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3° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui envoie à l'Assemblée un mémoire du département de Paris, qui demande que le décret par lequel il a été accordé une pension aux employés pour le service divin dans les cidevant chapitres, soit étendu aux mêmes employés dans les communautés religieuses.

(L'Assemblée renvoie le mémoire au comité de liquidation.)

4° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui envoie à l'Assemblée un rapport et différentes pièces justificatives sur la demande formée par six gardes nationaux volontaires, d'une somme de 840 livres pour leur traitement comme gardiens des scellés mis en juillet dernier au Petit-Luxembourg.

(L'Assemblée renvoie la pétition et le rapport du ministre au comité de l'extraordinaire des finances.)

5o Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, ayant pour objet la demande, formée par le directoire du département de Paris, d'une somme de 50,000 livres, pour les travaux, pendant cette année, des carrières de l'extérieur de Paris.

(L'Assemblée renvoie le mémoire et les pièces y jointes au comité de l'extraordinaire des finances.)

6o Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, ayant pour objet la demande, formée par le directoire du département de Paris, du payement des 4 gardiens des archives des anciens tribunaux de Paris.

(L'Assemblée renvoie le mémoire et les pièces y annexées au comité de l'extraordinaire des finances.

7° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui envoie à l'Assemblée un mémoire des administrateurs du département des Côtesdu-Nord, relatif à quelques dispositions de la loi sur les jurés.

(L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité de législation.)

8° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui envoie à l'Assemblée un Mémoire des administrateurs du département de l'Aisne, qui réclament une indemnité en faveur des membres des conseils de département et de district.

(L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité de législation.)

9° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui fait part à l'Assemblée de la demande formée, par les administrateurs du département des Deux-Sèvres, d'un emplacement pour l'administration.

(L'Assemblée renvoie le rapport et les pièces y jointes au comité de division.)

10° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, ayant pour objet la demande que fait la compagnie charitable du payement des sommes par elle avancées, pour la dépense des chemises des prisonniers de Paris.

(L'Assemblée renvoie le mémoire au comité de l'extraordinaire des finances.)

11° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, ayant pour objet la demande formée par le directoire du département de Paris, de déterminer par quelle caisse, soit de la Trésorerie nationale, soit des districts, doivent être

payées les pensions accordées aux ci-devant employés des chapitres.

(L'Assemblée renvoie l'examen de cette question au comité de l'ordinaire des finances.)

12° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, ayant pour objet la demande formée par le directoire du département de Paris, du payement par le Trésor public de 2,400 livres, pour honoraires, fixées à 48 personnes chargées, en juillet dernier, de faire des perquisitions dans les maisons suspectes.

(L'Assemblée renvoie cette demande au comité de l'ordinaire des finances.)

13° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, ayant pour objet la demande du département de Paris sur la continuation de la collection des registres du ci-devant Parlement et sur le payement des commis et fournisseurs qui ont été employés jusqu'ici pour cette collection. (L'Assemblée renvoie cette demande et les pièces y relatives au comité de l'extraordinaire des finances.)

14° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, ayant pour objet la demande faite par le département de la Mayenne, d'être autorisé à acquérir une maison pour y loger l'évêque. (L'Assemblée renvoie cette demande au comité de division.)

15° Pétition du sieur Claude-Renard Montcœur, lieutenant d'invalides retiré à Vesoul, qui réclame le payement des arrérages d'une pension de 200 livres.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraordinaire des financês.

16° Lettre du sieur Bordier, élu maire de la ville de Nemours, qui proteste de son attachement à la Constitution et de son courage à faire exécuter les lois.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette lettre dans le procès-verbal.)

17° Pétition de la demoiselle Salomon, qui réclame le payement des arrérages d'une pension de 150 livres, qui lui fut accordée en 1779, sur le bureau des nouveaux convertis.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraordinaire des finances.)

M. Pastoret. Avant de passer à l'ordre du jour, l'Assemblée veut-elle me permettre de lui faire lecture d'une lettre qui m'a été adressée comme Président de l'Assemblée nationale. Elle a été écrite par l'Assemblée constitutionnelle des Wighs.

