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présente loi. Ce droit leur sera refusé s'ils se sont rendus coupables de refus de travail, de vol et de marronage; dans ce cas ils seront forcés de recommencer leur temps. Les nègres nouveaux seront libres et affranchis sous les mêmes obligations après huit ans, à compter de leur premier achat de traite. A cette époque ils seront obligés de travailler ou à leur propre compte ou à la journée. Le prix de la journée sera de 6 francs argent des colonies avec la nourriture. Dans les villes le prix de la journée ne sera pas fixé, mais la municipalité sera tenue de limiter le nombre des nègres de fatigue, en sorte que le commerce ne souffre pas, et que les nègres de la campagne ne refluent pas dans les villes.

« Art. 11. Sera la présente loi publiée avec appareil dans toutes les villes, bourgs et églises, pendant trois jours consécutifs, par les ordres des commissaires pacificateurs envoyés à cet effet dans les colonies d'Amérique, îles de France, de Bourbon et autres possessions.

Art. 12. Après les trois premières publications, les commissaires pacificateurs convoqueront une assemblée de nègres esclaves en place publique, ils leur annonceront, en présence des gardes nationales et troupes de ligne, l'intérêt que l'Assemblée nationale prend à tout ce qui peut faire leur bonheur. Ils leur recommanderont l'obligation du travail et leur feront prêter solennellement le serment d'obéissance aux lois.

« Art. 13. Les nègres révoltés de Saint-Domingue et autres lieux, qui retourneront à leurs ateliers dans l'intervalle de cinq jours, à compter de la première publication, seront absous et pardonnés en vertu de l'amnistie qui leur est accordée par la présente loi. Sont exceptés de l'amnistie ceux qui se sont rendus coupables d'assassinat.

« Art. 14. Les révoltés qui, après le délai des cinq jours, ne seront pas rentrés dans leurs ateliers, ne pourront plus prétendre à la grâce de l'amnistie, et subiront leur jugement selon les lois. »

P. S. Comme les connaissances locales sur cette matière manquent au plus grand nombre des membres de l'Assemblée, je les prie instamment de donner une attention particulière à ce projet de loi, d'y remarquer son extrême simplicité, le balancement et le rapport de toutes les convenances du maître, de l'esclave et du bien général des colonies.

Cette loi rend les maîtres et les esclaves tellement dépendants de leur bonne conduite réciproque que s'ils s'écartent des principes de l'équité et du devoir, leurs intérêts les plus chers sont déjà frustrés avant même l'application de la loi par jugement. Les trois grands défauts des esclaves, le refus de travail, le vol et le marronage y sont prévenus par l'éloignement de la plus plus précieuse de leurs espérances, l'époque de leur affranchissement; de manière que les maitres sont assurés d'avoir pendant huit ans une assiduité si complète du travail de leurs esclaves que les résultats leur équivaudront au double du nombre dans l'état actuel de contrainte. Eh! que peuvent désirer de plus les colons? s'ils sont justes, s'ils calculent bien leurs intérêts et leur sûreté individuelle, ils seront les premiers à invoquer cette loi. Qu'ils ne se bercent pas plus longtemps de la possibilité de maintenir l'esclavage avec toutes les horreurs dont ils l'ont accablé jusqu'à ce jour.

10 décembre 1791.

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du jeudi 10 décembre 1791, au soir. PRÉSIDENCE DE M. LEMONTEY.

La séance est ouverte à six heures. Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :

1° Adresse du département du Puy-de-Dôme, ayant pour objet le dégrèvement des impositions. (L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de l'ordinaire des finances.)

2° Lettre de M. Duport, ministre de la justice, qui envoie à l'Assemblée la note des décrets présentés à la sanction (1).

3° Lettre de M. de Narbonne, ministre de la guerre. qui transmet à l'Assemblée un état des employés d'artillerie avec leurs appointements. Cette lettre est ainsi conçue :

Paris, le 9 décembre 1791.

