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7° Lettre du ministre de l'intérieur. Il annonce que les commissaires médiateurs envoyés par le roi à Avignon, ont ordonné des dépenses dont les avances ont été faites par le département du Gard et par le département de la guerre à Toulon. Dans la persuasion que l'Assemblée en ordonnera le remboursement sur le Trésor public, il fait passer l'état des avances et les pièces au soutien.

(L'assemblée ordonne le renvoi de ces pièces au comité de l'extraordinaire des finances.

8° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire. Il prévient qu'il sera brûlé vendredi prochain à la caisse de l'extraordinaire 4 millions d'assignats provenant des rentes sur les domaines nationaux, lesquels joints aux 344 déjà brûlés, font au total 348 millions.

Il prévient, en outre, qu'il sera brûlé, le même jour, 7 millions sur les 30 millions restants de l'échange des premiers 100 millions d'assignats de 100 sols; et que ces 7 millions réunis aux 70 millions déjà brûlés, forment la somme de 77 millions.

9° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur. Il envoie, avec ses avis, les pièces relatives:

I. A la demande formée par le directoire du district d'Hyères, pour fixer définitivement son administration dans la partie de la maison des ci-devant Cordeliers, qu'elle a occupée jusqu'à présent.

II. A la demande formée par le directoire du district de Rocroy, pour l'établissement de son administration, du tribunal du district, d'une brigade de gendarmerie nationale, de la conciergerie et des prisons civiles et criminelles, dans la maison du ci-devant lieutenant du roi de cette ville.

III. A la demande formée par le directoire du district de Saint-Paul, département du Var, pour être autorisé à louer une partie de la maison du sieur Huart, et le premier étage de celle du sieur Mongins, à l'effet d'y établir son administration et celle du tribunal du district.

IV. A la demande formée par le directoire du district de Grasse, département du Var, pour être autorisé à acquérir une partie du ci-devant palais épiscopal, et l'ancien palais de justice, à l'effet d'y établir son administration, les tribunaux de district et de commerce, le bureau de conciliation, la maison d'arrêt et la gendarmerie nationale.

V. A la demande formée par le directoire du district de Salon, pour être autorisé à acquérir le château de Salon, dépendant du ci-devant archevêché d'Arles, à l'effet d'y établir l'administration et le tribunal du district.

VI. A la demande formée par le directoire du district de Beaucaire, pour être autorisé à placer son administration et le tribunal de district dans la maison commune, et à acquérir une petite maison de la valeur d'environ 1,500 livres, qui y est contiguë.

VII. A la demande formée par le district de Brignolles, département du Var, pour être autotorisé à acquérir la maison servant autrefois de collège, appartenant à la commune de Brignolles, à l'effet d'y établir son administration et le bureau de paix.

VIII. A la demande formée par le directoire

du district de Marseille, pour l'établissement de son administration dans le couvent des ci-devant Trinitaires, dits de la Palu de cette ville.

IX. A la demande formée par le directoire du département de l'Yonne, pour l'établissement du tribunal criminel dans le ci-devant Palais de la ville d'Auxerre.

(L'assemblée nationale renvoie toutes ces pièces au comité de l'extraordinaire des finances.)

10° Lettre du sieur Laverrière. Il fait passer copie des lettres qu'il a adressées à M. Duportail, lorsqu'il était ministre de la guerre, pour lui proposer 3,000 fusils et une nouvelle compagnie à Saint-Etienne pour augmenter la fourniture annuelle d'armes, et restées sans réponse. Il demande qu'on examine les modèles qu'il a reçus et qu'on statue sur la proposition qu'il fait de fournir les 3,000 fusils et de nouvelles armes.

(L'Assemblée décrète le renvoi de cette lettre au comité militaire.)

11o Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui envoie les procès-verbaux qui constatent les pertes des habitants de Bourbonne et de Sarrey, dont les maisons ont été incendiées. (L'Assemblée ordonne le renvoi de ces pièces au comité des secours publics.)

12° Lettre de M. Duchesne qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé: Mémoire au roi, d'un autre intitulé: Observations sur un projet d'administration, de plusieurs mémoires à l'Assemblée nationale et d'une adresse au roi et à la nation.

(L'Assemblée agrée cet hommage.)

13° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine. Il annonce que l'attente depuis longtemps trompée d'une nouvelle organisation pour les troupes de la marine est une cause toujours prochaine d'insurrection dans les ports. Il observe qu'il en existe une particulière à Brest, la réclamation faite par les cinq divisions de canonniersmatelots de sommes considérables sur les masses et d'un produit de cantine. Il pense qu'il est important que l'Assemblée nationale presse le rapport de son comité de la marine sur l'organisation générale et sur la réclamation des cinq divisions, qui avait été portée à l'Assemblée nationale constituante.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de marine.)

14° Lettre des membres de l'assemblée générale coloniale de la Guadeloupe, contenant une déclaration imprimée de ses principes, faite le 7 octobre 1791.

(L'Assemblée décrète le renvoi de cette lettre au comité colonial.)

15. Lettre de M. Roustan, commissaire de la colonie de Saint-Domingue, qui demande d'être admis à la barre pour donner des renseignements sur la mission qu'il a remplie auprès des Etats

Unis.

(L'Assemblée décide que M. Roustan sera admis à la barre à la séance de ce soir.)

M. Grangeneuve, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 7 décembre. Un membre: J'ai une observation à faire sur la rédaction du décret rendu hier relatif à l'invitation à faire au roi au sujet des colonies. La rédaction insérée au procès-verbal porte ces mots:

Tel qu'il a été fixé à Saint-Domingue à l'époque du 25 septembre dernier », or, le projet proposé

par M. Gensonné n'a fixé aucune date déterminée; il y avait simplement : « Tel qu'il a été fixé à Saint-Domingue à l'époque du mois de septembre dernier. » Je prétends que l'Assemblée, en adoptant le projet de M. Gensonné, avait en vue cette dernière rédaction.

M. Grangeneuve, secrétaire. Je n'ai fait que transcrire le décret d'après la minute qui m'a été remise par M. Gensonné. Or, sur la minute, la date du 25 septembre est expressément rapportée. Plusieurs membres : Consultez la minute!

M. Grangeneuve, secrétaire. Je ne l'ai pas ici, mais M. Gensonné pourra vous certifier, quand il sera arrivé, que sa minute portait bien le 25 septembre.

Un membre: Pourtant le Journal des Débats, qui a déjà imprimé le décret, ne porte pas la date du 25 septembre.

M. Grangeneuve, secrétaire. Voilà une belle autorité à opposer au procès-verbal; il est singulier qu'on veuille en contester l'authenticité par une feuille qui n'en a aucune. Ainsi nous nous sommes trompés, nous, les pièces à la main, après avoir entendu les lectures multipliées qui ont été faites du projet de M. Gensonne; et une feuille, l'ouvrage d'un homme qui saisit au hasard ce qui se fait ou ce qui se dit dans l'Assemblée, aura plus de créance que nous.

Je demande que, sans égard, ou plutôt en faisant justice d'une aussi étrange assertion, l'Assemblée passe à l'ordre du jour.

(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour, puis adopte la rédaction du procèsverbal.)

M. Guadet, sec rétaire, donne lecture des lettres et adresses suivantes :

1o Adresse des citoyens de Bordeaux, suivie de vingt feuilles de signatures; elle est ainsi

conçue :

« Messieurs,

« Les hommages d'un grand peuple, les témoignages éclatants de sa confiance, doivent être l'objet de l'ambition de ses représentants. Vous avez prouvé vous-mêmes qu'ils étaient dus à une Assemblée qui fixe en ce moment les regards de l'Europe. Il faut, en effet, que toutes les puissances de la terre apprennent que vous êtes les représentants de 24 millions d'hommes; il faut que ces vils courtisans, qui frémissent d'entendre les mâles accents de la liberté, sachent que c'est maintenant le langage de tous les Français, et qu'ils n'ont pas fait en vain le serment de vivre libres ou mourir.

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Continuez, Messieurs, et vous serez puissamment secondés, continuez à présenter cette attitude imposante, qui convient aux représentants de la nation française, à déployer cette énergie qui est l'apanage d'un peuple libre, et qui fera rentrer dans la poussière et les intrigues de cour et les conquêtes des tyrans.

« Tous les citoyens-soldats et tous les soldatscitoyens n'ont qu'un but et un même désir : la liberté ou la mort. (Applaudissements. Bravo! bravo!) Ils ont le même zèle que celui que ne cessent de montrer sous nos yeux nos braves frères, les Parisiens, qui répondent de vos jours précieux et dont le patriotisme, digne d'être célébré, n'a pu être compromis par un de leurs prétendus chefs ils en ont fait justice, sans doute; ils le doivent à la majesté nationale et à la liberté des représentants de la nation si indignement outragée.

