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doute, Messieurs, il y a eu de la part des agriculteurs quelques écarts mille fois moins graves qu'on vous le dit; mais ce qui prouve que l'éclat qu'on voulut y donner fut un coup de l'aristocratie, c'est que le procureur général syndic, en guerre ouverte avec les patriotes, se permettant de composer lui-même des détachements, ne voulut point pour ce, avoir recours à la garde nationale,renommée par son patriotisme et par la sagesse de ses chefs, mais il prit contre l'opinion de l'état-major et de la municipalité, et le fait est constaté par des procès-verbaux, il prit des ci-devant nobles, des ci-devant priviligiés, qui ne servaient pas dans cette garde et dont la plupart sont aujourd'hui à Coblentz.

Ces insolents contre-révolutionnaires, saisissant avec avidité cet instant de faveur, fondirent sur ces malheureux laboureurs, presque tous à leur charrue et travaillant leurs terres, ils les saisirent aux cheveux pour la plupart, les jetèrent par terre, leur donnèrent des coups de plat de sabre; ils firent traverser à plusieurs, liés et garottés, tout le département, voilà les hommes qu'on a la hardiesse de faire figurer au ministère comme des hommes de bonne volonté.

M. Cambon. Je demande à l'opinant de conclure, afin que nous puissions passer à l'ordre du jour.

fait

Le même membre: Le second fait, Messieurs, articulé dans la lettre du ministre, est que le tribunal, après une conférence tenue avec le procureur général syndic, convint d'admettre la demande en élargissement des laboureurs; que, le 25 septembre, il n'en restait pas un seul dans les prisons, et que la loi du 15 septembre ne fut enregistrée que le 30. Il résulte de l'énonciation de ce fait que les laboureurs auraient été effectivement élargis avant l'enregistrement de la loi d'amnistie; mais j'atteste que le est faux, et je le prouve par les jugements mêmes dont les expeditions, en très bonne forme, sont entre mes mains, et que je remettrai sur le bureau; on y verra que, quoique les commissaires du roi aient affecté de retarder l'enregistrement de la loi d'amnistie, ce n'est cependant que quelques jours après cet enregistrement qu'ils avaient été élargis, non pas en vertu de l'amnistie, mais sur des demandes en élargissement provisoire, qui tenaient toujours ces citoyens sous la main de la justice.

Plusieurs membres : L'ordre du jour!

Le même membre: Voici le projet de décret que j'ai l'honneur de vous présenter:

«L'Assemblée nationale, après avoir entendu la pétition des soixante et un laboureurs de la Dordogne, accusés de délits relatifs à la Révolution, s'étant fait rendre compte des jugements rendus par le tribunal de Périgueux sur les accusations, décrète que les pétitions et les jugements qui y sont joints, seront remis au comite de législation, lequel autorisé à requérir du ministre de la justice communication des autres pièces relatives à la même procédure, sera tenu de faire son rapport sur le tout dans la séance de mardi prochain et présentera un projet de décret, quí, en determinant avec précision la nature de l'affaire, fixera irrévocablement et sans équivoque l'application de la loi d'amnistie et l'abolition des procedures et des jugements intervenus contre les soixante et un laboureurs pour faits relatifs à la Révolution. »

(L'Assemblée renvoie ce projet de décret au comité de législation.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une note de M. Baudoin, imprimeur de l'Assemblée nationale, où il rend compte des causes qui ont retardé la distribution du discours de M. Brissot, dont l'impression a été ordonnée. M. Brissot n'en a remis qu'une partie le 1er décembre; il a remis le reste feuille par feuille, et la dernière n'a été remise à l'imprimerie que le 7. Les épreuves sont remises à M. Brissot pour les corriger, et on les attend pour tirer l'ouvrage et en faire la distribution.

M. le Président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question relative aux remboursements des liquidations.

M. Dorizy. L'Assemblée paraît avoir assez généralement reconnu qu'il fallait, avant de rien statuer définitivement sur les différentes mesures que nous avons à prendre en finance, s'occuper de la liquidation et des mesures qu'il faut prendre en cette partie. Vous savez, Messieurs, que cette question sur la liquidation n'est qu'une question incidente au rapport qui vous a été fait par le comité de l'extraordinaire qui vous demandait une émission de 300 millions, et sur laquelle vous avez décrété une émission de 100 millions. Je ne vois pas que l'Assemblée puisse discuter aujourd'hui à fond, et d'après les vrais principes en finance, la question de la liquidation.

