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l'on prévienne la nécessité de prendre des précautions sérieuses contre leur retour. (Murmures.)

Réponse du grand-duc de Toscane au roi, datée de Florence, le 21 octobre 1791.

Monsieur mon frère, cousin et oncle, je prie Votre Majesté de recevoir mes remerciments les plus vifs de la part qu'il lui a plu de me donner de son acceptation de l'acte constitutionnel qui lui a été présenté par l'Assemblée nationale. Votre Majesté pénétrera aisément mes intentions, et me rendra la justice que je mérite, en demeurant persuadée de l'intérêt ardent que je prends à tout ce qui regarde sa personne sacrée. Elle m'assure que les innovations qui sont arrivées n'apporteront aucune altération aux liens d'amitié et de réciprocité parfaites entre nos deux nations respectives; je me ferai, de mon côté, un devoir aussi agréable que constant de les cultiver et de les resserrer de plus en plus; non seulement en considération de l'avantage public qui en doit résulter, mais encore pour prouver à Votre Majesté les sentiments de respect et de tendresse avec lesquels je suis, etc. (Applaudissements.)

Réponse du roi de Sardaigne, au roi, datée de Turin, le 9 novembre 1791.

Monsieur mon frère et cousin, j'ai reçu la lettre qu'il a plu à Votre Majesté de m'écrire le 25 du mois de septembre proche passé. La justice qu'elle rend à mes sentiments, en ne doutant pas de l'intérêt que je prends constamment sur tout ce qui la concerne personnellement, ainsi qu'au bonheur de sa maison et de ses sujets (Murmures et rires) me sera toujours de la plus grande satisfaction. Je prie Votre Majesté d'être également persuadée de ma sensibilité aux nouvelles assurances qu'elle veut bien me donner de la continuation de son amitié. Celle que je lui ai vouée ne saurait jamais se démentir ni s'altérer, et rien ne pourra diminuer mon empressement à l'en convaincre.

Réponse du roi de Pologne, au roi, datée de Varsovie, le 19 octobre 1791.

Très sérénissime et très puissant prince, seigneur, notre très cher frère; notre désir le plus sincère a toujours été de conserver entièrement et inviolablement l'ancienne amitié et la bonne harmonie qui règnent entre nous, et Votre Majesté très sérénissime concevra donc facilement que nous avons reçu avec un grand plaisir sa lettre en date du 20 septembre dernier, par laquelle Votre Majesté royale nous marqué son amitié. Nous nous faisons un devoir de rendre à Votre Majesté les plus tendres actions de grâce de cette bonne disposition, dont nous sentons d'autant mieux le prix dans les circonstances présentes, qu'il n'est personne qui fasse plus que nous des vœux pour la gloire de Votre Majesté et pour la prospérité de la nation française. (Applaudissements.) Il ne me reste plus rien à désirer, si ce n'est que celui par qui les rois règnent et les législateurs décernent la justice, conserve par sa toute puissance le roi de France et toute la nation française. (Applaudissements.)

Réponse du duc de Saxe-Gotha au roi, datée de Gotha le 5 octobre 1791.

Infiniment sensible à l'attention flatteuse que Votre Majesté a daigné me témoigner par la fettre qu'elle m'a fait l'honneur de m'écrire le 19

du mois passé, j'ai celui de lui en faire mes très humbles actions de grâces, en vous suppliant, Sire, de me conserver votre bienveillance, dont le prix m'est inestimable.

J'y joins le vœu sincère que Votre Majesté jouisse d'un long et glorieux règne, et je ne cesserai de prendre à tâche de lui prouver les sentiments de l'attachement respectueux et inviolable avec lequel j'ai l'honneur d'ètre, etc. ERNEST.

Réponse de la ville de Dantzick au roi.