« Nous sommes, etc... »

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« La dignité de la nation a été outragée en la personne de deux citoyens de Strasbourg; elle l'a été par la détention de M. Duveyrier, et par l'insulte faite au pavillon national sur la Méditerranée. Nulle part, nos concitoyens ne peuvent trouver la sûreté et la protection que trouvent en France les habitants de toutes les contrées de l'Univers; et c'est même en Espagne et en Italie un crime d'être Français.

«Le roi a promis de faire respecter la Constitution au dedans et au dehors. Cependant quelques princes de l'Europe paraissent douter de cet engagement, se permettent de méconnaître la souveraineté de la nation et tolèrent encore, sur leur territoire, des rassemblements de rebelles qui violent chaque jour les droits des gens à notre égard. Un plus long silence pourrait donc nous être funeste et faire croire une pusillanimité qui, seule, alimente l'espoir des ennemis de la patrie. Il est temps que la nation française fasse entendre aux puissances qui l'entourent la voix majestueuse d'un peuple libre ; il est temps de leur apprendre que, respectant les droits de tous, il faut qu'on respecte les nôtres, et qu'ayant fait serment de n'attenter a la liberté d'aucun peuple, nous ne permettrons pas qu'on cherche à attaquer la nôtre.

Les citoyens de Bordeaux, soussignés, toujours fidèles à ce serment sacré, viennent vous assurer, avec tous les vrais citoyens de cet Empire, qu'ils ont gémi de l'attentat commis dans le sein même du sanctuaire des lois, et qu'ils n'ont pu voir, sans quelque indignation, la vo- Veuillez donc, Messieurs, faire signifier à lonté suprême de la nation influencée par les toutes les puissances, que notre Constitution menaces de quelques audacieux. A-t-on cru n'est point un vain simulacre; que nous vouqu'on parviendrait à avilir la majesté nationale, lons vivre en paix avec nos voisins; mais que et à seconder ainsi les projets insensés des nous deviendrons les ennemis des tyraus qui traîtres d'outre-Rhin? Qu'on connait mal l'es- chercheraient à nous opprimer ou à persecuter prit de nos départements! on y aime la patrie nos concitoyens, et que s'ils nous torcent de bonne foi, on n'y prononce qu'avec indigna- prendre les armes, nous ne les quitterous qu tion les noms des intrigants et des ennemis de près avoir délivré la terre de tous les dep la liberté, quel qu'ait été leur rang, quelle que soit leur décoration; on vous y regarde comme les gardiens de cette liberté si chère, et comme les seuls organes de la volonté générale.

qui l'oppriment. (Applaudissements
(L'Assemblée décrète qu'il sera fuit
la renvoie au comité diplomatique.
honorable de cette adresse au proc

3° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, qui, pour ne mettre aucun retard aux renseignements que l'Assemblée nationale lui a demandés sur ce qui s'est passé aux Etats-Unis, entre le ministre de France et le sieur Roustan, commissaire de la colonie de Saint-Domingue, s'empresse d'adresser en original, trois pièces y relatives, dont une seule seulement signée. Le ministre demande que ces pièces lui soient renvoyées.

4° Lettre de M. Delessart, ministre des affaires étrangères, relativement au même objet. Il envoie extrait de la dépêche de M. de Ternan, datée de Philadelphie du 28 septembre 1791, en ce qui concerne les points sur lesquels l'Assemblée a désiré être éclairée. Cet extrait est ainsi conçu:

་་

M. de Ternan annonce qu'il fut informé, le 20 septembre, qu'il était arrivé un commissaire de la colonie de Saint-Domingue pour réclamer des secours des Etats-Unis ; que le vice-consul général, frappé de l'irrégularité de cette mission, dans un pays où il y avait un ministre de France accrédité, l'avait engagé à ne faire aucun usage de ses lettres de créance, et a sollicité le ministère de M. de Ternan. M. de Ternan chargea le vice-consul général d'engager M. de Roustan (c'est le nom du commissaire) à lui communiquer sans délai les pièces dont il était porteur, M. de Ternan reçut le lendemain une lettre dé M. de Roustan, en date du 21 septembre, par laquelle, après avoir exposé la situation de la colonie, il dit que l'assemblée générale constituée conformément aux décrets, et réunie au gouverneur général, avait cru qu'il était important de recourir aux puissances voisines. Qu'elle avait, en conséquence, choisi des commissaires auxquels elle avait donné, conjointement avec le gouverneur, le pouvoir de déclarer leur mission, et que le choix, pour les Etats-Unis, était tombé sur lui; qu'à son départ de Saint-Domingue, le 26 août, tant l'assemblée générale que le gouverneur, ignoraient absolument qu'il y eût, dans le continent, un représentant de la nation française; qu'il n'aurait pas hésité un moment, s'il l'avait su, de s'adresser à l'ambassadeur de Sa Majesté ; qu'il ne l'avait appris qu'à son arrivée dans cet Etat, et il prie M. de Ternan de lui indiquer l'heure à laquelle il pourrait le recevoir.

