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J'ai remarqué qu'on y disait qu'il serait bientôt temps d'examiner le droit accordé au roi de suspendre les actes du Corps législatif par un

veto.

Plusieurs membres : C'est faux, cela n'y est pas !

D'autres membres : Cela y est !

M. Hua. J'ai juré de maintenir la Constitution; or, le droit de veto est constitutionnel, et quand le roi en use, je ne crois pas qu'aucune corporation ni qu'aucune section de l'Empire puisse s'en permettre la critique. (Murmures.) Je rappellerai à cet égard un souvenir imposant. Lorsqu'on nous a annoncé ici l'usage que le roi avait fait de son veto, personne dans l'Assemblée n'a élevé la voix. M. Cambon vous a dit qu'il fallait respecter ce premier acte de la liberté du roi. (Murmures.)

J'ai appuyé ici la motion qu'on a faite de ne pas souffrir que les ministres puissent critiquer les actes du Corps législatif. Je crois, par le même principe, que nous devons respecter l'usage que fait le pouvoir exécutif du droit qui lui est accordé par la Constitution et pour le salut du peuple. (Murmures.) L'un des fondateurs de la liberté, Mirabeau lui-même, disait qu'il aimerait mieux vivre à Constantinople qu'en France si le roi n'avait pas le veto. Je dis donc que ceux qui attaquent le veto, quand l'usage en est fait constitutionnellement, attaquent la Constitution. (Murmures.)

Il est temps de déchirer le voile on s'attache tous les jours, en critiquant cette disposition de la Constitution par des attaques directes ou indirectes, à nous précipiter dans une révolution nouvelle. Je demandé la question préalable sur la mention honorable qui vous est proposée.

M. Lecointe-Puyraveau. J'ai écouté avec attention et la pétition qui vous a été présentée, et les observations du préopinant. Sans doute, en demandant la question préalable, son intention a été pure; mais je crois qu'en développant ses motifs, il n'a pas atteint son but. Il a dit que censurer un acte du pouvoir exécutif, c'était attaquer la Constitution. Eh bien! moi, je lui prouve, la Constitution à la main, qu'il est dans f'erreur; car la Constitution permet à tout citoyen d'exercer sa censure sur les actes de toute autorité quelconque. Or donc, quand cette censure se trouverait dans l'adresse qui vous a été lue, elle n'attaquerait pas la Constitution, elle ne pourrait pas empêcher la mention honorable, si d'ailleurs l'adresse contenait des principes sages et bien développés, et une adhésion formelle à vos décrets. Vous avez ordonné la mention honorable de toutes les adresses qui vous félicitaient de votre énergie. Ici la question est absolument la même vous ne pouvez avoir deux mesures et vous dispenser d'accorder à celle-ci le même honneur. En conséquence, je demande la mention honorable au procès-verbal. (Applaudissements.)

Un membre: Le raisonnement de M. LecointePuyraveau n'est applicable qu'à la liberté de la presse que personne n'entend contester; mais il ne nous a pas démontré que le Corps législatif témoignera son respect pour la Constitution en faisant mention honorable dans son procès-verbal d'une critique de cette Constitution.

Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.)

1re SÉRIE. T. XXXV.

Plusieurs membres : La question préalable sur la mention honorable!

(L'Assemblée rejette la question préalable et décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de l'adresse des citoyens de la Halle au blé.)

M. le secrétaire, continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions :

25° Pétition des religieuses ursulines de la ville de Pezenas, pour l'interprétation de la loi relative aux pensions des religieuses.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation.)

26° Adresse des citoyens de Calais, qui félicitent l'Assemblée de ses décrets contre les émigrants et les prêtres perturbateurs; cette adresse est ainsi conçue :

<< Représentants des Français,

«Entendez de toutes parts les bénédictions de la France, entendez ces voix de 25 millions d'hommes libres applaudissant à vos travaux et aux efforts que vous faites pour conserver notre liberté; comptez sur nous, ces efforts seront couronnés de succès. Vos pas sont semés de plus d'épines que ceux des conquérants de la liberté, mais votre courage les aplanira.