« Monsieur le Président,

« Mon prédécesseur a envoyé à l'Assemblée nationale constituante, le 16 septembre, l'état sommaire des différents employés d'artillerie. Sa séparation l'ayant empêchée de s'en occuper, j'ai l'honneur de vous en adresser un nouveau avec celui de leurs appointements que je propose de leur conserver, montant à la somme de 174,590 livres par an. J'y ai joint à l'appui un état détaillé qui vous présentera le traitement actuel de chaque employé; celui que je propose est la différence. L'économie qui en résultera sera de 16,048 livres. « Je suis avec respect, etc.

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(L'Assemblée renvoie l'adresse et les états au comité militaire.)

4° Adresse des citoyens d'Ornans, département du Finistère, qui félicitent l'Assemblée du décret contre les émigrants et du décret contre les pretres réfractaires : ils se plaignent de la négligence des administrateurs à réprimer les perturbateurs et accusent les conseils perfides qui ont provoqué le veto du roi sur celui contre les émigrants. Les lettres du roi aux princes émigrés ne leur paraissent être que de la poudre jetée aux yeux du peuple, et le décret contre les prêtres ne leur parait pas encore assez sévère. (Applaudissements.) Ils prient l'Assemblée de réduire le nombre des Couvents de religieuses, dans lesquels il se fait continuellement des rassemblements qui nuisent à la tranquillité publique.

Plusieurs voix: Mention honorable!

M. Laureau. L'Assemblée nationale doit assortir ses démarches à sa dignité : la mention honorable qu'elle fait d'une adresse, d'une pétition ou d'un ouvrage doit être un éloge flatteur, une récompense; il est aussi politique que juste d'assurer à cet acte toute la gloire qui y est attachée, si on veut qu'on en fasse un point d'honneur vers lequel on se dirige. Si on prodigue, au contraire, cette mention honorable, si flatteuse jusqu'ici

(1) Voy. ci-après aux annexes de la séance, page 729, la note des décrets présentés à la sanction.

pour ceux qui l'ont obtenue, elle tombera dans l'avilissement, et nous perdrons avec elle un des principaux mobiles de la vertu et du mérite; or, l'adresse dont il s'agit ici, sage dans quelques endroits, n'a pas le même ton de prudence dans tout son contenu, et ne mérite pas un honneur destiné aux ouvrages remarquables par leurs lumières ou leur modération.

(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse des citoyens d'Ornans au procès-verbal.)

5o Pétition du sieur Charles - Guillaume Vial, d'Alais, colonel d'infanterie, qui demande une pension.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraordinaire des finances.)

6° Adresse des citoyens de la ville d'Angoulême, souscrite de 589 signataires, qui félicitent l'Assemblée sur son décret contre les émigrants, se plaignent du veto que le roi y a apposé, et engagent l'Assemblée à prendre contre les rebelles des mesures rigoureuses, en se hâtant de lancer contre eux le décret d'accusation; cette adresse est ainsi conçue :

« Législateurs,

« Nous avons applaudi, ainsi que tous les bons citoyens, au décret que vous avez rendu contre des Français indignes de ce nom, puisqu'ils sont assez lâches pour déserter leur poste quand la patrie est en danger ou qu'ils sont assez coupables pour aller aiguiser les poignards avec lesquels ils se proposent de venir déchirer son sein, et forger des chaînes pour des hommes qui ont fait vœu de vivre libres ou de mourir.

«Nous avons gémi de voir ce décret frappé de nullité par un veto que la Constitution permet suspensif, mais qui, dans les circonstances actuelles, a des effets véritablement absolus. Le roi, sans doute, s'est flatté que des ménagements et les voies de la douceur feraient promptement rentrer dans le devoir les hommes qu'il a cru seulement égarés; l'événement prouve qu'il s'est trompé; déjà, probablement, if reconnaît son erreur, et va bientôt laisser un libre cours à la sévérité des moyens que vous avez cru devoir employer pour le salut public.

