Page images
PDF
EPUB

mures;

de toutes parts on interrompt pour faire observer que le ministre n'a pas le droit de parler sur le fond de la question.)

M. Delacroix demande la parole contre le ministre, et insiste avec chaleur pour l'obtenir. D'autres membres : Non! non! Laissez parler le ministre!

M. Delacroix. Le ministre de la justice insulte l'Assemblée au lieu de lui donner des renseignements. J'observe à l'Assemblée que du moment où le ministre ne fournit pas de renseignements, il ne peut obtenir la parole pour venir se mêler à une discussion et influencer l'Assemblée.

M. Duport, ministre de la justice. J'observe que je dois avoir la parole puisqu'il s'agit ici d'un objet relatif à mon administration.

M. le Président. Monsieur Delacroix, on observe que vous ne pouvez pas avoir la parole.

M. Delacroix. Consultez l'Assemblée pour savoir si je serai entendu.

M. Tarbé, ministre des contributions publiques. Monsieur le Président, je demande à être entendu. (Murmures.)

M. Duport, ministre de la justice. Je vais prouver à l'Assemblée...

M. le Président. On demande, d'une part, que le ministre de la justice conserve la parole; de l'autre, que M. Delacroix soit entendu. Je consulte l'Assemblée pour savoir à qui elle accordera la parole.

(L'Assemblée décide que M. Delacroix sera entendu.)

(Plusieurs membres réclament contre cette décision.)

M. le Président les rappelle à l'ordre.

M. Delacroix. Je connais la disposition de l'Acte constitutionnel qui accorde aux ministres le droit de siéger ici et de parler sur les objets relatifs à leur administration. Ils ont la faculté de faire des propositions sur les objets nécessaires à la marche de leur administration. Mais toutes les fois qu'ils veulent donner des éclaircissements sur d'autres objets, il faut qu'ils attendent qu'on les leur demande. Telle est la disposition de la Constitution. (Murmures dans l'Assemblée. Applaudissements dans les tribunes.) M. Duport, ministre de la justice, se lève et veut parler.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

pour les membres de l'Assemblée. (Applaudissements à l'extrême gauche.)

Un membre: Il a eu la parole.

M. Delacroix. J'en suis bien fâché, mais il faut que vous m'entendiez jusqu'au bout.

Je dis que l'Assemblée constituante, en donnant aux ministres le droit d'assister aux séances, ne les a autorisés à prendre la parole que sur des objets relatifs à leur administration ou lorsqu'ils seront requis de donner des éclaircissements. Ils pourront encore être entendus sur des objets étrangers à leur administration, mais seulement quand l'Assemblée nationale leur accordera la parole...

Plusieurs membres : Ce n'est pas cela!

M. Delacroix. Et moi je dis que c'est cela! En effet, s'ils avaient le droit de parler dans une discussion, vous sentez quelle influence leur donnerait leur caractère. (Applaudissements dans une partie de l'Assemblée et dans les tribunes.—Quelques murmures.)

Il faut distinguer entre la faculté de discuter sur une loi, qui est accordée exclusivement aux représentants du peuple, et le compte des faits que doit rendre un agent du pouvoir exécutif. Si vous laissez les agents du pouvoir exécutif discuter avec vous, ils marcheront sur la même ligne que les représentants du peuple, et ils auront, en outre, un recours contre eux en allant conseiller le veto sur la loi qui aura passé contre leur opinion. (Applaudissements.)

Ne souffrons donc jamais, j'en fais la motion expresse, que dans le cours d'une discussion, à l'instant de rendre un décret, un ministre vienne la troubler et surtout entrer en lice avec les membres de l'Assemblée. Dès que le ministre de la justice a demandé la parole, il est entré dans la discussion, a résumé les opinions pour vous proposer peut-être un projet de décret. (Applaudissements.) Il a demandé implicitement la question préalable sur la proposition du décret; en adoptant mon amendement, il vous a dit qu'il était dans les véritables principes, comme si, sans son observation, l'Assemblée ne pouvait pas s'en apercevoir. (Rires et applaudissements dans les tribunes et à l'extrême gauche.)

