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sera chargé de vous présenter ses vues à cet égard.

Je vous proposerai encore, car il ne faut pas négliger nos départements, je vous proposerai de demander à vos comités des finances un mode pour assurer la répartition égale, dans les départements, de tous ces petits coupons dans une proportion relative à leurs contributions. Ainsi, je me résume coupons de 25 livres; de 50, 25 et 10 sous; demain, rapport du comité des finances sur la forme à donner aux assignats; et demain encore rapport sur le mode de répartition dans toutes les parties de l'Empire. (Applaudissements.)

Un membre: Pour se dispenser de l'émission proposée par M. Tarbé, je propose de faire d'avantage de monnaie de cuivre.

Plusieurs membres : La discussion fermée!

M. Cambon. J'ai déjà manifesté mon opinion sur l'émission des assignats de 10 sols et de 50 sols, puisque dans un projet que j'ai eu l'honneur de présenter à l'Assemblée cette disposition s'y trouvait. Depuis lors, dans le comité des Finances, à la Trésorerie, cette question a été discutée. On m'a dit que pour faire 100 millions d'assignats de 10 sols, cela coûterait 10 millions de fabrication. Je suis persuadé qu'il est nécessaire que cette émission ait lieu; mais je ne voudrais pas que l'Assemblée prît une fausse mesure par un manque de discussion. Je crois qu'il est de mon devoir de lui communiquer tout ce qu'on m'a opposé (Applaudissements.)

Dans le moment présent, les assignats de 5 livres reviennent à environ 2 sols. Mais, Messieurs, quel est l'objet que je vous ai proposé de décider, presque sans délibération parce que l'Assemblée et tout le royaume sont unanimes? C'est qu'il faut vite presser les assignats de petite valeur, pour faire le service des caisses. Je fais donc la motion qu'on se borne, dans le moment actuel, à adopter les assignats de 10 livres et de 25 livres, qui n'ont pas les mêmes inconvénients que ceux de 10 sols et qui sont nécessaires au service des caisses; voilà la question urgente.

Un membre: Je viens soumettre à l'Assemblée un moyen de se procurer toutes ces petites valeurs sans qu'il en coûte un sou (Ah! ah!) et le voici : Je propose, quand on arrivera aux assignats de 5 livres, d'en faire de 5 livres 5 sols, 5 livres 10 sols, 5 livres 15 sols. (Murmures). Par là, Messieurs, je remédie provisoirement à la pénurie des petits assignats. (Murmures).

Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Cambon. Voici mon projet de décret :

་་

L'Assemblée nationale décrète qu'il sera procédé de suite, sous les ordres et la direction du ministre des contributions publiques, et sous la surveillance des commissaires de l'Assemblée, la fabrication du papier nécessaire pour l'émission d'assignats de 10 et 25 livres, sans que cette nouvelle fabrication puisse retarder celle des assignats de 5 livres.

« L'Assemblée nationale ajourne à trois jours la question des assignats au-dessous de 5 livres et la renvoie au comité de l'extraordinaire des finances, qui sera tenu de lui proposer un projet de décret sur cet objet, ainsi que sur les moyens d'échange dans les départements. »

M. Tarbé. Voici le mien :

L'Assemblée nationale décrète qu'il sera fabriqué incessamment des assignats de 25 livres,

de 50 sols et de 25 sols. Elle ajourne à lundi la discussion sur la question de savoir s'il y aura des assignats de 10 sols et charge son comité de l'extraordinaire des finances, de lui présenter ses vues sur les moyens d'économie dans l'émission et la fabrication et sur le mode de répartition des assignats entre les 83 départements. »

Plusieurs membres : C'est juste! c'est juste!

M. Guyton-Morveau. Je demande la priorité pour le projet de M. Cambon. Je soutiens que la rédaction de M. Tarbé ajourne et décide tout à la fois la question. Il s'agit, en effet, de savoir s'il est avantageux d'avoir des assignats au-dessous de 5 livres ou de n'en pas avoir. Or, M. Tarbé vous propose d'ajourner le principe de cette question et en même temps il vous demande de décréter qu'il y aura des assignats de 25 sols et de 50 sols. Je demande donc la priorité pour la rédaction de M. Cambon.

D'autres membres demandent la priorité pour le projet de M. Tarbé.

