidés par une prudence consommée et un indomptable courage, vous écraserez vos ennemis découverts et vous déjouerez ceux qui se cachent!

« Ceux-là, vous le savez, sont les plus dangereux; et leur secrète influence semble diriger en ce moment toutes les opérations du gouvernement. Mécontents d'avoir vu rejeter, par l'Assemblée constituante, un ordre de choses au moyen duquel ils espéraient concentrer tous les pouvoirs dans leurs mains et les y perpétuer, ils ont dit: anéantissons l'esprit public, emparons-nous des avenues du Trône, suspendons l'action de la machine politique, faisons échouer toute mesure vigoureuse, qui pourrait atterrer tout à fait les ennemis du peuple et faire briller, au sein de la France, le jour de la prospérité nationale; et nous persuaderons aux Français, harcelés par nos manœuvres habiles, que leurs maux ne viennent que d'une mauvaise combinaison politique et de la faiblesse réelle du gouvernement; nos desseins triomphent, le peuple est dans nos fers.... Dans vos fers.... Ah! ne l'espérez pas ! malgré tous vos soins criminels pour l'éteindre, le feu sacré de la liberté embrase encore tous nos sens! Chaque jour, son esprit nous éclaire, et ce n'est pas à présent que vous ferez croire, que lorsqu'on a vu dans l'antiquité, comme dans les temps actuels, les gouvernements les plus monstrueusement conçus, s'élever au plus haut degré de prospérité; le gouvernement français le plus régulier du globe, serait arrêté dans son action par des vices inhérents à sa nature! Si le corps politique reste sans mouvement, ou si ses mouvements sont trop irréguliers, il sera démontré que c'est à la mauvaise volonté seule des agents du pouvoir qu'on devra s'en prendre.

« On ne verra point alors un peuple généreux, dupe de la friponnerie et de l'intrigue, abandonner lâchement les institutions qui garantissent

son indépendance! Connaissant bien la source de ces maux, il fera plier la tête des superbes sous le joug du vœu national, et loin de briser les instruments de son bonheur, il saura les conserver avec courage, et d'un seul acte de sa volonté, il les retirera des mains de ceux qui n'au ront pas voulu les employer au bien de tous, et il les fera passer en de plus dignes de sa confiance.

« Tels sont, augustes représentants, les sentiments du peuple français: il fonde sur vous de grandes espérances! Continuez de le servir avec zèle, et comptez sur son appui. Quant à nous, fidèles interprètes de l'opinion de la grande majorité de nos frères dans ce département, nous vous jurons que les armes des citoyens de Maineet-Loire se trouveront partout où il faudra combattre pour la liberté et le maintien des lois. (Vifs applaudissements.)

་་

Angers, 27 novembre, l'an troisième de la liberté française. »

6o Adresse des administrateurs du département de la Drôme. Cette adresse est ainsi conçue :

Dignes successeurs des grands hommes, auxquels la France doit sa Constitution,

« Vos travaux et vos succès ne sauraient être arrêtés que par des obstacles supérieurs à la prudence humaine.

« Veuille la Providence les écarter! Vous surmonterez tous les autres, et la nation attend avec confiance, de votre sagesse et de votre courage, le complément de son bonheur. (Applau dissements.)

Signé FREYCINET, président, BOUVIER, secrétaire.

« Valence, le 25 novembre 1791. »

(L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal, avec mention honorable.)

70 Pétition de plusieurs citoyens de la ville de Paris, propriétaires de rentes sur l'Hôtel-de-Ville, qui réclament le remboursement des arrérages qui leur sont dus.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)

M. le Président. L'ordre du jour appelle différents rapports sur les finances.

Plusieurs membres : Demain! demain! (L'Assemblée renvoie à la séance de demain les questions relatives aux finances.)

M. Delacroix. Je demande que l'Assemblée reprenne la suite de la discussion de l'affaire des colonies.

Plusieurs membres: Demain! demain! Il faut entendre les pétitionnaires!

