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Voici un paragraphe de cette même lettre où le roi parlant des émigrants s'exprime ainsi :

Dites bien à ces braves officiers que j'estime, que j'aime et qui l'ont si bien mérité, que l'honneur de la patrie les appelle... »

Vit-on, jamais, Messieurs, de termes plus inconstitutionnels? (Rires et murmures.)

Plusieurs membres: Bah! bah! L'ordre du jour! (L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret, et l'ajournement de la discussion à mercredi.)

(La séance est levée à dix heures et demie.)

PREMIÈRE ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGIS-
LATIVE DU JEUDI 8 DECEMBRE 1791, AU SOIR.

PETITION des citoyens actifs de la VILLE DE BREST

à l'Assemblée nationale demandant le remplacement des officiers de marine absents (2).

Législateurs,

Les citoyens de Brest, animés du zèle le plus pur pour le succès de la Révolution, vous dénoncent un abus, qui, par sa nature, peut causer les plus grands dangers à la patrie. L'Assemblée constituante a, par ses décrets, les 29 avril et 1er mai derniers, donné une nouvelle organisation à la marine, et le ministre ne l'a point encore mise à exécution. Ce retard, que rien ne peut justifier, décourage les vrais patriotes restés au service, enhardit les traîtres qui l'ont quitté pour courir aux frontières augmenter le nombre de l'armée des émigrés. Le tableau ci-joint vous fera connaître le nombre des officiers absents.

Législateurs! à vous est réservé le droit de réprimer un pareil oubli des lois; ordonnez au nouveau ministre de la marine de mettre à exécution les décrets rendus pour son département, et s'il ne pouvait de suite satisfaire à cet ordre, prescrivez-lui un temps; mais, qu'au préalable, il fixe pour le 15 novembre prochain une revue générale dans tous les ports du royaume, et que ceux des officiers qui ne sont point à leur poste soient déchus de leur emploi et remplacés aussitôt. Cet exemple de justice apprendra aux puissances étrangères que nous ne voulons à la tête de nos armées que des officiers dignes de commander à des Français. Voilà, législateurs, ce que l'amour du bien public nous dicte. C'est à vous à justifier notre confiance, en rappelant à tous les fonctionnaires que lorsqu'un peuple se donne des lois il est dans un état de crise qui ne permet à aucun citoyen d'abandonner ses fonctions. Les habitants de Brest, dévoués au maintien de la Constitution, vous jurent de plutôt mourir que de souffrir qu'on y porte atteinte.

ÉTAT de situation des officiers de la marine, en activité à la revue du 1er octobre 1791.

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NOTA. - Il est bon d'observer qu'avant la Révolution, dans le temps le plus calme, les revues se passaient tous les deux mois, mais à présent, comme elles contrarieraient les opérations des méchants, les on passe tous les trois mois, et moyennant le jour de présence, ils obtiennent la totalité de leurs appointements.

Depuis la dernière revue, il en est parti plus de la moitié sans congé; il est bon d'observer qu'il existe une lettre du ministre, qui leur enjoint à tous d'être à leur departement respectif pour le 15 septembre, pour la nouvelle organisation qu'on ne se dispose point à mettre à execution. On observera également que de cinq majors de division du corps royal des canonniers matelots, un seul est présent depuis peu, et les quatre autres en congé avee appointement depuis très longtemps, parce que ces messieurs ne se trouvent point à leur aise à la tête d'un corps aussi patriote..... Le directeur en chef de l'artillerie n'a jamais paru au département.

Il serait convenable que la revue demandée pour les officiers de la marine, fût également applicable à ceux du département de la guerre.

(1) Voy. Archives Parlementaires, 1 série, t. XXXIV, page 323.

(2) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Lo 34, in-4° n° 36. Cette petition a été renvoyée le 31 octobre 1791, au comite de marine: voir Archives Parlementaires, tome XXXIV, page 533, 2 col., n° 6; voir égale. ment ci-dessus, page 662, le rapport de M. Cavellier.

