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Weiss est favorable au système de ne pas confondre la con-dition de la femme et de l'enfant mineur avec celle du mari et du père, et de concéder à la femme la liberté d'opter séparément, et au mineur le droit d'opter à sa majorité 1.

Nous pensons que c'est l'opinion que la femme et le mineur suivent, en matière d'annexion, la nationalité du mari et du père qui prévaudra auprès des Etats balkaniques, soit parce qu'on voudra faire produire à l'annexion les effets les plus larges, soit parce que le système de laisser en suspens pendant plusieurs années la nationalité du mineur, de laisser les membres d'une même famille appartenir à des Etats différents, entraîne bien des difficultés qu'on voudra éviter, surtout au point de vue du service militaire des individus dont la nationalité resterait en suspens.

Ajoutons que d'après la loi sur la nationalité bulgare, lorsqu'un père acquiert la nationalité bulgare, il l'acquiert aussipour ses enfants mineurs 2. En Serbie, malgré le silence de la loi, la pratique est aussi dans ce sens 3.

Il ne sera pas sans intérêt aussi de bien déterminer si, pendant la durée pendant laquelle il est loisible d'opter, l'individu exposé par l'annexion à changer de nationalité reste sujet de l'Etat annexant ou de l'Etat démembré. Cette question a une importance pratique considérable. En Turquie, un sujet étranger n'hérite pas d'un sujet ottoman; parmi les Etats balkaniques il y a la Grèce qui jouit de certains privilèges capitulaires et la situation juridique sera différente suivant que, pendant la durée de l'option, l'individu domicilié ou originaire des territoires annexés sera considéré comme Ottoman ou étranger.

Il nous semble que dès le moment où l'annexion est devenue définitive les individus dont la nationalité a pu être atteinte par l'annexion sont devenus « ipso facto » sujets de l'Etat

1. Weiss, ouv. cité, I, p. 606. Dans ce sens, Selosse, ouv. cité, p. 330; Carlo Bisocchi, Acquisto e perdita della nazionalità, p. 354; Cogordan, ouv. cité, p. 325; Despagnet, ouv. cité, p. 472; Fiore et Pradier-Fodéré, no 70 ; Rolin, no396. Voir aussi Cassation, Turin, 11 juin 1874, Clunet 1875, p. 138. Le protocole du 31 octobre 1877 relatif à la cession de l'île de Saint-Barthélemy par la Suède à la France a accordé aux mineurs un délai de deux ans à partir du jour où ils auraient atteint leur majorité pour l'option: Bonfils et Fauchille, ouv. cité, n° 431.

2. Loi bulgare sur la nationalité de 1880 et 1883 modifiée par celle du 4 décembre 1903, Annuaire de législation étrangère, 1904, p. 398. 3. Peritch, Clunet 1900, p. 96.

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annexant, sauf à recouvrer leur nationalité d'origine lorsqu'ils auront rempli les formalités relatives à l'option.

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Ce principe qui est enseigné par la doctrine 1 paraît être admis par le Gouvernement turc. La Convention de Constantinople du 24 mai 1881 relative à la rectification de la frontière turco-grecque porte que « pendant le délai fixé pour faire la déclaration de l'option, et le changement du domicile, les musulmans originaires ou domiciliés dans les territoires cédés ne seront pas astreints au service militaire ». Si on a fait cette stipulation, c'est qu'à défaut les musulmans auraient été considérés dans l'intervalle comme citoyens grecs et soumis au service militaire. On a voulu faire une exception en faveur des musulmans, exception qui s'explique par les circonstances dans lesquelles la Convention précitée a été passée, avec la médiation des Puissances; mais c'est une exception qui ne sert qu'à confirmer la règle que les individus atteints par l'annexion deviennent à partir de ce moment sujets de l'Etat annexant sauf leur droit d'option.

V

Quelle que soit la solution que l'on donne aux questions que nous avons esquissées, il est certes opportun que toutes ces questions soient réglées et élucidées par un arrangement entre la Turquie et les Etats balkaniques.

A défaut d'arrangement, il serait à désirer que les Etats balkaniques, par une loi spéciale, déterminent les effets de l'annexion sur la nationalité en s'inspirant des règles de droit international généralement admises, afin d'éviter des incertitudes dans la nationalité des individus et des conflits aussi regrettables pour les Etats que préjudiciables pour les inté

ressés.

E. R. SALEM,
Avocat à Constantinople.

1. Weiss, ouv. cité, p. 644; Fiore, ouv. cité, no 395; Selosse, ouvr. cité, p. 348. Les tribunaux français ont cependant déclaré comme Français pendente conditione» les individus atteints par l'annexion. Les termes du traité où il est dit que les individus atteints par l'annexion et optant pour la nationalité d'origine conservent cette nationalité, favorisent cette interprétation. Le traité russo-ture de San-Stéfano a évité cet écueil en stipulant que les individus qui n'optent pas pour la nationalité ottomane restent Russes, ce qui implique qu'ils sont déjà Russes dès l'annexion.

Le mariage et le divorce au Brésil

au point de vue du droit international privé.

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La famille, d'accord avec les principes de la civilisation occidentale, est fondée au Brésil par le mariage.

Pour étudier les aspects de ce problème, qui intéresse non seulement les étrangers au Brésil mais les Brésiliens à l'étranger, il faut le considérer au point de vue de la célébration et, quant à ses effets afférents aux personnes et aux biens, à la descendance et aussi à sa dissolution, par la mort, l'annulation ou le divorce.

Après la proclamation de la République et de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la continuation du régime légal du mariage réglé par le concile Tridentin, comme il était sous l'ancien régime, n'était plus possible. Et réellement, deux mois après l'événement, le gouvernement provisoire promulgua le décret n° 181 du 24 janvier 1890, instituant et réglant le mariage civil obligatoire dans tout le territoire du pays.