«M. de Roustan vient aussitôt communiquer à M. de Ternan les originaux de sa commission et les lettres dont il était chargé pour le président du Congrès et pour les Etats de la Caroline du

Sud.

En parcourant ces pièces, M. de Ternan y trouva plusieurs expressions qui donnaient l'air à l'assemblée coloniale de traiter avec les EtatsUnis de souverain à souverain. On y parlait des rapports qui existaient depuis longtemps entre les Etats-Unis et Saint-Domingue, de leur attachement fraternel et des lettres de créance dont le sieur de Roustan était muni. M. de Ternan fit sentir au sieur de Roustan que ces pièces ne pouvaient être presentées; il n'eut pas de peine, non seulement à l'engager de n'en pas faire usage, mais à les déposer aux archives de la légation, et attendre de M. de Ternan seul les secours que lui, M. de Roustan, était chargé de demander aux Etats-Unis. M. de Ternan dit d'ailleurs, dans la même dépêche, qu'en effet M. de Roustan a pris publiquement le titre de

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Les lois existantes donnent à Votre Majesté le droit de sanctionner les résolutions des citoyens des colonies, relativement à l'état des hommes de couleur libres. C'est l'exercice de cette faculté que l'Assemblée nationale vient réclamer de votre justice et de votre patriotisme. « Vous le savez, Sire, la colonie de Saint-Domingue était perdue sans l'heureuse réunion des citoyens blancs et des hommes de couleur libres, réunion dont les conditions ont été consacrées par un acte de l'assemblée coloniale et qui a ramené le calme dans la colonie. Vous pouvez la rendre irrévocable et prévenir d'un mot toutes les dissensions qui peuvent naître du retour des blancs à leurs projets, et celui des hommes de couleur à leur désespoir. Ce mot, tout vous invite à le prononcer. Humanité, raison, justice, politique, Constitution; à ces puissants motifs, nous venons joindre le vœu des représentants de la nation; nous osons dire, celui de la nation elle-même.

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Sire, faites parvenir vos ordres à la colonie avec les nouvelles troupes qui vont étouffer les germes de la rebellion; et si les blancs voulaient tenter de faire revivre leurs injustes prét-ntions, ne condamnez pas notre armée à protéger leurs repentirs hypocrites, et à devenir les instruments d'une tyrannie renaissante.

« Cet effort serait peut-être difficile à obtenir de soldats qui se sentent Français; et la nation verrait en gémissant, ses forces dirigées contre des droits dont elle-même est trop jalouse pour ne pas les respecter dans autrui. C'est avec douleur que l'Assemblée s'est livrée à cette supposition qui lui fait voir dans des citoyens français, des hommes perturbateurs du repos des colonies, et en même temps parjures et oppresseurs. Elle n'a garde de le croire; il lui a suffi que de nouveaux malheurs puissent être présumés, pour qu'elle ait cru nécessaire de vous engager à les prévenir.

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L'Assemblée nationale, pleine de confiance dans un roi aussi ami des droits de l'homme et des intérêts de la nation, va se livrer à l'examen des mesures propres à établir un ordre harmonieux et durable dans les colonies. »

Voix diverses: La question préalable! L'ordre du jour!

(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)

M. Président. L'ordre du jour appelle la discussion des projets de décret relatifs aux finances.

Plusieurs membres demandent la priorité pour chacun des différents projets présentés sur cette question.