Je fais donc la motion expresse que l'Assemblée décrète que les ministres ne pourront pas dis

cuter....

[blocks in formation]

M. Duport, ministre de la justice et M. Tarbé, ministre des contributions publiques insistent de nouveau pour avoir la parole.

Plusieurs membres à l'extrême gauche : Aux voix la motion de M. Delacroix !

M. Duport, ministre de la justice. Je prie l'Assemblée de me permettre de répondre. (Les murmures couvrent sa voix.)

Un membre: Il y a trois cas dans lesquels les ministres, d'après la Constitution, ont le droit d'être entendus. Le premier est celui où il s'agit des objets relatifs à leur administration. Or, les difficultés qui peuvent survenir à la sanction et proposées par les ministres, sont bien du ressort de leur administration.

Plusieurs membres parlent à la fois.

41

A l'extrême gauche L'ordre du jour!

:

M. Duport, ministre de la justice, insiste pour avoir la parole malgré le tumulte.

M. Isnard. Il est inutile de décréter que les ministres ne pourront pas discuter ici, car la Constitution le leur interdit formellement. Mais je ferai la motion que M. le Président, au nom de I'Assemblée, soit chargé de rappeler à l'ordre... Plusieurs membres : A la loi !

M. Isnard. Eh bien, à la loi, MM. les ministres toutes les fois qu'ils discuteront ainsi que le ministre de la justice l'a fait tantôt, et que, lorsque le Président de l'Assemblée manquera à ce devoir, l'Assemblée alors rappelle à l'ordre M. le Président. (Applaudissements.)

M. Duport, ministre de la justice, insiste de nouveau pour avoir la parole.

Plusieurs membres L'ordre du jour! Plusieurs membres observent que le ministre ne doit pas avoir la parole parce que, dans la discussion actuelle, il n'y avait rien de relatif à l'administration du ministre de la justice.

M. Merlin et plusieurs autres membres : Aux voix l'ordre du jour !

M. Tarbé, ministre des contributions publiques. On ne peut pas passer à l'ordre du jour!

M. le Président. Je demande à l'Assemblée sur quoi elle veut passer à l'ordre du jour.

M. Merlin. Sur le tout.

M. Duport, ministre de la justice. Cela n'est pas possible.

M. le Président. On demande qu'avant que je mette aux voix si M. le ministre de la justice sera entendu, je consulte l'Assemblée sur l'ordre du jour.

(L'Assemblée, consultée, décrète que le ministre de la justice sera entendu.)

M. Duport, ministre de la justice. Je vais avoir l'honneur de remontrer à l'Assemblée nationale que je n'entrais pas dans la discussion, et si elle avait eu la bonté de m'entendre, peut-être aurait-elle vu que je ne m'écartais point du tout des principes. Les ministres ont le droit d'être entendus toutes les fois qu'il s'agit d'objets relatifs à leur administration. Ils peuvent encore être entendus sur des objets étrangers, toutes les fois que l'Assemblée leur accorde la parole. Je dis que j'étais dans la première hypothèse, dans celle d'un ministre qui demande à parler sur un objet de son administration et que je ne m'en suis pas écarté. Voici, en effet, la question. L'Assemblée est dans cette alternative, ou de faire une loi qui enjoigne au pouvoir exécutif de prendre des mesures, ou de faire simplement au roi une invitation sur telle ou telle chose. (Murmures.) Dans les deux cas, le roi et les ministres seront compromis.

J'ai eu l'honneur d'observer à l'Assemblée que s'il était question d'un simple acte du Corps législatif, portant invitation au roi de donner tel ou tel ordre, le roi et ses ministres seraient dans une position critique; c'est-à-dire dans un cas qui compromettrait leur responsabilité. En effet, la loi du 24 septembre ayant statué d'une manière positive sur telle ou telle chose, des ordres qui seraient contraires à cette loi pourraient un jour mettre le ministre dans le cas d'une véritable responsabilité.