Plusieurs membres : Oui! oui!

M. Pastoret. Il y a aussi une adresse à l'Assemblée nationale. Čette adresse m'avait déjà été envoyée le 25 octobre dernier, elle ne m'est point parvenue. Je viens de recevoir une seconde lettre de M. Ramsdat, secrétaire de la Société, qu m'envoie un duplicata de la première lettre de l'adresse. Elles sont écrites en anglais voici la traduction :

« Londres, le 24 novembre 17

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A l'Assemblée nationale, au roi et à la nation française, la Société des Wighs constitutionnels à Londres; M. Briton, Président.

«L'abrégé de la Constitution française ayant été lu par le secrétaire, les résolutions suivantes ont été prises à l'unanimité:

« Arrêté que la Société applaudit à la Révolution française et aux principes fondamentaux, d'après lesquels l'Assemblée nationale a formé la Constitution.

«Arrêté que la Société félicite l'Assemblée nationale, le roi et la nation sur l'acceptation donnée à la Constitution par le roi des Français.

Arrêté que la Société présente ses remerciements à l'Assemblée constituante sur le patriotisme sublime et le noble désintéressement qu'elle a montrés en établissant et maintenant jusqu'à sa séparation, les principes d'une Constitution, ouvrage de la sagesse et de l'intégrité, les bases de la liberté, l'anéantissement de l'aristocratie et l'émancipation générale d'un peuple hospitalier, généreux et brave.

Arrêté par nous Wighs constitutionnels, enfants de la liberté, que si un ou plusieurs pouvoirs despotiques, quels qu'ils soient, faisaient quelques tentatives pour enchainer le peuple français, même pour altérer la liberté dont il jouit, notre vie et notre fortune seront employées (Fifs applaudissements.) à repousser leurs efforts jusqu'à la destruction entière de l'esclavage, de l'usurpation et de la tyrannie. (Vifs applaudissements.)

Arrêté que copie de cette délibération sera faite par le secrétaire de la Société, et envoyée par lui à l'Assemblée nationale de France. (Applaudissements réitérés.)

Plusieurs membres demandent l'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention honorable.

D'autres membres demandent l'impression.

M. Taillefer. Je demande que M. le Président soit autorisé à répondre à la Société des Whigs, pour lui témoigner la reconnaissance de la nation française.

M. Gossuin. Je demande l'envoi aux 83 départements.

Un membre: Et aux puissances étrangères.

M. Pastoret. Je dépose sur le bureau les originaux anglais.

M. Thorillon. Il ne faut pas confondre toute une nation avec quatre ou cinq particuliers qui nous envoient des compliments. Je m'oppose à ce que M. le Président réponde à cette Société. (Murmures.)

M. Lacretelle. Je demande que M. le Président réponde à cette Société. C'est une association qui embrasse l'Angleterre entière. On peut dire que la voix du club des Whigs est la voix de tous les vrais Anglais. C'est elle qui maintient la Constitution dans ses vrais principes, c'est l'opposition de l'Angleterre, c'est l'Angleterre elle-même. On doit regarder comme un hommage précieux celui de cette Société. Je demande que M. le Président soit chargé d'écrire une lettre pour exprimer la satisfaction de la nation française de recevoir les hommages de la partie la plus saine d'un peuple anciennement libre et les témoignages de son attachement à une Constitution qui promet le bonheur de l'humanité. (Applaudissements.)

Plusieurs membres: Pourquoi s'appellent-ils Whigs constitutionnels?

M. Pastoret. Plusieurs membres demandent pourquoi cette Société prend le titre de Wighs constitutionnels. J'observerai qu'au moment où la révolution s'est faite en Angleterre, les Wighs se séparèrent en deux parties. Les uns voulaient apporter quelques changements à la Constitution, les autres promirent de la maintenir et de la défendre. Ce sont ceux-ci qui se sont perpétués sous le titre de Société constitutionnelle et qui vous écrivent aujourd'hui.