Je crois cependant qu'il est une opinion formée dans l'Assemblée et qu'elle a rejeté, pour ainsi dire, la suspension des remboursements des liquidations, qui a été demandée, d'un côté par M. Clavière, petitionnaire; et d'un autre, par M. Brissot, député. Il est donc plutôt question aujourd'hui, Messieurs, de déterminer comment se feront les liquidations, quelle méthode on y apportera, et en adoptant une mesure sage, à cet égard, vous rentrerez dans les dispositions des décrets du corps constituant. Il y a de grandes questions à examiner sur la modification de cette liquidation. Il est impossible de vous présenter un projet de décret digne du Corps législatif. Ce décret, exigeant peut-être quinze ou vingt articles, ne peut être que l'ouvrage de vos comités, et vous proposer une mesure définitive, sans avoir muri dans un comité, ce serait sans doute vous proposer un mauvais projet.

Cependant, Messieurs, vous connaissez le besoin de vos caisses, vous savez que le service pourrait être interrompu, vous avez donc des considerations puissantes à envisager, et je crois les avoir toutes rassemblées dans le projet de decret que je vais vous soumettre ici.

L'Assemblée nationale, considérant qu'il est de la loyauté française de rejeter tout projet de suspension dans les remboursements de la "dette exigible (Vifs applaudissements); mais qu'en même temps il est de son devoir de déterminer le mode et d'en prescrire les époques, qu'il est de sa sollicitude pour le bonheur public, de ne pas porter l'émission des assignats à une somme supérieure à la valeur certaine des domaines nationaux, qui en sont le gage; mais que rien ne doit l'arrêter lorsque, d'un côté, elle est assurée qu'elle est infiniment supérieure; et que, d'un autre, elle doit pourvoir au service de ses caisses, décrète ce qui suit :

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Art. 1. Il sera mis à la disposition de la caisse de l'extraordinaire 100 millions d'assignats, et à ce moyen, les assignats seront portés à 15,000 millions.

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Art. 2. L'Assemblée nationale charge ses co

mités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances de lui présenter, lundi prochain, un projet de décret sur le mode et les époques du remboursement de la dette exigible.

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Je demande que la discussion s'ouvre sur ce projet de décret ou sur tout autre qu'un membre de l'Assemblée pourrait présenter.

M. Guyton-Morveau. Je demande l'ajournement même de la proposition de M. Dorizy. Des questions de cette importance ne doivent pas être traitées avant d'être éclairées par un rapport du comité.

M. Roux-Fasillac. Je demande que l'Assemblée décide d'abord le principe que les remboursements ne seront pas suspendus; la vente des biens nationaux en dépend. (Applaudissements.)

Plusieurs membres appuient la motion de M. Roux-Fasillac.

Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Cambon. Demander un terme pour faire des payements n'est point suspendre ses payements; il faut convenir de ce principe. Or, le salut public exige que je vous demande, au nom de la nation, de ne pas décrier vos assignats, et ce serait les décrier que d'en fabriquer une grande quantité.

Un membre: La discussion est fermée, il faut décréter sur-le-champ qu'il n'y aura point de suspension.

M. Thuriot. Un de nos collègues possède un état de nos finances. Un pareil ouvrage ne peut que nous donner beaucoup de lumière sur un objet aussi important; j'en demande la lecture.

M. Cambon. Je connais cet état; il ne donnera pas de nouveaux renseignements. Je demande que l'on aille immédiatement aux voix sur le projet de M. Dorizy.

(La discussion se prolonge pendant quelques minutes.)

M. Dorizy. D'après les observations qui viennent d'être présentées à l'Assemblée, voici comment je propose de rédiger mon projet de dé

cret :

"L'Assemblée nationale, considérant qu'il est de la loyauté française de rejeter tout projet de suspension dans les remboursements de la dette exigible, mais qu'en même temps il est de son devoir d'en déterminer le mode;

« Décrète que les remboursements de la dette exigible ne seront point suspendus, et ouvre la discussion uniquement sur le mode des remboursements. » (Vifs applaudissements.)