Si, d'autre part, l'Assemblée entend rendre un décret, et elle entend rendre un décret puisqu'on

a décrété l'urgence, la responsabilité du ministre n'est pas moins compromise, et il est clair que c'est un objet qui concerne mon administration, et essentiellement mon administration. La loi du 24 septembre existe. Si l'acte du Corps législatif est présenté au roi comme une loi, il s'en suivra, par un simple décret, que le roi aura sanctionné, il aura vraiment violé cette loi du 24 septembre, qui a été décrétée comme constitutionnelle.

Je n'examine pas si cette loi est ou n'est pas constitutionnelle. (Murmures à l'extrême gauche.) Je dis seulement qu'il est possible qu'après une délibération au fond, l'Assemblée reconnaisse cette loi comme constitutionnelle. Je n'entends pas préjuger la question; mais toujours est-il vrai qu'elle est intitulée ainsi, et que jusqu'à ce que cette loi ait été déclarée non constitutionnelle, le ministre ne peut proposer au roi aucune mesure qui y porterait atteinte, sans compromettre sa responsabilité.

Je dis donc que de quelque manière que l'Assemblée s'y prenne, il y a un très grand danger. Si c'est une loi qu'elle entend faire, cette loi peut compromettre le ministre; si c'est un simple acte du Corps législatif portant invitation, la responsabilité est infiniment plus compromise. De là, je dis, et je pense que j'avais le droit de dire, que de telles communications peuvent être très utiles, surtout lorsque nous y mettons autant de zèle et de bonne foi; je dis que la Constitution serait violée, si le décret rendu pouvait tendre à porter atteinte à un décret qui a été déclaré constitutionnel, et que le Corps législatif n'a pas déclaré ensuite n'être pas constitutionnel. Je dis que vraiment alors la Constitution serait compromise, et j'ajoute encore que ces communications-là, sans doute, sont utiles lorsqu'elles sont données par des ministres qui ont fait leurs preuves d'amour pour la liberté, pour l'égalité et à qui on ne peut rien reprocher. (Vifs applaudissements.)

J'aurais encore à dire quelque chose, mais j'aurais besoin, pour cela, d'un décret de l'Assemblée.

Un membre: Il n'est pas nécessaire que M. le ministre réclame une seconde fois la permission de l'Assemblée pour avoir la parole, parce qu'il y a un décret qui le lui donne.

M. Duport, ministre de la justice. J'ai besoin d'un décret parce que les quelques réflexions que j'ai à vous donner ne sont pas relatives à mon administration.

M. le Président. M. le ministre vient de parler sur un objet relatif à son administration. M. Reboul. Je nie le fait. (Bruit.)

M. Cambon. Il a parlé sur un projet de décret de l'Assemblée qui le lui a permis.

M. le Président. Sans rien préjuger sur le droit que l'Acte constitutionnel donne aux ministres, M. le ministre de la justice demande maintenant que l'Assemblée décrète s'il parlera sur un objet qu'il déclare être étranger à son administration. (Bruit.)

Plusieurs membres parlent dans le tumulte.
M. Vergniaud. Je demande la parole.

M. le Président. Si le ministre de la justice a la parole, ce ne peut-être que par le vœu de l'Assemblée; je consulte l'Assemblée.

(L'Assemblée décrète que le ministre de la justice sera entendu.)

Un grand nombre de membres réclament contre cette décision, disant qu'il y a doute. (Vive agitation.)

M. le Président. On prétend qu'il y a doute, je vais renouveler l'épreuve.

M. Duport, ministre de la justice. C'est inutile; je renonce à la parole.

M. le Président. Messieurs, M. le ministre ne demande plus la parole.

Plusieurs membres : L'ordre du jour ! (Oui! oui ! Non! non!)

(L'Assemblée devient tumultueuse.)

M. Girardin. J'ai demandé la parole uniquement sur l'ordre du jour, c'est-à-dire sur l'amendement proposé par M. Delacroix; c'est cet amendement que je me propose de combattre.

Un grand nombre de membres: Il n'est pas appuyé !

(Les ministres se retirent.)

Plusieurs membres: L'ordre du jour!

M. le Président. Je mets aux voix l'ordre du jour.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

Plusieurs membres: Monsieur le Président, vous escamotez les décrets. (L'Assemblée est dans une vive agitation.)