(Après quelques débats, l'Assemblée accorde la priorité au projet de M. Cambon.)

Un membre: Je demande qu'on fixe pour quelle somme on fabriquera du papier.

M. Cambon. Il n'y a qu'à en fabriquer pour 100 millions de chaque sorte d'assignats.

Un membre: J'adopte l'avis de M. Cambon, mais j'y propose un amendement. Je trouve que M. Cambon vous propose de faire des assignats de trop petite valeur et en trop grande quantité. Cette fabrication sera trop longue et ne suffira pas aux besoins que vous avez. En conséquence, je vous propose de ne décréter la fabrication que pour 50 millions en petits assignats de 10 et de 25 livres et de décréter la fabrication de 50 autres millions de 60, 80 et 90 livres. (Bah! bah! Murmures.)

Un membre: Il a été avancé par M. Cambon que la fabrication de 100 millions de petits assignats de 10 sols coûterait 10 millions, et je suis bien aise d'observer à l'Assemblée que cela est faux. Par un calcul que j'ai été conduit à faire, il résulte que l'émission de ces petits assignats ne revient pas tout à fait à la somme de quatre deniers et demi pour chacun. (Murmures.)

M. Delacroix. Je propose à l'Assemblée de décréter dès aujourd'hui le principe, c'est-à-dire qu'il y aura des assignats au-dessous de 5 livres, et de renvoyer au comité la question de savoir quelles en seront les coupures pour le rapport en être fait dans trois jours.

Plusieurs membres demandent l'ajournement de cette proposition, parce qu'il fallait que ce principe fut discuté et que l'on en connut les avantages et les inconvénients afin qu'on ne puisse pas accuser le Corps législatif d'avoir pris précipitamment un parti sur un objet aussi impor

tant.

D'autres membres : La question préalable sur l'ajournement!

(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable et ajourne à trois jours.)

(Plusieurs amendements sont proposés sur la rédaction et écartés par la question préalable.) M. Cambon. Je demande qu'on mette aux voix l'urgence.

(L'Assemblée décrète l'urgence.)

En conséquence, le décret suivant est rendu : L'Assemblée nationale, considérant que le service des caisses publiques, la demande générale

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M. Cambon. Voici la rédaction que je propose pour le décret définitif:

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète qu'il sera procédé de suite, sous la direction et responsabilité du ministre des contributions publiques, et sous la surveillance des commissaires de l'Assemblée nationale, à la fabrication du papier nécessaire pour 100 millions en assignats de 10 livres, et 100 millions en assignats de 25 livres, sans que cette fabrication puisse retarder celle des assignats de 5 livres.

« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction.

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« L'Assemblée nationale ajourne à lundi la discussion sur la question de savoir s'il sera fabriqué des assignats au-dessous de 5 livres, et charge son comité de l'extraordinaire des finances de lui faire un rapport à ce sujet.

(L'Assemblée adopte ce projet de décret.)

M. Dorizy. Je propose un article additionnel au décret de M. Cambon. Vous devez vous rappeler que je vous ai parlé de 96 rames de papier qui se trouvent dans les fabriques de Courtalin et du Marais. Ces 96 rames ont été fabriquées dans un temps où l'on craignait que la nouvelle législature, succédant à l'Assemblée constituante, n'eût des besoins urgents qui obligeassent à l'émission. Elle n'a pas eu lieu; ces 96 rames existent; elles ne peuvent être employées qu'en assignats de 200 livres. Si Pon ne doit pas s'en servir, il faut les anéantir. Je demande que par un article additionnel au décret que vous venez de rendre, vous décrétiez ce qui suit :

"L'Assemblée nationale ajourne la question de l'emploi ou de la suppression de 96 rames de papier destinées à des assignats de 200 livres, et renvoie au comité de l'extraordinaire des finances, qu'il charge de lui présenter un projet de décret sur ce point.

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(L'Assemblée, consultée, adopte l'article additionnel de M. Dorizy.)

