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réunis aux archives par les comités de l'Assemblée nationale constituante, existant encore dans ce dépôt. L'inventaire sera fait double; une copie sera remise aux comités dont les travaux auront un principal rapport avec ceux des comités dont les papiers seront inventoriés, l'autre copie demeurera aux archives;

3 Pour faire cet inventaire, l'archiviste est autorisé à prendre, de concert avec les commissaires des archives, des commis extraordinaires, qui se retireront aussitôt que le travail de l'inventaire sera fini; les divers comités dont les travaux ont rapport à ceux des comités de l'Assemblée constituante, pourront nommer un ou deux de leurs membres commissaires, à l'effet d'assister au triage et à l'inventaire des papiers, sans néanmoins que leur nomination ou leur absence puisse retarder le triage ou l'inventaire. L'archiviste rendra compte, dans quinze jours, des progrès et de l'état du travail;

4° Les cahiers de la double copie de l'inventaire seront, au fur et à mesure qu'ils seront faits, communiqués aux comités respectifs, qu'ils intéresseront, à l'effet de désigner par eux, d'après ces inventaires, les pièces qui, n'étant pas de la nature de celles que l'article 1er spécifié, pourront leur être communiquées avec déplacement;

5o La note des pièces que les comités désireront sera dressée d'après les numéros de l'inventaire; la demande en sera formée par une délibération du comité, laquelle indiquera ceux de ses membres auxquels les pièces seront remises; ils en donneront le récépissé, veilleront à leur conservation, et les feront remettre aux archives lorsqu'elles ne seront plus nécessaires aux comités. La remise sera en conséquence faite par l'archiviste, aussitôt après la demande, et après néanmoins que les notes et états de demandes auront été communiqués par lui aux commissaires surveillants des archives;

6o Il sera dressé, par les soins des divers comités de l'Assemblée auxquels il a déjà été remis des pièces sorties des archives, des inventaires généraux et sommaires desdites pièces, et ils en feront passer des copies aux archives; à l'égard des pièces qui leur seront envoyées à l'avenir, elles seront exactement inventoriées, et un double de l'inventaire qui sera fait sera déposé, tous les trois mois, aux archives, avec les pièces qui concernent les affaires terminées;

7° Aucune expédition autre que celles qui sont délivrées sous la signature des secrétaires de l'Assemblée, ne sera délivrée qu'avec la signature de l'archiviste ou des commissaires aux archives dans le cas prévu par l'article 5 des décrets des 4 et 7 septembre 1790, et sous le sceau des archives. La recherche, communication, collation des pièces, signature et apposition du sceau, continueront d'être absolument gratuites.

Tel est, Messieurs, le projet que je vous prie de vouloir bien prendre en considération le plus tôt qu'il vous sera possible, afin que l'on travaille à l'inventaire et que les travaux des comités n'éprouvent aucun obstacle.

M le Président. L'Assemblée nationale est convaincue de votre zèle et de vos lumières, elle prendra en considération les vues que vous lui soumettez. L'Assemblée vous rend à vos fonctions.

(L'Assemblée renvoie le mémoire présenté par M. Camus à l'examen de ses commissaires aux archives.)

M. le Président. Messieurs, je reçois une

lettre du curé constitutionnel de Dolus, lle d'Oléron, qui demande à l'Assemblée la permission de se marier. (Rires et applaudissements.) Plusieurs membres : L'ordre du jour! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. le Président. M. de Roustan, dont vous avez décrété l'admission à la barre à la séance du 8 au matin, demande à paraître devant vous. Quelques membres ont réclamé contre ce décret, parce que, d'après les pièces remises par M. le ministre des affaires étrangères, ce colon paraît être inculpé. J'observe à l'Assemblée qu'il conviendrait peut-être de lui épargner les désagréments d'une discussion peu favorable.

M. Bréard. Plusieurs pétitionnaires sont déjà venus en imposer à l'Assemblée mais comme ils ont été admis, je demande la même faveur pour M. de Roustan.

(L'Assemblée, consultée, décide que M. de Roustan sera admis.)