Sire, nous sommes pénétrés du plus profond respect pour la faveur signalée que Votre Majesté a bien voulu nous accorder en nous donnant connaissance des lois constitutionnelles suivant lesquelles elle s'est engagée de gouverner désormais son Empire. Nous osons regarder les termes pleins de bonté dont Votre Majesté a bien voulu accompagner ce témoignage de sa suprême clémence, comme une marque de l'intérêt constant qu'elle conserve pour cette république, qui n'a pas oublié, et qui n'oubliera jamais que les rois très chrétiens lui ont toujours accordé leur bienveillance dans les circonstances favorables, et leur appui dans les mauvaises. Plus les conjectures actuelles donnent de prix à ce motif de consolation, plus nous sentons les hautes obligations que nous devons à Votre Majesté. Nous essayerions inutilement de lui exprimer toute l'étendue de notre reconnaissance; c'est pourquoi nous nous bornons à adresser au ciel les prières les plus ferventes pour qu'il lui plaise de conserver longtemps Votre Majesté, le père de ses peuples, le sage modérateur du pouvoir absolu, f'ornement du siècle, l'exemple des races futures, et pour qu'il la rende heureuse du bonheur et de la gloire de la nation. Nous nous recommandons, nous et notre république, à la suprême protection de Votre Majesté (1).

Après avoir fait connaître à l'Assemblée nationale la situation des choses relativement à la notification de l'acceptation du roi, de l'acte constitutionnel, je dois lui faire part des mesures prises par le roi, concernant les Français sortis du royaume. Les rassemblements qu'ils ont formés ont eu lieu, principalement, dans 4 points différents dans les Pays-Bas antrichiens, à Coblentz, à Worms et à Ettenheim. Du moment où ils ont causé de l'inquiétude, le roi s'est occupé des moyens de la faire cesser; le voisinage des Pays-Bas a dù fixer plus particulièrement l'attention de Sa Majesté, et les rapports d'alliance, d'amitié et de parenté qui règnent entre le roi et l'empereur, ont procuré à Sa Majesté la facilité d'exercer une influence dont on n'a pas tardé à ressentir les effets. Dès le mois de mars et le mois d'avril de cette année, l'empereur a fait donner les ordres les plus précis à cet égard; ces ordres ont été renouvelés par une ordonnance du mois d'août, qui défend toute espèce d'enrôlement, et qui prescrit d'éloigner les réfugiés français qui s'en rendraient suspects, et généralement de veiller à ce qu'il ne soit rien donné ou fabriqués par les sujets autrichiens auxdits réfugiés, ou à leurs gens, qui put servir à leur armement; enfin, de nouveaux ordres ont été donnés au mois d'octobre dernier, par le gouvernement des Pays-Bas, pour disper

(1) Voir plus loin, page 100, le passage de ce rapport, relatif à l'Electeur de Mayence, omis par le ministre, au cours de cette lecture.

ser les Français réunis en trop grand nombre à Ath et à Tournay, et pour leur enjoindre de le diviser et de prendre leur asile dans plusieurs autres villes des Pays-Bas qui leur ont été indiquées.

La Constitution de l'Empire, la position des lieux et la différence des relations n'ont pas permis au roi d'agir d'une manière aussi directe, relativement aux autres lieux dans lesquels il s'est formé des rassemblements; mais Sa Majesté, en remerciant l'empereur du soin qu'il a pris de faire cesser tout ce qui pouvait nous causer de l'inquietude, a demandé à ce prince d'interposer ses bons offices et son autorité à l'effet d'assurer dans toute l'étendue de l'Empire le respect dù au droit des gens, ainsi qu'aux lois et aux traités qui garantissent la paix et la tranquillité générale. Indépendamment de cette démarche, le roi a fait demander, directement à l'électeur de Trèves, de faire cesser les rassemblements et les préparatifs qui existent dans ses Etats, et d'empêcher soigneusement qu'il ne s'en forme de nouveaux à l'avenir; le roi a adressé la même demande à l'électeur de Mayence, en sa qualité d'évêque de Vorms; enfin, Sa Majesté a donné des ordres pour qu'en suivant les formes constitutionnelles du Corps germanique, il soit fait de toutes parts les déclarations et réquisitions nécessaires pour dissiper et pour prévenir toute espèce de rassemblements, pour s'opposer aux enrôlements, pour empêcher qu'il ne soit fourni des armes ou des munitions de guerre; pour faire cesser, en un mot, tout ce qui pourrait avoir l'apparence de projets hostiles. Sa Majesté veillera avec le plus grand soin à ce que ses ordres soient fidèlement exécutés; elle emploiera tous les moyens de confiance et d'autorité qui sont en son pouvoir et comme elle aura partout à faire valoir l'exemple imposant du chef de l'Empire, elle espère que le succès de ses mesures répondra au désir qu'elle a de procurer efficacenient la sûreté et la tranquillité de l'Etat. (Applaudissements.)