M. Duphénieux. Je viens présenter à l'Assemblée quelques faits relatifs aux abus qui se sont glissés dans la fabrication des assignats, et que l'économie de l'Assemblée réprouve. Vous verrez, sans doute, avec étonnement, que plus de 300 individus sont employés pour inspecter, signer et numéroter les assignats; ils reçoivent par jour, depuis 9 jusqu'à 10 livres 10 sous, et ne travaillent cependant que jusqu'à 2 heures après-midi. Vous seriez peut-être étonnés si le trésorier de la caisse de l'extraordinaire avait choisi dans cette classe intéressante que la Révolution a privée de ses places; mais il n'en est rien. Je vous observerai qu'il existe dans cette administration de grands 'abus; qu'il est instant de les faire cesser, mais vous n'y parviendrez

qu'autant que vous restreindrez le trésorier de la caisse de l'extraordinaire dans les objets de sa Trésorerie, et que vous créerez une commission expresse à laquelle vous confierez tous les détails relatifs à la fabrication, confection, échange, annulation et rentrée des assignats, toujours à la charge d'en rendre compte à l'Assemblée nationale, et sous la surveillance de ses commissaires. Vous chargerez ces commissaires, non seulement de rendre cette confection moins dispendieuse, mais encore de chercher les moyens de simplifier, de diminuer les frais de la caisse de l'extraordinaire et de son administration; car n'attendez jamais de renseignements utiles à cet égard de la part du commissaire du roi, administrateur général de cette caisse, non plus que du trésorier; le premier ne trouvera jamais assez considérable la somme de 440,000 livres qu'il a tous les ans à sa disposition tant pour ses émoluments que pour les frais de son administration. Vous ne devez pas espérer non plus que le second s'occupe de diminuer les frais de ses bureaux et qu'il vous propose une réduction sur la modique somme de 260,000 livres dont il dispose tous les ans.

L'article 4 de la loi du 6 décembre 1790 porte que l'Assemblée nationale a organisé provisoirement cette administration. Il suffit de connaître cette disposition pour se persuader que l'Assemblée constituante n'a entendu rien statuer définitivement à cet égard, et qu'elle a pensé que l'expérience ferait trouver des moyens plus économiques d'administrer cette caisse. Pour trouver ces moyens, il faut se servir de personnes qui aient intérêt à l'économie. C'est pourquoi je propose le décret suivant :

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L'Assemblée nationale, considérant qu'on ne saurait établir une surveillance trop active sur tous les objets relatifs aux assignats et à la caisse de l'extraordinaire, décrète ce qui suit:

་་

Art. 1. A compter du 15 décembre courant, la confection, émission, échange, annulation et rentrée des assignats feront l'objet d'une administration expresse, sous la surveillance de l'Assemblée nationale.

Art. 2. Cette administration sera confiée à quatre commissaires, qui seront nommés par le roi et ne pourront être destitués qu'en cas de forfaiture, ou sur la demande du Corps législatif, après les avoir entendus.

«Art. 3. Le premier soin des commissaires sera de présenter à l'Assemblée nationale des moyens de réduire les frais de la fabrication et confection des assignats, ainsi que ceux de l'administration de la caisse de l'extraordinaire.

« Art. 4. Lesdits commissaires emploieront par préférence, dans la confection des assignats, des individus qui se trouvent avoir perdu leur état par l'effet des réformes qu'a exigées l'intérêt public, et qui auront surtout donné des marques de vrai patriotisme.

Art. 5. A compter dudit jour 15 décembre courant, le salaire donné à chaque signataire, numéroteur et vérificateur d'assignats sera provisoirement réduit aux deux tiers de celui qu'ils reçoivent actuellement; et ce, en attendant toutes les réformes économiques dont cette administration sera susceptible.

Art. 6. Les quatre commissaires seront responsables des assignats qui leur seront délivrés; en consequence, ils fourniront chacun un cautionnement, en immeubles, de 40,000 livres.

Art. 7. Les commissaires auront le droit d'exiger des renseignements sur toutes les par

ties quelconques d'administration et de trésorerie de la caisse de l'extraordinaire; ils prendront note des abus qu'ils apercevront, et en rendront compte tant aux commissaires de l'Assemblée nationale auprès de ladite caisse qu'au comité des dépenses publiques.

« Art. 8. Il sera accordé à chaque commissaire un traitement annuel de 5,000 livres; et de plus, ils auront droit à une gratification qui sera fixée d'après les améliorations et économies qui résulteront de leur administration. Au Corps législatif seul appartiendra le droit de fixer la quotité de cette gratification. »>

(L'Assemblée renvoie le projet de décret de M. Duphénieux au comité de l'extraordinaire des finances.)