Plusieurs membres: Aux voix les propositions (L'Assemblée décrète que l'adresse de la Société des Wighs sera insérée au procès-verbal en français et en anglais (1), imprimée et envoyée aux 83 départements, qui la feront publier dans les paroisses de leur territoire, avec la réponse que le Président de l'Assemblée nationale est chargé de faire au Président de la Société constitutionnelle des Wighs.)

Un membre: Je demande que les commissaires qui porteront le décret à la sanction du roi soient chargés de lui présenter une expédition de l'adresse des Wighs. (Applaudissements.)

(L'Assemblée décrète cette motion.)

M. Cambon. Je prie l'Assemblée de me permettre de lui faire la lecture d'une lettre adressée au comité de la Trésorerie nationale par les commissaires de la Trésorerie nationale.

« Paris, le 6 décembre 1791.

Nous avons l'honneur de vous adresser copie de la lettre que nous avons écrite mercredi dernier à M. Tarbé, sur l'embarras que va jeter très incessamment dans le service des caisses

(1) Voir ci-après ce document aux annexes de la

seance.

publiques l'épuisement très prochain des 1,800 millions d'assignats décrétés par l'Assemblée nationale, et sur la nécessité de se préparer sans retardement à une nouvelle émission. M. Tarbé, avec lequel nous avons eu depuis une conférence sur cet objet, ne croit pas devoir provoquer luimême l'Assemblée sur une nouvelle fabrication de papiers. Il croit devoir encore moins prendre sur lui de l'ordonner sans un décret, ne connaissant point le système de l'Assemblée pour la formation et la division des assignats que l'Assemblée voudrait adopter.

« Nous avons l'honneur d'être, etc. »>

(Suivent les signatures.)

Votre comité, Messieurs, a cru qu'il était important de vous faire connaître cette lettre qui fui était particulière pour vous engager à vous occuper sans relâche des finances. Je demande que l'on mette à l'ordre du jour le projet du comité ajourné depuis longtemps.

Plusieurs membres: Après les colonies! (L'Assemblée décrète qu'elle s'occupera des finances après la discussion de la question des colonies.)

M. le Président. L'ordre du jour est la discussion de l'invitation à faire au roi de suspendre l'envoi des troupes dans la colonie de SaintDomingue (1).

M. Dumas. Je demande à faire une motion d'ordre. Devons-nous discuter des mesures provisoires qui préjugent le fond de la question des colonies? L'Assemblée nationale se croit-elle suffisamment instruite pour prononcer sur le fond de la question? Faut-il livrer encore une fois au hasard l'effet de nos lois? Vous aviez, Messieurs, sur les observations très sages de quelques membres, ajourné la discussion de tous les objets de législation relatifs aux colonies après l'audition du rapport de votre comité colonial. Quelle est donc cette nouvelle tactique (Murmures prolongés.)... qui reproduit toujours les mêmes objets? Je prie l'Assemblée de considérer comment on l'a conduite à cette discussion prématurée. A peine les nouvelles les moins fondées étaient-elles arrivées, qu'on s'est hâté de les commenter; et depuis, tous les rapports officiels qui nous sont arrivés, sont précipitamment entrés dans le cadre où l'on a voulu nous les montrer, non pas comme l'a dit l'orateur, le plus fécond sur cette matière, à travers le prisme du bon sens, qui n'a point de prisme, mais à travers le prisme de l'esprit de système et des passions. Il n'a point paru suffisant... (Murmures.)

M. Ducos. En parlant contre la tactique, on nous en donne une bonne leçon.

M. Goupilleau. Je demande que l'opinant soit rappelé à la question.

M. le Président. Monsieur, l'Assemblée vous rappelle que vous n'avez la parole que pour une simple motion d'ordre.

M. Dumas. J'ai dit, Monsieur le Président, que je faisais une simple motion d'ordre. Elle tend à prouver que nous allons nous occuper d'un objet qui n'a point été ajourné. (Murmures.)

M. le Président. Je rappelle à l'opinant qu'il y a un décret qui ajourne à aujourd'hui la discussion sur la suspension de l'envoi des troupes dans les colonies.

(1) Voyez ci-dessus, séance du 3 décembre 1791, au matin, page 544.

Un membre: On veut tuer la liberté des opinions!

