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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du jeudi 8 décembre 1791, au soir. PRÉSIDENCE DE M. LEMONTEY, vice-président.

La séance est ouverte à six heures du soir. M. Grangeneuve, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :

1° Lettre de plusieurs colons domiciliés à Paris qui demandent à être admis à la barre pour présenter à l'Assemblée une pétition relative aux troubles des colonies.

(L'Assemblée décrète qu'ils seront entendus à la séance de demain, à l'heure de midi.)

2° Lettres des prêtres, clercs et étudiants de la maison de Saint-Lazare, qui se plaignent de la dénonciation qu'on a faite hier à l'Assemblée contre le régime et l'administration de leur maison.

Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

3° Lettre du sieur Ferry, professeur de physique au collège de Limoges, qui offre à l'Assemblée l'hommage d'une Ode qu'il a composée sur la Révolution française.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cet hommage dans le procèsverbal.)

4° Lettre du sieur Rouvière, qui demande à l'Assemblée de lui permettre de présenter, à la barre, quelques réflexions sur la pétition de M. Clavière, et sur quelques abus qui se sont introduits dans la vente des domaines natio

naux.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des pétitions.)

5° Lettre des commissaires de la Trésorerie nationale qui demandent à l'Assemblée de lui présenter leurs vues sur les besoins extrêmes qu'ils éprouvent de petits assignats, et sur le mode le plus avantageux de distribution pour les départements; cette lettre est ainsi conçue:

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Chaque jour, nous recevons de plusieurs départements soit directement, soit par l'intervention des ministres, les demandes les plus instantes d'assignats de 5 livres, fondées sur les besoins de l'agriculture, du commerce et sur la crainte de voir les ouvriers abandonner leurs ateliers. Voilà, d'ailleurs, le moment où nous devons faire parvenir aux départements des sommes considérables pour les frais du culte du quartier de janvier, dont l'envoi doit toujours être fait à l'avance. Il est donc d'une extrême importance que la volonté de l'Assemblée nationafe nous soit connue, soit pour que nous puissions répondre négativement sans qu'on soit en droit de se plaindre de notre refus, soit pour que nous sachions dans quelle mesure nous devons accorder, soit enfin pour que nous puissions faire entrer dans nos envois les mêmes proportions de petits assignats que par le passé, ou adopter telle autre mesure que l'Assemblée nationale pourra décréter. Peut-être l'Assemblée nationale jugera-t-elle que la circonstance serait favorable pour procurer aux départements un moyen d'échange qui serait exempt de frais, de

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«3° Pour faciliter, par voie d'échange, le service des douanes nationales, 600,000 livres;

4° Pour les secours accordés en faveur des enfants trouvés, 600,000 livres;

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5o Pour diverses dépenses, 1,200,000 livres; Total, 36,600,000 livres.

«Rien ne paraîtrait plus simple que d'envoyer cette somme soit en totalité en assignats de 5 livres, soit en telle proportion que l'Assemblée nationale pourrait indiquer, en autorisant les départements à réserver un quart pour les appoints des dépenses auxquelles ces fonds seraient destinés, et à disposer de trois autres quarts pour faire les échanges que les besoins du commerce pourraient exiger.

Indépendamment de ces 36,600,000 livres, les dépenses de la guerre et de la marine, qui monteront pour le mois courant à plus de 20 millions, procureront une autre facilité pour faire passer de petits assignats dans les départements frontières; et cette distribution, d'ailleurs moins limitée que par le passé, économiserait à la Trésorerie nationale un emploi onéreux du numéraire. Enfin, on pourrait alimenter le département de Paris en augmentant les payements en petits assignats, ce qui a été observé jusqu'ici dans le payement des dépenses qui se font directement par les caisses de la Trésorerie nationale. Les autres départements en profiteraient encore, car la plupart de ces dépensés, quoique faites à Paris, se répartissent sur presque toute la surface du royaume. Ces mesures, au surplus, ne préjudicie raient en rien celles que l'Assemblée pourrait prendre dans la suite pour l'échange direct des petits assignats dans les départements; elles eviteraient les frais et les risques d'un envoi de petits assignats que les départements seraient obligés de faire à Paris, dès que les petits assignats leur seraient parvenus et elles n'empêcheraient pas, d'ailleurs, qu'on pùt apprécier les dépenses qui se font par M. Lamarche, en exécution des décrets rendus.