M. Rouyer. L'Assemblée néglige le rapport sur le compte rendu par le ministre de la marine relativement aux officiers absents de leur poste. Je vous assure que leur nombre s'élève à plus de 400. Je demande que cet objet soit traité sur-lechamp.

M. Delacroix. Je demande l'ajournement du rapport du comité de marine à la séance de ce soir et je propose d'ajourner également à cette même séance un rapport du comité militaire sur l'organisation des gardes nationaux volontaires et un rapport du même comité sur l'état des frontières. La situation est infiniment rassurante, et il est intéressant que la France entière la connaisse. (Vifs applaudissements.)

(L'Assemblée ajourne à ce soir le rapport du comité de marine et les deux rapports du comité militaire.)

Le rapport des commissaires de la salle, sur les changements à faire dans la distribution de la salle est ajourné également à ce soir.

Il s'élève quelques débats sur la question de savoir si l'on discutera à la séance de demain le rapport sur la répartition des petits assignats entre les 83 départements, ou la question relative à la retenue d'intérêts sur les sommes dues aux ci-devant titulaires d'offices.

On propose de discuter dans la même séance les deux objets et de commencer, aussitôt après la lecture du procès-verbal, par la discussion du projet de répartition des assignats.

Cette motion est appuyée, mise aux voix et décrétée.

(La séance est levée à trois heures.)

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suis inscrit pour la parole; mais un grand nombre de mes collègues l'ont avant moi. La discussion serait peut-être fermée avant que j'eusse pu présenter mes observations en faveur de l'émission. Elle me paraît si intéressante pour tout le royaume, que je me reprocherais d'avoir négligé le moyen de l'impression pour en démontrer l'avantage.

N'en doutons pas, Messieurs, les ennemis des assignats sont ceux de cette Constitution, dont ils ont été, dont ils sont encore un des plus fermes appuis.

N'en doutons pas, les amis des gros assignats sont aussi ceux de cet énorme agiotage auquel ils ont trop donné lieu.

Les premiers vous disent sans cesse que le peu de confiance qu'on a dans ces effets, est la seule cause de la perte qu'ils font.

Les seconds vous assurent que la disparition absolue du peu de numéraire qui circule, serait une suite nécessaire de l'émission d'assignats inférieurs à ceux de 5 livres.

Il est aisé de vous prouver que les uns et les autres sont de la plus insigne mauvaise foi et de la plus grossière ignorance.

Je suis loin d'envier, sans doute, à un riche bénéficier le plaisir de rêver que nos ci-devant chevaliers, qui veulent au premier jour reconquérir la France, et la guérir à coups de baïonnettes du délire de la raison, guerroyent pour lui rendre ses biens. Je le plains seulement d'avoir encore la bêtise de leur envoyer une partie de ce qui lui reste. Je lui dis, moi, que les plus grands zélateurs de la contre-révolution comptent encore sur les assignats pour en payer les frais.

Je sais très bien que leur ministre des finances a de grandes ressources dans son imagination fiscale; mais je doute encore qu'elle lui fournit le moyen de payer notre dette nationale sans y employer les domaines nationaux.

On me répondra que la dette nationale est ce dont ces Messieurs s'inquiètent le moins; mais je répondrai, moi, que c'est ce dont la nation s'inquiétera davantage.

Il ne s'ensuit pas moins, pour tout esprit nonprévenu, que, dans les suppositions même les plus extravagantes, les domaines nationaux, et les assignats qui en représentent une faible partie, sont des effets dont l'hypothèque et la solidité sont démontrées à tous les yeux.

Et s'il en était autrement, ces biens nationaux se seraient-ils vendus deux fois plus qu'ils ne valent?

Et s'il en était autrement, nos bons amis de l'autre rive du Rhin les auraient-ils achetés comme nous?

Ils nous disent, je le sais bien, qu'ils sont toujours prêts à les rendre; mais ils me permettront, à moi qui ne suis point abbé, de n'y croire pas davantage qu'à la contre-révolution.

J'ai donc prouvé, Messieurs, que la confiance dans les assignats existe pour tout le monde en France, excepté pour quelques abbés ou quelques chanoines abusés.