M. Dumas. Je ne tiens point du tout à motiver ma motion d'ordre quelque important que cela me paraisse. Elle tend seulement à représenter à l'Assemblée que nous ne devons nous occuper que de l'invitation à faire au roi de suspendre les troupes, et non pas, comme dans la discussion qui a eu lieu hier, du fond de la question. Je conclus à ce que, sur-le-champ, on commence la discussion sur cette branche seulement de la question des colonies, et je me réserve de demander la parole à mon tour.

Un membre: Je demande la question préalable sur toute la discussion des colonies.

Un membre: Les bâtiments destinés à SaintDomingue n'ont pas encore de commandants et il sera peut être difficile d'en trouver. Il n'est donc pas possible que les troupes puissent partir avant le jugement que vous rendrez sur le fond de la question après le rapport qui vous sera fait par le comité colonial.

M. Castel. On vous a proposé d'inviter le roi à suspendre le départ de la flotte destinée à aller secourir la colonie de Saint-Domingue, dans la crainte que les colons ne se servissent des forces qu'elle leur porterait pour rompre le concordat qu'ils ont passé avec les gens de couleur. Je vous ai dit là-dessus qu'il fallait premièrement calculer si cette crainte était fondée; qu'il fallait, en second lieu, bien calculer les suites de la démarche qu'on vous propose.

Et d'abord, pour juger la réalité des soupçons que l'on porte sur la fidélité des colons à exécuter le concordat, voyons quelle a été la conduite des habitants de Port-au-Prince, après la confection de ce traité; ils l'ont aussitôt présenté à l'assemblée générale de la colonie pour y être ratifié. Celle-ci, qui avait déjà manifesté l'intention, comme vous l'avez vu dans un acte authentique, de récompenser le zèle des hommes de couleur, et d'étendre les bienfaits de l'égalité plus loin que le décret du 15 mai; celle-ci, qui doit par conséquent embrasser dans une loi générale les hommes de couleur de la colonie entière, a jugé convenable, sans déroger à aucune des clauses du concordat, d'en remettre la ratification solennelle au moment où elle traitera cette grande question.

Je ne vois, dans cette conduite, que bonne foi de la part des citoyens de Port-au-Prince, que sagesse dans l'assemblée générale, que motifs d'assurance pour les hommes de couleur. Aussi ne voyons-nous point, depuis la paix de Port-auPrince, qu'ils en aient fait aucune plainte, ni qu'une nouvelle division ait éclaté entre eux et les blancs. Non, Messieurs, ce n'est point ainsi qu'agit la mauvaise foi. Dans le péril elle promet tout, sûre, quand il sera passé, de ne tenir rien; mais celui qui délibère, qui réfléchit avant de promettre, annonce par cela même qu'il sera invariable quand il aura accordé.

C'est, cependant, de cette conduite de l'assemblée coloniale, conduite qui n'inspire aucun soupçon aux parties intéressées qui en sont témoins, que l'on a voulu tirer, à 1,800 lieues de distance, des inductions pour vous faire suspecter à vous-mêmes la foi et la loyauté des colons. On vous a dit : ou ils sont secrètement décidés à rompre le concordat, ou ils sont résolus à l'observer religieusement. Dans le premier cas les troupes leur serviraient d'instrument; vous devez en suspendre le départ; dans le second

cas, vous pouvez aussi le suspendre parce qu'elles leur deviennent inutiles. Ce raisonnement serait bon si, en effet, les colons n'avaient de démêlé qu'avec les mulâtres; mais vous connaissez tous les détails de la guerre sanglante que leur ont faite les nègres révoltés; vous savez que, dans la partie du Nord, les blancs ont été réunis avec les mulâtres et que tous ensemble ils ont failli de succomber sous les coups des noirs; vous savez que les plantations des uns et des autres ont été brûlées par les nègres esclaves, que leurs femmes et leurs enfants ont été égorgés; enfin, vous savez que les blancs, malgré leur réunion aux hommes de couleur, ont été forcés d'implorer les secours de tous les peuples voisins. Le concordat passé dans la partie de l'Ouest, ce concordat n'empêche donc pas que la colonie entière n'ait le plus pressant besoin de secours de toute espèce, comme la réunion des blancs et des mulâtres n'a pas empêché dans la partie du Nord une perte de 600 millions, la perte de 15,000 nègres, le massacre de 1,100 blancs.