M. de Roustan est introduit à la barre; il s'exprime ainsi :

Messieurs, l'Assemblée nationale a entendu, dans la séance du 7 de ce mois, la lecture qui lui a été faite par un de ses membres, M. Daverhoult, d'un paragraphe du journal connu sous le nom de Correspondance patriotique, dont les auteurs sont plusieurs membres de l'Assemblée constituante, et dont la rédaction est confiée à M. Dupont de Nemours (1). Le fait contenu dans ce paragraphe a paru si important à M. Daverhoult qu'il a prié l'Assemblée nationale de demander au ministre de la marine des éclaircissements qui devenaient essentiels; j'étais présent à cette lecture, et comme il s'agissait de la mission que j'ai remplie aux Etats-Unis, en qualité de coinmissaire de l'assemblée générale, j'ai eu l'honneur d'écrire à M. le Président de l'Assemblée nationale, pour lui demander la permission d'être introduit sur-le-champ à la barre, pour donner à l'Assemblée tous les renseignements qu'elle exigerait.

La discussion sur les colonies qui a terminé la séance n'a pas permis à M. le Président d'occuper l'Assemblée nationale de cet objet sur lequel elle avait déjà prononcé que le ministre s'expliquerait. Ce fait est important, et il doit jeter un grand jour sur la conduite de l'assemblée générale.

Il parait, d'après le compte-rendu par M. Dupont fils, secrétaire de M. de Ternan, à M. Dupont père, que l'assemblée coloniale m'a envoyé auprès du congrés des Etats-Unis, comme ambassadeur, pour traiter individuellement avec cette puissance, et que, de cette démarche adroitement présentée par M. Dupont père, bien connu pour un ami des noirs et par conséquent ennemí des blancs (Murmures), il en résulterait.. M. Brissot de Warville. M. Dupont n'est pas ami des noirs.

M. de Roustan... il en résulterait la preuve du reproche sur lequel nos accusateurs reviennent sans cesse, que nous avons voulu nous rendre indépendants. Je pense, comme M. Dupont, que de toutes les imputations par lesquelles nos ennemis ont cherché, jusqu'à présent, à nous faire un crime de cette indépendance chimérique, la moins absurde peut-être, est l'envoi d'un ministre plénipotentiaire, chargé de traiter directement avec une puissance étrangère comme

(1) Voir ci-dessus séance du 7 décembre, p. 627.

on suppose que j'ai voulu le faire. Eh bien, Messieurs, si je prouve jusqu'à l'évidence, que cette démarche, que les ennemis de la colonie gratifient d'ambassade, loin de pouvoir être inteprétée contre l'assemblée coloniale est au contraire une preuve de son attachement à la colonie; si je prouve que cette nouvelle dénonciation est, comme celles qui vous sont faites tous les jours, une calomnie, l'Assemblée nationale souffrira-t-elle encore que nous soyons plus longtemps les victimes des ennemis de la colonie et de la France?

L'assemblée générale, après s'être assemblée à Léogane, avait fixé le lieu de ses séances au Cap, et s'était ajournée au 25 août. La majeure partie des membres était déjà rendue dans cette ville, dès le 23, époque à laquelle la révolte des noirs s'est manifestée d'une manière effrayante. La rapidité avec laquelle des scélérats portaient partout le feu et la mort, décida cette asssemblée à se former en comité général, pour délibérer sur le parti le plus convenable à prendre dans une circonstance qui devenait chaque jour plus effrayante. Elle résolut de recourir à toutes les puissances voisines, comme ayant les mêmes intérêts. Le choix pour les États-Unis tomba sur moi, et je fis voile du Cap le 26 août. Il est nécessaire de vous donner lecture de la proclamation de l'assemblée générale, et de celle de M. de Blanchelande, lieutenant du gouvernement, que M. Dupont appelle pompeusement des pleins pouvoirs, pour traiter avec les puissances étrangères.

J'ai l'honneur de vous observer, Messieurs, que j'ai déposé copie de ces pièces chez M. dé Ternan, dans les archives de la légation, et que j'en ai exigé une copie revêtue du sceau de cette même légation; la voici :

Extrait des registres de l'assemblée générale de la

partie française de Saint-Domingue.