« Cependant, si la bonne foi de Louis XVI, à laquelle nous nous plaisons de rendre hommage, nous inspire de la confiance, nous ne sommes pas de même rassurés sur la nature des conseils qu'il peut recevoir, et nous ne pouvons pas nous flatter que les écueils aient cessé d'environner le trône; c'est à vous, législateurs, qu'il appartient de prévoir les dangers et de les éviter; prévenez surtout les funestes effets d'une coalition coupable entre les principaux agents du pouvoir exécutif et les Français émigrés. On ne peut plus se dissimuler leurs véritables sentiments; leurs projets et leurs complots ne sont plus un mystère; ils sont altérés de sang, ils brûlent de répandre celui de leurs concitoyens, ils ne cherchent qu'une occasion favorable pour exécuter leurs abominables desseins. Déjouons-les, Messieurs, vous, par votre prudence, et nous par notre courage. Hâtez-vous de prononcer contre ces ennemis de la patrie, le décret d'accusation qui ramènera bientôt parmi nous ceux dont le crime est dans la faiblesse ou dans la séduction, et qui marquera enfin les victimes que le glaive de la loi devra immoler, et si ces monstres que l'on devrait proscrire de dessus la terre entière trouvent encore un refuge et un appui chez nos voisins, alors dépositaires de l'honneur des Français, interprètes

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« J'ai l'honneur de vous envoyer une lettre par laquelle les administrateurs du département des Côtes-du-Nord demandent que leur session actuelle soit prolongée de 15 jours au delà du terme qui leur est fixé. Comme il ne paraît pas qu'aucune loi donne au pouvoir exécutif la faculté d'accorder cette prolongation, ainsi que je l'ai observé sur une pareille demande des administrateurs du département du Calvados, que j'ai déférée à la sagesse de l'Assemblée nationale, je ne puis que lui soumettre également les motifs du département des Côtes-du-Nord. « Je suis avec respect, etc.

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Un membre: J'observe que cette pétition a le même objet que celles faites par le département du Calvados et celui des Bouches-du-Rhône. Je demande que le décret qui sera rendu pour ces deux départements soit commun à celui des Côtes-du-Nord.

(L'Assemblée adopte cette motion et ordonne que le comité de division lui fera le rapport de ces pétitions pendant la séance.)

8° Pétition des citoyens de la ville du Saint-Esprit, qui demandent que leur cité soit conservée comme chef-lieu du district.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de division.)

9o Pétition des citoyens de Villefranche tendant, conformément à l'arrêté du conseil de département, à l'acquisition de bâtiments nationaux, à l'effet d'y placer l'administration et le tribunal. (L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraordinaire des finances.)

10° Adresse des citoyens des les Saint-Pierre et Miquelon.

(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité colonial.)

11° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui annonce que le calme étant rétabli à Arles, les commissaires qui y ont été envoyés par le roi demandent d'être rappelés.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des pétitions avec plusieurs pièces relatives à l'affaire d'Arles.)

12° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, sur la commune d'Aix qui réclame des

secours.

13° Lettre de M. Cahier de Gerville, ministre de l'intérieur, qui fait part d'une lettre du procureur général syndic du département du Gard qui demande des secours pour les campagnes ravagées par le débordement du Rhône.

(L'Assemblée renvoie ces deux lettres au comité des secours publics.)

14° Adresse des administrateurs du district de Clermont-en-Argonne qui félicitent l'Assemblée de son décret contre les émigrés et contre les prêtres perturbateurs; cette adresse est ainsi conçue :

« Législateurs,

« La nation française vous a confié la défense de sa liberté, elle a mis dans vos mains la destinée de 25 millions d'hommes; elle a reposé sur vous l'esprit de la génération présente et celui de la postérité. Vos premiers pas dans cette vaste et pénible carrière lui annoncent que vous êtes dignes, par votre courage, de représenter le premier peuple libre de l'univers. Vous avez fait ce que tous les Français attendaient de vous contre cette horde de brigands assemblés pour détruire notre Constitution, par ceux-mêmes que cette Constitution comble de faveurs et de bienfaits; et si les mesures que votre sagesse vous a dictées ne sont pas suivies, la faute n'en sera imputée qu'à ceux qui refusent de les exécuter. Vous venez enfin de couper la dernière tête à cette hydre de superstition qui ne voulait profiter que pour renverser les lois, éteindre le flambeau de la raison et nous redonner des fers. Maintenant, nous attendons avec une impatience mêlée de crainte, la sanction de ce salutaire décret, de ce décret sans lequel nous allons voir renouveler, dans toutes les parties de l'Empire, les scènes sanglantes, les atrocités dont le fanatisme a trop souvent souillé les époques de notre histoire.