DEUXIÈME ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU JEUDI 8 DÉCEMBRE 1791, AU SOIR.

PÉTITION des citoyens de Brest tendant à demander la suppression des traitements et appointements des officiers de la marine, absents sans congé, que l'on continue de payer, même à ceux actuellement émigrés (1).

Législateurs,

Pendant que vous vous occupez de l'examen de la conduite tenue par le ministre de la guerre, celui de la marine suit ses traces, et comme lui seconde de tout son pouvoir les vues et les projets de cette caste orgueilleuse ennemie de la liberté et de la Constitution.

Le ministre Duportail est en vain stimulé de toutes parts de mettre nos frontières en état de défense et d'armer nos gardes nationales; de telles mesures contrarieraient trop le plan formé de nous réasservir; animé du même zèle, le ministre de la marine, instruit que les citoyens de Brest avaient contribué de tous leurs moyens à l'armement des batteries de nos côtes, qu'il existait dans le port des vaisseaux en commission, prêts à servir au besoin, se hâte d'ordonner le désarmement de ces vaisseaux et des batteries, sous le spécieux prétexte de la conservation des effets.

Un tel ordre dans la circonstance où la patrie se trouve, peut bien se qualifier de trahison, c'est au moins un délit grave, et ce n'est pas le seul dont ce nouveau ministre de la marine se soit rendu coupable. Il y ajoute, avec moins de ménagement que ses précédesseurs, la déprédation des fonds publics en faveur de sa caste chérie, les ci-devant nobles, servant dans la marine; auxquels il fait payer des appointements qu'ils méritaient de perdre pour cause d'émigration et d'absence illegitime.

Un sieur Bouexic, lieutenant de vaisseau absent du service depuis près de deux ans, vient d'obtenir, par ordre de ce ministre, un rappel d'appointements de 19 mois 16 jours formant une somme de 2,604 liv. 8 s. 11 d., sous le prétexte que cet officier avait été contraint par maladie, à la suite d'une campagne, de rester pendant 2 ans aux eaux de Bannière.

Ce rappel d'appointements est d'autant plus injuste qu'on ne peut se dissimuler la fausseté des motifs allégués pour l'obtenir, puisqu'il est justifié par les registres des bureaux de la marine qué lors du départ de cet officier, on ne lui accorda qu'un congé de trois mois sans appointements, et qu'un tel congé ne se délivre point à ceux qui désarment ou qui sont malades, parce qu'en pareil cas ils ne perdent jamais leurs appointements. Le ministre de la marine ne peut donc s'excuser d'avoir disposé aussi légèrement des fonds de la nation.

Le sieur d'Eschallard, major de la seconde division du corps des canonniers-matelots, absent du service depuis le 1er avril 1788, vient aussi

(1) Bibliothèque nationale Assemblée législative, L 34, in-4°, no 36. Cette pétition, reçue par le comité des pétitions le 15 novembre 1791, a été renvoyée par lui au comité de marine le 21 du même mois; voir ci-dessus, page 662, le rapport de M. Cavellier.

d'obtenir de la faveur de ce ministre, un rappel d'appointements de 1,500 livres. Des congés avec appointements sont encore accordés à d'autres officiers qui, comme les sieurs Hector et Soulange en jouissent en pays étrangers; ainsi des récompenses se trouvent prodiguées à ceux qui s'abstiennent de remplir leurs devoirs et à ceux qui les trahissent ouvertement, tandis qu'on en est avare à l'égard des patriotes, dont le zèle et le courage pour le maintien de la Constitution ne se sont jamais ralentis.

Législateurs, tels sont les abus que nous avons résolu de vous dénoncer, dans la persuasion, que vous ne souffrirez pas plus longtemps, qu'une ville aussi importante que Brest demeure sans défense; que vous vous empresserez de mettre un frein salutaire aux déprédations, en faisant connaître à la France entière que la responsabilité des ministres n'est plus une chimère.

Les citoyens actifs de la ville de Brest assemblés en vertu de permission de la municipalité, ce jour, 6 novembre 1791.