La partie française de Saint-Domingue se trouve dans la situation la plus déplorable; les habitations sont incendiées, les blancs sont égorgés; ceux qui sont échappés au fer des assassins, sont obligés de rentrer dans les villes et d'abandonner leurs propriétés. Dans cette crise affreuse l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, réunie avec le gouverneur général, considérant que l'attroupement des nègres augmente chaque jour, et que bientôt les habitants seront dans l'impossibilité de se défendre dans le sein même de leurs villes; considérant que le fléau qui dévore la plus importante possession de l'Amérique menace toutes les colonies qui les avoisinent, si elles ne se réunissent pas pour le détruire dans son origine,

"Arrête que toutes les puissances voisines sont instamment priées, au nom de l'humanité et de leurs intérêts respectifs, à donner à la partie française de Saint-Domingue en danger, un secours prompt et fraternel, et à lui envoyer, avec la plus grande célérité, des troupes de ligne et des munitions de guerre et de bouche qui la mettent en état d'arrêter les progrès d'un mal qui ne finirait que par l'anéantissement total des îles de l'Amérique; arrête, en outre, que M. le gouverneur général sera invité de joindre à la présente une adresse particulière aux mêmes puissances voisines pour solliciter leur secours.»

A cet arrêté, Messieurs, est jointe une lettre de de M. de Blanchelande, président de l'assemblée générale, au président des Etats-Unis, ainsi congue:

« Très honorable Président,

« Les maux de Saint-Domingue sont à leur comble. Bientôt cette superbe contrée ne sera plus qu'un monceau de cendres. Déjà les planteurs ont baigné de leur sang la terre que leur sueur avait fertilisée. Le feu consume en ce moment des productions qui faisaient la splendeur de l'Empire français. Les principes destructeurs de nos propriétés ont porté chez nous la flanime et armé le bras de nos propres esclaves. La philosophie, qui fait la consolation des hommes, porte chez nous le désespoir. Dans ce moment de désolation, nous avons promené nos regards sur tout ce qui nous environne. Nous avons trouvé quelque soulagement en songeant aux rapports qui subsistent entre ces Etats de l'Amérique et nous. Nous avons résolu de solliciter de vous des secours; et comptant sur votre attachement, la partie française de Saint-Domingue n'a pas balancé de députer vers vous pour vous engager à donner à cet infortuné pays un secours consistant en troupe et munitions de guerre et de bouche; car la famine désolerait bientôt cette contrée, et vous n'auriez sauvé les habitants du fer que pour les voir succomber à la faim.

« L'assemblée générale a donc choisi, pour vous présenter ses demandes, M. de Roustan, un de ses membres, qui vous remettra cette lettre de créance avec l'arrêté qui le nomme, et la proclamation faite pour solliciter des secours des puissances voisines. Il vous remettra aussi un acte de notre Constitution qui constate notre caractère de représentants légaux de la partie française de Saint-Domingue. »>

Je vais avoir l'honneur de vous donner lecture de cet acte de Constitution parce qu'il est très essentiel.

Extrait des registres de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, siégeant à Léogane; séance du 9 août après-midi.

« L'assemblée constituée purement et simplement, après avoir, dans ses séances des 5, 6 et 8 de ce mois, discuté les bases constitutionnelles, a arrêté et arrête, à la majorité de 66 voix sur 46, qu'elle se constituait légalement en vertu des pouvoirs de ses commettants, en assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. L'assemblée ainsi constituée ne voulant laisser aucun doute sur ses intentions et sur ses principes jusqu'à ce qu'elle ait pu les manifester hautement en s'occupant de la constitution de Saint-Domingue, déclare que, Saint-Domingue étant portion de l'Empire français, elle reconnaît qu'à l'Assemblée nationale seule appartient irréVocablement de prononcer sur les rapports politiques et commerciaux qui unissent SaintDomingue à la France, d'après les plans qui seront présentés par l'assemblée générale; đéclare, en outre, qu'elle met sous sa sauvegarde et sous celle de la loyauté des citoyens, les créances, tant des négociants de France que de ceux des iles; qu'elle maintiendra l'observation des lois qui en assurent le payement dans sa vigueur, et qu'elle provoquera, à cet effet, toute l'influence de l'opinion et de la force publique; invite tous les citoyens à se prémunir contre les impressions défavorables qu'on pourrait leur donner, etc. »>

Vous voyez, Messieurs, que l'assemblée générale, en écrivant au président des Etats-Unis, qu'elle m'avait nommé son commissaire pour

réclamer des secours, annonçait en même temps que je remettrais l'acte de la constitution de l'assemblée générale. Or, que porte cet acte? Vous venez de l'entendre.