Remarquez, je vous prie, que dans le même raisonnement l'on a supposé que les troupes françaises serviraient d'instruments aux blancs pour tyranniser les gens de couleur; que cependant M. Brissot avait dit, quelques minutes auparavant, qu'il fallait être fort réservé sur l'envoi des troupes dans les colonies, parce que les soldats français, pleins d'idées de liberté, répugneraient peut-être à servir la cause des blancs contre des esclaves.

Ainsi, l'un veut que l'on envoie peu de troupes parce qu'elles refuseront d'obéir aux blancs et de combattre contre des esclaves révoltés; l'autre veut qu'on n'en envoie point du tout parce qu'elles refuseront d'obéir aux blancs et qu'elles combattront contre les mulâtres libres et paisibles. C'est sur de pareilles contradictions et sur des conjectures aussi frivoles que l'on veut pousser l'Assemblée nationale à une mesure qui serait en opposition avec ses précédents décrets, qui consternerait les villes commerçantes de l'Empire et réduirait peut-être les colonies au désespoir.

Pour juger de l'impression que ferait sur les colons la démarche qu'on vous propose, mettezvous dans la position où ils se trouvent environnés de meurtres et de ruines, épuisés de fatigue, agités de continuelles terreurs, ils cherchent partout des remèdes au présent, ayant tout à craindre pour l'avenir. C'est donc au milieu de ces angoisses qu'ils apprendront que les secours après lesquels ils soupirent, étaient prêts; mais qu'ils ont été arrêtés par un ordre du Corps législatif auquel on avait fait craindre qu'ils ne fussent destinés pour violer les lois de la colonie. Et à défaut de secours, si ces retards occasionnaient de nouveaux massacres, si les nègres poussaient plus loin leurs ravages et continuaient leurs cruautés, à qui, Messieurs, imputerait-on ces retards; sur qui retomberait la terrible responsabilité? Je le demande à tout homme de bonne foi, qui pourrait, dans un tel excès de malheurs, reprocher à la colonie la résolution désespérée à laquelle la forcerait cet abandon? On vous propose un retard de quinze jours ou trois semaines; mais les vents peuvent encore le prolonger de trois semaines et au delà; ils peuvent retenir la flotte lorsque nous désirerons enfin qu'elle parte; et cependant vous vous rendez caution de l'événement; vous prenez sur vous tous les accidents qui seront l'effet du premier délai.

Je vous prie de considérer combien cette sus

pension est contraire aux vœux de toutes les villes de commerce qu'elles ont si énergiquement exprimés, aux souscriptions qu'elles ont ouvertes, aux secours qu'elles ont dépêchés, au zèle avec lequel elles en préparent de nouveaux. Songez, Messieurs, que si le roi se rendait à votre invitation, et qu'elle eût les suites probables que je viens d'exposer, le blâme en retomberait tout entier sur vous; que si, au contraire, le roi ne s'y rendait pas, votre démarche n'en serait pas moins l'objet de la plus sévère censure; songez qu'il est déjà parti assez de forces pour seconder la prétendue perfidie des colons contre les mulàtres et trop peu pour seconder la colonie contre les nègres rebelles.

Je vous en prie, Messieurs, n'écoutez pas les injustes et impolítiques déclamations que l'on vous fait sur le caractère d'une intéressante portion de la France; comptez plutôt sur le progrès des lumières, sur l'ascendant de la raison, sur l'intérêt bien entendu, sur la nature même des choses; et ne laissez pas périr ou échapper de vos mains, pour des soupçons chimériques, une superbe colonie nécessaire à votre commerce, à la prospérité de vos villes, à celle de votre agriculture et à l'existence de plusieurs millions de vos concitoyens.

Je demande donc que l'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion tendant à prier le roi de suspendre l'envoi des vaisseaux destinés à secourir Saint-Domingue.