M. Albitte. Je m'oppose avec énergie à l'ajournement à demain; une partie des troupes destinées aux colonies est déjà en mer, et avant que les autres puissent partir, il faut décider la ques

tion.

(Après quelques débats, l'Assemblée ajourne la suite de la discussion sur l'affaire des colonies à la séance de demain, et immédiatement après la lecture du procès-verbal.)

M. Vincent Olivant, dont l'admission à la barre avait été décrétée à la séance du matin, est introduit et annonce qu'il va lire un travail sur les finances.

M. Grangeneuve. Je demande que M. Olivant ne soit pas entendu. Nous sommes ici pour écou1re SÉRIE. T. XXXV.

ter les pétitionnaires. L'Assemblée n'est pas une académie pour entendre des lectures et juger un ouvrage, fùt-il excellent, sur les finances ou sur les assignats. M. Olivant n'a qu'à envoyer son travail au comité.

M. le Président, s'adressant à M. Olivant. Je vous invite à énoncer succinctement le but de votre ouvrage.

M. Vincent Olivant. Je viens proposer les moyens d'établir une banque dont le fonds serait de 1,560,000,000 en 300,000 actions de 5,200 livres, au moyen de laquelle l'Etat sera bientôt libéré de ses dettes.

M. le Président accorde au pétitionnaire, au nom de l'Assemblée, les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie le mémoire de M. Olivant au comité de l'extraordinaire des finances.)

M. de Rossel, dont l'admission à la barre avait été décrétée à la séance du matin, est introduit et fait hommage à l'Assemblée d'une gravure représentant le combat de M. Ducouédic; il s'exprime ainsi :

Messieurs, c'est aux yeux des représentants d'une grande nation que j'ai l'honneur d'exposer dans la gravure du combat de M. Ducouédic, une des plus célèbres actions de mer de la dernière guerre. L'éloge de ce grand homme consacré dans l'histoire, le mausolée que le roi a fait élever à Brest à ce guerrier magnanime, lui mériteront dans tous les temps les hommages de la postérité. Heureux d'avoir été chargé par le gouvernement de faire revivre sur la toile ce combat mémorable, j'en ai peint le grand tableau: il fait partie des dix-huit que le roi a ordonnés, et dont l'exécution m'a été également confiée. Le motif, Messieurs, qui a déterminé cet ouvrage, a été de fixer au sein de la patrie, le monument d'une véritable gloire, afin d'élever l'âme des citoyens, préserver de l'oubli la célébrité qu'ils ont acquise, et transmettre à leurs descendants des modèles dignes d'être imités : j'ajouterai que les palais des rois d'Angleterre, ainsi que ceux des autres royaumes, offrent aux yeux de chaque nation la représentation de ses faits de guerre, et qu'elle y va puiser sans cesse une nouvelle ardeur pour se distinguer.

Vous êtes, Messieurs, persuadés de ces vérités. Je viens avec confiance réclamer auprès de vous un nouvel encouragement, et les moyens pour achever l'entreprise de la gravure de ces combats, que mon peu de fortune ne me permet plus de continuer à mes frais. Animé du même zèle qui a secondé mes travaux, je ne peux me dispenser de vous faire cette remarque très importante, que si la gravure dont il est ici question ne se bornait qu'aux trois seules actions déjà gravées, qui sont déposées dans vos archives, et que la dernière Assemblée avait considérées comme un monument vraiment national, il en résulterait qu'il n'y aurait que trois combats qui auraient de la publicité, au lieu des dix-huit qui forment l'ensemble de la collection entière; ce qui nous attirerait une critique amère de la part des ennemis de la France, qui ne manqueraient pas de vouloir affaiblir nos véritables succès.

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de l'hommage de M. de Rossel et renvoie sa pétition au comité d'instruction publique.)