Non, le monarque placé sur le trône par la loi constitutionnelle, qui a pu voir parmi nous l'amour ardent des Français pour la liberté et la Constitution, qui naguère a reçu de toute la France des témoignages d'affection si touchants, lorsqu'au milieu de votre auguste enceinte, il est venu accepter et jurer le maintien de la Constitution; non, le chef de cet Empire n'écoutera point les perfides conseils des ennemis du bien public, qui sont et doivent être les siens. Il n'arrêtera point l'exécution d'une loi commandée pour le salut du peuple, la première, la suprême foi; non, il ne se séparera pas de la nation sans laquelle il n'est rien. Il ne voudra plus faire contre la nation l'essai d'un pouvoir qui ne lui a été confié que pour elle; il ne portera plus ses regards au delà de nos frontières que pour dissiper les rassemblements et en punír les auteurs, quels que soient les coupables.

Ici commencent ses obligations; les vôtres sont remplies. Recevez, législateurs, si dignes de remplacer les auteurs de notre liberté et de consommer leur ouvrage immortel, recevez, par notre hommage, celui des citoyens de la subdivision de l'Empire, dont l'administration nous est confiée. Si dans une grande circonstance leur courage et nos efforts ont été honorés de l'approbation de vos prédécesseurs, nous vous assurons aujourd'hui que l'ardeur de nos concitoyens augmente, en proportion des menaces et des projets de nos ennemis, et nous vous jurons que chaque jour verra redoubler notre amour pour la liberté, notre zèle pour le maintien de la Constitution, notre soumission à la loi, comme

chaque jour vos travaux vous acquerront de nouveaux droits à notre reconnaissance et à l'admiration de la postérité.

«Signé Les administrateurs composant le directoire du district de Clermont au département de la Meuse. »

15° Compte rendu par les administrateurs du district de Clermont-en-Argonne de leurs travaux pour la répartition des impositions.

(L'Assemblée décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)

16° Lettre de M. Papillon, commandant de la gendarmerie nationale, qui envoie une pétition de plusieurs officiers du même corps pour l'interprétation de la loi sur la formation de la gendarmerie.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)

17° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire, sur la réclamation des receveurs qui ont eu des assignats dont les valeurs n'étaient pas exactement exprimées dans les lettres d'envoi.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des assignats et monnaies.)

18° Lettre de M. Delessart, ministre des affaires étrangères, sur les prétentions de la ville de Mulhausen, enclavée ci-devant dans la province d'Alsace, dans le département du Haut-Rhin; cette lettre est ainsi conçue :

« Monsieur le Président,

«La ville et la citadelle de Mulhausen, enclavée dans l'ancienne province d'Alsace, qui composent actuellement le département du HautRhin, considérant les changements qui résultaient pour son commerce, du reculement des barrières aux extrémités du royaume, a demandé au roi de fixer, par une convention, la manière dont elle pourrait à l'avenir faire son commerce, tant à l'intérieur qu'avec l'étranger. Le roi a jugé à propos d'avoir égard à la demande d'une ville unie au corps helvétique; la convention a été signée par les commissaires respectifs, après que tous les articles qu'elle renferme ont été discutés dans les comités de l'Assemblée constituante.

Pour me conformer à l'Acte constitutionnel, relatif aux engagements contractés par le roi avec les puissances étrangères, j'ai l'honneur de vous envoyer copie de cette convention. Je vous serai obligé de faire en sorte qu'il en soit rendu compte à l'Assemblée nationale, afin qu'elle la ratifie, l'état de Mulhausen ne pouvant demeurer plus longtemps incertain sans porter un grand préjudice aux habitants et même aux Français qui l'avoisinent.

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Je suis avec respect, etc.

« Signé : DELESSART. » (L'Assemblée renvoie cette lettre et la convention aux comités diplomatique et de commerce réunis.)