La défiance n'est pas du tout la vraie cause de la perte qu'ils ont éprouvée.

Elle l'est si peu, qu'on ne me citera personne qui ait emprunté des assignats à un moindre taux que celui de l'intérêt de l'argent; et j'en citerais, moi, beaucoup qui le payent à 5 0/0. Puis, il est clair que le défaut de confiance n'est rien pour la valeur d'un effet dont le cours est forcé.

Que l'homme à qui je dois 2,000 livres ait ou n'ait pas de confiance dans mon assignat de 2,000 livres; n'est-il pas évident qu'il ne l'acceptera pas moins?

Si cet homme doit aussi 2,000 livres, peu lui importe encore la confiance ou la défiance de son créancier.

Mais s'il ne doit que 200 livres, alors sa position devient embarrassante.

S'il présente son assignat à son créancier, celui-ci lui dira qu'il n'a point à lui rendre.

Le débiteur est obligé de faire l'appoint; cela est de toute justice il faut donc, ou que le créancier lui rende 1,800 livres, ou qu'il change son assignat avec quelqu'un. C'est ici que l'embarras et la perte vont naître, parce que celui qui est dans le besoin, existe toujours dans la dépendance, et ne peut qu'en subir la loi.

Si l'homme qui se trouve en ce moment forcé de changer son assignat de 2,000 livres ne veut que des assignats de 300 livres et de 500 livres, par exemple, l'agioteur qui les aura, lui fera payer moins que s'il lui demande des assignats de 200 et de 300 livres.

S'il veut des assignats de 50 livres et de 5 livres, il payera plus fort encore.

Et s'il veut enfin de l'argent, il le payera plus que les assignats.

Mais si, au lieu d'un assignat de 2,000 livres mon second débiteur eùt eu 6 assignats de 300 livres en sa disposition, il n'aurait pas fait sur ses assignats la perte qu'il a supportée.

L'exemple de l'assignat de 2,000 livres est évidemment applicable, dans des suppositions différentes, à tous ceux de sommes intermédiaires entre lui et celui de 5 livres : il est même applicable à ce dernierr.

Il était applicable encore à des pièces d'or de sommes équivalentes à la qualité de tous ces assignats de 5 livres à 2,000 fivres.

Dans tous les temps on a vendu des louis pour des écus.

Dans tous les temps, c'est la nécessité de dénaturer un effet, d'en rapprocher le payement, de l'échanger, en un mot, contre une valeur, contre un numéraire quelconque, qui a donné naissance au droit exigé pour l'échange.

Je l'ai donc démontré, c'est la seule nécessité de l'échange des assignats qui les a fait perdre à l'échange, et cette perte n'existe pas par défaut de confiance en eux.

L'Assemblée constituante avait établi les assignats pour suppléer à la disette du numéraire; elle voulait leur donner le cours de la monnaie, il fallait donc qu'elle les établit de sommes ou proportionnelles, ou relatives aux pièces de monnaie qui étaient alors en circulation.

Or, la plus forte pièce de monnaie était celle de 96 livres. Il fallait donc créer le plus fort assignat tout au plus de 100 livres; il fallait en établir la décroissance dans une proportion quelconque, jusqu'à la somme de 5 ou 6 livres. Alors, et je n'en doute pas, si les assignats n'eussent pas gagné sur l'argent, au moins se seraient-ils conservés au pair avec lui.

Quel homme, en effet, ayant à transporter, par exemple, une somme considérable d'argent d'une extrémité du royaume à l'autre, n'eut pas préféré nos assignats à des écus?

On me répétera l'objection de la caisse d'escompte, dont les billets, nous a-t-on dit, étaient pris sans difficulté pour de l'argent comptant, quoiqu'ils fussent de sommes semblables à celles de nos assignats.

Je répondrai que cette facilité pouvait exister de caisse à caisse, de négociant à négociant, d'agioteur à agioteur, parce que tous étaient plus ou moins intéressés à entretenir cette confiance aveugle, qui eût été si mal récompensée si l'Assemblée nationale ne fùt elle-même venue remplir des engagements qu'elle n'avait pas contractés; mais j'observerai que les simples habitants des départements ne prenaient pas ainsi le billet noir, ou celui d'une autre couleur, pour de l'argent comptant.