L'état ci-joint, qui présente un aperçu des dépenses pour le mois de décembre, se prêtera à toutes les combinaisons que l'Assemblée nationale jugera à propos de faire sur cet objet. Nous la supplions de proportionner nos moyens aux mesures qu'elle aura décrétées et déterminées. Dans quelle proportion sera réglée la portion des petits assignats qui entrera dans chaque nature de dépenses et quelle sera la quotité dont les départements pourront disposer pour l'échange sur les sommes qui leur auront été adressées; voilà sur quoi il faut prendre un parti promptement; car le mois s'écoule et nous serions bientôt forcés à retarder des dépenses urgentes, faute de savoir dans quelle proportion nous pourrions y admettre des assignats de 5 livres. Nous sommes, avec respect, etc. »

(Suivent les signatures.) (L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)

6o Adresse des volontaires nationaux du second bataillon du département du Gard, qui met sous

les yeux de l'Assemblée le détail des troubles survenus dans la ville de Lunel, à l'époque du 24 novembre dernier et jours suivants.

7° Mémoire des citoyens d'Aiguevives, qui adressent à l'Assemblée des éclaircissements sur la conduite des communes du département du Gard, qui avoisinent la ville de Lunel, pendant le mois de novembre.

(L'Assemblée renvoie ces deux pièces au comité de division.)

8° Pétition du sieur Hentz, juge de paix du canton de Sierck, district de Thionville, département de la Moselle, qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage qu'il a composé pour prévenir les habitants des campagnes contre le fanatisme.

(L'Assemblée renvoie cet ouvrage au comité d'instruction publique pour en faire le rapport incessamment.)

9° Adresse des administrateurs du directoire du district de Chartres, qui félicitent l'Assemblée des décrets qu'elle a rendus contre les émigrants et les prêtres séditieux; cette adresse est ainsi conçue :

"Messieurs,

"Votre entrée dans le sanctuaire de la législation, avait tenu en suspens l'espérance des amis comme des ennemis de la Révolution. Ceuxci reprenaient courage et affichaient un triomphe prématuré, dans la persuasion, ou que vous n'oseriez pas déployer la même énergie que l'Assemblée constituante de 1789, ou que leur hardiesse simulée arrêterait l'essor de votre patriotisme. Ceux-là, au contraire, étaient attentifs sur vos premiers pas qui doivent affermir la Constitution sur sa base ou y substituer l'anarchie. Ils attendaient avec impatience le moment où votre conduite ferme allait purger l'Empire de ces insectes, désespérés de ne plus dévorer la substance des citoyens qu'ils égaraient. Ce moment n'a pas tardé; votre décret sur les prêtres non sermentés, qui prétendaient être nourris aux dépens de l'Etat, dont ils continueraient à troubler le bon ordre, celui sur les émigrants et le régent présomptif, et celui sur les princes qui violent le droit des gens pour soutenir les révoltés, ont fixé l'opinion générale sur votre caractère et rassuré les fidèles citoyens.

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Que ces décrets soient ou non paralysés par le veto royal, vous n'en avez pas moins rempli votre devoir, et la sanction de l'opinion publique vaut bien celle de tous les monarques ensemble... (Applaudissements.)

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M. Audrein. Il faut renvoyer cette adresse au département de Paris.

M. Grangeneuve, secrétaire, continuant la lecture... et ce ne sera pas vous qu'atteindra la responsabilité des suites funestes que peuvent avoir les erreurs dans lesquelles on ne cesse d'entraîner le chef du pouvoir exécutif.

« Il est temps d'atterrer nos ennemis communs; nous le pouvons, nous le devons. Des ménagements ultérieurs ne serviraient qu'à nourrir le criminel espoir de ceux qui, chargés de l'exécution des lois, l'arrêtent avec autant d'audace que de constance depuis le moment de la Révolution; ils ne sont forts que de cette indulgence dont ils ont trop longtemps abusé; du moment où leur horde sacrilège sera menacée sérieusement, elle sera dissipée, et les agents du premier magistrat, sentant alors l'inutilité de s'opposer aux 1re SÉRIE. T. XXXV.

lois, consentiront peut-être à n'en plus arrêter l'action salutaire.