Arrivé à New-York, je m'y reposai douze heures, avant de me rendre à Philadelphie, où le congrès réside. Ma seule visite à New-York fut chez le consul de France, M. Laforêt. Ce digne et estimable patriote me donna des avis sur la manière de remplir ma mission, et je réclamerai son témoignage pour constater que je lui ai dit que je me conformerais à tout ce qu'il exigeait de moi, pourvu que je puisse obtenir les services que j'étais venu demander. Je l'engageai très instamment à m'accompagner à Philadelphie, pour m'aider de ses conseils et me diriger dans toutes mes démarches. Il poussa la générosité jusqu'à faire le sacrifice de ses affaires personnelles, pour donner des preuves non équivoques de son attachement à la nation française.

Rendu à Philadelphie, le 15 du même mois, à 10 heures du soir, mon premier soin fut d'écrire à M. de Ternan, ministre plénipotentiaire dont M. Laforêt m'avait appris la résidence. Pénétré de la nécessité d'appeler les plus prompts secours aux maux de Saint-Domingue, M. de Ternan me fit dire par M. de Laforêt qu'il m'engageait à me rendre de suite chez lui, il trouva facilement l'excuse de tout ce qu'avait ma mission d'irrégulier, dans le trouble où le premier moment de la révolte avait jeté les esprits. Au surplus, il m'offrit d'attendre la rentrée du congrès, fixée au 2 novembre, pour m'adresser directement à lui, si je le jugeais à propos. Il prit à notre situation l'intérêt que l'humanité commande. Toutes les démarches auprès des minisires du congrès pour avoir des armes, des munitions de guerre et de bouche, furent faites par lui seul; c'est lui seul qui a fixé les sommes que le ministre des finances a fournies; c'est lui seul qui les a employées, d'après l'état que j'ai signé, en ma qualité de commissaire de l'assemblée générale, état qui a été fait dans son cabinet, et sous sa dictée.

La copie de ma première lettre à l'assemblée générale, que j'offre de remettre sur le bureau de l'Assemblée nationale, pour qu'on puisse la comparer avec l'original, contient la preuve de tous ces faits, celle que j'ai écrite à M. de Blanchelande lui dit expressément que désormais il pouvait s'adresser, pour les demandes ultérieures, à M. de Ternan. Je dois ajouter que la seule visite que j'ai faite à M. le ministre du congrès, a été de l'aveu et accompagné de M. de Ternan.

Quelques jours après les premiers envois, j'appris, par un capitaine parti du Cap le 15 septembre, qu'il avait été impossible à la colonie d'expédier un bâtiment pour la France: j'appris en même temps et le refus des Espagnols, et la réponse du gouverneur de la Jamaïque. Je vis la colonie de Saint-Domingue privée absolument de tous les secours sur lesquels elle comptait pour arrêter l'insurrection, puisque le congrès n'avait point de troupes de ligne; et qu'une des bases constitutionnelles du gouvernement américain empêche que, dans aucun cas, les milices puissent sortir de leur territoire.

Dans l'espoir de faire une courte traversée, je me décidaí à m'embarquer sur un navire qui partait pour Bordeaux, le lendemain des nouvelles venues du Cap, afin de solliciter de l'Assemblée nationale un envoi de forces suffisantes pour arrêter les ravages. J'ai trouvé en cette ville six commissaires arrivés deux jours avant

moi, et notre mission ayant le même objet est devenue commune. J'ai eu l'honneur d'être admis à la barre de l'Assemblée nationale avec eux, et j'ai partagé avec eux les sentiments de reconnaissance que nous a inspiré la réponse de M. le Président, sensible à nos malheurs, et la part que l'Assemblée nationale a paru y prendre. Après avoir donné des éloges à notre patriotisme, elle nous a promis ce que nous avions droit d'attendre, justice, protection et secours.

Nous comptons sur sa promesse solennelle, parce que, nous le répétons, la foi honore les nations; mais combien la route pour obtenir justice est pénible et douloureuse pour nous !

Nos ennemis, que nous avons dénoncés à la nation et à l'univers comme les auteurs de tous nos maux, sont autorisés à exhaler leur rage et leur fiel contre nous. A la veille de se voir découverts, d'être punis de la peine due à leurs forfaits, ils cherchent à éloigner le moment qui doit terminer leurs complots contre les colonies et contre l'Etat, et croyant y parvenir plus sûrement, ils ne balancent pas sur le choix des moyens; la calomnie surtout, leur est une arme très familière ; et nous en trouvons la preuve dans un paragraphe du journal rédigé par M. Dupont, qu'on regarde comme dénonçant un fait très important, et capable de donner un très grand jour sur les vues de l'assemblée coloniale, c'est-à-dire de prouver qu'elle a voulu se rendre indépendante. M. Dupont, dit dans son journal, que je suis arrivé à Philadelphie chargé des lettres de l'assemblée coloniale adressées directement au congrès, et que j'ai pris publiquement le titre de député de la colonie, que j'ai pris cette qualité sans l'autorisation de l'assemblée générale.