J'ai présentement un rapport particulier, relatif à une affaire traitée dans le comité diplomatique de la précédente Assemblée, et qui mérite l'attention de l'Assemblée nationale.

Une somme de 480,000 livres en espèces, expédiée de Paris pour Soleure, fut arrêtée à Barsur-Aube, dans les derniers jours du mois de juin. L'Assemblée nationale, après s'être assurée que cette somme était le remboursement d'un prêt fait par l'état de Soleure, à des banquiers de Paris, et qu'il avait été stipulé que ce remboursement serait fait en espèces, rendit, le 1 août, sur le rapport du comité diplomatique, un décret portant que cette somme serait conduite à sa destination, et que les intérêts, ainsi que les frais occasionnés par le retard du transport, seraient payés par le Trésor public.

J'envoyai ce décret, le 2 août, au directoire du département de l'Aube, et j'en donnai avis, en même temps, aux directoires des autres départements par lesquels cet argent devait passer. Je recommandai particulièrement au directoire du département de l'Aube, de prendre des mesures pour protéger ce convoi, et de le faire surveiller par un officier ou un cavalier de la gendarmerie nationale.

Le directoire du département de l'Aube s'est conformé exactement au décret et aux ordres que je lui avais transmis. Il a fait partir l'argent sous l'escorte du sieur Martin, brigadier de la gendarmerie nationale. Ce convoi a traversé sans

obstacles les départements de la Haute-Marne et de la Haute-Saône; mais il a été arrêté de nouveau, le 15 août, au village d'Essort, département du Haut-Rhin, et de là on l'a conduit à Belfort.

Aussitôt que j'en fus instruit, j'écrivis le 24 aoû au directoire du département du Haut-Rhin, e: de ne rien négliger pour l'exécution du décret qui autorisait la sortie de cet argent. Ce directoire avait pris, dès le 21 août, un arrêté par lequel il enjoignait à la municipalité de Belfort d'employer les moyens que la loi a mis en son pouvoir pour faire exécuter le décret. Il avait ordonné que la gendarmerie nationale escorterait le convoi de brigade en brigade jusqu'à la frontière, et requis autant que de besoin, les commandants des gardes nationales et des troupes 1 de ligne de prêter main forte à cet effet. Il avait déclaré rendre la municipalité responsable des · suites de sa négligence, et enfin il avait nommé un commissaire pour vérifier la conduite de la municipalité.

Mais comme je n'avais point de nouvelle que cet arrêté eût été exécuté, et que cependant l'Etat de Soleure demandait de la manière la plus pressante que son argent lui fut rendu, j'écrivis de nouveau le 9 et le 16 septembre au directoire du département, pour qu'il eût à prendre les mesures les plus efficaces afin que cet argent ne fût pas retenu plus longtemps.

Le directoire me répondit, le 17 septembre, que tout ayant été préparé la veille, pour le départ du convoi, le sieur Martin, brigadier de la gendarmerie nationale, chargé de l'escorter depuis Bar-sur-Aube jusqu'à la frontière, et qui était demeuré à Belfort, avait demandé que ce départ fut différé jusqu'à ce qu'il eût reçu des ordres qu'il avait demandés sur la conduite qu'il avait à tenir relativement aux menaces et aux insultes auxquelles il se trouvait exposé, pour raison de la mission qui lui avait été confiée.

Le directoire ajoutait que l'on n'avait trouvé personne qui voulut charger sur les voitures les caisses qui contenaient l'argent ; et ces faits étaient légalement énoncés, dans deux procès-verbaux de la municipalité, joints à la lettre du directoire.