«La nation entière a sanctionné votre décret contre les émigrés (Applaudissements); le roi doit maintenant reconnaître l'erreur qui lui a fait refuser sa sanction à ce décret. Il ne la refusera pas à celui que vous venez de lui présenter, qui va disperser cette horde noire (Rires) qui conspirait de concert avec les brigands d'OutreRhin leurs espérances sur les troubles intérieurs suscités par les prêtres sont évanouies, nous verrons désormais tous nos ennemis en face, et leur perte est assurée.

« Le roi des Français ne doit pas tarder à suivre les mesures sages que vous lui avez indiquées par votre dernier décret; c'est la volonté de la nation. La guerre! la guerre! (Oui! oui! Applaudissements dans l'Assemblée et dans les tribunes...) est le cri de tous les Français. Écrasons ces tigres altérés de sang, sur qui la voix de la raison est impuissante; délivrons-nous tout d'un coup des inquiétudes qu'ils nous causent, et qui n'ont déjà duré que trop longtemps. Nos bras sont armés et prêts à laver nos injures dans leur sang. Il ne faudrait qu'une poignée de Français libres pour les disperser, et nous sommes des millions. (Vifs applaudissements.)

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Signé Les citoyens de Calais, membres de la société des Amis de la Constitution. >> (L'Assemblée décrète l'insertion de cette adresse au procès-verbal avec mention honorable.)

27° Pétition des administrateurs du département de l'Eure, pour un dégrèvement de contribution. (L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraordinaire des finances.)

28° Pétition des administrateurs du départe ment de la Sarthe, pour se rassembler le 15 janvier à l'effet de répartir les impositions de 1792. (L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de division.)

29° Lettre de M. Bertrand, ministre de la marine, qui envoie les actes de la prestation du serment civique par les consuls et vice-consuls de la nation dans les pays étrangers, conformé¬ ment aux décrets.

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30° Adresse des administrateurs du bureau de commission sur les petits assignats.

M. Goupilleau. Je rappelle à l'Assemblée que, déjà, plusieurs citoyens, en vertu de l'article dé la Constitution qui regarde le mariage comme un contrat purement civil, ont demandé d'être autorisés à former des nœuds selon le vœu de la nature. En vertu de ce même article deux citoyens viennent de faire une demande entièrement opposée: celle d'être autorisés à rompre les liens qui leur sont devenus insupportables. Ils ont, en conséquence, passé, devant un officier public, une demande en divorce dont ils sollicitent la ratification.

Plusieurs membres : L'ordre du jour! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) L'Assemblée ajourne à jeudi un rapport du comité de législation sur un projet de loi qui lui été renvoyé contre les administrateurs qui déclareront ne vouloir pas exécuter certaines lois.

MM. Déaux, Blachette et Ezingeard, députés par les volontaires du troisième bataillon du département de la Drôme, sont introduits à la barre pour présenter une pétition individuelle signée par un grand nombre de volontaires sur le choix de leurs officiers.

M. Déaux, orateur de la députation, s'exprime ainsi :

Législateurs,

Nous sommes députés vers vous par le troisième bataillon des volontaires de la Drôme; ils nous envoient de 180 lieues pour vous présenter une pétition qu'ils ont signée individuellement : jugez, par là, de l'importance qu'ils y attachent, et que cette considération nous attire de votre part une attention bienveillante.

Législateurs, tous vos moments sont précieux pour la patrie, et celui qui, dans l'état de crise où nous sommes, détourne vos regards du bien général pour les fixer sur ses interêts particuliers, ne connait pas encore tous les devoirs du citoyen. Vous n'aurez point de reproches à nous faire. Soldats volontaires de la patrie, à qui nous avons déjà fait le sacrifice de nos plus tendres affections et de nos plus douces habitudes, nous ne voyons plus qu'elle, nous ne respirons que pour elle, et c'est pour elle seule que nous venons aujourd'hui, non pas solliciter votre bonté, mais éclairer votre justice, et lui demander un décret que demande l'intérêt général.

Des circonstances inouies ont forcé le Corps législatif à prendre des mesures extraordinaires; il a frappé la terre, et des légions armées sont sorties de son sein; il a parlé, et des citoyens paisibles se sont transformés en intrépides soldats; mais le courage suffit pour braver la mort, et ne suffit pas toujours pour assurer la victoire. Il faut y joindre la discipline et la tactique, deux points importants qui ne peuvent être que le fruit de l'habitude et de l'instruction. Les volontaires avaient donc besoin de chefs capables de les former et de les diriger, de chefs qui joignissent à la connaissance de l'art militaire, cet amour de la patrie et de la liberté, qui seul peut le diriger vers un but utile.