M. Cambon. On n'a pas entendu.

M. Vergniaud. Je ne réclame pas contre le passage à l'ordre du jour; mais il est absolument indispensable de donner ici une explication sur ce qui vient de se passer, afin de prévenir à l'avenir de pareilles scènes. (Murmures prolongés.)

Plusieurs membres: A l'ordre! à l'ordre!
D'autres membres : L'ordre du jour!

M. Rouyer. Je demande la parole pour une motion d'ordre. Les prétentions et la conduite des ministres, dans l'Assemblée nationale, sont contraires aux dispositions de l'Acte constitutionnel. Je demande que les limites du droit que la Constitution leur laisse soient fixées avec précision, et qu'on s'en occupe sur-le-champ.

M. Delacroix. L'Assemblée doit prononcer sur la prétention du ministre et sur la mienne; mais comme cela retarderait la délibération, j'en demande l'ajournement à jour fixe.

Voix diverses: A samedi ! Le renvoi au comité de législation!

(L'Assemblée ajourne les motions relatives aux droits des ministres à samedi prochain et charge le comité de législation d'en faire le rapport.)

M. Delacroix. Voici mon amendement. Au lieu de Le roi sera invité à donner des ordres, il faut mettre Le pouvoir exécutif donnera des ordres.

M. Gérardin. Je demande la parole sur l'amendement de M. Delacroix. Il serait excessivement dangereux de l'adopter, car il donnerait à l'acte du Corps législatif le caractère d'une loi. Or, l'Assemblée, d'après la discussion qui a eu lieu, n'a pas voulu toucher le moins du monde à la loi du 24 septembre; elle ne peut donc l'attaquer par une mesure indirecte. Si j'eusse pu me faire entendre hier, j'aurais, je crois, démontré à l'Assemblée qu'elle ne devait pas décréter l'urgence, qu'elle ne faisait pas une loi, mais un acte du Corps législatif. En me résumant, je demande le rapport du décret d'urgence, et la

question préalable sur l'amendement de M. Delacroix.

M. Delacroix. J'y consens, si l'Assemblée n'a pas voulu faire une loi.

M. Hua. Nous ne pouvons pas faire au pouvoir exécutif une invitation contre une loi qui existe. La question est donc de savoir si, lorsque la voie de l'invitation nous est fermée, nous pouvons faire une loi contre les dispositions d'une autre loi que nous ne révoquons pas. (Bruit.) Or, il est clair que nous ne pouvons pas adopter les mesures de M. Brissot et de M. Gensonné sans leur donner le caractère d'une loi, et que, d'un autre côté, il est impossible de faire une loi qui contrarie la loi du 24 septembre sans... (Murmures.)

Messieurs, c'est la précipitation qui peut nous perdre, je demande l'ajournement à samedi. (Exclamations.)

Plusieurs membres : Oui! oui!

M. Hua. L'Assemblée connaît l'objet important sur lequel elle a à statuer, et le devoir qu'elle a à remplir; samedi prochain votre comité vous proposera de traiter la question au fond. Conformément à l'avis de M. Ducastel, qui n'a pas été combattu, je demande l'ajournement à samedi.

M. Guadet. Il me semble que dans toute cette discussion, il y a une erreur de fait qui entraîne une erreur de principe. On prétend que la mesure provisoire qui vous est proposée par M. Gensonné attaque le décret du 24 septembre, ou est contraire à ce décret. Or, Messieurs, je maintiens que c'est une très grande erreur. La mesure provisoire ne touche nullement au décret du 24 septembre, et ici, comme cela doit nécessairement jeter une grande lumière capable de faire adopter ou de faire rejeter l'amendement, je prie l'Assemblée de vouloir bien me donner un instant d'attention.

Qu'est-ce que vous faites par ce décret? Vous dirigez les forces envoyées à Saint-Domingue suivant les mêmes vues que celles qui vous ont dirigés quand vous avez décrété la dépense à ce nécessaire!