38

M. Albitte. L'offre qui vous est faite par le talent m'inspire une motion qui ne sera pas indigne de l'Assemblée. Phidias avait fait la statue de Jupiter, et les Athéniens lui bâtirent un temple. Vous avez dans cette salle deux tableaux, faites-leur donner un cadre qui soit digne d'eux.

(Cette motion n'a pas eu de suite, bien qu'un membre désignât qu'elle regardait le buste de Mirabeau.)

Les anciens secrétaires-commis de l'Assemblée constituante sont introduits à la barre; ils demandent à être replacés dans les bureaux de l'Assemblée, de préférence à des sujets qui n'y ont jamais travaillé.

M. le Président répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie leur pétition aux commissaires inspecteurs de la salle.)

Une députation des maîtres et maîtresses de pension de la ville de Paris est introduite à la barre. Ils ont offert leurs hommages à l'Assemblée et protestent de leur zèle et de leur patriotisme; ils ne cesseront d'inspirer aux élèves qu'ils sont chargés de conduire l'amour de la Constitution et de seconder l'Assemblée dans ses efforts pour propager, par l'instruction, les lumières de la philosophie. (Applaudissements.)

M. le Président répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)

M. Bayard est introduit à la barre et présente un plan pour faciliter le recouvrement des impositions et pour simplifier les impôts; il s'exprime ainsi :

Messieurs, par un mémoire imprimé en mai 1789, sous le titre de Vau de Paris, j'ai prouvé la possibilité de substituer deux seuls impôts directs à tous les autres. Je viens offrir à l'Assemblée un moyen d'accélérer le recouvrement de l'arriéré des impositions et de vérifier la dette exigible sans suspendre les remboursements. Je vais d'abord vous exposer les moyens d'exécution de mon projet, et je vous proposerai d'adopter le projet de décret que je vais vous présenter.

(Le pétitionnaire commence la lecture de ce projet de décret, et comme elle paraît devoir être un peu longue, il est interrompu par des murmures.)

M. Gossuin. Les pétitionnaires sont admis pour faire des pétitions pour eux et non pour présenter des projets de décret. Nous aussi, nous avons des projets de décret à présenter et forsque nous demandons la parole pour les proposer au nom des comités, nous avons beaucoup de peine à l'obtenir. Un étranger ne doit pas avoir plus de privilège qu'un représentant de la nation. Je demande que l'Assemblée soit consultée pour savoir si le pétitionnaire continuera sa lecture. (L'Assemblée, consultée, décide que la lecture sera continuée.)

Plusieurs membres demandent une seconde épreuve.

M. Vergniaud. Il y a une distinction à faire entre les citoyens qui se présentent à la barre. Tout pétitionnaire qui a quelque réclamation à faire sur des faits qui lui sont personnels, a droit d'être entendu, parce que le droit de pétition est sacré. Quant à ceux qui ont consacré leurs veilles à des ouvrages utiles au bien public, et qui désirent en faire hommage à l'Assemblée, elle doit les recevoir avec reconnaissance. Mais

[ocr errors]

comme le temps de l'Assemblée est infiniment précieux, comme il lui serait impossible de l'employer à entendre la lecture de très longs mémoires, je demande qu'il soit décrété que M. le Président demandera aux pétitionnaires qui se présenteront à la barre, quel est l'objet de leur pétition. Lorsqu'il s'agira d'une réclamation individuelle, ils seront entendus; quand il sera question de mémoires sur des objets généraux d'utilité publique, ils ne seront point lus en séance, mais renvoyés aux comités qui doivent en connaître.

(L'Assemblée décrète la proposition de M. Vergniaud, renvoie le mémoire de M. Bayard au comité des finances et l'invite à sa séance.)

M. Vallier est introduit à la barre et sur interpellation de M. le Président, annonce que son mémoire est relatif à la fabrication des assignats.

(L'Assemblée renvoie le mémoire de M. Vallier au comité des finances et l'invite à sa séance.) M. Jean Larcher est introduit à la barre. M. le Président. Monsieur, le sujet de votre pétition ?