L'Assemblée nationale l'a bien senti, et pour remplir ce double objet, elle a voulu, d'un côté, qu'ils fussent élus par le choix libre des volontaires; et de l'autre, elle a sagement limité ce choix, en la bornant à des citoyens qui eussent déjà été honorés de quelque commandement dans les troupes de ligne.

Les volontaires du troisième bataillon de la Drôme crurent remplir ce vœu de la loi, et remplirent complètement celui de leur patriotisme, en nommant pour leurs commandants, MM. Gouvion et Vaubois, capitaines au quatrième régiment d'artillerie, en garnison à Valence.

Dans cette atmosphère corrompue, que l'air de la liberté, que vos travaux et vos vertus n'ont pas encore eu le temps de purifier; dans ces temps malheureux où tout s'apprécie encore au poids de l'or, nous pourrions borner l'éloge de nos chefs, à vous dire qu'ils l'ont méprisé, qu'ils ont préféré ces places où notre confiance les appelait, à celles qu'ils occupaient dans le corps de l'artillerie, et dont les émoluments étaient d'un tiers plus considérables. Mais, Messieurs, ce noble désintéressement est la moindre de leurs vertus. Nous avons trouvé en eux moins des chefs que des amis, moins des instituteurs que des pères. Occupés sans relâche de nos besoins et de notre instruction, leur tendre sollicitude ne nous laisse d'autre souci que celui de ne pas répondre assez dignement à leur zèle ardent et infatigable pour nous enseigner un art dans lequel ils sont consommés.

Sous eux, la discipllne la plus sévère pourra nous paraitre douce; sous eux, les travaux les plus pénibles ne seront pour nous que des jeux; sous eux, en un mot, nous osons vous jurer de vaincre; sous d'autres, nous n'oserions vous jurer que de mourir. (Applaudissements.) Et savez-vous, Messieurs, pourquoi nous leur sommes si dévoués, pourquoi nos cœurs sont entièrement à eux? c'est que les leurs sont entièrement à vous et à la patrie. (Applaudissements.)

Législateurs, d'après les sentiments que nous venons d'exprimer, jugez quelle a été la profonde affliction des volontaires du troisième bataillon de la Drôme, en apprenant qu'ils étaient menacés de perdre leurs chefs; en apprenant qu'une lettre du ministre de la guerre leur enjoignait d'opter définitivement entre leurs anciennes et leurs nouvelles places, c'est-à-dire, en d'autres termes, leur enjoignait de renoncer à commander les volontaires, et de laisser imparfait un ouvrage si important et si bien commencé. Car enfin, Messieurs, quels que soient les vertus et le patriotisme de nos chefs, avonsnous le droit d'attendre, aurions-nous même la cruauté de désirer qu'après nous avoir offert le sacrifice d'une partie considérable de leur fortune, ils nous en fissent le sacrifice tout entier et qu'ils préférassent un état précaire et passager, à un état solide et permanent? Non, Messieurs, nous ne pouvons ni le demander, ni le souhaiter; ce que nous pouvons, ce que nous devons, c'est de nous adresser aux pères de la patrie, à des législateurs justes, humains et éclairés ; c'est de leur dire: Voyez notre situation, considérezla relativement au salut public, qui doit être, et qui est en effet la loi suprême d'où découlent toutes celles que vous portez. Nous sommes armés pour la liberté qu'on menace de toute part; le destin de l'Etat, dont vous êtes la tête, dépend peut-être de nous qui en sommes les bras. (Applaudissements.) Nous sommes jeunes et ardents, pleins de courage et de patriotisme: mais nous manquons d'art et d'expérience, et nous ne pouvons y suppléer que par les talents de nos chefs et par notre confiance en eux. Ceux que nous avons choisis réunissent toutes les qualités que nous pouvions désirer, ils ont même surpassé notre attente. Nous les respectons, nous les aimons; notre obéissance à leurs ordres se confond avec

notre tendresse par leurs personnes et la règle de la discipline n'est autre chose, pour nos cœurs, que l'impulsion de l'amour. (Applaudissements.)