M. Dorizy. La question de priorité qui s'élève

aujourd'hui est très sérieuse et très importante. Non seulement vous avez à l'ordre du jour deux projets, mais encore vous en avez d'autres dont Le rapport est tout prêt, et quis le premier pas sont tous dépenque vous allez faire en finances; il est intéressant que vous le fassiez avec prudence et circonspection. Vous avez d'abord un rapport sur la situation de la caisse de l'extraordinaire, relativement à une nouvelle émission de petits assignats (1). Ce projet vous conduit à la question de savoir s'il sera fait une nouvelle émission de 200 millions d'assignats. M. Cambon vous a déjà présenté sur cet objet un travail dont vous avez ordonné l'impression (2).

dants les uns des autres.

Vous avez entendu à la barre un pétitionnaire (3) qui, sous le prétexte de présenter une pétition, vous a développé son opinion. Elle contient de grandes vues et de grands erreurs; cette opinion a été vivement soutenue par M. Brissot, qui a prétendu qu'il fallait suspendre les liquidations. Ce projet, relatif à la réduction des intérêts qui sont dus sur les offices de judicature, est depuis longtemps ajourné. Enfin, vous avez le projet du comité des domaines, présenté par M. Vincens (4) sur la question de savoir à quelle époque les acquéreurs des biens nationaux auront la faculté de se libérer. Décréterez-vous qu'il y aura une réduction d'un vingtième sur les liquidations futures, avant de décider ces liquidations seront suspendues ou modifiées? D'un autre côté, l'émission des assignats est subordonnée dans sa quotité, comme dans sa totalité, à la suspension des remboursements. Il est donc naturel de n'examiner les deux questions sur la réduction des intérêts et l'émission des assignats, qu'après avoir déterminé le mode des liquidations. Je demande la priorité pour cette dernière question.

M. Cambon. Le rapport fait au commencement du mois de novembre sur l'émission de 200 millions d'assignats a été renvoyé de jour en jour. Cependant, il est urgent de s'en occuper. Le comité de la caisse de l'extraordinaire vous propose une augmentation de circulation de 200 millions. Je suis convaincu que cette augmentation est nécessaire. M. Brissot, en proposant de suspendre les liquidations, a demandé aussi l'augmentation de la circulation. Mais avant de mettre les assignats en circulation, il faut en avoir de fabriqués. Nous avons retardé un mois la question de savoir si l'Assemblée décréterait des assignats de 10 livres et de 25 livres, et même des valeurs au-dessous des assignats de 5 livres. Il s'en suit que le travail de la fabrication a été retardé, parce que le ministre n'a pas osé prendre sur lui de faire fabriquer de nouveau papier. Il faut donc l'autoriser à ordonner la fabrication de ce papier, pour que nous ne soyons pas arrêtés lorsque nous aurons décrété l'émission de petits assignats.

De plus, il y a tous les jours des assignats annulés et brûlés qu'il faut remplacer. L'atelier

(1) Voyez Archives parlementaires, tome XXXIV, séance du 1 novembre 1791, page 562, le rapport de M. Haussmann sur cet objet.

(2) Voyez ci-dessus, séance du 24 novembre 1791, le rapport de M. Cambon, page 324.

(3) Voy. Archives parlementaires, 1re Série, t. XXXIV, le discours de M. Clavière, séance du 5 novembre 1791, page 642.

(4) Voy. ci-dessus séance du 3 décembre 1791, au soir, le rapport de Vincens-Plauchut.

unique, destiné et occupé à la fabrication des assignats en remplacement de ceux déjà brûlés, ne peut pas suffire aux besoins pressants des caisses. Il faut donc ordonner une nouvelle coupure, afin qu'on puisse faire un nouvel atelier dont le travail fournira une fabrication suffisante. Je demande donc que l'Assemblée mette à l'ordre du jour la discussion relative à la coupure des assignats et à la préparation du papier nécessaire pour en fabriquer jusqu'à concurrence de 200 millions. De cette façon, le ministre pourra aller de l'avant sur la fabrication.

M. Baignoux. J'appuie la motion de M. Cambon et je propose pour accélérer la fabrication d'adopter les coupures de 10 et 25 livres.

M. Guyton-Morveau. Si l'Assemblée veut discuter, il faut qu'elle établisse la priorité; sans cela, on viendra vous entretenir à la fois de plusieurs projets différents. Je ne crois pas que l'Assemblée soit en état de décider aujourd'hui la question de la coupure des assignats; et je pense qu'il faut en renvoyer l'examen aux divers comités des finances, dont vous avez ordonné la réunion pour en présenter le rapport et une discussion préparée. Il faut surtout mettre de l'ordre dans la discussion, parce qu'il faut, avant de répandre les assignats, les économiser.