(L'Assemblée adopte le projet de décret de M. Dorizy.)

M. Condoreet. Messieurs, j'avais tout à l'heure demandé la parole pour exposer que l'on ne pouvait pas s'arrêter à l'idée de suspendre les remboursements de la dette exigible; qu'il s'agissait surtout de mettre de l'ordre dans les remboursements et de mettre à exécution le décret de l'Assemblée constituante qui déterminait que, lorsque les liquidations excéderaient la somme de 600 millions, elles cesseraient d'être payées à bureau ouvert, qu'elles seraient alors payées suivant un ordre de numéros, c'est-à-dire suivant l'état des sommes que l'état des finances permettrait de fixer aux liquidations successives. L'Assemblée n'a pas eu besoin de ces développements. Les vérités que je voulais lui ex

poser, elle les a senties et elle vient de décréter qu'il n'y aura pas de suspension, qu'il sera seulement question du mode suivant lequel s'effectueront ces remboursements. Or, il est impossible de déterminer le mode qui doit être suivi sans connaître le montant des liquidations, sans connaître la nature des créances, le nombre des grandes et des petites. Je prépare en ce moment un travail sur le mode de remboursements par numéros; il n'est pas encore entièrement fini: mais je l'achèverai et je le présenterai à l'Assemblée. Il faut donc ajourner cette question jusqu'après le rapport que le comité vous fera d'après le mémoire qui lui a été envoyé par M. Dufresne-Saint-Léon, directeur général de la liquidation. Ce mémoire donne de très grands détails sur l'état des liquidations. Nous pourrons alors nous former une opinion sur le mode de remboursement, parce qu'une opinion ne peut jamais s'établir que sur des faits.

Un membre demande la lecture du mémoire de M. Dufresne-Saint-Léon.

Plusieurs membres: Non! non! L'impression! (L'Asssemblée décrète l'impression et la distribution du mémoire de M. Dufresne-Saint-Léon (1), puis charge ses comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances de lui présenter lundi prochain un projet de décret sur le mode des remboursements.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture:

1o D'une lettre et de plusieurs pièces envoyées par la municipalité des Cayes, tle de SaintDomingue.

(L'Assemblée renvoie les pièces au comité colonial.)

2o D'une lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire, relative aux objets de la responsabilité du trésorier de la caisse de l'extraordinaire; cette lettre est ainsi conçue :

"Monsieur le Président,

« Au moment où je me préparais de vous prier de donner connaissance à l'Assemblée nationale de l'objet d'une lettre que je venais de recevoir de M. le trésorier de la caisse de l'extraordinaire, le décret qui, en ordonnant la fabrication d'assi gnats de 10 et de 25 livres, et qui ajourne à trois jours la question de savoir s'il en sera fait audessous de 5 livres, me fait une loi plus impérieuse de soumettre promptement à l'Assemblée les observations de ce trésorier, puisqu'elles peuvent déterminer les mesures particulières pour cette nouvelle fabrication. Comme ces observations exigeaient quelques développements qui s'écarteraient des bornes d'une lettre, j'ai rédigé le mémoire ci-joint. Je vous prie, Monsieur le Président, d'en donner connaissance à l'Assemblée.

« Je suis avec respect, etc.

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ressort de remplir une fonction d'autant plus difficile que le nombre déjà très considérable des employés à cette fabrication va être triplé pour accélérer la nouvelle émission qui vient d'être décrétée, et qu'il serait imprudent pour lui de répondre de tous ces employés.

(L'Assemblée renvoie la lettre et le mémoire au comité de l'extraordinaire des finances.)

Un membre: J'observe que le décret du 22 mai a ordonné que les marchés relatifs à la fabrication des assignats seront déposés aux Archives. Or, M. l'archiviste a imprimé dans sa notice sur le comité des assignats, que ces pièces n'y existaient pas. Je fais la motion que ces pièces soient rétablies par ceux qui en sont dépositaires et que le comité de l'extraordinaire des finances soit chargé de s'occuper de cet objet en même temps que du mémoire de M. Lecouteulx.

(L'Assemblée décrète cette motion.)

M. Isnard. Je demande que l'on s'occupe surle-champ du projet de décret sur le mode de l'échange des assignats entre les départements.