Au surplus, Messieurs, nous avons dans nos mains, et nous déposerons sur votre bureau, un arrêté de l'administration de notre département, qui atteste l'impossibilité de fait où nous sommes de pouvoir choisir nos chefs ailleurs que dans les troupes de ligne en activité; et si nos élections étaient contraires à vos lois (ce que nous sommes loin de croire) elles seraient du moins conformes à la plus impérieuse des lois, à celle de la nécessité.

Législateurs, nous vous avons exprimé nos vœux; mais ils ne fussent jamais sortis de nos cœurs, si nous n'avions pas cru que l'intérêt de la patrie nous imposait le devoir sacré de vous les faire connaître. Nous attendons votre détermination avec une confiance respectueuse et quelle qu'elle puisse être, elle ne changera rien. à celle que nous avons invariablement formée d'obéir à tous vos décrets avec une soumission religieuse et de courber, sans murmure et sans délai, sous le joug de la loi, des têtes qu'on abattrait plutôt que de leur en imposer une autre. (Vifs applaudissements.)

M. le Président, répondant à la députation. Les défenseurs de la patrie sont toujours écoutés avec intérêt par ses représentants. L'Assemblée nationale applaudit au langage que vous inspirent le patriotisme et la sensibilité. Elle prendra votre demande en considération; elle vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements.)

(Les pétitionnaires traversent la salle au milieu des applaudissements unanimes.)

Plusieurs membres : L'insertion au procès-verbal avec mention honorable!

M. Lacuée jeune. Il est difficile d'exprimer d'une manière plus énergique et plus noble un patriotisme aussi épuré, une obéissance plus exacte à la loi, et il est impossible de donner à nos gardes nationaux un exemple plus grand et des sentiments plus élevés et plus heureux. Je demande donc que cette adresse soit imprimée pour être envoyée et distribuée aux 188 batailfons de volontaires destinés aux frontières. (Applaudissements.)

(L'Assemblée adopte la motion de M. Lacuée, décrète l'insertion de cette adresse au procèsverbal avec mention honorable (Vifs applaudissements.) et renvoie l'objet de la pétition au comité militaire pour en faire un rapport très prochain.)

M. Castel fait la seconde lecture du projet de décret relatif aux frais des funérailles d'HonoréRiquetti Mirabeau (1).

Un membre, au nom du comité de division, fait un rapport sur la demande des administrateurs des départements du Calvados et des Bouchesdu-Rhône, pour la prolongation de la session de leurs conseils généraux jusqu'au 30 décembre; il s'exprime ainsi :

«Messieurs, vous avez ordonné à votre comité de division de vous faire un rapport sur une difficulté dont la décision devient très urgente à la fin des sessions des directoires de département.

Les administrateurs du département des Bouches-du-Rhône et ceux du Calvados, réunis en

(1) Voy. Archives parlementaires, 1re Série, t. XXXIV, séance du 3 novembre 1791, p. 605, et du 4 novembre, page 621.

conseil général, se sont adressés au pouvoir exécutif, les 19 et 21 du mois dernier, et ont demandé que leur session fût prorogée de 15 jours au delà du terme fixé par la loi, parce qu'ils n'ont pas eu le temps d'achever les travaux confiés à leur soin. Votre comité a pensé qu'il y avait toujours de grands inconvénients à faire fléchir une loi générale sous les exceptions particulières dont, à la longue, on ne manque pas d'abuser.

En second lieu, l'Assemblée constituante a pensé, avec raison, qu'un mois bien employé pourrait suffire aux départements pour la préparation et même l'achèvement des travaux qui feur sont confiés. Elle a peut-être aussi jugé qu'il serait dangereux de prolonger trop longtemps, dans le cours d'une année, l'existence politique de 83 corps nombreux, délibérant et revêtus d'une grande autorité d'exécution. Aussi a-t-elle exactement fixé le cas où les conseils de département pourraient être convoqués, et ces cas sont ceux où la sûreté intérieure du royaume serait évidemment menacée. Encore est-il nécessaire qu'aussitôt la législature et le pouvoir exécutif soient avertis de ce rassemblement extraordinaire. Enfin il a été sans doute dans les vues de l'Assemblée constituante, que des citoyens, que des pères de famille, ne fussent pas trop longtemps enlevés à leurs affaires, à leur famille, pour se livrer à des fonctions pénibles auxquelles les lois n'ont attaché aucune indemnité.