Ensuite est écrit:

Vu la présente pétition, signée par 158 citoyens actifs de cette ville, qui ont demandé et obtenu la permission de s'assembler à cet effet.

A Brest, le 7 novembre 1791.

Les offciers municipaux: BERTHOMME, GESNOUIN, N. LEROY, SIVINIANT, substitut du procureur de la commune.

TROISIÈME ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU JEUDI 8 DÉCEMBRE 1791, AU SOIR

LETTRE de M, DE BERTRAND, ministre de la marine, au rédacteur du Moniteur universel.

De Paris, le 14 novembre 1791. Je m'empresse de relever une erreur très grande que j'ai remarquée dans votre feuille de ce jour (page 1326, cof. 2). La phrase que j'ai prononcée dans la séance du samedi 12 de ce mois est très différente de celle que vous mettez dans ma bouche. Je n'ai pas dit en effet qu'en demandant à être entendu, j'avais uniquement pour motif d'instruire l'Assemblée des mesures prises quant à mon département contre les émigrants. M. le Président ne m'ayant accordé la parole qu'après avoir prononcé le décret de passer à l'ordre du jour, je dis seulement qu'après le décret qui venait d'être rendu, je n'avais plus rien à dire, et que si j'eusse été entendu un moment plus tôt, j'aurais dit que le message dont nous étions chargés avait uniquement pour objet d'instruire l'Assemblée des mesures que le roi avait prises relativement aux émigrés; mais j'ai donné si peu à entendre qu'aucune de ces mesures fùt relative à mon département, que si j'avais été dans le cas de m'expliquer à cet égard, je me serais fait un devoir d'affirmer qu'il

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n'y avait pas un seul officier de marine qui eût quitté son poste; que dans le nombre de ceux qui étaient absents, plusieurs avaient été forcés, par des attentats plus ou moins graves contre feur personne ou contre leurs propriétés, à quitter le lieu de leur résidence ordinaire, et y reviendraient sans doute aussitôt que l'ordre, la tranquillité et la soumission aux lois seraient rétablis dans le royaume; que d'autres ont en partant eu l'intention de m'indiquer la voie par laquelle je pourrais leur faire parvenir les ordres du roi, et de m'assurer de leur empressement à se rendre partout où Sa Majesté jugerait à propos de les employer pour le service de la patrie. Voilà ce que j'aurais eu à dire, et ce que j'aurais dit de mon département, si j'avais été entendu avant que l'Assemblée eût décrété de passer à l'ordre du jour; et comme les expressions que vous me prêtez pourraient faire naître une opinion différente, j'attends de votre zèle pour la vérité, la publication de ma lettre dans votre feuille la plus prochaine.

Signé DE BERTRAND, ministre de la marine.

QUATRIÈME ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU JEUDI 8 DÉCEMBRE 1791, AU SOIR.

ADRESSE AU ROI, relative au décret sur les troubles religieux.

Sire,

Nous avons vu les administrateurs du département de Paris venir vous' demander, il y a huit mois, d'éloigner les perfides conseils qui cherchaient à détourner de vous l'amour du peuple français. Ils bravèrent, pour vous faire entendre la vérité, jusqu'aux tourments de votre cœur; c'était le seul effort qui pùt coûter à des Français devenus libres.

Nous, citoyens pétitionnaires, venons aujourd'hui, non pas avec la puissance d'opinion qui appartient à un corps imposant, mais forts de notre conviction individuelle, vous adresser un langage parfaitement semblable dans son principe, quoique différent sous plusieurs rapports; nous venons vous dire que les dispositions des esprits, dans la capitale, sont aussi bonnes, aussi rassurantes que Votre Majesté peut le désirer; que le peuple y veut avec ardeur la Constitution, la paix, le retour de l'ordre, et le bonheur du roi; qu'il manifeste ce dernier sentiment avec la plus touchante sensibilité au milieu même de ses propres peines.