» Nous administrons un district plus exposé que tout autre aux troubles religieux; surchargé comme il l'est d'un grand nombre de ceux qui, mécontents des lois politiques nouvelles, se sont érigés en une secte religieuse séparée du reste de l'Empire, pour avoir droit de l'infester du poison du fanatisme. Nous vous promettons de continuer sur eux cette surveillance que nous n'avons cessé d'exercer jusqu'à ce jour.

« Nous vous promettons encore, législateurs, de continuer l'activité de nos efforts pour accélérer le recouvrement de l'arriéré des impositions, de rester appliqués sans relâche au service de l'administration dans toutes ses parties, de nous rendre utiles à la chose publique en concourant à toutes vos vues, et de nous dévouer plutôt que de transiger sur la moindre atteinte au dépôt sacré des lois. »> (Vifs applaudissements.)

Plusieurs membres demandent que cette adresse soit imprimée et distribuée et qu'il en soit fait mention honorable au procès-verbal.

Un membre: C'est véritablement ici le cas, et j'en fais la motion, que copie de cette adresse soit envoyée au département de Paris (1). (Rires.)

M. Audrein. Sans doute, et je l'appuie.
Plusieurs membres: L'ordre du jour!

M. Merlin. J'appuie l'ordre du jour. On n'en finirait pas si on faisait attention aux libelles dont Paris est inondé. Il faut que la lettre des citoyens, qui se disent administrateurs du département de Paris, soit livrée au même mépris. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour.

M. le Président. On a demandé une mention honorable de l'adresse avec l'impression et la distribution; on a aussi demandé l'ordre du jour...

M. Audrein. Oh! oh! On a demandé l'ordre du jour, mais pas sur ces propositions.

(L'Assemblée décrète que l'adresse sera insérée au procès-verbal et passe à l'ordre du jour sur la motion d'en envoyer une copie au département de Paris.)

M. Grangeneuve, secrétaire, continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions :

10° Adresse de plusieurs citoyens du Mans, département de la Sarthe, qui applaudissent aux décrets contre les émigrants et contre les prêtres séditieux parmi les signatures se trouve celle de l'évêque.

Plusieurs membres à droite: Mention honorable! (Murmures.)

Cette adresse est ainsi conçue :

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Sages législateurs, tous les vrais Français applaudissent au décret que vous avez rendu contre ces perfides conspirateurs, les prêtres réfractaires qui agitent les torches du fanatisme et de la discorde pour détacher les citoyens de l'amour de la patrie et de ses lois. Vous avez parfaitement senti que l'indulgence et l'impunité, loin de les toucher, ne serviraient, au contraire, qu'à les rendre plus entreprenants et à favoriser leurs complots désastreux.

« Dans une circonstance aussi périlleuse, le

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salut du peuple, cette suprême loi exigeait impérieusement les mesures les plus sévères. Aussi, Vous avez levé le glaive des lois sur ces têtes coupables. Par quelle fatalité le roi des Français a-t-il suspendu le décret qui devait frapper les conspirateurs émigrés, ces rebelles opiniâtres? N'aurait-il pas dû réserver l'exercice de sa liberté...

:

Plusieurs membres à droite Mention honorable!

M. Grangeneuve, secrétaire, s'adressant à la droite. Messieurs, voudriez-vous bien me laisser lire?

Un membre à droite Je ne vous empêche point!

M. le Président. Monsieur le secrétaire, je vous rappelle à votre lecture; continuez.

M. Grangeneuve, secrétaire, continuant la lecture. « N'aurait-il pas dù réserver l'exercice de sa liberté pour un autre acte, dans une autre occasion que sur un décret d'ordre, de circonstance, décret qui ne tient point à l'administration du royaume et dont l'exécution retardée plus longtemps sera infructueuse et ne pourra plus dissiper les orages qui nous menacent? Puisse le vœu du peuple frapper l'oreille de Louis XVI et lui ouvrir enfin les yeux sur sa trop faible indulgence!