Si de ces considérations générales nous passons aux considérations particulières, nous ne voyons dans les motifs des deux départements aucune circonstance pour autoriser une dérogation funeste aux lois du mois de janvier 1790 et 27 mars 1791, d'autant plus que ces lois ont attribué aux directoires de département le pouvoir d'achever eux-mêmes les travaux qui ont été retardés.

D'après tous ces motifs, le comité de division me charge de vous proposer le projet de décret suivant :

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L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de division sur la lettre du ministre de l'intérieur expositive des demandes faites par les administrateurs des départements du Calvados et des Bouche-du-Rhône, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer. »

M. Fauchet. Le département du Calvados, dont il est question n'a reçu que la veille de la fin de sa session le décret pour la répartition de l'impôt.

Plusieurs membres : Le directoire le fera.

M. Fauchet. Le but de la Constitution ne sera pas rempli si vous adoptez ce projet de décret, car cette partie est confiée à la surveillance des conseils de département.

M. Gérardin. Vous vous êtes imposé la règle de ne jamais adopter un projet de décret avant de l'avoir fait imprimer. Je ne sais pas pourquoi vous adopteriez celui-ci aussi légèrement. Je conçois mieux qu'un autre combien il est dangereux de charger les directoires de département des fonctions attribuées aux conseils généraux et combien il est important d'avoir une loi qui puisse vous donner la faculté de prolonger les sessions des corps administratifs. Il arrive très souvent que les travaux des directoires ne sont pas prêts et les conseils généraux, quoiqu'en pense le préopinant, n'ont pas assez d'un mois pour traiter les affaires qui leur sont soumises. En charger les directoires, c'est livrer les affaires à des délégués peu nombreux, à une aristocratie

de quelques administrateurs, enfin c'est compromettre la sûreté de l'Etat.

L'Assemblée constituante a voulu éviter ces inconvénients en établissant un conseil général pour un mois, mais l'esprit de la loi veut aussi que le conseil général ait pu remplir tous ces devoirs dans le courant de ce mois. Il était impossible au département du Calvados de remplir ses devoirs, puisque la loi sur la répartition de l'impôt ne lui est parvenue que le 27 novembre; il était impossible au département des Bouchesdu-Rhône de les remplir, puisque des troubles qui appelaient tous ses soins l'ont distrait de ceux qu'il devait à la répartition des impôts et autres objets d'administration. D'après ces différentes considérations, je demande l'impression du projet de décret et l'ajournement de la discussion à huitaine.

M. Léopold. J'appuie le projet du comité, parce qu'il y a du danger à laisser assemblés, au delà du terme qui leur est prescrit, 83 corps aussi puissants que les conseils généraux de département. De plus, il y aurait un grand inconvénient à faire une loi de circonstance pour deux départements, les directoires peuvent parfaitement continuer le travail. En conséquence, je demande que le projet du comité soit mis aux voix.

Plusieurs membres: La question préalable sur l'impression et l'ajournement!

(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion d'impression et d'ajournement et adopte le projet de décret du comité.)

L'ordre du jour est la discussion du projet de décret du comité de division sur une pétition de la commune de Bercy, dépendant du district de Bourgla-Reine, tendant à l'érection de sa chapelle en église paroissiale (1).

M. Dochier, rapporteur, fait lecture de ce projet de décret qui est ainsi conçu :

Décret d'urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, sur la demande de la commune de Bercy, tendant à ériger en paroisse la chapelle qu'elle possède dans son sein; attendu que cette commune a été séparée de la paroisse de Sainte-Marguerite de Paris, dont elle dépendait; qu'elle se trouve maintenant sans paroisse et sans pasteur; qu'elle est fondée à demander une paroisse par son étendue territoriale et le nombre de ses habitants, et que les électeurs du district vont se réunir incessamment pour nommer aux cures vacantes, décrète qu'il y a urgence. »