Tous ces faits, excepté mon arrivée à Philadelphie sont faux ; et encore dans l'énoncé de mon arrivée se trouve une omission volontaire, et par cela même d'une perfidie bien digne de quelques amis des noirs; c'est que j'étais accompagné du premier représentant de la nation française que j'avais trouvé sur ma route, à qui non seulement je m'étais adressé, mais que j'avais prié de faire le voyage avec moi. Tous ces faits sont contradictoires avec les dépêches de M. de Ternan, qui, trouvant ma mission irrégulière dans la forme seulement, a rendu neanmoins un compte absolument différent de celui de M. Dupont.

Si M. Dupont fils avait écrit comme M. de Ternan; s'il avait annoncé, comme lui, que ma seule démarche avait été auprès du premier representant de la nation française; s'il avait écrit à M. Dupont, son père, et il pouvait le faire d'autant plus facilement qu'en sa qualité de secretaire de M. de Ternan, il était dans le cabinet de ce dernier et, par conséquent, présent à toutes les conversations que j'ai eues avec lui; s'il avait écrit, dis-je, que ma première observation à ce ministre fut que j'étais membre de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue; que cette assemblée, par son acte de constitution, son premier acte, avait déclaré que Saint-Domingue faisait partie de l'Empire français, et qu'à l'Assemblée nationale était réservé le droit de régler nos rapports commerciaux; que le but de ma négociation auprès des EtatsUnis était d'avoir le plus promptement les se cours que sa situation malheureuse exigeait; qu'en conséquence, je lui remettais tous mes pouvoirs dont je le faissais maître; que je me soumettais à tout ce qu'il exigerait de moi,

pourvu que les secours fussent portés; enfin, s'il avait écrit qu'en partant de Philadelphie, M. de Ternan m'avait donné une lettre particulière pour le ministre des affaires étrangères, lettre qui m'a été remise par M. Dupont fils lui-même, lettre par laquelle il dit qu'il a trouvé que ma mission auprès des Etats-Unis ne pouvait mieux finir pour les intérêts de la colonie; que, par mon départ pour la France, afin de donner à M. de Montmorin tous les éclaircissements qu'il pourrait désirer; si, dis-je, il avait rendu compte de tout ce qui s'est passé à Philadelphie pendant mon séjour, il aurait certainement épargné au patriotisme de M. Daverhoult, de vous énoncer, comme un fait très important et capable de jeter un grand jour sur les intentions de l'assemblée générale de Saint-Domingue, un fait qui ne prouve que ses bonnes intentions. Mais il fallait un aliment à la malignité de M. Dupont, ami des noirs... (Murmures.)

Un membre à gauche: Point de déclamations! M. de Roustan... pour appuyer les délations mensongères...

M. Albitte. Monsieur le Président, l'Assemblée a décrété qu'elle n'entendrait désormais que l'extrait des pétitions. Je demande l'exécution de ce décret. (Murmures.)

M. Leremboure. Hier, j'ai ouï dire à cette même barre par M. Garderot que la municipalité du Port-au-Prince avait fait assassiner M. Mauduit. Or, cette municipalité n'existait pas lors de la mort de M. Mauduit. Parmi les premiers officiers municipaux, j'ai eu mon père, et j'ai entendu cette calomnie sans interrompre. Je demande que les autres en fassent autant; on peut bien attendre patiemment la justification d'un homme inculpé.

Un membre: Il est indécent d'interrompre.

M. de Roustan. Mais il fallait un aliment à la malignité de M. Dupont, ami des noirs, pour appuyer les délations mensongères qui ont profané la tribune de cette Assemblée auguste. Impossibles ou absurdes toutes les combinaisons paraissent bonnes aux méchants pourvu qu'ils puissent les présenter avec une apparence de raison.