Il m'envoyait, au surplus, la copie d'un arrêté du 26 septembre par lequel il ordonnait que, par un membre du district de Colmar, nommé coinmissaire à cet effet, il serait pris les mesures les plus convenables pour effectuer le chargement, soit par les portefaix, soit par d'autres personnes, ainsi que le départ des espèces, et qu'en conséquence, les commandants des gardes nationales, troupes de ligne et gendarmerie nationale seraient requis de prêter main forte.

Par une autre lettre du 29 septembre le directoire me marqua que, malgré les mesures qu'il avait prises, les obstacles continuaient; que son commissaire lui avait mandé qu'il avait trouvé une résistance marquée dans les personnes appelées par la municipalité pour effectuer le chargement; qu'il régnait une grande fermentation parmi le peuple, auquel on avait persuadé que cet argent était destiné pour les ennemis du dehors; que même l'on ne pouvait pas compter sur les troupes de ligne pour le convoi de ces espèces et qu'enfin le commissaire appréhendait une effusion de sang, si l'on persistait à réaliser le départ.

Le directoire n'avait pas voulu en conséquence prendre de lui-même aucune détermination à cet égard.

Par deux réponses que je fis au directoire, le

5 et le 6 octobre, je lui témoignai toute ma surprise de voir apporter une pareille résistance à toutes les autorités réunies, et je lui enjoignis de nouveau d'employer, puisqu'il était nécessaire, la plus grande fermeté et même de faire agir la force pour l'exécution de la loi.

Le directoire m'envoya, le 16 octobre, un nouvel arrêté qu'il avait pris pour ordonner l'exécution de celui du 26 septembre, et requerir de nouveau les commandants des gardes nationales, des troupes de ligne et de la gendarmerie, de prêter main forte suffisante au commissaire."

Le directoire me marquait que ce commissaire s'étant transporté à Strasbourg pour se concerter avec le général Luckner, et que ce général avait pensé, qu'avant de déployer la force, il convenait d'user d'une dernière précaution, en faisant publier de rechef, dans les environs de Belfort, la loi du 1er août, avec une adresse tendant à ramener les citoyens au respect et à l'exécution de la loi; après quoi il ferait protéger suffisamment le transport du numéraire jusqu'à la frontière.

Le directoire a adopté cette mesure, mais elle n'a produit aucun effet, et il me marque enfin, par une lettre du 27 octobre, que cette affaire prend une tournure extrêmement sérieuse; qu'on à répandu dans le public que M. Fréteau avait dit dans son rapport, sur lequel la loi du 1er août a été rendue, que les banquiers de Paris avaient offert en espèces, sans y être provoqués, un remboursement que l'Etat de Soleure ne leur demandait pas. Que, quoique ces offres eussent paru invraisemblables, on n'a pu ôter de l'esprit de la multitude que cet argent était destiné aux émigrants, et que le gouvernement était dans le secret. Que tous les efforts du directoire n'ont pu réunir à détruire ces impressions, et que malgré l'adresse qu'il a fait publier, la fermentation, dans la ville de Belfort, a été portée au point que le sieur Martin, brigadier de la gendarmerie, chargé d'escorter l'argent jusqu'à la frontière, et qui était demeuré dans cette ville, a été obligé de s'enfuir à Colmar, pour mettre ses jours en sûreté. Que des malveillants n'ont pas craint de déclarer hautement qu'ils entendaient me rendre responsable de tous les événements sinistres qui pourraient résulter de l'exécution de la loi du 1er août, qu'ils regardent comme une surprise faite à l'Assemblée constituante, et qu'au surplus ils disent que cette loi se trouve révoquée par celle du 28 septembre, qui donne mainlevée des matières d'or et d'argent, autres que des espèces monnayées au coin du royaume, retenues en vertu des précédents décrets.

Le directoire m'ajoute que le seul moyen de faire cesser la résistance que l'on continue de mettre à l'exécution de la loi du 1er août, est que l'Assemblée nationale déclare formellement que cette loi n'est pas révoquée par celle du 28 septembre.