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M. François de Neufchâteau. Messieurs, il s'élève une difficulté assez singulière, au sujet de la nomination du quatrième député du département de la Haute-Marne. M. Henry fut élu au premier tour de scrutin; mais il fut écarté, sur le prétexte qu'il ne justifiait pas sur-le-champ son éligibilité par le paiement du marc d'argent. On devait recommencer le scrutin; on fit un second et un troisième tour. M. Landrian fut nommé à ce troisième tour. Ses pouvoirs ont été vérifiés par le septième bureau, qui en a fait le rapport le 2 octobre dernier et les a déclarés valides. Mais, soit qu'il y ait du louche dans la rédaction du procès-verbal, soit par d'autres motifs, M. Landrian ne s'est pas rendu à Paris. M. Henry y est venu, muni d'une lettre précise du comité des pétitions, qui lui mande, en effet, qu'il doit s'y rendre. Cependant, le premier suppléant du département de la Haute-Marne, M. Baudot, réclame de son côté la place qui serait vacante par l'absence de M. Landrian. Dans ces circonstances, il est important de savoir qui de MM. Henry, Landrian ou Baudot doit être appelé et admis dans l'Assemblée, pour compléter la députation de la Haute-Marne. Je fais la motion que cette difficulté soit renvoyée au comité de division pour y être examinée contradictoirement avec MM. les députés du département de la HauteMarne.

(L'Assemblée adopte la motion de M. François de Neufchâteau.)

M. Mosneron l'aîné, au nom des comités d'agriculture et de commerce réunis, fait un rapport sur plusieurs adresses et pétitions de différentes sections de Paris et de diverses autres communes de l'Empire, relativement aux subsistances; il s'exprime ainsi (1):

Messieurs, vous avez renvoyé à vos comités d'agriculture et de commerce réunis, l'examen des plaintes d'un grand nombre d'habitants de trente sections de la capitale et plusieurs autres des villes et bourgs de Saint-Omer, Montélimart, Coye, Samer, Chaumont-sur-Marne, NeuillySaint-Front, Beaumont-la-Digne, Macon, VillersOutreaux, Souppes, Dunkerque, Saint-Venant,

(1) Bibliothèque nationale Assemblée législative, Agriculture, no 1.

Douai, Arras, Nantes, Verberie, Saint-Germer et Montmirel. Je suis chargé de vous en présenter le rapport; mais qu'il me soit permis de le faire précéder d'une courte réflexion, inséparable du sujet,

Si la pétition est un droit sacré du citoyen, c'est surtout lorsqu'elle a pour objet l'aliment de sa vie. Dans l'ancien régime, des plaintes sur la cherté du pain n'auraient fixé l'oeil atroce de l'accapareur que pour grossir sa fortune de la substance du peuple, sous la protection d'un ministère complice de son crime. Sous le règne de la liberté et de la justice, ces plaintes attireront toute votre attention pour en tarir la source, si elle dépend de vous, ou du moins pour y compâtir, si elle est indépendante de vos moyens. La nature est avare ou prodigue des récoltes; et vos soins ni votre prévoyance n'ont d'influence sur la dispensation qu'elle en fait chaque année; mais la distribution de ces récoltes est confiée à des hommes; et vous pouvez et vous devez veiller à ce qu'elle soit faite de la manière la plus équitable et la plus conforme à l'intérêt général des citoyens. Si les plaintes sont fondées, vous devez en détruire la cause et en faire punir les auteurs; si elles sont destituées de preuves, si elles reposent sur des inquiétudes inspirées par le besoin ou suggérées par de coupables factions, vous devez plaindre, vous devez excuser les esprits égarés ou séduits qui vous les adressent; mais vous devez surtout les éclairer, vous devez, à la place du verre obscur et mensonger de la séduction, substituer le prisme clair et fidèle de la vérité.