M. Jean Larcher. Monsieur le Président, c'est justice que je viens réclamer. J'ose dans ce moment-ci, auparavant la réclamation que je me propose de vous faire, invoquer votre indulgence pour les fautes que je pourrais commettre contre la grammaire dans le cours de ma réclamation.

Messieurs, ayant été constitué prisonnier le 16 juillet de cette année 1791, je suis sorti de prison le 16 septembre en vertu du décret d'amnistie du 14, époque à jamais mémorable, qui cimenta l'union de tous les Français, celle de la signature faite par Louis XVI de la Constitution. Ce jour-là l'Assemblée constituante rendit un décret qui nous remit en liberté, je dis, Messieurs, qui nous remit en liberté, parce que nous sommes plusieurs; mais je réclame particulièrement pour moi, ensuite pour ceux pour qui le décret a été rendu. L'amnistie, en me rendant la liberté, ne m'a pas rendu ma réputation. Partout on me regarde comme un scélérat. Le décret nous accordant une amnistie, nous présente comme coupables. Or, l'Assemblée constituante s'est érigée en tribunal, elle a défendu, par ce décret, aux tribunaux d'instruire ni sur les faits ni sur la suite. On me regarde donc toujours comme coupable. Il ne suffit pas de dire qu'un homme est coupable, il faut encore le prouver. Comment le prouvera-t-on? par un jugement,

Ainsi, Messieurs, l'Assemblée constituante a défendu aux tribunaux de me rendre justice; c'est donc l'Assemblée actuelle qui est mon tribunal. Je demande donc à l'Assemblée d'ajourner un moment où je pourrai être entendu pour lui faire le rapport de ce dont on m'a inculpé; elle jugera s'il y a lieu à accusation contre moi. Je suis innocent; je veux qu'on me rende l'honneur sans lequel ma liberté n'est rien. J'aime mieux mourir ou être esclave, ce qui est à peu près la même chose que de vivre déshonoré. Messieurs, ensuite vous pourvoirez dans votre sagesse à ce que vous devez faire de moi; mais provisoirement je parais coupable puisque j'ai été inculpé. Je crois, avec le peu de lumière que j'ai, que la justice veut que l'on m'accorde un secours ou par argent ou par travail, parce que cette amnistie m'empêche de trouver de l'occupation chez les personnes que je connais, puisqu'elles me disent que je suis coupable et que

j'ai perdu leur confiance. Je n'ai pas d'autre ressource que ma réputation. La réputation est le plus grand des biens. Si j'ai perdu ma réputation, je ne peux plus subsister.

En conséquence, je vous demande que vous ayez à prononcer sur mon sort. J'ai soulagé ma mère de ce que j'avais, elle est aux portes du tombeau. Et moi, Messieurs, je vous demande justice et vous me la devez; mon cœur, mes bras sont à vous. Si je suis coupable, punissezmoi; que l'on fasse de moi un exemple; mais si je suis innocent, il faut le dire hautement, afin que je puisse retrouver dans ceux qui m'occupaient la même confiance et la même estime qu'avant mon arrestation.

Ainsi, Messieurs, dans ce moment-ci, je vous expose ma position; je ne peux plus subsister, puisque ma réputation est perdue.

M. Merlin, Le pétitionnaire ne sera pas plus instruit dans huit jours qu'à présent du sort de sa pétition. Il doit connaître les motifs de sa détention. Je demande qu'il nous fasse le narré de ses malheurs, et alors l'Assemblée lui donnera, puisqu'elle lui doit, des juges compétents. Ce n'est pas l'état de misère dans lequel il paraît qui doit nous répugner, puisqu'il est homme.