L'Assemblée jugera si l'on a pu faire sortir des expressions de cette loi les inductions qu'on en a tirées, et si c'est le cas de rendre le nouveau décret que l'on demande. L'Assemblée jugera aussi sur qui doit tomber la responsabilité d'une inexécution si marquée; et j'observai que cette responsabilité ne semble pas devoir demeurer sans effet, attendu qu'il faudra nécessairement payer des frais considérables auxquels a donné lieu l'arrestation. La loi du 1er août a mis à la charge du Trésor public les frais de l'arrestation de Bar-sur-Aube, et de la conduite hors du

royaume des espèces arrêtées ainsi que des intérêts. L'obstacle apporté à Belfort à l'exécution du décret, augmentant considerablement les frais qui ne peuvent être supportés par l'Etat de Soleure, l'Assemblée nationale décidera par qui les frais occasionnés par la résistance éprouvée à Belfort doivent être définitivement supportés. M. Lecointre. Relativement à cette affaire, j'ai su, Messieurs, que M. Richot, officier municipal, alors qu'il était en Suisse, s'est trouvé dans une maison de commerce où il a été dit et arrêté que cet argent sortirait de la maison Rougemont, et qu'il en sortirait pour les émigrés. (Murmures.)

M. Carnot alné. Je demande le renvoi au comité diplomatique.

M. Lecointre. Messieurs, ce négociant suisse a écrit les faits à une maison de commerce de Versailles, et M. Richot, son frère, qui était alors à Versailles, est venu à l'Assemblée constituante, avec la déclaration.

M. Fréteau a exigé de M. Richot qu'il signât sa déclaration, ce qu'il a fait. M. Richot a dit, et les faits doivent être prouvés par les pièces, qu'avant douze jours l'argent sortirait de chez M. Rougemont. Il est extrêmement intéressant que l'Assemblée nationale législative revoie cette affaire, parce que constamment, ceux qui ont dénoncé ces faits sont des citoyens dignes de foi, qui ont prévu la sortie de ces 480,000 livres. Je demande que cette affaire soit revue par le comité diplomatique.

(L'Assemblée décrète l'impression du rapport du ministre, ainsi que des deux versions française et latine de la réponse de l'Empereur, et renvoie au comité diplomatique le rapport du ministre relatif à l'affaire de Soleure.)

La discussion du projet de décret du comité de législation sur les troubles religieux, qui a obtenu la priorité, est reprise.

M. François de Neufchâteau, rapporteur. Voici l'article premier:

«Art. 1er. Dans la huitaine, à compter de la publication du présent décret, tous les ecclésiastiques, autres que ceux qui se sont conformés au décret du 27 novembre dernier, seront tenus de se présenter par devant la municipalité du lieu de leur domicile, d'y prêter le serment civique dans les termes de l'article 5 du titre II de la Constitution, et de signer le procès-verbal qui en sera dressé sans frais. »

M. Hérault-de-Séchelles. Je propose un amendement pour le premier article. Je crois que l'Assemblée nationale adoptera avec empressement le serment civique que le comité de législation veut imposer à tous les ecclésiastiques; mais vous manquerez votre but si vous laissez prêter ce serment devant la municipalité du lieu du domicile.

J'ai un abus à vous dénoncer à cet égard. Plusieurs municipalités ont inscrit sur leurs registres, la prestation de serment des ecclésiastiques, en leur présence, et sans avoir leur signature. Plusieurs aussi ont inscrit ce serment purement et simplement, lorsque les ecclésiastiques l'avaient prêté avec des restrictions, ou même ne l'avaient pas prêté du tout.

D'après cela, Messieurs, je demande que les ecclésiastiques des campagnes et des bourgs, - j'excepte les villes, soient tenus de prêter leur serment civique à midi, le dimanche, dans les chefs-lieux de canton. (Murmures.)

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Plusieurs membres : Il vaudrait mieux le prêter au district.

M. Hérault-de-Séchelles. On m'observe qu'il conviendrait encore davantage que ce serment fût prêté au district. J'adopte cette mesure, mais par une conséquence nécessaire, je ne voudrais pas admettre l'exception que M. le rapporteur a établie en faveur des ecclésiastiques qui ont déjà prêté le serment, parce qu'en tenant compte de l'abus que je vous ai signalé, Messieurs, vous sentez que nous ne sommes pas sûrs de la manière dont ils l'ont prêté.