Vous avez, dans votre prudence, adopté contre les prêtres perturbateurs, les mesures rigoureuses que commandent les circonstances présentes; nous avons surtout admiré votre pofitique juste, votre politique pleine d'humanité dans l'article du décret qui reverse dans le sein des pauvres les traitements et pensions dont les prêtres rebelles se priveront volontairement par la désobéissance.

Continuez, sages législateurs, votre fermeté inébranlable écartera tous les périls. Que le pouvoir exécutif vous seconde, et la Constitution triomphera; il ne restera à nos ennemis que la honte d'avoir tenté l'exécution de leurs projets infernaux; le patriotisme vous applaudira et la patrie, qui fixe sur vous ses regards touchants, vous offrira, par la voix de ses enfants, les justes témoignages de sa reconnaissance.

« Nous sommes, etc. »>

(Suivent les signatures.)

Plusieurs membres Mention honorable au procès-verbal!

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal).

11° Adresse des administrateurs du conseil général du département de Maine-et-Loire pour féliciter l'Assemblée de ses décrets contre les émigrants et contre les prêtres séditieux.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procès-verbal.)

12° Pétition de M. Vallée, officier réformé, qui demande qu'en expliquant le décret du 5 septembre dernier, l'Assemblée décrète que les officiers qui ont été arbitrairement privés de leur grade, obtiendront, dans l'armée, le rang qui leur appartiendrait, s'ils n'avaient pas éprouvé cette injustice.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)

13° Pétition du sicur Moulin, qui sollicite des articles additionnels à la loi qui établit et détermine la juridiction des juges de paix.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comite de législation.)

14° Pétition du sieur Labbie, qui réclame un traitement à raison de ses services dans une église supprimée.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des pétitions,)

15° Pétition de plusieurs citoyens de Périgueur qui se plaignent de la manière dont le décret d'amnistie a été exécuté à l'égard des 61 laboureurs détenus à Périgueux. Ils prétendent que le ministre a fait présenter un officier de justice, qui a obtenu l'élargissement des détenus, à la charge par eux de se représenter à la première réquisition.

Un membre, député du département de la Drdogne : J'ai des faits très importants à présenter à l'Assemblée sur cet objet avec pièces justiticatives à l'appui. Je demande à être entendu demain à l'ouverture de la séance.

Un membre: Je demande la question préalable sur cette motion, les éclaircissements que Monsieur veut donner à l'Assemblée pouvant être fournis directement au comité qui sera charge du rapport de cette affaire. (Appuyé! appuyé !)

(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable, décrète que ce membre sera entendu à la séance de demain, immédiatement après la lecture du procès-verbal et ordonne le renvoi de la pétition au comité de législation, pour en faire le rapport incessamment.)

16 Pétition du sieur Jean Choubé qui réclame une place à l'Hôtel des Invalides.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)

17° Pétition de M. Lalande qui fait hommage à l'assemblée de l'invention d'un nouveau cabestan et qui se plaint de la négligence que le corps constituant a mise à examiner cette découverte. M. Malouet avait été nommé pour l'examiner avec des membres de l'académie des sciences, et l'on n'en a rien fait. Il prie l'Assemblée d'en faire faire l'expérience dans son comité d'agriculture en y appelant des membres de l'académie des sciences.

Un membre: Je demande le renvoi au comité de marine.

Un membre: Messieurs, des objets très importants nous occupent. Je demande que nous n'employions pas notre temps ainsi que le pétitionnaire le demande. Ce n'est pas à l'Assemblée que M. Lalande doit s'adresser ; qu'il aille se présenter devant un corps de savants. (Rires prolongės et quelques murmures.)

M. Quatremère-Quincy. L'ordre du jour' (Appuyé !)

Un membre rappelle l'objet de la pétition et appuie le renvoi au comité de marine.

Plusieurs membres: La question préalable sur l'ordre du jour!

(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de passer à l'ordre du jour et renvoie la pétition au comité de ma rine.)