Je répondrai que si la caisse eût été obligée de payer en un même jour tous ces billets prétendus remboursables à vue, on aurait vu ce qu'au reste on a vu, ses payements suspendus très souvent.

Je répondrai qu'il était différent d'établir un papier dont la círculation n'était que volontaire, ou d'en établir un dont elle était forcée; que les bases, que les proportions de cet établissement ne pouvaient pas être semblables.

Je suis bien loin, au reste, de vouloir critiquer ici les opérations de l'Assemblée constituante. Personne n'admire plus que moi_ses inconcevables, ses étonnantes opérations. Personne n'est moins étonné que d'aussi faibles erreurs lui soient échappées. Dans ce dédale immense, dans ce tortueux et terrible labyrinthe des opérations financières; au milieu des orages, des efforts inouis des intérêts, des partis opposés; ce qui me surpreud davantage, c'est qu'elle ait encore pu faire aussi bien ce qu'elle a fait. Ce que je viens de dire suffirait pour prouver la nécessité de l'émission d'assignats au-dessous de 5 livres. Mais, pour achever de convaincre ceux qui paraissent s'opposer à cette émission, j'ajouterai que l'expérience vient encore à l'appui du raisonnement; j'ajouterai que ce que je propose d'établir en ce moment avec toute la solidité de la garantie nationale, existe malheureusement dans les caisses patriotiques, dont la solidité n'est sûrement pas comparablé à l'autre.

J'ajouterai que Paris, que toutes les villes un peu considérables ont été amenées, par la nécessité de l'échange, à prendre de pareilles mesures; qu'il en résulte partout des effets infiniment avantageux; que dans les pays où ces caisses, c'est-à-dire où les petits assignats existent, on fait passer pour 200 livres son assignat de 200 livres; que dans d'autres où il n'en existe pas, on perd quelquefois 40 0/0.

J'ajouterai que c'est évidemment le seul moyen d'extirper cet agiotage honteux, qui ruine tous ceux qui n'ont pas la bassesse de s'y livrer.

J'ajouterai que ceux qui s'opposent à ce projet, n'ont jamais vu quelle défaveur les gros assignats avaient jeté, parmi le peuple des campagnes, sur une Constitution qui est cependant toute à leur avantage;

Qu'ils ne savent pas quel parti les ennemis de cette Constitution savent en tirer.

J'ajouterai que pour éviter d'avoir de ces gros assignats, il n'est sorte de ruses que les malheureux habitants des départements ne soient obligés d'employer.

Le laboureur ne porte qu'un seul setier de blé au marché; le vigneron në vend qu'un seul poinçon de vin à la fois.

Tous les deux, tous les paysans, tous les maltres d'atelier unissent, en ce moment, leurs voix à la mienne pour solliciter, Messieurs, l'émission bienfaisante de ces petits assignats, dont il faut encore que vous assuriez l'envoi jusqu'à eux par

des moyens bien différents, tout opposés à ceux qu'on vous a proposés.

Enfin, Messieurs, ou ceux qui s'opposeraient à l'émission des petits assignats, n'ont jamais réfléchi sur les malheurs qu'ont entraînés les gros, ou ils se plaisent à entretenir ces malheurs.

Cela est si évident à mes yeux, que je ne peux pas m'empêcher de vous l'assurer.

Mais, nous dit-on, les gros assignats ont fait disparaître les louis, ont fait disparaître les écus; ceux inférieurs encore à ces derniers feront disparaître la monnaie.

D'abord je ne prends pas ici le parti des gros assignats, puisque je veux les faire ôter de la circulation; mais je réponds qu'il est faux que les gros assignats au-dessus de 5 livres doivent faire disparaître la monnaie je soutiens, au contraire, que cette émission fera probablement reparaître le numéraire; je le prouve.

Il serait ridicule de supposer, sans doute, qu'aussitôt que 100 millions d'assignats ont été répandus dans le royaume, il en est sorti pour 100 millions de numéraire: mais ce qu'il n'est pas ridicule de supposer, c'est que les différents propriétaires de ces 100 millions aient raisonné comme je vais vous le dire.

L'Assemblée nationale émet comme monnaie des effets qui ne peuvent absolument pas se convertir de manière à subvenir à tous les besoins des porteurs, sans qu'ils soient obligés de les changer. Ces derniers seront donc forcés de les convertir en numéraire. Nous en avons : gardons-le donc, et nous le leur vendrons!