M. Mailhe. Je défendrai le décret si quelqu'un se présente pour le combattre et je prie l'Assemblée de me réserver la parole pour cela.

M. Lemontey. Je n'arrive à la tribune que pour proposer un amendement, mais cet amendement est une mesure générale que je crois sage et digne de législateurs philosophes. Il peut servir de préface à toutes les lois que vous porterez. Si elles sont sévères et rigoureuses, il les justifiera; si elles sont douces et indulgentes, il concourra avec elles à maintenir la paix, et on assurera davantage l'exécution. Je n'ai pas eu le loisir de rédiger par écrit les idées que je vais vous développer, j'espère que vous m'accorderez votre attention.

Vous n'avez point à porter une loi de vengeance, car elle serait affreuse. Ce n'est pas seulement en effet une poignée de prêtres rebelles que vous avez à réduire, car autrement il eût été assez inutile de vous en occuper aussi longtemps. Mais on ne peut pas se dissimuler que la contagion du fanatisme a fait des progrès, qu'elle a infecté un grand nombre des habitants des campagnes. (Murmures.)

:

Plusieurs membres Mais la discussion générale est fermée!

M. le Président. Le droit de proposer des amendements entraine celui de fes discuter.

M. Lemontey. Ce n'est pas non plus une loi de parti que vous avez à porter; car l'expérience vous a assez appris combien, en matière religieuse, il est important que le législateur reste impartial; mais c'est une loi de paix, une loi qui puisse calmer les orages qui se sont élevés dans la France entière. Je n'ai pas besoin de vous dire que vous n'y parviendrez pas par des lois intolérantes.

Plusieurs membres : Au fait! au fait!

M. Lemontey. Je prie l'Assemblée de croire que je n'ai qu'un amendement à proposer.

Plusieurs membres : Eh bien, proposez-le !

M. Lemontey. Mais cet amendement est une mesure absolument nouvelle. Je ne puis vous en donner crùment la lecture, car il tient à une chaine d'idées qu'il est important que je développe. (Murmures.) Je crois que la tolérance que nous avons à adopter est la tolérance des orateurs. J'arrive ici avec la conviction d'un homme de bien qui propose une mesure que je crois indispensable pour le salut de l'Empire.

Au milieu des troubles qui ont agité le royaume, j'ai remarqué des paroisses, des cantons entiers qui avaient conservé le calme le plus parfait. J'en ai cherché les causes, et je vais tacher de les expliquer.

D'abord, il faut bien nous garder de ranger dans la même classe les habitants des villes et les habitants des campagnes. Les premiers sont détournés des querelles religieuses par leurs affaires

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M. Lemontey. Une seconde considération, c'est que tous les pasteurs non assermentés ne sont pas à la tête de la faction qui trouble l'Etat. Beaucoup n'en sont que les instruments plus dangereux peut-être par leur bonne foi même. Enfin vous ne vous êtes pas dissimulé qu'une foule de pasteurs ont été entraînés par une suite de vieux préjugés, qui les faisaient regarder leurs évêques comme les dépositaires des traditions évangéliques. Aux yeux de beaucoup, les lois réglementaires, faites par l'Assemblée constituante, sous le nom de constitution civile du clergé, ont plutôt paru un ouvrage de parti, qu'un ouvrage de philosophie. Qu'en est-il résulté? C'est qu'un grand nombre de curés, citoyens excellents, mais catholiques timorés, n'ont voulu prêter le serment qu'avec une réserve religieuse absolument étrangère à l'ordre civil. Il y a eu surtout, dans les municipalités des campagnes, des officiers municipaux vraiment sages, vraiment philosophes, et plus philosophes que d'autres qui en portent le nom, qui ont reçu le serment prêté avec ces réserves religieuses. Qu'est-il arrivé? Le serment s'est prêté dans la paroisse, la paix s'y est maintenue; la Constitution y a été aímée, et l'impôt a été payé... (Bruit.)

Plusieurs membres : Votre amendement!

M. le Président. S'il y avait un décret qui portât l'obligation de ne pas développer un amendement, je le ferai exécuter; mais je n'en connais pas. Celui qui fait un amendement a le droit de le motiver. Je maintiendrai la parole à l'opinant.