Mais nous vous dirons en même temps, Sire, que ceux-là vous tromperaient bien cruellement, qui oseraient tenter de vous persuader que leur amour pour la Révolution s'est affaibli; qu'ils verraient en ce moment avec indifférence, ils disent peut-être avec joie, le succès de nos implacables ennemis, et que leur confiance dans feurs représentants n'est plus la même.

Defiez-vous, Sire, de ceux qui vous tiennent cet odieux langage; il est faux, il est perfide dans tous ses points

Le peuple est calme, parce qu'il se fie à votre probité, à la religion de votre serment, parce que le besoin du travail ramène toujours les

hommes vers la paix; mais croyez, et croyez bien, qu'au moindre signal du danger pour la Constitution, il se soulèverait tout entier avec une force incalculable. Croyez aussi que même un grand nombre de ceux qui se sont montrés moins attachés à la Révolution, sentiraient tout à coup l'indispensable nécessité de la défendre contre des ennemis qui, sans pouvoir guérir leurs maux actuels, les précipiteraient dans les plus horribles malheurs; et que, par conséquent, il existera toujours pour le maintien du nouvel ordre de choses la majorité la plus imposante et la plus formidable.

Croyez que quelle que puisse être l'opinion publique sur tel ou tel décret du Corps législatif qui aura été surpris à son zèle, c'est toujours près des représentants du peuplé, élus par lui, que retournera, que reposera nécessairement sa confiance.

Vous avez attaché, Sire, votre bonheur à la Constitution; nous ajoutons qu'il est là tout entier, et qu'il ne peut plus être désormais que là; que cela est incontestable dans toutes les suppositions possibles; que vos ennemis, vos seuls ennemis sont ceux qui méditent le renversement de l'ordre actuel, en vous livrant à tous les périls; que leurs démonstrations de dévouement pour votre personne sont fausses, leurs applaudissements hypocrites; qu'ils ne vous pardonneront jamais, non jamais, ce que vous avez fait en faveur de la Révolution, et particulièrement cet acte courageux de liberté, par lequel, usant du pouvoir qui vous est délégué, vous avez cru nécessaire, pour détruire plus sûrement leurs espérances, de les sauver eux-mêmes de la rigueur du décret dont ils étaient menacés.

Nous en concluons, Sire, que tout moyen de conciliation doit vous paraitre maintenant impraticable, que trop longtemps ils ont insulté à votre bonté, à votre patience; qu'il est urgent, infiniment urgent que par une conduite ferme et vigoureuse, vous mettiez à l'abri de tout danger la chose publique, et vous qui en êtes devenu inséparable; que vous vous montriez enfin tel que votre devoir et votre intérêt vous obligent d'être l'ami imperturbable de la liberté, le défenseur de la Constitution, et le vengeur du peuple français que l'on outrage.

Nous avons senti le besoin, Sire, de vous faire entendre ces vérités, elles n'ont rien qui ne soit d'accord avec les sentiments que vous avez manifestés.

Un autre motif nous conduit aussi auprès de vous. La Constitution vous a remis un immense pouvoir, quand elle vous a délégué le droit de suspendre les décrets du Corps législatif. Il eut été désirable, sans doute, qu'une telle puissance reposât longtemps sans qu'on fùt obligé d'y recourir, et protégeât la liberté par sa seule existence, sans étonner l'Empire par son action reitérée. Mais quand le salut public le commande, cette arme redoutable ne peut demeurer oisive dans vos mains, la Constitution vous ordonne de la déployer; et cette même Constitution appelle tous les citoyens à éclairer votre religion sur ce que la patrie attend de vous dans ces circonstances difficiles.

Nous venons donc avec un sentiment pénible, il est vrai, et pourtant avec une forte confiance, vous dire que le dernier décret sur les troubles religieux nous a paru provoquer impérieusement l'exercice du veto.