Je demande donc la priorité pour le projet de décret qui a déjà été proposé trois fois relativement à la retenue à faire sur les intérêts que paye la nation aux titulaires d'offices, corps, communautés, compagnies de finance, etc. (1). Le retard d'un mois que cette discussion a éprouvé coûte à l'Etat plus de 400,000 livres.

Plusieurs membres : La discussion fermée sur la priorité !

(L'Assemblée ferme la discussion et accorde la priorité à la discussion sur la coupure et la fabrication des assignats.)

M. Cambon. Tout le royaume demande de petits assignats; nous cherchons les moyens de les multiplier.

Nous avons ordonné la fabrication de 300 millions d'assignats de 5 livres; il est prouvé que cette fabrication ne peut pas fournir à nos besoins. Tels moyens d'échanges que nous prenions, nous n'en aurons jamais assez. Il est urgent d'enlever de la circulation les assignats de 500, de 1,000 et de 2,000 livres; il s'est présenté plusieurs questions, une relative à la coupure de 10 sous, une autre relativement à la coupure de 50 sous, une autre relativement aux coupures de 10 et de 25 livres. Il est instant d'en pourvoir le Trésor public; si nous discutions sur les coupures de 10 et de 50 sous, sur lesquelles l'Assemblée n'est pas encore assez éclairée, nous risquerions de nous laisser entraîner dans une longue discussion, et nous retarderions la fabrication nécessaire aux besoins publics, si nous adoptions les coupures de 10 et de 25 livres. Conséquemment, en montant une fabrique pour les assignats de 10 livres et pour ceux de 25 livres, nous fabriquerions facilement 14 à 15 millions par jour, ce qui serait suffisant pour les remboursements, en cas que vous vouliez les décréter, et pour les besoins ordinaires.

En conséquence, pour accélérer la décision de l'Assemblée, je proposerais qu'il fût décrété que le ministre donnera l'ordre de préparer du pa

(1) Voy. ci-dessus, séance du 19 novembre 1791, au matin, page 150.

pour une émission qui sera ordonnée par l'Assemblée, en assignats de 10 et de 25 livres, d'après le rapport qui sera fait par le comité des assignats et monnaies, sur la forme de ce papier. Voilà, Messieurs, le projet préalable que je proposerais à l'Assemblée. Par ce moyen, nous aurions le temps de discuter sur les remboursements; et en attendant, les fabriques iraient en avant.

M. Legras. C'est précisément parce que les provinces demandent des petits assignats, qu'il est instant de rendre un décret pour la fabrication du papier. Messieurs, la coupure doit être décidée, et elle doit l'être promptement. Je demande qu'on divise les assignats en quatre sortes différentes et que l'on fixe ces quatre sortes d'assignats, afin que les quatre fabriques travaillent ensemble. (Vifs applaudissements.)

M. Dorizy. J'appuie de tout mon pouvoir la motion de M. Cambon. Les moyens qu'il vous donnés, Messieurs, sont impérieux. Les besoins des départements l'exigent, et vous ne pouvez trop tôt vous en occuper. A l'égard des divisions d'assignats inférieures à ceux de 5 livres, sans doute d'autres considérations pourront vous déterminer à descendre à cette mesure, mais elle exige une grande maturité de réflexions.

Le comité des assignats et monnaies s'en est déjà occupé, et il demande encore des renseignements pour pouvoir vous présenter à cet égard, des considérations qui pourront tendre à bannir de la circulation des effets de confiance dont souvent on abuse vis-à-vis du peuple mal instruit.

Je demande donc qu'aujourd'hui l'Assemblée nationale se borne à délibérer sur la question de savoir de quelle somme seront les assignats intermédiaires qu'elle décrétera entre le prix de 5 livres et le prix de 50 livres. Je demanderais aussi que vous voulussiez bien renvoyer à l'examen du comité de l'extraordinaire des finances, une question qui se présente en ce moment.

Il y a aux fabriqués de Courtalin et du Marais 96 rames de papier fabriqué et destiné à des assignats de 200 livres. Comme les mesures que nous allons prendre ne regardent en rien les assignats excédant 50 livres, je demande que dans le plus prochain délai possible le comité de l'extraordinaire et des finances soit tenu de vous présenter ses vues sur la question de savoir s'il est utile et à propos que l'on emploie le papier fabriqué de 200 livres, à faire de nouveaux assignats de 200 livres, qui pourront entrer dans les émissions que l'Assemblée nationale se déterminera à décréter. (Murmures.)