M. Thuriot. Il n'y a qu'à mettre l'amendement aux voix.

Un membre : La discussion est ouverte sur l'article en général. Ainsi, je soutiens que M. Lemontey, s'il le juge à propos, n'est pas obligé de se restreindre à proposer un amendement, mais qu'il peut discuter l'article.

M. Lemontey. J'ai, Messieurs, à examiner avec vous, et je le ferai en peu de mots...

Plusieurs membres: Allons! allons!

M. Lemontey..... si le serment, tel qu'il a été prêté dans les municipalités avec ces réserves religieuses, est conforme aux principes et à l'intérêt général de l'Etat. D'abord, je crois que tout homme, qui veut profiter des bienfaits des lois d'un pays, doit commencer par prêter le serment qui en est la condition. Ainsi, j'adopte les disposition qui assujettissent les fonctionnaires, les pensionnaires, firai même plus loin, je dirai tous

citoyens de l'Etat, à prêter le serment civique. Mais maintenant, je dois examiner avec vous, si, en prêtant le serment civique, celui qui le prête peut faire des réserve religieuses pour sa conscience. (Exclamations.) Je me suis trompé dans les mots : ce ne sont pas des réserves, c'est une déclaration. (Murmures prolongés.)

M. Rouyer. Je demande que M. Lemontey soit rappelé à l'ordre.

M. Crestin. Je demande ia question préalable

sur l'amendement que doit proposer M. Lemontey | clergé. Le serment des prêtres n'est autre chose et je demande à la motiver.

M. le Président. M. Rouyer demande que M. Lemontey soit rappelé à l'ordre.

M. Gossuin. Et moi, je demande qu'il continue et soit entendu avec patience.

M. Isnard. Ce n'est qu'en écoutant tout le monde que nous parviendrons à nous éclairer. La liberté de la société repose sur la liberté des opinions (Applaudissements.), et je suis étonné que, dans ce sénat du peuple le plus grand de l'univers, on exerce de l'intolérance sur les opinions. Songez, Messieurs, que chaque fois que nous murmurons mal à propos, la France murmure aussi avec raison du temps que nous perdons. (Applaudissements.) Je réclame que l'orateur soit entendu. (Oui! oui !)

M. Lemontey. A Dieu ne plaise, Messieurs, que j'aie jamais eu l'intention de proposer quelques dispositions équivoques sur le serment civique en lui-même! Si l'on eût voulu m'entendre jusqu'au bout, on eût vu qu'au contraire c'est pour le purifier, c'est pour légitimer les mesures que l'Assemblée doit prendre contre les perturbateurs du repos de l'Etat, que je propose un amendement nécessaire, que je propose après une réflexion mûre et profonde, avec la conviction, comme je l'ai annoncé, d'un homme de bien, d'un citoyen qui croit parvenir, par ce moyen, à apaiser les troubles de l'Etat. Ainsi, je prie l'Assemblée de m'écouter avec indulgence.

Après avoir prouvé que la prestation du serment civique est un devoir rigoureux, j'ai à examiner si l'homme faible ou timoré qui doit le prêter, ne peut pas, pour l'acquit d'une conscience troublée, commencer par déclarer que son culte, que sa foi, ne sont pas intéressés dans les dispositions du serment civique.

Je m'explique. D'abord cette déclaration de sa croyance religieuse ne fait absolument aucun mal. Le principe de toutes les lois, tiré de la Déclaration des Droits de l'homme, est que la loi ne peut empêcher ce qui ne nuit à personne. Il ne faut pas qu'une loi soit minutieuse; et du moment où un prêtre viendra vous dire : « Je prête le serment de maintenir la Constitution, d'y être fidèle; mais je réserve ma croyance religieuse », je crois qu'alors vous ne pouvez pas plus refuser ce serment (Murmures.) que celui d'un musulman qui, avant de prêter votre serment civique, se réserverait la faculté de faire le voyage de la Mecque. Cette déclaration, en effet, ne choque aucune de vos lois, aucun prinecipe de la Constitution de l'Etat, puisque vous avez spécialement reconnu la liberté des cultes, la tolérance des religions indistinctement. Il y a plus, et je le dis avec vérité, c'est que cette déclaration est devenue nécessaire par les projets de décrets que l'on vous a présentés.