18° Arrêté du Conseil général du département de la Haute-Saône, tendant à obtenir des modifications sur les dispositions de la loi du 28 juin dernier, qui oblige les contribuables à payer la totalite de leurs impositions arreragées, avant d'être

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« Nous renouvelons, dans vos mains, le serment que nous avons prêté à l'Assemblée nationale constituante. Nous défendrons jusqu'à la mort les Droits de l'homme et notre liberté ; nous serons fidèles à la nation, à la loi et au roi; « à la nation», de qui tous les pouvoirs émanent, et qui les a délégués tous pour le maintien de l'ordre social; « à la loi », dont vous êtes les organes, qui fixe l'étendue de nos devoirs et de nos droits, qui garantit la sûreté individuelle des citoyens, leurs propriétés, leur liberté ; « au roi », que la nation a chargé de concourir avec vous à la formation des lois, et de les faire exécuter : à qui elle a remis la direction de toutes les forces destinées à nous protéger, dont le véritable intérêt est essentiellement lié avec le nôtre, qui ne doit et ne peut être heureux que par lé bonheur du peuple.

«Nous maintiendrons cette Constitution sublime, qui unit la nation, la loi et le roi, qui, en instituant et en séparant tous les pouvoirs, nous garantit également du despotisme d'un seul, et du despotisme de plusieurs.

«Nous ne nous permettrons pas de juger entre la législature qui décrète et le roi qui ne sanctionne pas; nous dirons seulement à ces deux pouvoirs suprêmes établis par la nation :

« Les destinées de la France sont dans vos "mains; ayez réciproquement l'un pour l'autre les mêmes sentiments d'amour et de confiance que vous inspirez à la nation entière; c'est de « votre union la plus intime que dépendent le « bonheur des Français et le salut de l'Empire.>>

« Législateurs, nous nous fions à vos serments, à vos lumières, à votre amour pour la patrie. La sagesse de vos décrets affermira la Constitution, étouffera toutes les haines, dissipera tous les soupçons et toutes les craintes, rétablira l'ordre et la paix.

Signé: Les administrateurs du conseil général du département de la Somme. » Plusieurs membres demandent la mention honorable et l'insertion de cette adresse au procèsverbal.

(L'Assemblée, consultée, décide qu'il sera fait mention honorable de l'adresse au procès-verbal.)

M. le Président. Je mets aux voix l'insertion au procès-verbal.

Plusieurs membres, à l'extrême gauche : L'ordre du jour!

D'autres membres La question préalable sur l'ordre du jour !

(L'Assemblée décide, à une grande majorité, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de passer à l'ordre du jour et décrète l'insertion de l'adresse au procès-verbal.)

20° Pétition du sieur François Fleury, citoyen du Calvados, qui se plaint de ce que le ministre de la guerre a donné l'ordre de ne plus faire les

remontes de la cavalerie, dans la Normandie, notamment pour le régiment ci-devant RoyalChampagne, et de les avoir fait faire en Allemagne. Il démontre les inconvénients de ce nouvel ordre de choses et vante les chevaux du pays qu'il habite. Il accuse le ministre, par les dispositions qu'il a prises, d'avoir été la cause de la perte de son commerce au moment où des promesses faites par des régiments l'avaient engagé à faire plusieurs traités avec des marchands de chevaux. Il demande que les ordres du ministre soient révoqués.

Plusieurs membres : Le renvoi au comité militaire!

M. Fauchet. Je ne m'y oppose point; j'ajouterai seulement une observation; c'est que du nouvel ordre de choses établi par le ministre, il résulte non seulement que tout notre numéraire s'écoule en Allemagne, mais encore que le commerce de la Normandie est privé d'une branche très considérable, et que les habitants ne peuvent pas payer l'impôt. C'est encore là une des combinaisons perfides de M. Duportail.

Un membre: J'ignore si c'est une bonne opération que le ministre a faite en ôtant aux régiments la faculté de se remonter, et en la remettant dans les mains de l'Administration; mais je sais qu'il n'est pas vrai que l'on n'achète plus de chevaux en Normandie, et la preuve de ce fait, c'est qu'il y a un haras établi dans la contrée. Je demande le renvoi de la pétition aux comités militaire et de commerce réunis.