M. Jean Larcher. Monsieur le Président, la Constitution dit que tous les citoyens ont le droit de concourir à la formation de la loi, par euxmêmes ou par leurs représentants. Pour exercer ce droit, je me suis donc trouvé au Champ-deMars le 16 juillet; j'ai fait une pétition individuelle; voilà l'objet de mon inculpation. Je n'ai rien fait autre chose. J'ai été arrêté le 16 juillet, donc je ne suis pas coupable de ce qui est arrivé le 17. J'ai fait une pétition, voilà ce dont on m'a inculpé. Il faut savoir si ma pétition est un crime. On m'a dit qu'on me remettait en liberté sous le titre d'amnistie, voilà le jugement. Si l'on vous demande sur quel objet la pétition a été faite, je vous dirai qu'elle exprime un vou. Ce vœu est bon ou mauvais, c'est ce que je vous prierai de vouloir bien examiner.

Un membre: Je demande que le pétitionnaire rédige sa pétition par écrit, et que l'Assemblée la renvoie au comité des pétitions pour y faire droit.

M. Jean Larcher. Monsieur le Président, ma pétition est entre les mains du ministre de la justice.

(L'Assemblée ordonne le renvoi de la pétition de M. Jean Larcher au comité des pétitions.)

M. Grangeneuve. L'Assemblée doit prendre part aux malheurs de ce citoyen. Le décret d'amnistie ne préjugeant rien, je demande, pour lever l'espèce de suspicion dont se plaint le pétitionnaire, qu'on luì accorde les honneurs de la

séance.

[blocks in formation]
[blocks in formation]

M. Grangeneuve, secrétaire. Les conclusions de la pétition de M. Chantal, paraissent présenter son objet; le voici :

[ocr errors]

Toutes les trames sont ourdies contre le sieur Chantal par des hommes épaulés ou infectés par l'aristocratie, et qui, par l'exécution de leurs différents complots, ont réduit un honnête citoyen dans la plus affreuse misère et dans l'impossibilité de poursuivre devant d'autres tribunaux, cette horde de conjurés contre lui et de dévoiler aux yeux de tous les citoyens de l'empire, un mystère d'iniquité, dont la France entière a intérêt de découvrir la cause. Augustes représentants que la France entière, que la France libre appelle ses vrais pères, tendez à un infortuné une main paternelle, portez un regard de compassion sur Louis Chantal, dont les malheurs sont l'hommage le plus complet de son civisme et de sa probité. »

M. le Président. L'Assemblée nationale prendra votre demande en considération et vous invite à sa séance. (Applaudissements.)

Un membre: Je demande le renvoi au comité des secours publics.

(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Chantal au comité des secours publics.)

M. le Président. Voici les noms des quatorze membres élus par le comité de la dette publique et de la caisse de l'extraordinaire et qui, en vertu du décret rendu ce matin, doivent composer en partie le comité de l'extraordinaire des finances,

ce sont:
MM. Fouquet.
Debry.
Espariat.
Bordas.

Rataud.
Clauzel.

Cartier-Douineau.

MM. Haussmann. Dyzès. Chazaud. Boscary.

Suppléants.

MM. Gay-de-Vernon. Gaudin (Joseph). Drouin. Desgranges.

Debray-Chamont.

Deliars. Marbot.

MM. Rudler.

Guillois.

Salmon.

Garchery.

Un membre: Je demande la parole pour une motion d'ordre. Le comité de la dette publique et de la caisse de l'extraordinaire sollicite l'Assemblée de s'occuper du rapport fait depuis un mois sur la situation de la caisse de l'extraordinaire. Il me charge de vous prévenir que chaque jour, l'Assemblée ayant éludé la discussion sur une nouvelle émission d'assignats de 5 livres, vous allez vous trouver tout à l'heure obligés de la décréter, sans avoir pris là-dessus les connaissances nécessaires. Votre comité vous propose d'ajourner à demain cette discussion si importante et si urgente, après la lecture du procès-verbal.

MM. Reboul et Dumas appuient cette proposition.

M. Merlin. Je m'oppose à la motion qui vient

« PreviousContinue »