Nous ne craignons pas que la malveillance ose se servir de notre franchise, pour accuser nos

intentions. On persuaderait difficilement que des hommes, qui, par la persévérance de leurs principes, pendant le cours de la Révolution, ont mérité des haines dont ils s'honorent; qui les méritent chaque jour, d'autant plus qu'ils se montrent les amis infatigables de l'ordre, et combattent sans relâche tous les genres d'excès dont se nourrit avec complaisance l'espoir des contre-révolutionnaires; que des hommes qui savent que plusieurs d'entre eux sont à la tête des listes de proscription, tracées par la fureur de nos ennemis, veuillent servir leurs criminels desseins.

Nous abhorrons le fanatisme, l'hypocrisie, les discordes civiles excitées au nom du ciel. Nous sommes dévoués à jamais par nos affections les plus intimes, plus encore, s'il est possible, que par nos serments, à la cause de la liberté, de l'égalité, à la défense de la Constitution, et c'est dans ces sentiments mêmes que nous trouvons tout le courage nécessaire pour vous demander ce grand acte de raison et de justice.

Sire, l'Assemblée nationale a certainement voulu le bien et ne cesse de le vouloir : nous aimons à lui rendre cet hommage et à la venger ici de ses coupables détracteurs; elle a voulu extirper les maux innombrables, dont en ce moment surtout les querelles religieuses sont la cause ou le prétexte. Mais nous croyons qu'un aussi louable dessein l'a poussée vers des mesures que la Constitution, que la justice, que la prudence ne sauraient admettre.

Elle fait dépendre, pour tous les ecclésiastiques non fonctionnaires, le payement de leurs pensions, de la prestation du serment civique tandis que la Constitution a mis expressément et littéralement ces pensions au rang des dettes nationales: or, le refus de prêter un serment quelconque, de prêter le serment même le plus légitime peut-il détruire le titre d'une créance qu'on a reconnue? et peut-il suffire, dans aucun cas, à un débiteur d'imposer une condition pour se soustraire à l'obligation de payer une dette antérieure ?

L'Assemblée nationale constituante a fait, au sujet des prêtres non assermentés, ce qu'elle pouvait faire; ils ont refusé le serment prescrit ; elle les a privés de leurs fonctions, et en les dépossédant, elle les a réduits à une pension. Voilà la peine, voilà le jugement. Or, peut-on prononcer une nouvelle peine sur un point déjà jugé, toutes les fois qu'aucun délit individuel ne change pas l'état de la question?

L'Assemblée nationale, après que les prêtres non assermentés auront été dépouillés, veut encore qu'on les déclare suspects de révolte contre la loi, s'ils ne prêtent pas un serment qu'on n'exige d'aucun autre citoyen non fonctionnaire. Or, comment une loi peut-elle déclarer des hommes suspects de révolte contre la loi? A-t-on le droit de présumer ainsi le crime?

Le décret de l'Assemblée nationale veut que les ecclésiastiques qui n'ont point prêté le serment, ou qui l'ont rétracté, puissent, dans tous les troubles religieux, être éloignés provisoirement, et emprisonnés, s'ils n'obéissent à l'ordre qui leur sera intimé. Or, n'est-ce pas renouveler le système des ordres arbitraires, puisqu'il serait permis de punir de l'exil, et bientôt après de la prison, celui qui ne serait pas encore convaincu d'être réfractaire à aucune loi ?

Le décret ordonne que les directoires de département dressent des listes des prêtres non assermentés, et qu'ils les fassent parvenir au

Corps législatif, avec des observations sur la conduite individuelle de chacun d'eux, comme s'il était au pouvoir des directoires de classer des hommes qui, n'étant plus fonctionnaires publics, sont confondus dans la classe générale des citoyens; comme si des administrateurs pouvaient se résoudre à former et à publier des listes, qui, dans des jours d'effervescence, pourraient devenir des listes sanglantes de proscription; comme, enfin, s'ils étaient capables de remplir un ministère inquisitoral que nécessiterait l'exécution littérale de ce décret.

Sire, à la lecture de ces dispositions, tous les individus qui vous présentent cette pétition se sont demandé s'ils se sentiraient ce genre de dévouement; tous ont gardé le plus profond silence.