(L'Assemblée adopte la motion de M. Isnard et décrète qu'elle entendra préliminairement la lecture des divers projets de décret relatifs à cet objet.)

M. Lavigne, au nom du comité des assignats et monnaies, soumet à nouveau à l'Assemblée un projet de décret sur le mode d'échange des petits assignats (1); ce projet de décret est ainsi conçu :

PROJET DE DÉCRET.

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des assignats et monnaies, considérant qu'il est de sa sollicitude de retirer de la circulation des assignats de 2,000 à 500 livres, et de procurer à tous les citoyens les moyens les plus prompts de suppléer à la rareté du numéraire par l'échange de 100 millions d'assignats de 5 livres dans les départements et les districts, décrète qu'il y a urgence. « L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit':

"

"

Art. 1er. Les 100 millions d'assignats de 5 livres destinés, par le décret du 1er novembre, à l'échange des assignats de plus forte somme, seront répartis entre les 83 départements, d'après les bases de la contribution foncière et mobilière, suivant le tableau de répartition qui en sera formé.

«Art. 2. La somme en assignats de 5 livres attribuée au service des caisses de l'extraordinaire et du Tresor public, sur les 100 millions destinés à l'échange, sera remplacée sur les 300 millions, dont la fabrication a été ordon

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«Art. 5. A la réception du présent décret, auquel sera joint le tableau de répartition entre les départements, les directoires de département feront entre leurs districts, et sur la base des contributions directes, la répartition de la somme qui leur sera attribuée. Le tableau de cette répartition sera rendu public par la voie de l'impression dans l'étendue de leur territoire.

« Art. 6. Les directoires de district fixeront un certain nombre de jours par semaine destinés à l'échange des assignats de 5 livres; ils feront connaître la somme qui devra être échangée chacun de ces jours pour un nombre déterminé de municipalités, qui en seront prévenues à l'a

vance.

« Art. 7. Les citoyens qui auront des assignats à échanger se rendront au directoire du district, munis d'un certificat de leurs officiers municipaux, qui constatera leurs domicile et profession; le directoire formera une liste nominative de personnes et de valeurs d'assignats. Cette liste sera portée au receveur, qui ne pourra faire d'autres échanges que ceux y énoncés.

« Art. 8. Tous les citoyens sans exception seront admis aux échanges. Les directoires auront égard aux cultivateurs qui justifieront avoir entrepris des travaux sur leurs possessions, ainsi qu'aux fabricants et chefs d'ateliers en proportion du nombre de leurs ouvriers.

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Art. 9. Les assignats de 5 livres seront donnés en échange d'assignats de toute valeur.

«Art. 10. Les assignats de 50 livres jusqu'à 300 livres reçus en échange, seront particulièrement employés à échanger ceux de 2,000, de 1,000 et de 500 livres, concurremment avec ceux de 5 livres; mais il ne pourra en être donné de ces derniers que pour 300 livres au plus pour ceux de 2,000 livres, et en proportion pour les

autres.

« Art. 11. Les assignats de 2,000, de 1,000 et de 500 livres reçus en échange, seront, à mesure de leur rentrée, et en présence des porteurs, marqués d'un timbre et annulés.

« Art. 12. La durée des échanges ne pourra être de plus d'un mois, à compter du jour de la réception du dernier envoi d'assignats de 5 livres. Dès lors tous les assignats restant chez le receveur, après l'épuisement total de ceux de 5 livres, seront annulés.

«Art. 13. Ne pourront les receveurs de district faire aucun échange d'assignats de 5 livres que sur l'ordre ou le visa des directoires de district, et les directoires de district ne viseront ou n ordonneront des échanges que sur des listes nominatives de personnes et de valeurs.

Art. 14. Les listes d'échange seront chaque dimanche affichées dans les lieux accoutumés de la ville chef-lieu.

« Art. 15. Le comité d'assignats et monnaies présentera incessamment un projet sur la somme d'assignats de 5 livres qui devra être attribuee aux échanges particuliers des villes de Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Rouen, La Ro chelle et autres villes principales de commerce, indépendamment de leur part à la répartition des 100 millions.

Art. 16. Les receveurs de district adresseront tous les 8 jours au trésorier de la caisse de l'extraordinaire les assignats annulés provenant de Techange, lesquels, sous aucun pretexte, et à peine de responsabilité de leur part, ne pourront être confondus avec ceux provenant du produit des biens nationaux.