19° Lettre de M. Benoy, curé de Saint-Laurent de Paris, contenant un désaveu des sentiments imputés dans les papiers publics aux prêtres de cette paroisse; cette lettre est ainsi conçue:

« Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur de vous adresser un désaveu de Messieurs les ecclésiastiques de la communauté de Saint-Laurent, au sujet d'une dénoncia

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10° Lettre du tribunal du district de Chaumont, département de la Haute-Marne, qui informe l'Assemblée qu'il a condamné à être lacéré et brûlé un catéchisme ayant pour titre : Instruction familière sur la religion à portée des habitants des compagnes, comme séditieux et attentatoire à la tranquillité publique, il en a défendu la distribution et a ordonné la poursuite de ses auteurs. Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal.

M. Gérardin. Je m'oppose à la mention honorable parce que ce tribunal a attenté à la liberté de la presse.

(L'Assemblée, consultée, décrête la mention honorable au procès-verbal de la conduite du tribunal du district de Chaumont.)

21° Pétition de la municipalité de Digny, district de Châteauneuf, département d'Eure-et-Loir, sur les biens de fabriques.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraordinaire des finances.)

22° Adresse des citoyens de la ville de Lorient, qui félicitent l'Assemblée de son décret contre les émigrés; cette adresse est ainsi conçue :

Lorient, 2 décembre 1791, l'an troisième de la liberté.

<< Législateurs français,

Les citoyens de la ville de Lorient ne voient pas sans éprouver la plus vive satisfaction, l'énergie que vous déployez dans ces moments de crise; votre bon décret sur les émigrants est conforme au vœu des véritables patriotes. Ils savent qu'il existe dans la société deux crimes qui encourent la peine de mort la trahison et l'assassinat.

«Or, toute la France ne peut ignorer les intentions homicides de ces parjures; ce sont des traîtres qui méditent le massacre et la ruine d'une nation dont ils ont fait partie. Ce sont des Catilina; donc, votre décret est juste et nous l'admi

rons.

D

» Quelques malintentionnés s'efforcent en vain. de prejuger l'opinion de tout un peuple qui n'aperçoit dans la conduite de ces vils transfuges que la rage et le désespoir des tyrans détrònés qui rassemblent le reste de leurs forces pour lui forger de nouveaux fers; mais tous leurs efforts sont impuissants. La liberté est le cri des Français régénérés; que ces perfides qui calculent froidement les maux dont ils tentent d'affliger leur patrie, tremblent eux-mêmes à l'aspect d'une armée de patriotes. Le jour des vengeances approche; ils tomberont sous le glaive des lois oùtragées.

Que la même fermeté vous anime constamment; ayez toujours devant les yeux la majesté du peuple; rappelez-vous sans cesse que vous êtes les mandataires d'une nation libre, et que tant que vous réprimerez les insultes faites à sa souveraineté, son cœur et ses bras vous seront entièrement dévoués. Croyez qu'elle est prête à épuiser tout le sang qui coule dans ses veines

pour le maintien des lois qui assurent sa liberté.

« Courage, législateurs, conservez votre grand caractère, et continuez de mériter notre estime, notre amour et notre reconnaissance.

Signé Les citoyens libres de la ville de Lorient.»

Un membre: Le renvoi au département de Paris!

Plusieurs membres : Mention honorable et insertion au procès-verbal !

(L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention honorable.)

23° Pétition des citoyens de la ville de Lorient, relative au licenciement des troupes coloniales. (L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)

24° Adresse de plusieurs citoyens de la section de la halle au blé de Paris (1) relative aux décrets contre les émigrants et contre les prêtres réfractaires. Ils dénoncent les ministres comme cherchant à égarer le peuple et à discréditer l'Assemblée nationale, et se plaignent du veto apposé par le roi au décret contre les émigrants; cette adresse est ainsi conçue:

Représentants du peuple français,

Au mois de juillet 1789, une armée assiégeait la capitale et Versailles; une artillerie nombreuse menaçait nos foyers, une garde formidable assiégeait le sanctuaire de la liberté; la ville aux 800,000 habitants s'est agitée, les piques immortelles ont paru, et les armes du despotisme, comme la fumée chassée par un vent impétueux, ont disparu.