Eh quoi il faudrait donc qu'ils tinssent ce langage à chacun de leurs concitoyens : " Dites quel est votre culte ? Rendez compte de vos opinions religieuses: Apprenez-nous quelle profession vous avez exercée, et nous verrons alors si vous avez droit à la protection de la loi. Nous saurons s'il nous est permis de vous donner la paix. Si vous avez été ecclésiastique, tremblez; nous nous attacherons à vos pas; nous épierons toutes vos actions privées; nous rechercherons vos relations les plus intimes; quelque régulière que puisse être votre conduite, à la première émeute qui surviendra dans cette ville immense, et où le mot de religion aura été prononcé, nous viendrons vous arracher à votre retraite, et malgré votre innocence, nous pourrons impunément vous bannir des foyers que vous vous êtes choisis. >>

Si la France, Sire, si la France libre était réduite à entendre ce langage, où est l'homme qui pourrait se résoudre à en être l'organe?

L'Assemblée nationale refuse à tous ceux qui ne prêteraient pas le serment civique, la libre profession de leur culte. Or, cette liberté ne peut être ravie à personne; aucune puissance n'a pu la donner; aucune puissance ne peut la retirer; c'est la première, c'est la plus inviolable de toutes les propriétés. Elle est consacrée à jamais dans la Déclaration des Droits, dans les articles fondamentaux de la Constitution. Elle est donc hors de toutes les atteintes.

L'Assemblée nationale constituante ne s'est jamais montrée plus grande, plus imposante peut-être aux yeux des nations, que lorsque, au milieu des orages même du fanatisme, elle a rendu un hommage éclatant à ce principe. Il était perdu dans les siècles d'ignorance et de superstition; il devait se retrouver aux premiers jours de la liberté; mais il ne faut pas qu'il puisse se reperdre; il ne faut pas que, sur ce point comme sur tout autre, la liberté puisse rétrograder.

Vainement, on dira que le prêtre non assermenté est suspect; et sous le règne de Louis XIV, les protestants n'étaient-ils pas suspects aux yeux du gouvernement, lorsqu'ils ne voulaient pas se soumettre à sa religion dominante? et les premiers chrétiens n'étaient-ils pas aussi suspects aux empereurs romains? et les catholiques n'ontils pas été longtemps suspects en Angleterre, etc.? Sur un tel prétexte, il n'est aucune persécution religieuse qu'on ne puisse justifier. Un siècle entier de philosophie n'aurait-il donc servi qu'à nous ramener à l'intolérance du XVIe siècle, par les routes mêmes de la liberté ? Que l'on surveille les prêtres non assermentés; qu'on les frappe sans pitié au nom de la loi, s'ils l'enfreignent, s'ils osent surtout exciter le peuple à lui déso

béir, rien de plus juste, rien de plus nécessaire; mais que, jusqu'à ce moment, on respecte leur culte comme tout autre culte, et qu'on ne les tourmente point dans leurs opinions. Puisqu'aucune religion n'est une loi, qu'aucune religion ne soit donc un crime.

Sire, nous avons vu le département de Paris s'honorer d'avoir professé constamment ces principes. Nous sommes convaincus qu'il leur doit en partie la tranquillité religieuse, dont il jouit en ce moment. Ce n'est pas que nous ignorions qu'il est des hommes turbulents, par système, qui s'agiteront longtemps encore, et qu'on espérerait vainement de ramener à des sentiments patriotiques: mais il nous est prouvé, par la raison et par l'expérience de tous les siècles, que le vrai moyen de les réprimer est de se montrer parfaitement juste envers eux, et que l'intolérance et la persécution, loin d'étouffer le fanatisme, ne feront qu'accroître ses fureurs.