Art. 17. Les directoires de district feront

passer tous les 8 jours aux directoires de départements, et ceux-ci au trésorier de la caisse de l'extraordinaire l'état des assignats annulés.

« Art. 18. Le trésorier de la caisse de l'extraordinaire en rendra compte tous les 8 jours à l'Assemblée nationale.

« Art. 19. Les assignats annulés provenant des échanges seront brulés publiquement en présence des commissaires du comité des assignats et monnaies, de la même manière que ceux provenant du produit des biens nationaux. »

Plusieurs membres lisent successivement d'autres projets (1).

M. Cambon, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret sur les moyens à prendre pour établir des caisses d'échange des assignats de cinq livres dans les districts (2); il s'exprime ainsi :

Messieurs, vous renvoyâtes, hier soir, à votre comité de l'ordinaire des finances, une lettre des commissaires de la Trésorerie nationale, qui vous faisaient part des demandes les plus instantes d'assignats de 5 livres qui leur sont adressées par plusieurs départements; ils vous remettaient en même temps un aperçu des sommes qu'ils doivent envoyer avant la fin du mois dans les départements, pour les frais de culte, guerre, marine, ponts et chaussées et autres objets, qui se montent à 79 millions; ils vous observent que la circonstance serait favorable pour procurer aux départements un moyen d'échange d'assignats de 5 livres qui serait exempt de frais, puisqu'il se concilieraît avec le besoin des caisses.

Votre comité a pensé qu'un objet de cette importance ne devait souffrir aucun retard, puisque vous aviez ajourné à ce matin la question de l'établissement des caisses d'échange dans les départements, qui vous a été présentée par votre comité d'assignats et monnaies. En conséquence il m'a chargé de vous présenter ses vues.

Il résulte du rapport qui vous a été fait par votre comité, qu'il y aura de fabriqués, le 31 décembre courant, 85 millions en assignats de 5 livres, sur les 100 millions dont la fabrication avait été ordonnée par le Corps constituant, et qui, d'après vos décrets, doivent être employés à l'échange des assignats de plus forte somme, actuellement en circulation.

Vous avez déjà ordonné l'échange de 25 millions il ne vous reste donc à disposer que de 60 millions sur les 85 millions qui seront prêts dans le mois.

Votre comité des assignats et monnaies vous propose d'en faire la répartition dans les départements, d'après les bases de la contribution foncière et mobilière, en chargeant les directoires de département de les diviser d'après les mêmes bases dans les caisses des receveurs de

district, qui ne pourront les échanger aux particuliers que d'après des formes sages et prudentes qu'il vous propose d'adopter.

Votre comité de l'ordinaire n'a pas cru devoir examiner les bases qui vous ont été proposées; il s'est seulement occupé de concilier l'établisse ment des caisses d'échange avec les besoins journaliers du service public; car si vous décrétez l'envoi des 60 millions aux départements

(1) Les journaux ne donnent pas d'indications sur la lecture de ces projets de décret à la tribune. Voy. ciaprès, aux annexes, p. 692, l'opinion et le projet de décret de M. Vuillier, député du Jura, sur cet objet.

(2) Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection des affaires du temps, Bf in-8°, tome 154. n° 19.

pour être employés aux échanges, la Trésorerie nationale se trouvera privée des moyens que les assignats de 5 livres lui procurent pour les appoints qu'elle sera obligée de faire avec du numéraire, ou en achetant les assignats de 5 livres qui sont déjà en circulation.

Le seul moyen, sans doute, de mettre fin à l'agiotage sur le papier, serait d'accélérer la fabrication des assignats de petite valeur; car il n'est soutenu que par la rareté, la répartition se faisant assez naturellement par la correspondance qui existe entre tous les départements; et si la disette se faisait sentir dans un endroit plus que dans un autre, les spéculations du commerce y apporteraient bientôt l'abondance.

Votre comité des assignats a annoncé que dans le mois de janvier prochain, il se fabriquerait 3,500,000 livres par jour, d'assignats de 5 livres : les mesures que vous avez décrétées à la séance d'hier, rendront les petites valeurs beaucoup plus abondantes : vous pourrez donc satisfaire, sous peu, à toutes les demandes de petits assignats qui vous seront faites.