« Revenu de son premier effroi, le despotisme a voulu fatiguer la confiance du peuple, et depuis bientôt 3 ans les plus abominables mancuvres ont été employées pour anéantir cette redoutable énergie; mais, sûr de sa force, la Déclaration des droits dans le cœur, appuyé sur ses armes, le Français a conjuré toutes les tempêtes et le calme terrible du 21 juin a dù convaincre enfin les amis de l'ancien régime, que jamais la force ne pourra le faire ressusciter.

Depuis le 21 juin, une tactique nouvelle et machiavélique a été employée. On a voulu faire perdre à l'Assemblée nationale la confiance du peuple. Ce projet infernal n'a été que trop bien secondé par des gens dont l'opinion publique a fait justice, par des gens qui, redoutant l'égalité comme le néant, ennemis de la liberté, de la nation, du roi, ennemis même des ministres, n'aiment qu'une chose au monde : le ministère. C'est par les intrigues de ces ambitieux qu'il est arrivé que le peuple se demandait avec inquiétude quel serait donc le terme des travaux de l'Assemblée constituante; ce sont leurs mains sacrilèges qui ont essayé de flétrir les lauriers immortels dont la patrie reconnaissante avait couronné les héros qui avaient juré au Jeu de Paume.

Législateurs, lorsque le vaisseau de l'Etat vous a été confié, cet amour pour la liberté, cette énergie qui ont fait les miracles de 1789, soutenaient notre courage; mais le ministère n'apercevant plus cet enthousiasme qu'avaient exigé les premiers moments de la Révolution, le ministère a cru, sans doute, que l'esprit public était

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Pétitions, tome I, no 11.

perdu; il a pensé que le moment était favorable pour mettre à exécution sa nouvelle théorie. Il a essayé de prendre sur vous cet ascendant que, dans ses beaux jours, l'Assemblée constituante avait toujours conservé sur lui; il a calculé votre inexpérience et son astucieuse habileté; il compta peut-être sur quelques intelligences, et il ne craignit pas de se montrer à découvert.

« Alors parurent ces placards qui dévouaient à la haine, à la fureur du peuple, les amis de la liberté constitutionnelle; alors une bande d'écrivains mercenaires, une foule d'intrigants couverts du masque de l'impartialité, toutes les sangsues de l'ancien régime, les ridicules spadassins d'outre-Rhin, les lâches flagorneurs d'outremer se prosternant au pied du trône, ne demandèrent rien moins que la dissolution de la législature et la dictature pour le roi. Alors disparut entièrement le numéraire, et une disette inconcevable, après deux années d'abondance, menaça, à l'entrée de l'hiver, et la capitale et l'Empire. Alors le ministère, affectant une sécurité profonde sur les desseins des princes de l'Europe, voulait attirer tous les regards, toutes les inquiétudes sur les menaces du magnifique seigneur le Dey d'Alger. Dans le même temps, on négligeait la défense des frontières, l'armement des gardes nationales, le remplacement des officiers. Des nouvelles sûres, cependant, annonçaient des projets d'une invasion prochaine; dans le même temps une confédération inouïe de tous les tyrans contre un peuple libre qui a juré la paix à l'univers, une confédération avouée officiellement par la Suède et l'Espagne, le fanatisme secouant ses flambeaux, aiguisant ses poignards dans les 83 départements, les ministres accablant chaque jour l'Assemblée de nouvelles exagérées de séditions, de meurtres, de combats, Saint-Domingue en feu, Avignon inondé de sang, une attaque épouvantable au dehors, au dedans tous les feux de la guerre civile, poussés par le fanatisme et l'ambition, semblaient annoncer la dissolution, les derniers jours de ce bel Empire. Dans d'aussi déplorables circonstances, il eût suffi à votre gloire de n'avoir pas désespéré du salut de la chose publique.

«C'est dans ces mêmes circonstances, que vous avez déployé une énergie digne des grands inté rêts qui vous sont confiés. Vous avez cherché la racine du mal, vous l'avez trouvée dans la longue impunité accordée aux conspirateurs du dehors et du dedans. Un décret longtemps attendu, digne de la majesté du peuple, lancé par vous, allait atteindre et soudoyer dans leurs asiles ces brigands dans les projets desquels on ne sait ce qu'on doit admirer le plus, de l'impudence ou de la férocité.