Lorsque le pouvoir exécutif est venu vous demander dix millions pour les secours à porter à Saint-Domingue, il vous a dit qu'une insurrection des noirs, dans la partie du nord de Saint-Domingue, rendait nécessaire l'envoi des forces dans cette partie de la colonie. Vous avez décrété cette somme, mais pourquoi? Uniquement pour réprimer l'insurrection des noirs. Vous avez donc le droit d'ordonner que les sommes que Vous avez votées n'auront pas d'autre destination. (Applaudissements.) Or, Messieurs, on tromperait vos intentions si on les employait dans d'autres vues; et c'est cela précisément que le décret proposé par M. Brissot, amende par M. Gensonné, peut empêcher.

lå!

Plusieurs membres Bien! bien! Arrêtez-vous

M. Guadet. Voilà, je le répète, l'unique objet du projet de M. Brissot, amendé par M. Gensonné. Les forces serviront tant qu'il sera nécessaire d'empêcher les troubles; mais elles s'arrêteront s'il est question de violer le concordat passé entre les citoyens blancs et les hommes de couleur, parce qu'il ne peut pas être question, et il n'a pas été dans votre intention de favoriser un acte de perfidie qui n'aurait pas d'exemple chez les peuples les plus corrompus de l'univers.

D'après cela, Messieurs, le décret proposé ne portant aucune atteinte à la loi du 24 septembre, il n'y a pas d'inconvénient à faire une loi pour cela.

Plusieurs membres : Fermez la discussion!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
M. Dumas veut parler.

Plusieurs membres : La discussion est fermée! M. Dumas. La discussion est fermée sur le fond; mais j'ai la parole sur l'amendement. (Non! non!)

Plusieurs membres : La discussion fermée sur les amendements!

(L'Assemblée ferme la discussion sur les amendements.)

M. Gérardin. Monsieur Delacroix, je vous observe que je retire mon amendement, sous la réserve du rapport du décret d'urgence.

:

M. Delacroix. J'observe à l'Assemblée que je n'ai retiré mon amendement que sur la proposition de faire une invitation et non une loi. Si l'on fait une invitation, on ne doit pas dire le roi fera telle chose: il faut le priver de faire telle ou telle chose, et alors le décret d'urgence n'est pas nécessaire. Il faut donc que l'Assemblée prenne une délibération préalable à mon amendement. Si elle veut conserver son décret d'urgence et faire une loi, je persiste dans mon amendedement; si elle veut faire une simple invitation, je demande le rapport du décret d'urgence, et alors je retire mon amendement.

Plusieurs membres Aux voix le rapport du décret d'urgence!

D'autres membres : La question préalable sur le rapport du décret d'urgence!

M. le Président. Avant de consulter l'Assemblée sur le rapport du décret d'urgence, je dois la consulter sur l'ajournement à samedi qui a été demandé avant tout.

Plusieurs membres observent que, dans la dernière séance et même dans la séance actuelle, il a été décrété qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur l'ajournement; ils demandent, en conséquence, la question préalable sur l'ajournement.

(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement.

M. le Président. Je mets maintenant aux voix la question préalable sur le rapport du décret d'urgence.

(Après deux épreuves, l'Assemblée rejette la question préalable sur le rapport du décret d'urgence.)

Un membre: Monsieur le Président, j'ai l'honneur de vous observer qu'il y a à la porte une deputation nombreuse qui veut forcer la garde. M. Garran-de-Coulon. Je demande la parole.

Plusieurs membres: A l'ordre! à l'ordre!

M. Garran-de-Coulon. Monsieur le Président, veuillez rappeler à l'ordre ceux qui demandent qu'on m'y rappelle.

M. le Président. Je vais mettre aux voix si M. Garran sera entendu.)

(L'Asemblée, consultée, décrète que M. Garran ne sera pas entendu).

M. le Président. Je mets aux voix le rapport du décret d'urgence.

M. le Président. Le bureau est d'avis qu'il y a doute. Je recommence l'épreuve.

(Une nouvelle épreuve a lieu.)

M. le Président prononce que le rapport du décret d'urgence est prononcé.

Plusieurs membres réclament en disant qu'il y a doute.

M. Brissot de Warville. J'ai voté contre le rapport du décret d'urgence, et je déclare qu'il n'y a pas doute; le décret d'urgence est rapporté.