Mais en attendant, devez-vous abandonner tout projet d'échange dans les départements? Votre comité de l'ordinaire des finances a été bien éloigné de cette idée; il a seulement pensé qu'il convenait d'adopter une mesure provisoire, qui, s'accordant avec les circonstances, pût remplir les besoins des caisses et celui des échanges.

Il résulte des états qui vous ont été adressés par les commissaires de la Trésorerie nationale, que les fonds à envoyer dans les départements d'ici au premier janvier prochain se montent à 79 millions. Vous n'aurez que 60 millions en assignats de 5 livres : les besoins des caisses exigent qu'il leur en soit fourni pour les appoints: votre comité a cherché à vous présenter un projet qui conciliât tous les besoins, et qui accélérât l'établissement des caisses d'échange que vous désirez.

Il vous propose de décréter que les 60 millions d'assignats de 5 livres, qui seront fabriqués d'ici au 1er janvier prochain, seront remis à la Trésorerie nationale, en échange d'assignats de plus forte somme, qui seront de suite annulés et brûlés.

Il a pensé que ces 60 millions devaient être employés dans les envois que la caisse de la Trésorerie nationale doit faire d'ici au premier janvier prochain, dans les départements en conséquence, il a cru que les fonds nécessaires pour les frais du culte, qui se montent à 33,140,920 livres, d'après les états qui vous ont été adressés, devaient être faits en assignats de 5 livres.

Cette mesure lui a paru se rapprocher de l'état de population du royaume, puisque le nombre et le traitement des ecclésiastiques se trouvent réglés d'après cette base.

Il a pensé que le fonds nécessaire au payement des objets relatifs à la guerre devait être fait moitié en assignats de 5 livres, parce que ce service, qui n'offre pas la même égalité dans la répartition parmi les départements, exige un fonds en numéraire effectif; cet objet exigerait une somme de 8,550,000 livres en assignats de 5 livres.

Il a pensé que les fonds affectés au service de la marine ne devaient être faits qu'un quart en assignats de 5 livres, puisque l'emploi de ces fonds ne se fait que dans quelques départements du royaume cette dépense emploierait 1,328,187 livres en assignats de 5 livres.

Le fonds à faire pour les dépenses relatives aux

ponts et chaussées, qui se montent à 1,180,813 livres devant être réparti sur tous les départements du royaume, doit être fait, d'après votre comité, en assignats de 5 livres.

Il existe plusieurs autres petites dépenses relatives aux enfants trouvés, hôpitaux et prisons, douanes nationales, etc., qui se montent à 4,400,000 livres; ces objets, qu'on peut appeler de bienfaisance, ou qui sont relatifs aux salaires de citoyens peu fortunés, doivent être payés, d'après votre comité, en assignats de 5 livres.

Enfin, votre comité a pensé qu'il convenait de déterminer la quotité d'assignats de 5 livres qui seront employés aux payements journaliers des caisses établies à Paris, afin d'éviter tout arbitraire de la part des payeurs; cette fixation anéantirait l'agiotage que peuvent faire les caissiers, puisque tous les créanciers pourront réclamer la somme d'assignats de 5 livres qui leur serait allouée par la loi.

En conséquence, il vous propose de décréter que les payements relatifs aux rentes, pensions, intérêts, liste civile, etc., seront faits un huitième en assignats de 5 livres, et les sept huitièmes en assignats de plus forte somme; cette mesure exigerait un fonds de 2,267,263 livres en assignats de 5 livres.

Votre comité ne s'est point dissimulé que ces bases de répartition n'offrissent quelques inégalités; mais il doit vous observer qu'elles offrent aussi une grande célérité dans les moyens d'exécution, puisque les fonds qui seraient envoyés dans les départements serviraient pour faire face aux échanges et aux payements; votre comité vous proposant de n'échanger les assignats de 5 livres que contre ceux de 50 à 300 livres, qui serviraient de suite au payement des dépenses publiques.

Votre comité a pensé qu'il convenait de conserver un fonds pour rectifier les erreurs qui pourraient résulter de cette répartition; en conséquence, il vous propose de laisser un fonds de réserve de 5,032,817 livres en assignats de 5 livres, qui sera réparti par les commissaires de la Trésorerie, sous la surveillance du comité de l'ordinaire, d'après les demandes des départements.