Dans les plaintes qui vous sont adressées sur les subsistances par plusieurs pétitionnaires de la capitale, il faut distinguer celles qui inculpent particulièrement l'administration de Paris, et celles qui attaquent les usages et les mesures généralement établis, tant pour la vente et l'achat des grains, que pour leur circulation dans le royaume. Dans la première classe sont les plaintes formées contre la municipalité de Paris, sur le commerce et l'accaparement des grains qu'on lui impute, sur l'exposition qu'elle a fait faire à la halle de farines viciées sortant de ses greniers, et sur l'obligation qu'elle a imposée aux boulangers d'en acheter à un prix fixe, concurremment avec les bonnes farines apportées de la campagne. La connaissance de ces faits qui, suivant leurs motifs et les circonstances dont ils sont accompagnés, peuvent être ou des mesures prudentes ou de véritables délits, Vous appartient sans doute, parce que suivant la Constitution, chapitre 3, section 1re, article 1er, au Corps législatif appartient le droit de poursuivre les individus, et à plus forte raison, les corps administratifs prévenus d'attentats et de complots contre la sûreté générale de l'Etat et certes l'accaparement de la subsistance d'un million de citoyens, est bien un attentat contre la sûreté de tout l'Empire; mais l'instruction qui doit précéder votre délibération et votre décision, vous est étrangère. Le moyen de ne rien faire de bien serait de vouloir tout faire, de s'attribuer la connaissance et des détails et des résultats. Il existe une hiérarchie de pouvoirs sagement combinée vous ne l'intervertirez pas, vous qui devez la maintenir. C'est au départe ment que la municipalité doit rendre compte de son administration; et c'est entre les mains du pouvoir exécutif que le département doit les déposer. Vous devez donc vous borner à inviter le pouvoir exécutif d'exiger la reddition de ce

:

compte, et de vous le soumettre, avec l'avis du département, dans le plus court délai possible.

Nous nous garderons bien, en voulant trop précipiter le jour pur de la vérité qui doit naître de cette marche sage et réfléchie, d'y substituer la lueur incertaine des conjectures; mais il est cependant un fait que nous ne pouvons dissimuler c'est que si la municipalité de Paris fait le commerce des blés, si elle en tire des autres départements pour se procurer un bénéfice en le vendant dans la capitale, elle est bien trompée dans sa spéculation; car le lieu du royaume où le pain est le plus beau, le meilleur et à plus bas prix, est la ville de Paris.

Je passe maintenant aux plaintes générales. Aux pétitions d'un grand nombre d'habitants de la capitale sur les subsistances, se joignent celles de plusieurs citoyens des différents départements du royaume.

Les objets de ces plaintes, sont : 1° la sortie des blés et des farines à l'étranger, sous prétexte d'exportation par mer dans les colonies ou dans les lieux du royaume qui en ont besoin ; 2o les accaparements dans les greniers des propriétaires de blés. On demande pour remède à ces maux 1° que vous exigiez des propriétaires de blés qu'ils en portent aux marchés chaque semaine une quantité proportionnée à celle qu'ils ont en grenier; 2° que vous enjoigniez aux départements de veiller à ce que les marchés soient toujours et suffisamment approvisionnés ; 3° qu'il soit fait dans chaque département un dépôt de blé dans les années abondantes, qui puisse fournir au besoin dans les années de disette.

Je réponds, au nom de vos comités, sur le premier point, que, sous aucun prétexte, on n'a jamais pu exporter des blés à la destination de nos colonies, attendu que dans cette partie de l'Empire français, il n'existe ni moulins, ni aucune mécanique pour le moudre, et qu'à l'égard des farines les mêmes précautions prises pour l'exportation d'un port à l'autre du royaume, peuvent être et sont effectivement employées pour assurer le transport dans nos colonies exclusivement à tout autre lieu.

Bien loin qu'il sorte des blés du royaume, pour l'étranger, nous sommes assurés, Messieurs, qu'il en est venu et qu'il en est attendu beaucoup de l'étranger pour le royaume. Nous pourrions citer plusieurs preuves incontestables de cette assertion. Qu'il nous suffise de vous annoncer que l'empressement à importer des blés en France est tel, qu'il en est venu tout récemment d'un pays étranger, brisé en trois ou quatre morceaux, sous une meule ouverte, afin d'éluder la défense qui a lieu dans ce pays, de sortir le blé en nature. Ce n'est pas que la récolte de cette denrée ait été aussi modique en France que la malignité l'a répandu, et qu'il y ait de véritable disette à craindre; mais une aveugle défiance et les obstacles mis à la libre circulation dans les départements où la récolte a été abondante, auraient produit les effets de cette disette dans ceux où elle a été moins, si les importations de l'étranger n'étaient venues à leur secours.

Le vrai moyen d'augmenter la défiance du propriétaire de blés est de lui faire sceller la porte de ses greniers, c'est d'exiger, comme on Vous y invite, qu'il les porte au marché. Une pareille inquisition opérerait sur le blé l'effet que fit sur le numéraire, dans le temps de la régence, la défense à tout particulier d'avoir chez soi plus

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