Par tous ces motifs, et au nom sacré de la liberté, de la Constitution et du bien public, nous vous prions, Sire, de refuser votre sanction au décret des 29 novembre et jours précédents, sur les troubles religieux; mais en même temps, nous vous conjurons de seconder de tout votre pouvoir le vœu que l'Assemblée nationale vient de vous exprimer avec tant de force et de raison contre les rebelles qui conspirent sur les frontières du royaume. Nous vous conjurons de prendre, sans perdre un seul instant, des mesures fermes, énergiques et entièrement décisives contre ces insensés qui osent menacer le peuple français avec tant d'audace. C'est alors, mais alors seulement que, confondant les malveillants et rassurant à la fois les bons citoyens, vous pourrez faire, sans obstacle, tout le bien qui est dans votre cœur, tout celui que la France attend de vous. Nous vous supplions donc, Sire, d'acquiescer à cette double demande, et de ne pas les séparer l'une de l'autre.

A Paris, ce 5 décembre 1791.

Signe Germain GARNIER, membre du directoire du département de Paris; J.-B. BROUSSE, membre, etc.; TALLEYRAND-PERICORD, membre, etc.; BEAUMES, membre, etc.; LA ROCHEFOUCAULD, président du département de Paris; DESMEUNIER, membre, etc.; BLONDEL, secrétaire général du département de Paris; THION DE LA CHAUME, membre, etc.; ANSON, membre du directoire; DAVOUS, membre.

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE. Séance du vendredi 9 décembre 1791. PRÉSIDENCE DE M. LACEPEDE.

La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Thuriot, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 8 décembre 1791, au matin.

Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes:

1o Lettre de M. Narbonne, ministre de la guerre, qui met sous les yeux de l'Assemblée les ques

tions qui lui sont présentées par M. d'Affry, administrateur général des Suisses, concernant la nouvelle revue et la nouvelle prestation de serment civique ordonnées par les décrets de l'Assem blée nationale; cette lettre est ainsi conçue:

Monsieur le Président,

« M. d'Affry, administrateur général des Suisses et Grisons, a demandé à mon prédécesseur si le décret du 24 juin était applicable aux Grisons et Suisses comme au reste de l'armée; il observe que plusieurs des cantons et autres Etats souverains de la Suisse, ont fait défendre à leurs sujets présentement en France, de prêter à l'avenir aucun nouveau serment, sans préalablement les prévenir et en obtenir le consentement. Le terme que l'Assemblée nationale a fixé pour les revues et celui de la prestation du serment sont si rapprochés qu'il est impossible que les régiments suisses puissent recevoir à temps l'autorisation de leurs souverains respectifs. L'obéissance et le respect qu'ils leur doivent donnent lieu de craindre qu'ils ne se voient forcés à un refus qui pourrait avoir les conséquences les plus fâcheuses. Cet administrateur désire bien vívement, qu'en leur qualité d'officiers de guerre, étrangers et sujets d'une autre puissance, on les dispense pour ce moment de ce nouveau serment, qu'on se contente de celui qu'ils ont déjà prêté et qu'ils doivent renouveler au 14 juillet prochain, époque à laquelle il est à présumer qu'il sera statué sur cet objet avec le corps helvétique. Si l'on observe sur ce point qu'on a été content jusqu'ici des régiments suisses, qu'on n'a aucun reproche à leur faire, ni sur leur civisme, ni sur leur fidélité à remplir leurs engagements, on sentira que l'on peut continuer d'avoir en eux la confiance qu'ils seront toujours empressés de justifier.

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« J'ai eu l'honneur de vous écrire de la part du roi, le 24 octobre dernier, et de vous prier de mettre sous les yeux de l'Assemblée, un mémoire sur la situation de la caisse de l'extraordinaire, et sur la nécessité de procurer à cette caisse les moyens de pourvoir tant aux remboursements qu'aux dépenses particulières qu'elle est tenue d'acquitter d'après les décrets de l'Assemblée: les comités de la caisse de l'extraordinaire et des assignats réunis, auxquels le mémoire avait été renvoyé, avaient cru devoir proposer à l'Assemblée la mise en circulation de 300 millions en sus des 1,300 millions qui existaient; mais l'Assemblée, par un décret, a simplement ordonné que la circulation serait portée à 1,400 millions, et a ajourné à huitaine le surplus du projet de décret. Près de six semaines se sont écoulées, et il n'a encore été pris aucune mesure pour faire

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