Enfin, votre comité vous propose de conserver la caisse d'échange établie à Paris, qui est régie par M. Delamarche, cet établissement offrant une ressource aux agriculteurs, fabricants et chefs d'ateliers du royaume, en leur imposant les frais de voiture; cet objet exige un fonds de 3,600,000 livres en assignats de 5 livres.

D'ailleurs ces mesures, qui ne seraient que provisoires, et pour cette fois seulement, ne préjudicieraient en rien celles que vous pourriez prendre dans la suite pour l'échange direct des petits assignats dans les départements; elles éviteraient les frais et les risques d'un envoi d'assignats que les départements seraient obligés de faire repasser à Paris, dès que les petits assignats leur seraient parvenus; enfin elles éviteraient un double emploi de fonds, dans un moment où la fabrication du papier a été retardée, puisqu'en envoyant les assignats de 5 livres dans les caisses d'échange des départements, il faudrait faire, en outre, les fonds des dépenses ordinaires.

Les bases qui vous sont indiquées ne serviraient que pour l'envoi des fonds dans les départements; elles ne pourraient pas servir de prétexte aux créanciers et fonctionnaires salariés, pour réclamer leur entier payement en assignats

de 5 livres, puisque votre comité vous propose de décréter que les receveurs de district ne payeront qu'un huitième en assignats de 5 livres, et les sept huitièmes en assignats de plus forte somme; le fonds excédant devant être employé à l'échange des assignats de 50 jusqu'à 300 livres.

Votre comité a adopté les mesures sages qui vous ont été proposées par votre comité d'assignats et monnaies pour l'établissement des caisses d'échange dans les chefs-lieux des districts, et les moyens à employer pour prévenir tout monopole.

Elles se trouvent dans le projet de décret que je vais vous proposer qui est suivi du tableau de répartition des 60 millions en assignats de 5 livres, pour les envois à faire dans les départements, d'après les bases que je vous ai indiquées. Je dois vous observer en finissant qu'il est urgent de prendre un parti sur ces différents objets; car le mois de décembre s'écoulant, la Trésorerie nationale serait bientôt exposée à retarder des dépenses urgentes, faute de savoir dans quelle proportion elle devrait y admettre des assignats de 5 livres; en conséquence, je vais vous proposer un projet de décret d'urgence.

PROJET DE DÉCRET.

"L'Assemblée nationale, considérant qu'il est de son devoir de procurer à tous les citoyens les moyens les plus prompts de suppléer à la rareté du numéraire, en facilitant l'échange dans les départements et districts, des assignats de 5 livres contre ceux de plus forte somme, et de concilier cet échange avec le service des caisses publiques, décrète qu'il est urgent de délibérer sur cet objet.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

« Art. 1er. Le commissaire du roi auprès de la caisse de l'extraordinaire, remettra à la Trésorerie nationale à fur et mesure de la fabrication, et d'ici au 1er janvier prochain, 60 millions en assignats de 5 livres en échange de ceux de plus forte somme, qui seront brulés et annulés.

« Art. 2. Les commissaires de la Trésorerie nationale emploieront les 60 millions d'assignats de 5 livres qui leur seront remis, dans les envois des fonds qu'ils doivent faire d'ici au 1er janvier prochain, aux départements, et aux payements et échanges journaliers de leur caisse, en se conformant à l'état de répartition annexé au présent décret.

Art. 3. Les assignats de 5 livres qui seront envoyés aux départements seront adressés aux directoires, qui les enverront, d'après les bases adoptées pour la répartition, annexées au présent décret, dans les caisses des receveurs des districts de leur ressort, en en donnant avis au directoire du district.

« Art. 4. Les receveurs de district emploieront les assignats de 5 livres qui leur seront adressés par le directoire de département : 1o au huitième du montant des sommes qu'ils auront à payer, soit pour les frais du culte, ponts et chaussées, etc., et autres dépenses de leur caisse; 2° à l'échange des assignats depuis 50 jusqu'à 300 livres.

Art. 5. Les assignats de 50 jusqu'à 300 livres qui proviendront de l'échange des assignats de 5 livres serviront de fonds pour les objets que les receveurs de district sont chargés d'acquitter. Art. 6. Les citoyens qui auront des assignats

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