L'art. 108 de ce décret fixa au 24 mai 1890 l'entrée en vigueur du nouveau régime; les mariages qui, après cette date, n'ont pas été célébrés conformément aux dispositions dela nouvelle loi ne peuvent donc plus être considérés comme valables. On a cependant reconnu aux époux, quel que soit le culte auquel ils appartiennent, le droit de faire observer, avant ou après le mariage civil, les cérémonies ou prescriptions de leur religion.

Ces dispositions ont été confirmées par la Constitution Fédérale, dont l'art. 72, § 4, est ainsi conçu: « la République ne reconnaît que le mariage civil, dont la célébration est gratuite. »

Les dispositions du décret de 1890 relatives aux mariages des Brésiliens à l'étranger et des étrangers au Brésil se trouvent dans le chapitre V, dont nous donnons ici le texte : « Art. 47. Le mariage des Brésiliens à l'étranger doit être fait d'accord avec les dispositions suivantes :

« § 1. Si les deux futurs époux ou un seul d'entre eux est Brésilien, le mariage peut être célébré en la forme usitée dans le pays où il a lieu.

« § 2. Si les deux futurs époux sont Brésiliens, ils peuvent aussi se marier, suivant la forme de la loi nationale, devant l'agent diplomatique ou consulaire brésilien.

§3. Les mariages dont il s'agit au paragraphe précédent sont soumis aux formalités et aux empêchements prévus par la présente loi. Les oppositions doivent être soumises au pouvoir judiciaire du Brésil compétent pour les juger, et ce n'est qu'après jugement par celui-ci qu'elles peuvent être considérées comme levées au lieu où elles ont été produites.

«§ 4. Les actes de ces mariages doivent, sur production des documents mentionnés à l'art. 1er, être transcrits sur les registres des actes de mariage au Brésil trois mois après la célébration ou bien un mois après que les époux ou moins l'un d'eux sera revenu au pays.

au

« Art. 48. Les dispositions de cette loi relatives aux empêchements et formalités préliminaires sont applicables aux mariages des étrangers célébrés au Brésil. »

Aux Brésiliens à l'étranger, la loi permet le mariage. devant les autorités locales, dans la forme usitée dans le pays où il est célébré (§ 1), ou bien devant l'agent diplomatique ou consulaire brésilien, dans la forme prescrite par la loi nationale (§ 2).

La loi établissant seulement pour le second cas que les mariages sont soumis aux formalités et empêchements prévus par la loi brésilienne (§ 3), il est évident que, dans le premier cas, les mariages restent implicitement dispensés non seulement de ces formalités, ce qui est logique, parce que la forme est celle de la loi locale, mais aussi de ces oppositions ou empêchements, ce qui, par la façon générale qu'on a employée pour le dire, peut soulever des doutes d'interprétation.

Quant aux formalités proprement dites, la question ne présente pas de difficultés. Il s'agit d'un acte juridique et, donc, le principe du locus regit formam actus trouve son application. Les formalités à observer ne peuvent être que celles usitées dans le lieu de la célébration. C'est ce qui est expres

1. Ces documents sont les suivants: certificats d'âge, d'état civil et de résidence des époux et de leurs parents; consentement des personnes ayant droit de le donner; déclaration de deux personnes constatant l'absence d'empêchement au mariage; et, en cas de mariage antérieur, certificat du décès du conjoint antérieur ou preuve de l'annulation de ce mariage.

sément dit dans la loi brésilienne au sujet des Brésiliens mariés à l'étranger dans le § 1 de l'art. 47, et au sujet des mariages d'étrangers célébrés au Brésil dans l'art. 48.

Ce même principe a été mentionné dans l'art. 5 de la Convention de La Haye du 12 juin 1902, qui constitue le premier noyau du Droit international privé codifié 1.

La deuxième partie de cet article de la Convention, cependant, porte une restriction qui, contenant une disposition d'une justesse douteuse, peut donner lieu à des hésitations et à des incertitudes.

<<< Il est toutefois, dit l'article, entendu que les pays dont la législation exige une célébration religieuse pourront ne pas reconnaître comme valables les mariages contractés par leurs nationaux à l'étranger, sans que cette prescription ait été observée. »

On ne comprend pas bien pourquoi. La règle posée de la subordination de la validité du mariage aux formes usitées dans le lieu de la célébration, devrait être absolue.

Lorsque le mariage a été célébré suivant la façon par laquelle on contracte un mariage valable dans le lieu, il devrait être reconnu valable partout. Il est évident que je me rapporte seulement aux solennités, à la partie proprement adjective du mariage. Quant aux formalités qui affectent le fond de l'acte, nous allons les examiner tout à l'heure.

Et encore n'étant pas facilement défendable au point de vue juridique, la dérogation de la règle faite en hommage à ceux qui considèrent le mariage comme un sacrement religieux, la disposition peut soulever aussi des doutes sur la validité des mariages dans les pays où la seule célébration religieuse suffit par son effectivité, par rapport aux pays où on exige pour cette efficacité le mariage civil.

On ne comprend pas pourquoi le principe qu'on a considéré à La Haye au point de vue du mariage religieux ne doit pas prévaloir au point de vue du mariage civil.

En matière d'empêchements ou d'opposition, les dispositions de notre loi ne sont pas d'une interprétation si facile. Comme on sait, dans ce chapitre sont traitées les questions

1. A cette Convention ont adhéré les Pays-Bas, la France, l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la Belgique, l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg, le Portugal, la Suède et la Suisse. (V. texte Clunet 1904, p. 746.)

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