M. Guadet. Ma motion n'a pas pour objet la suspension du départ des troupes, et je m'étonne que les membres de l'Assemblée s'accordent avec les journaux pour m'attribuer cette motion qui n'est pas de moi (1).

M. Brival. Des scènes de carnage ont ensanglanté vos colonies. Saint-Domingue n'offrira bientôt plus que le spectacle d'une vaste solitude; le faire tomber dans un entier dépérissement. et cette île, qui alimentait notre commerce, va

Dans le premier mouvement d'indignation et de pitié qu'a excité l'insurrection subite des nègres, vous avez agréé des mesures qui présentent de grands avantages, mais qui peuvent entraîner de grands abus. Vous envoyez des troupes dont les chefs sont, par principes et par habitude, les

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Je lis, monsieur, dans le Journal de Paris, du 3 decembre, les mots suivants :

« M. Guadet a fait et MM. Ducos et Vergniaud ont « appuyé la proposition de ratifier le concordat passé a entre les gens de couleur et les blancs, de suspendre « l'envoi du dernier décret rendu sur les colonies, au a mois de septembre, par l'Assemblée constituante, et a des troupes qui devaient passer à Saint-Domingue. » « Ce peu de lignes contient trois méprises fort graves, qu'il importe à MM. Vergniaud, Guadet et moi de rele ver sur-le-champ.

« 1° M. Gaudet n'a point fait la proposition de ratifier, mais celle de maintenir provisoirement l'exécution des conventions stipulées entre les blancs et les hommes de couleur de Saint-Domingue; ce qui est un peu diffe

fauteurs et les complices du despotisme. (Applaudissements.) Le patriotisme de la plupart des officiers de troupes de ligne doit vous être suspect. Ce sont des commissaires conciliateurs qu'il faut employer; et si l'envoi des troupes est jugé nécessaire, il faut que les officiers ne puissent exercer aucun pouvoir arbitraire: il faut qu'ils n'usent de la force que pour faire exécuter les décisions de vos commissaires.

Vos colonies, vous dira-t-on, ont le droit de se gouverner; elles ont l'initiative pour proposer des lois. Eh bien! parce que les colonies ont le droit de se gouverner, parce qu'elles ont l'initiative, les Français doivent-ils seconder leurs vues, lorsqu'elles veulent enchaîner des hommes? Ne serait-ce pas fouler aux pieds la Constitution et méconnaître les Droits de l'homme?

Loin de nous de pareilles maximes; aucun intérêt personnel, aucunes raisons politiques ne sauraient justifier des opinions semblables.

Le langage que je tiens, Messieurs, ne peut être suspect je suis propriétaire à Saint-Domingue, j'ai épousé une créole, son bien fera peut-être toute ma fortune, on m'a dit qu'elle avait des nègres; je ne l'ai jamais cru, parce que je ne pourrais jamais croire être propriétaire d'un seul homme. (Murmures et applaudissements.) Je ne me dissimule pas, Messieurs, que la manifestation de mon opinion va me faire beaucoup d'ennemis (Murmures.), mais quels qu'en soient les motifs, j'aurai dit à l'Assemblée nationale que les hommes doivent être reconnus également libres sur l'un et sur l'autre hémisphère; que ce serait une tyrannie que de chercher à les enchainer; qu'on n'a pas pu les acheter, plus que le recéleur n'a le droit de recéler les objets volés. (Murmures.) Qu'ils n'ont pu se vendre, ni vendre leurs enfants; que des Français qui ont reconnu les Droits de l'homme, se déshonoreraient à jamais s'ils étaient les premiers à violer ces droits, en fournissant les forces pour les violer.

Je suppose les noirs comme de nouveaux héros de la Bastille, que loin d'être forcés par les Français à rentrer ou à demeurer dans l'esclavage, ils vinssent à obtenir sur nous quelques avantages et nous réduisissent à leur condition.

Plusieurs membres : Ce n'est pas là la question! M. Brival... Que feriez-vous, Messieurs? Mettez-vous un instant à leur place et jugez-vous.