Plusieurs membres: Recommencez l'épreuve! M. le Président. Messieurs, on demande que je renouvelle l'épreuve.

Voix diverses: Oui! oui! Non! non! L'appel nominal!

M. le Président. Je prie les membres des députations qui ont reçu les honneurs de la séance de se séparer des membres de l'Assemblée. (Les membres des députations se rangent de côté.) Je renouvelle l'épreuve.

(L'Assemblée décrète le rapport du décret d'urgence.)

M. Lecointe-Puyraveau. Je demande la question préalable sur la rédaction de M. Gensonné, qui ne peut avoir d'autre but que de contrarier une loi rendue.

Un membre: Il est inconcevable que le Corps législatif propose au roi de contrarier ses propres opérations. En conséquence, j'appuie la motion de la question préalable sur l'invitation.

M. Delacroix. Le Corps législatif ne peut décemment, sans se déshonorer, proposer au roi de suspendre l'exécution d'une loi. Je me borne à demander la question préalable sur l'invitation et l'ajournement du tout à samedi. (Applaudissements.)

M. Cambon. Ajourner la question, c'est décider contre la question. Les troupes vont partir. Hier vous étiez impatients de porter ce décret, et aujourd'hui, à force de chicane, on est venu à bout de demander l'ajournement. Ainsi, Messieurs, vous devez inviter le roi. (Murmures.) C'est par respect pour la loi du 24 septembre que vous vous bornez à une invitation. (Bruit.) M. Chabot appuie les observations de M. Cambon.

Plusieurs membres: Fermez la discussion! (L'Assemblée ferme la discussion.) (L'Assemblée est dans une vive agitation.)

M. Delmas. Je demande la parole. Tout bon citoyen doit avoir le couragé de résister à ce tumulte indécent.

M. le Président. Je vais mettre aux voix l'ajournement.

M. Ducos. L'ajournement a été rejeté par la question préalable; on ne peut pas le reproduire.

M. Delmas. Monsieur le Président, l'Assemblée vous a honoré de sa confiance; faites votre devoir. (Bruit.) J'ai demandé à être entendu. (Murmures prolongés.)

M. le Président. Je consulte l'Assemblée pour savoir si M. Delmas sera entendu.

(L'Assemblée décrète que M. Delmas ne sera pas entendu.)

M. Ducos. L'ajournement a été rejeté de fait. (Murmures à droite.) (S'adressant à la droite.) Vous êtes avides du sang des mulâtres! (A l'ordre! à l'ordre!)

Un membre: Le rapport du décret d'urgence

n'a rien changé au projet de M. Brissot, et puisqu'on a admis la question préalable sur l'ajournement, on ne peut remettre l'ajournement aux voix. (Bruit prolongé.)

M. Delacroix. Je demande la question préalable sur le projet d'invitation.

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!

M. le Président. Je mets aux voix la question préalable sur la rédaction de M. Gensonné. (L'Assemblée rejette la question préalable et adopte la rédaction de M. Gensonné.)

Suit la teneur de ce décret, tel qu'il a été adopté lors de la lecture du procès-verbal :

«L'Assemblée nationale, considérant que l'union entre les blancs et les hommes de couleur libres a contribué principalement à arrêter la révolte des nègres de Saint-Domingue;

"

Que cette union a donné lieu à différents accords entre les blancs et les hommes de couleur, et à divers arrêtés pris à l'égard des hommes de couleur, les 20 et 25 septembre dernier, par l'assemblée coloniale séant au Cap.

« Décrète que le roi sera invité à donner des ordres, afin que les forces nationales destinées pour Saint-Domingue, ne puissent être employées que pour réprimer la révolte des noirs, sans qu'elles puissent agir directement ou indirectement pour protéger ou favoriser les atteintes qui pourraient être portées à l'état des hommes de couleur libres, tel qu'il a été fixé à Saint-Domingue, à l'époque du 25 septembre dernier.

(La séance est levée à cinq heures.)

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE. Séance du jeudi 8 décembre 1791, au matin.