Je dis impossibles ou absurdes parce que quand l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue aurait su qu'il y avait, auprès des Etats-Unis, un représentant de la nation française, cela n'aurait rien changé, ni à la proclamation, ni à la lettre pour le président des Etats-Unis; elle aurait seulement chargé son commissaire d'une lettre pour le ministre, afin d'appuyer la réclamation de cette colonie, qui demandait des secours aux EtatsUnis, et non au ministre plénipotentiaire de France près des Etats-Unis. Elle n'aurait donc, dans aucun cas, pu regarder ce ministre que comme un intermédiaire, comme un préposé peut faire valoir la proclamation par laquelle une colonie française, dans une position aussi critique, demandait du secours à une puissance voisine.

Ainsi donc, la sagesse de M. Dupont, si fort exaltée par M. Daverhoult, ne l'a conduit qu'à apprendre au public que les avis que monsieur son fils, secrétaire de M. de Ternan, lui donne de ce qui se passe dans le cabinet de ce ministre, ne méritent aucune espèce de confiance. (Murmures.)

Au surplus, il faut avoir une envie bien dé

mesurée de trouver des coupables, pour supposer que l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue écrivant à la lueur des Incendies qui brùlaient les propriétés de la majeure partie des membres qui la composaient, étourdis des cris des victimes qui tombaient sous le fer des assassins, a pu manquer à une formalité à laquelle elle n'était pas rigoureusement tenue, sans qu'on l'accuse de vouloir se rendre indépendante, parce qu'elle a crié au secours à des personnes qui étaient à portée de l'entendre.

Vous pouvez juger du prix des accusations portées contre les colons blancs de Saint-Domingue, par celle sur laquelle j'ai été obligé de donner l'Assemblée l'explication qu'elle vient d'entendre, vous pouvez juger par la nature de la démarche que j'ai faite aux Etats-Unis, et par la manière perfide avec laquelle elle est rendue par M. Dupont de Nemours, si la calomnie n'est pas la seule arme de nos ennemis.

L'assemblée générale, vous a-t-on dit, a voulu traiter de puissance à puissance avec les EtatsUnis, elle lui a envoyé un député; donc elle a voulu se rendre indépendante. Comme si toutes les pièces dont j'étais porteur et surtout la lettre du président de l'assemblée générale au président des Etats-Unis ne disaient pas formellement que le premier titre pour justifier ma qualité et celle des colons qui m'envoyaient, était l'acte de constitution contenant la profession de foi de l'assemblée générale et sa déclaration que Saint-Domingue fait partie de l'Empire fran

çais.

Est-il possible de supposer, pour chercher à rendre la colonie indépendante, qu'on m'avait expressément chargé d'une délibération des colons, qui prouvait authentiquement qu'ils venaient de reconnaître cette colonie comme faisant partie de l'Empire français. Mais par quelle fatalité toutes nos démarches sont-elles regardées comme suspectes? par quelle fatalité sommes-nous obligés de nous justifier, nous qui sommes les victimes, tandis que les inculpations hasardées de nos ennemis, je pourrais dire de nos bourreaux, sont regardées comme des vérités incontestables! De quel droit M. Brissot et tous ceux des membres de l'Assemblée nationale..... (Murmures et exclamations.)

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M. de Roustan. Comment se fait-il que lorsque nos ennemis ne donnent aucunes preuves de ce qu'ils avancent, nous qui offrons des preuves, nous soyons obligés de justifier ce que nous avons dit? A quel excès de désespoir ne portera pas nos infortunés commettants, ce compte que nous leur devons de tout ce qui a été dit dans vos discussions? Quelle confiance leur inspirera un journaliste qui imprime des choses comme celle-ci? (Ici, M. de Roustan cite quelques extraits d'un journal.) Ce journal est signé Condorcet.

M. Ducastel a déployé toute sa logique (Murmures prolongés.) pour prouver que le décret du 24 septembre, soit qu'il fût constitutionnel ou purement législatif, devait être respecté; que le roi constitutionnel lui-même ne pourrait se permettre de le suspendre. Il a rappelé ces mots célèbres inutilement prononcés dans l'Assemblée constituante: «Périssent les colonies plutôt que de sacrifier un seul principe. » Inutilement prononcés, c'est-à-dire que le vou, que le désir de l'auteur de ce paragraphe serait que ces mots n'eussent pas été une vaine et stérile déclamation. Inutilement prononcés! Je croirais blesser la délicatesse de l'Assemblée nationale, si je cherchais à commenter ces paroles. (Murmures prolongés.)