Nous le leur vendrons d'autant plus, que leur effet souffrira plus de difficulté pour l'échange. Nous le leur vendrons d'autant plus, que nous leur ferons croire que l'argent est très rare. Dès lors l'argent est disparu, non pas pour toujours, non pas pour le propriétaire; non pas aussi pour celui qui veut l'acheter; mais seulement pour celui qui voudrait l'avoir pour rien; mais seulement pour celui qui n'offre en compensation qu'un effet dont les proportions ne sont pas analogues à celles des pièces de monnaie qui composent ce numéraire.

Il en serait autrement, si tous les assignats étaient construits de manière à ce que les porteurs pussent subvenir aux différents revirements du commerce, sans avoir recours à l'échange.

Alors l'homme aux écus serait forcé de garder son argent inactif, ou le serait de placer ses écus à intérêt. Il ne pourrait plus les vendre pour du papier, puisque les porteurs n'auraient plus besoin d'argent; mais il aimerait mieux encore placer ses écus, que de n'en rien tirer. L'argent reparaîtrait donc. La perte sur les assignats serait évitée; et cet effet tout naturel résulterait de leur réduction à des sommes plus modiques.

A la bonne heure, nous dira-t-on encore! vous êtes ainsi parvenus à empêcher la perte des assignats dans l'intérieur du royaume; mais l'empêcherez-vous, cette perte, dans l'étranger?

Je répondraí que ce serait déjà beaucoup que d'être parvenu à empêcher l'agiotage dans l'in

térieur.

En second lieu, ce négociant étranger qui a des rapports de commerce avec la France, se chargera volontiers des papiers qui y ont un cours de monnaie, quand il sera sûr que ces papiers y seront pris pour la valeur qu'ils énoncent réellement.

Ce n'est, au surplus, ici, qu'une objection gé

nérale sur tout système de papier-monnaie. Je n'ai pas dit, et je n'ai même pas pensé que ce système n'offrait aucun inconvénient. J'ai dit et j'ai prouvé qu'ils étaient nuls pour l'intérieur, infiniment moindres pour l'extérieur, en adoptant les assignats de sommes inférieures à 5 li

vres.

J'avais proposé, jeudi dernier, de les établir dans la progression douzimale, au lieu de celle décimale. Je vais développer ici cette idée, qui n'est pas de moi, et qui présente des vues dignes de fixer l'attention de l'Assemblée nationale.

Le mieux serait certainement de compter par douze, le carré, le cube, et les autres puissances de douze, puisque parmi les petits nombres il est celui qui contient le plus de parties aliquotes; la division du pied est plus commode que si l'on eùt divisé par 10 pouces, 10 lignes 10 points cette division dans les poids, dans les mesures, dans les monnaies, serait donc préférable dans la proportion douzimale à celle dans la proportion décimale.

En ce dernier cas, la livre serait de 12 sols; on frapperait des pièces d'argent de 12 de ces livres, qui seraient nos écus.

On frapperait des pièces d'or de la valeur de 12 de ces écus, ainsi que d'autre de 1/2, de 1/3 de 1/4 de ces pièces.

La grande difficulté de ce système, c'est qu'il tendrait à changer la numération; mais l'habitude ne détruira jamais la vérité des principes.

Un ancien militaire instruit, un excellent patriote, un véritable ami de la Constitution qui cependant l'a privé de tous les avantages de l'ancien régime, m'écrivait, il y a quelques jours, que la réformation du calcul décimal était le seul de ce qu'il appelait les châteaux en Espagne que l'Assemblée constituante eût laissé à décréter.

Il serait à désirer, sans doute, que quelqu'un plus instruit que moi pût faire valoir cette idée, dont je sens toute l'importance.

Les changements qui en résulteraient ne peuvent cependant pas être adoptés sans les plus sérieuses réflexions. Il s'agit d'apporter un prompt remède aux inconvénients des gros assignats, inconvénients auxquels ceux de 5 livres n'ont remédié que très imparfaitement. Je renouvelle donc à l'Assemblée nationale ma proposition d'émettre des assignats au-dessous de 5 livres, en décrétant ce qui suit :

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