те

On vous propose le serment civique. On croit, par ce mot, rassurer tous les esprits; on croit que les ecclésiastiques s'empresseront de le prêter. Mais, Messieurs, il y a une erreur profonde et invétérée, c'est que, par une ruse des prêtres perturbateurs, on a constamment confondu le serment civique exigé des fonctionnaires publics avec le serment de la constitution civile du clergé; c'est que malheureusement le peuple a partagé cette confusion, et plus malheureusement encore, c'est qu'elle existe dans la loi elle-même. Mais il n'existe point de loi qui engage à maintenir la constitution civile du 1re SERIE. T. XXXV.

que le serment civique; c'est donc sur celui-là que nous devons raisonner.

C'est le serment qui, contre l'attente des législateurs, est devenu le prétexte de tous les troubles; c'est avec le serment qu'on est parvenu à rallumer la discorde dans les campagnes, à tromper leurs malheureux habitants, et je demande maintenant que la philosophie trace une démarcation beaucoup plus profonde entre la Constitution politique de l'Etat et les règlements de police sur la religion. Je ne demande pas autre chose. L'effet de cette disposition serait, d'abord, de mettre devant les yeux du peuple une grande distinction entre l'ordre politique de l'Etat et les lois sur la police religieuse. Elle ôtera tout prétexte religieux de résistance aux prêtres, à tous les ecclésiastiques qui, jusqu'à présent, n'ont pas voulu prêter le serment, et qui ont préféré abandonner leurs places et se montrer persécutés et dans un dénûment propre à exciter la fermentation du peuple.

Mais, surtout, la disposition que je propose, donne la solution du problème que nous cherchons tous de bonne foi: c'est la distinction à faire entre le prêtre faible et trompé, et le prêtre perturbateur et malintentionné. Sì, jusqu'à présent, les mesures sages et rigoureuses qu'on a proposées ont éprouvé de la répugnance de la part d'un très grand nombre de membres de cette Assemblée, c'est parce qu'on a craint que des mesures générales, frappant également et l'innocent et le coupable, ne fussent de nouveaux brandons ajoutés à l'incendie. On n'a pas voulu que vous frappiez sans motif des vieillards à qui 60 ans de vertus pouvaient faire pardonner de n'avoir pas voulu renoncer en un instant aux préjugés de leur vie entière.

Ainsi, du moment où l'ecclésiastique pourrait, non pas simultanément et dans la contexture du serment lui-même, mais auparavant, se satisfaire par une déclaration, ridicule si vous voulez, mais qui enfin contenterait un homme faible, que dirait-il par cette déclaration? Qu'il croit à la religion catholique, apostolique et romaine. Après cela, il déclarera qu'il est bon citoyen, qu'il veut maintenir la Constitution de l'Etat quí, encore une fois, n'est pas la Constitution civile du clergé. Alors de quel droit voudriez-vous le poursuivre?

Il y a mieux. Après une pareille facilité donnée aux ecclésiastiques, celui qui, avec la faculté de cette déclaration antérieure, refuserait encore de prêter le serment, s'annoncerait alors non pas seulement pour attaché à des opinions religieuses, mais pour ennemi de l'Etat, et les mesures rigoureuses que j'approuve alors, que je conseille, que je soutiendrai de tout mon pouvoir, ces mesures rigoureuses seront justes; la France y applaudira (Murmures.); elle ne le regardera plus comme une atteinte aux consciences, car la conscience de l'homme est une propriété sacrée.

Je finis, Messieurs, en observant que cette mesure conservant beaucoup d'ecclésiastiques bien intentionnés, et éloignant les prêtres pervers, finira par enlever aux ennemis de la Constitution leurs plus chères espérances. Il existe une objection à faire au projet que je propose; je ne me le dissimule pas c'est qu'il se développera une opposition déclarée entre les prêtres ainsi conservés et l'évêque qui se trouvera leur supérieur; mais l'évêque a entre ses mains les pièces canoniques pour les réduire (Murmures); ce n'est point l'affaire de l'Etat. D'ailleurs, cette

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