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Qu'il me soit permis, pour dernière observation, de disculper les colons blancs de SaintDomingue d'une accusation aussi peu fondée que toutes les autres qui leur ont été faites à votre séance du 3 de ce mois. On nous a dit que nous reprochions avec indécence peut-être à un ami de l'humanité d'avoir dit : Périssent les colonies; » on nous a dit que nous disions nousmêmes « Périssent les colonies plutôt que de consentir à accorder l'état politique aux gens de couleur. Ce blasphème, Messieurs, n'a jamais été que dans la bouche de nos ennemis. Nous avons dit, et nous dirons jusqu'au dernier moment, que si l'Assemblée nationale voulait s'occuper de faire des lois qui étaient réservées aux assemblées coloniales, nous avons dit et nous le répétons, que les colonies périraient. Cette prédiction fondée sur l'expérience, ne s'est que trop malheureusement vérifiée.

Représentants du peuple français, vous venez d'entendre la vérité que je vous ai présentée sans ornements, parce qu'elle n'en a pas besoin. Je crois vous avoir prouvé que toutes mes démarches sont celles d'un bon citoyen, d'un bon Français. (Murmures et interruptions.) S'il Vous restait quelque doute encore, si ma conduite peut être encore suspectée, je dois être regardé comme un des membres de l'assemblée coloniale; si après avoir concouru comme eux, en donnant ma voix, à ce qu'on fit une démarche pour rendre la colonie indépendante, j'ai été encore l'instrument dont on s'est servi pour exécuter cet abominable projet. Messieurs, je ne vous dirai pas avec une tournure de phrase mé

ditée dans le silence du cabinet, et amenée tout exprès pour exciter la sensibilité et pour attirer des applaudissements, que je marcherai à l'échafaud, si on peut me prouver une démarche criminelle; mais je le dis sans crainte et avec la confiance d'un homme sans reproche; si vous l'ordonnez, je me rends en sortant de cette enceinte dans les prisons de la haute cour nationale, et je prends le même engagement au nom de mes collègues. Que nos accusateurs s'y rendent aussi, et que ceux qui seront jugés coupables ou de trahison ou de calomnie, n'en sortent que pour subir le supplice destiné aux uns comme aux autres! (Applaudissements.)

M. le Président, répondant à M. de Roustan. L'Assemblée nationale examinera avec soin les explications que vous venez de lui présenter; elle vous invite à assister à sa séance.

M. Merlin. Je demande la parole. L'Assemblée nationale a refusé les honneurs de la séance à M. Rovère, député d'Avignon...

Plusieurs membres : L'ordre du jour!

M. Merlin... et vous admettriez un particulier qui vient calomnier les membres de cette Assemblée! Je ne sais si l'Assemblée sera de mon avis, mais j'aurai du moins la gloire de m'être opposé à l'admission de M. de Roustan... (Murmures prolongés.)

Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. Fauchet, secrétaire. Voici une lettre de la municipalité de Caen, qui en envoyant diverses pièces relatives à l'affaire du 5 novembre, annonce qu'elle aura un dernier envoi à faire.

J'observe à l'Assemblée que la dernière fois j'avais fait la motion que les personnes détenues au secret pussent voir leurs parents. On a passé à l'ordre du jour sous le prétexte que cela était dans la loi, et cependant les raisons sur lesquelles ce décret était motivé n'ont pas paru suffisantes aux officiers municipaux pour les autoriser à ne plus tenir au secret les prisonniers. Je demande, en conséquence, que l'Assemblée veuille bien s'expliquer d'une manière plus précise et autoriser directement la municipalité à permettre à ces prisonniers de communiquer avec leurs parents.

Un membre: Je demande que le comité de législation soit autorisé à écrire à ce sujet à la municipalité de Caen.

M. Bigot de Préameneu. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour en le motivant sur l'exis tence et les dispositions de la loi, qui veut que les prisonniers qui ont subi leur interrogatoire, ne soient point tenus au secret; et qu'à moins d'une ordonnance expresse du juge, les officiers civils puissent permettre aux parents et amis des prisonniers de communiquer avec eux. (Appuye! appuye!)

L'Assemblée décrète la motion de M. Bigot de Préameneu.)

M. le Président. L'ordre du jour appelle l'Assemblée dans ses bureaux pour y procéder à la nomination d'un Président.

Un membre: Je demande que cette élection soit renvoyée à demain et que l'Assemblée entende en ce moment le rapport du comité colonial. (L'Assemblée adopte cette motion.)

M. le Président. L'ordre du jour appelle le rapport du comité colonial sur les troubles de SaintDomingue.

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