« Pour la première fois le restaurateur de la liberté française a fait usage du veto, et c'est pour sauver les conspirateurs.

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Représentants de la nation, nous avons toujours cru que le veto accordé au roi ne pouvait que suspendre un décret et jamais l'anéantir; et cependant dans la circonstance, le roi ne suspend point, il anéantit la loi. Le veto devient absolu, ce n'est plus un appel au souverain, le roi se met à sa place, il usurpe son autorité, et le veto de la Constitution n'est plus qu'une lettre de cachet.

Ce n'est pas tout par une proclamation, le roi veut suppléer la loi (1); il y reconnaît le dé

(1) Voir ci-dessus ce document aux annexes de la seance du 16 novembre 1791, page 103.

lit, l'attentat des rebelles, et, sacrifiant l'intérêt du peuple à des intérêts qui lui sont plus chers, il dévoue des millions de citoyens pour sauver deux hommes dont il avoue les forfaits. Ce trait rappelle cet autre plus étrange, contenu dans la lettre écrite par le roi à l'Assemblée constituante, le 13 septembre 1791. Dans cette lettre, il demande naïvement si l'on peut regarder comme coupables ceux qui n'ont été déterminés que par leur attachement pour lui. Ainsi, dans l'esprit de ceux qui ont dicté cette lettre, les projets des princes, leurs attentats, nos campagnes ravagées, nos frères égorgés, ne seront plus des forfaits; ces atrocités pourront devenir des vertus, si elles ne sont déterminées que par attachement pour le roi.

« Nous ne donnerons pas aujourd'hui de suite à ces réflexions. Nous garderons sur ce veto le silence prudent et religieux que l'Assemblée parait s'être imposé. Le jour approche où l'on pourra peut-être agiter à cette occasion de grandes questions, où, la Constitution à la main, on pourra en agiter d'autres auxquelles les circonstances actuelles ont déjà donné naissance, ou qui pourront naître de l'immense responsabilité dont le roi s'est grevé gratuitement.

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Aujourd'hui, nous devons vous dire que votre conduite ferme et prononcée, que le nouveau décret par lequel vous frappez les prêtres conspirateurs, que celui par lequel vous sommez le pouvoir exécutif de déployer enfin, aux yeux de l'Europe, la dignité nationale, vous assurent la confiance et les bénédictions du peuple. Laissez siffler autour de vous les serpents de l'intrigue et de la calomnie; marchez, forts de votre conscience, forts des grands intérêts que vous avez à défendre, forts de notre confiance et de toute la puissance de la nation. Peut-être un nouveau veto conservera les prêtres conspirateurs dont les intérêts sont si intimement liés à ceux des princes, n'en soyez pas ébranlés. Il est découvert le système des ennemis de la Révolution. Ils veulent fatiguer le peuple par des inquiétudes, l'écraser par les dépenses, suites des mesures lentes qu'ils aiment, qu'ils ont toujours adoptées, de ces mesures lentes qui ont fait couler des ruisseaux de sang dans les colonies, dans Avignon, qui font reprocher à la Révolution des atrocités dont ses féroces ennemis sont seuls coupables. Déjouez par votre fermeté tous ces projets d'outre-Rhin qui tendent à ramener le peuple à l'esclavage par la lassitude. Rendez au nom français son antique dignité : esclaves on nous craignait, libres qu'on nous respecte. N'abaissez pas vos regards jusqu'à ces petits potentats, effrayés eux-mêmes du rôle étonnant qu'on leur fait jouer; faites oublier plutôt, qu'à la fin du XVIIIe siècle, après la proclamation de la Constitution française, après la Déclaration des droits, ce vaste Empire a été insulté, menacé par trois évèques et un pape; adressezvous aux puissants qui nous outragent, et souvenez-vous que vous avez pour vous la justice, la liberté et 5 millions de baïonnettes. »

(Suivent les signatures.)

Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal !

M. Hua. Je demande la question préalable sur la proposition de la mention honorable, et voici mes motifs :

J'ai remarqué dans cette adresse une critique extrêmement amère du veto apposé par le roi.

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