Au surplus, vous ne devez pas vous méprendre sur les vues des commissaires de la colonie; un d'eux a déclaré publiquement que, si l'Assemblée nationale approuvait ce concordat, tous les

rent pour ceux qui connaissent les principes et les décrets. Voilà la motion que M. Vergniaud et moi avons appuyée.

2 On nous fait demander la suspension de l'envoi du décret du 24 septembre. Cette étrange inconséquence de vouloir arrêter l'envoi d'un décret parti depuis longtemps, n'est venu à l'esprit ni de nous trois, ni d'aucun membre de l'Assemblée.

3o On nous fait demander encore la suspension de l'envoi des troupes; cette opinion est positivement contraire à celle que nous avons hautement énoncée, M. Vergniaud et moi avons combattu à la tribune cette mesure de la suspension: votre journal et plusieurs autres en font foi.

« Je vous prie, Monsieur, de vouloir bien contribuer à détruire ces assertions erronées, en imprimant ma lettre dans le Moniteur. Je l'eusse adressée au rédacteur du Journal de Paris lui-même, si je n'avais été prévenu qu'il a jugé à propos de mettre à l'écart les réclamations de M. Guadet, sur les mêmes erreurs.

a Ducos, député de l'Assemblée nationale. »

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Plusieurs membres : Oh! oh!

M. Brival... Je déclare donc que je m'oppose au départ de ces troupes jusqu'après le rapport de votre comité colonial; et lorsque vous vous déterminerez à envoyer des troupes, je demanderai que leurs bras et leurs armes ne puissent être employés sous aucun prétexte à d'autres usages qu'à la sûreté des personnes et des propriétés des colons, sans que, sous aucun rapport, ils puissent employer leurs forces, soit à maintenir l'esclavage, soit à priver les gens de couleur libres de leur qualité de citoyens actifs. M. Ducos. Je viens m'opposer, Messieurs, à la proposition qui vous a été faite d'ordonner la suspension de l'envoi des troupes prêtes à s'embarquer pour aller arrêter les suites de l'insurrection des noirs dans la colonie de Saint-Domingue.

Je crois cette suspension inutile ou dangereuse; elle est inutile, si par le concours fortuit des circonstances, votre décret ne produisait aucun effet réel.

Or, sur les 6,000 hommes dont l'embarquement pour Saint-Domingue a été ordonné, 2,800 sont déjà partis; en voilà près de la moitié que votre suspension ne saurait atteindre; et quand vous parviendriez à retenir les autres, vous auriez perdu tout l'avantage qu'on vous fait envisager dans cette mesure, à l'instant même où vous la rendriez partielle.

Quel est en effet le but proposé par cette suspension? d'empêcher que les troupes destinées à réprimer une insurrection des noirs, ne soient employées à renverser, par la force, les dernières conventions passées entre les blancs et les hommes de couleur: or, quel que soit le nombre des troupes arrivées à Saint-Domingue, si ce perfide dessein y avait été conçu, elles seraient toujours suffisantes, non pour le faire réussir, mais pour le favoriser; 2,800 hommes de plus ne parviendraient pas peut-être à réduire les mulâtres dans l'oppression; mais ils serviraient du moins à alimenter le feu de la guerre civile. Ils seraient assez nombreux pour faire le mal que vous en redoutez; ils le seraient trop peu, pour produire le bien que vous devez en attendre.

:

Je raisonne dans une autre hypothèse s'il est vrai que l'insurrection des équipages à Brest, suspende par le fait l'embarquement des troupes restantes, votre décret de suspension devient alors superflu: il a le double inconvénient de causer des alarmes inutiles et de prolonger peutêtre l'état d'insubordination des matelots, en leur laissant l'espoir d'un plus long séjour à terre.

J'ai dit que la suppression du départ des troupes serait dangereuse, si elle n'était pas inutile. On ne peut nier, Messieurs, que les secours sollicités par le gouverneur et l'assemblée coloniale, ne soient extrêmement pressants. La révolte des noirs est bien loin encore de son terme; des lettres du 20 octobre annoncent qu'ils continuent leurs ravages avec la même fureur; un ferment de sédition existe dans toute la colonie; les nègres de la patrie de l'Ouest et de la bande du Sud sont alarmés par des mouvements de révolte;

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