M. Lameth. Je voulais faire les mêmes observations. Le pétitionnaire n'a pas le droit de se plaindre à nous; il n'était autrefois que commissionnaire des régiments; c'est par conséquent aux régiments qu'il faut qu'il s'adresse.

(L'Assemblée décrète le renvoi de la pétition aux comités militaire et de commerce réunis.)

Deux jeunes séminaristes de la congrégation de Saint-Lazare, dont l'admission à la barre avait été décrétée à la séance d'hier, sont introduits.

L'un d'eux lit une pétition où ils se plaignent de ce que, dans les congrégations provisoirement conservées, les pères gardiens et procureurs ont le maniement exclusif des deniers, sans être obligés à partager les reliquats avec leurs confrères. Ces pères procureurs et gardiens sont entichés d'aristocratie. Ils ne prêteront jamais aucun serment. Ils se disposent à déloger, et déjà ils déménagent; il n'y a pas de nuit qu'ils ne fassent esquiver tantôt une malle, tantôt un coffre. S'ils s'aperçoivent que leurs jeunes confrères épient les mouvements de ces coffres et de ces malles, ils les frappent et les blessent. Plusieurs ont été obligés de les appeler devant le juge de paix pour obtenir la nourriture d'usage. Ils demandent que les supérieurs de leur congrégation soient tenus de rendre compte de leur administration et que les ecclésiastiques non prêtres aient le droit de participer à la gestion des biens de la communauté, à l'usufruit desquels leur travail leur donne des droits égaux. Ils appellent, en outre, l'attention de l'Assemblée sur le despotisme exercé contre ceux de leurs collègues qui annoncent de l'attachement aux principes de la Constitution. (Vifs applaudissements.)

M. le Président répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance. (L'Assemblée renvoie la pétition des Lazaristes au comité des domaines.)

Une députation des citoyens du Havre est admise à la barre.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi :

"Messieurs,

«Les citoyens du Havre, inquiets sur les suites des désastres arrivés dans les colonies, tremblant sur l'avenir, qui semble devoir encore ajouter à leur infortune, viennent déposer leurs craintes dans le sein du Corps législatif, et lui faire part des moyens qu'ils croient les plus salutaires dans des circonstances également critiques et cruelles. Leurs pertes, déjà immenses, ne sont pas ce qui les effraie le plus; ils craignent de voir tarir les sources de la richesse nationale, de voir la prospérité de l'Etat, l'aliment des manufactures, la subsistance des indigents s'engloutir avec leur fortune.

«Le sort de l'Empire est intimement lié à celui des colonies. Leur perte paralyserait des milliers de bras et couvrirait la France d'un deuil universel. (Murmures.) Si l'on en doutait, que l'on examine la baisse subite des changes depuis que l'on a connaissance, en Europe, de la Révolution de Saint-Domingue, et l'on verra quelle influence la ruine d'un grand nombre de particuliers peut avoir sur le crédit public; voilà les objets qui nous donnent les plus vives alarmes, et sur lesquels nous vous prions de redoubler d'attention. «Nous ne rechercherons pas les causes de la révolte de ces hommes dont on a trop exagéré les peines; nous n'accuserons pas la philosophie d'avoir produit les maux incalculables qui ont dévasté nos possessions d'outre-mer: quand ils sont au comble, ce n'est pas le moment de remonter à la source; il faut y chercher un remède et le guérir promptement.

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« Les deux partis ont semblé se rapprocher, s'accorder même. On vous a présenté l'acte qui constate leurs démarches, en vous proposant de lui donner force de loi. Aux termes des lois constitutionnelles, la proposition d'une loi pour les colonies doit être l'émanation libre d'une assemblée coloniale. Le concordat est-il revêtu de cette formalité ? Il y a plus, est-il probable que l'exécution des dispositions qu'il renferme, indépendamment de toute autre considération, ramènera et conservera la paix? Car, s'il n'a pas cet heureux effet, il sera dangereux par cela seul qu'il sera insuffisant. Cet acte ne peut être regardé comme l'effet de la volonté libre des deux partis. Il est le fruit du désordre, de la terreur et de la violence. (Murmures.) Son nom seul rappellera qu'il fut écrit en lettres de sang, à la fueur des flammes qui ravageaient les propriétés d'une portion de signataires. Est-ce au milieu des fléaux que nous deplorons, que l'on pouvait délibérer efficacement sur les moyens de les empêcher de renaitre ?