M. Boisrot-de-Lacour trouve insuffisant le plan de M. Cambon et fait sentir l'urgence de fabriquer des assignats d'une valeur inférieure à 5 livres. Il demande des coupures d'assignats au-dessous de cent sols (1).

M. Tarbé. Tout le monde est d'accord sur différents points; le premier: qu'il faut une émission prochaine de petits assignats; le second: qu'une émission d'assignats de 5 livres serait impraticable, parce que l'on serait obligé de multiplier les ateliers de fabrication sur ces mêmes coupons-là, ce qui présenterait les dangers de la contrefaçon à laquelle on ne saurait trop pourvoir.

(1) Voir ci-après aux annexes de la séance, page 633, les développements de l'opinion de M. Boisrot-de-La

cour.

On est d'accord encore qu'il faudrait choisir d'autres coupures; mais quelles coupures conviennent le mieux ? C'est là-dessus que les préopinants ont paru varier de principes. On croit d'abord qu'il en faut de 25 livres et je le crois aussi. On croit ensuite qu'il en faut de 10 livres et l'on ajoute qu'il n'est pas convenable, dans le moment présent, d'en faire de sommes inférieures à 5 livres.

Je dois expliquer pourquoi je ne suis pas d'accord avec les préopinants sur cette question. Tout le monde convient que le royaume entier éprouve, dans le moment présent, le plus grand besoin de petits assignats, tout le monde convient qu'il y a un très grand inconvénient à permettre qu'il existe dans la circulation beaucoup de ces signes d'échange, dont la valeur intrinsèque n'est ni positivement assurée, ni très connue. Mais croyez-vous que la proposition qui vous est faite remplisse parfaitement l'objet de ceux qui l'ont proposée? je ne le crois pas. Vous éprouvez, à Paris même, où vous avez des assignats de 50, 40, de 15 et de 10 sols, vous éprouvez encore dans mille circonstances l'embarras de l'échange. Eh! comment feront les départements qui n'ont pas la facilité de ces signes d'échange partiels et locaux, établis dans toutes les sections de la capitale; je crois que, dans ce moment, nous négligerions le salut de l'Empire, nous négligerions l'intérêt de l'Empire entier, si, ne regardant qu'auprès de nous, nous négligeons de donner à nos frères des départements des moyens d'échange qui leur sont nécessaires.

Je crois donc que, dans le moment présent, il nous convient de chercher une division quelconque, autre que celle de 25 livres et de cent sous, cette division se rapprochant des besoins des artisans et des journaliers.

En conséquence, je vous proposerai 4 coupures nouvelles; la première, celle de 25 livres; elle me paraît avoir un grand avantage, en ce que, comme les 5 livres se rapprochant de 6 livres, ces 25 livres se rapprochent de la valeur de 24 livres, valeur de notre louis ancien; je vous proposerai ensuite, au-dessus de 5 livres, 3 coupures dans la fraction de nos assignats; je proposerai d'avoir au-dessus de 100 sous, une subdivision de 50 sous, au-dessous une subdivision de 25 et de 10; vous voyez, Messieurs, que par là vous fermez toujours la porte à l'agiotage, et vous donnez infiniment moins d'avantage aux ressources des marchands d'argent.

Je conçois que lors des premiers millions d'assignats il n'eût pas été politique, peut-être, d'émettre dans la circulation des effets modiques; la très grande abondance eût pu produire des effets très dangereux; ils eussent été repoussés, et il fallait que la nécessité les rendit désirables; c'est ce qui est arrivé aujourd'hui. Il faut nous mettre dans le cas de nous passer de ces marchands d'argent; il faut que le pauvre qui n'a que 3 livres à recevoir, reçoive des monnaies qu'il puisse échanger en acquit de tous les objets nécessaires à ses besoins, et vous n'y parviendrez que quand vous aurez mis dans la circulation les signes dans la proportion que j'ai proposée, parce qu'alors ces signes d'échanges seront infiniment modiques; ainsi je vous proposerai ces 4 coupures et j'ajouterai que, comme il n'est pas possible d'arrêter dans une grande Assemblée les formes ni les papiers propres à cette mesure-là, je vous proposerai dis-je, de renvoyer à votre comité des monnaies et assignats, qui

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