PRÉSIDENCE DE M. LACÉPÈDE.

La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Thuriot, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :

1° Lettre de M. Drouhin, éditeur d'un ouvrage ayant pour titre: Antiquités nationales. Il fait hommage de la douzième livraison.

(L'Assemblée accepte cet hommage et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procèsverbal.)

2o Adresse des citoyens de Dijon; ils se plaignent de ce que les liquidations des offices supprimés ne se font pas avec assez de célérité; ils soumettent des observations relatives à la proposition faite de suspendre les remboursements.

(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de liquidation.)

3° Lettre de M. Pinet aîné, député du département de la Dordogne, qui annonce qu'une maladie grave l'a empêché et l'empêche encore de se rendre au poste honorable que les suffrages des électeurs lui ont assigné.

4° Lettre de MM. Beylié et Monneron, anciens députés de l'Inde à l'Assemblée nationale, et chargés par de nouveaux pouvoirs des intérêts des établissements français en Asie. Ils adressent une lettre de l'assemblée coloniale de l'ile Seychelles.

lls annoncent qu'ils viennent de recevoir, par la frégate la Thétis, des dépêches de l'assemblée coloniale des Indes, qui intéressent la tranquillité des colonies au delà du cap de Bonne-Espérance; qu'il est important qu'ils en donnent communication à l'Assemblée nationale et qu'ils profitent des vaisseaux qui sont sur leur départ pour l'instruire de leurs démarches.

(L'Assemblée décrète qu'ils seront reçus à la barre dans une séance du soir.)

5o Adresse des citoyens de Dijon. Ils félicitent l'Assemblée nationale de la réquisition faite dans les termes de la Constitution à Louis-StanislasXavier, prince français et des mesures par elle prises contre les émigrés. Ces citoyens expriment leurs regrets sur l'opposition du veto du roi ; mais ils respectent ses motifs. Il ne les discutent pas, puisqu'il n'a fait qu'user du droit que lui a conféré la Constitution. Cependant, inquiets des suites de la protection accordée aux émigrants par les petits princes d'Allemagne, ils demandent qu'on porte le décret d'accusation contre les chefs des rassemblements des conjurés contre la France, lorsque le comité diplomatique aura rendu compte de toutes leurs manoeuvres.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)

6o Lettre du sieur Marc Léoni, se disant Anglais, qui soumet des observations sur l'adresse de la société constitutionnelle des Wighs, cette lettre est ainsi conçue :

[ocr errors][merged small]

« Permettez que j'aie l'honneur de vous adresser quelques observations que m'a inspirées la crainte de voir troubler dans les circonstances actuelles, l'harmonie qui doit régner entre la France et la Grande-Bretagne. Je vous prie, Monsieur le Président, de vouloir bien les communiquer à l'Assemblée, dans le cas où vous le jugeriez de quelque utilité. Il doit être permis à un Anglais qui a respiré en naissant l'air de la liberté, de contribuer, autant qu'il est en son pouvoir, à écarter toute espèce de nuage qui pourrait en obscurcir son éclat dans le nouveau temple que vient de lui élever la nation française.

« Recevez, Monsieur le Président, les témoignages du respect avec lequel je suis, etc...

« Signé : Marc LÉONI, Anglais. »

Plusieurs membres : Il faut lire les observations! M. Thuriot, secrétaire. Ces observations portent qu'il serait dangereux de donner une trop grande importance et publicité à la lettre de la Société constitutionnelle des Wighs; que cette société est très peu nombreuse, qu'elle a causé les derniers troubles de Londres...

M. Grangeneuve. Cette affaire est entièrement consommée; la lettre de M. le Président est partie; il faut passer à l'ordre du jour.

M. Thuriot, secrétaire. Il est inutile de lire ces observations. Vous avez accueilli avec transport les sentiments de fraternité que vous ont adressés les Wighs constitutionnels, et vous avez décrété que le président répondrait au nom de l'Assemblée. Certainement, il ne doit pas dépendre d'un seul Anglais de venir détruire les effets d'un si beau mouvement par des observations déplacées. Je demande l'ordre du jour.

(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)

« PreviousContinue »