Des hommes qui vivent dans un pays doivent obéir à ses lois. En donnant au concordat cet auguste caractère, n'est-ce pas autoriser un exemple dangereux et consacrer la rébellion ? Il ne faut pas oublier cette maxime sacrée, base de toute société que nous trouvons consacrée dans la lettre même des gens de couleur à leurs frères des îles françaises; il faut souffrir, disent-ils, les injustices, et ne jamais s'en venger par ses propres mains, mais se borner à en poursuivre la reparation auprès des autorités constituées. Il faut que la loi seule tienne le glaive. A elle seule appartient le droit de venger l'injustice, car si chaque homme avait le droit de se venger luimême quand il croirait ses intérêts lésés, où ne

l'entraineraient pas des passions toujours injustes?

"Est-ce d'après ces maximes que les gens de couleur se sont conduits ? Si le projet de loi qui vous est soumis a cette marque de réprobation, c'est-à-dire, qu'il soit l'œuvre de la sédition d'une part, et de l'autre, celui de la nécessité, il n'est pas vraisemblable, selon vos vues, qu'il puisse rétablir la paix et la maintenir. Il semble qu'il serait bien plus avantageux, en envoyant des forces dans les colonies, de les charger expressément de faire cesser toutes hostilités, de commander la paix, et de réduire les deux partis à une inaction absolue. Ce ne sera qu'après avoir rétabli l'ordre et assuré la tranquillité que l'on pourra connaître, après tant de troubles, la vraie situation des esprits, et procurer à ces régions importantes, non les meilleures lois possibles, mais, selon les maximes de Solon, les lois qui leur conviennent le mieux.

« Faites fléchir, Messieurs, faites fléchir, nous vous en conjurons, la rigueur des principes pour sauver les colonies. (Murmures.) Leurs localités, leur bonheur et le nôtre exigent ces sacrifices; les Français qui les habitent sont nos frères; ils tendent, dans leur malheur, leurs mains suppliantes vers vous, ils n'ont jamais formé sincèrement le coupable projet de méconnaître la mère-patrie. Nous sommes loin d'excuser le désir de l'indé pendance, manifesté par quelques-uns d'entre eux; mais cette erreur, fruit de leur douleur et de leur désespoir et qui n'a duré qu'un instant, ne mérite-t-elle pas quelqu'indulgence et n'a-telle pas été d'ailleurs repoussée par le vœu général et le plus solennellement prononcé ?»

M. le Président. Messieurs, l'Assemblée nationale a déjà désiré s'entourer de toutes les lumières; elle appréciera les vues que vous lui présentez. Elle s'est déjà occupée avec ardeur du sort des colonies; son zèle ne ralentira pas. Elle vous invite à sa séance.

Plusieurs memb res: Le renvoi au comité colonial !

M. Delacroix. Je ne m'y oppose pas, à condition qu'il ne retardera point le rapport de votre comité. Il semble que l'on prenne à tâche de le retarder en faisant sans cesse paraître à la barre des pétitionnaires qui ont des intérêts particuliers. Je demande donc par amendement que ce renvoi ne puisse retarder le rapport du comité sur les troubles des colonies. (Vifs applaudissements).

Plusieurs membres: La question préalable!

(L'Assemblée rejette la question préalable, renvoie la pétition des citoyens du Havre au comité colonial et adopte l'amendement de M. Delacroix.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du conseil général du département du Doubs, qui annonce à l'Assemblée les troubles survenus à Besançon le 24 novembre dernier et jours suivants; cette lettre est ainsi conçue.

Besançon, le 5 décembre 1791. "Monsieur le Président,

Nous vous prions de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale, le récit des événements qui, depuis 24 heures, altèrent la tranquillité des citoyens de Besançon. Depuis longtemps, le vingtdeuxième régiment de cavalerie, en garnison dans cette ville, manifestait des dispositions aussi favorables aux princes, qu'elles sont oppo

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