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V. Clunet, Tables générales, III, v Jugement étranger, n° 338 et s., et Tables annuelles, et eod. v° Tables annuelles de 1905 à 1912.

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Kévorkian c. Soc.

Cour d'appel de Paris (6 ch.), 15 juin 1912. -Prés. M. Bomboy.
Georgiades. - Av. pl. MM Hardouin et Cohen-Solal.

En l'absence de traité international réglant les conditions de l'exécution en France des jugements étrangers, le juge saisi d'une demande d'exequatur peut réviser toutes les dispositions du jugement qui lui est soumis. Il peut également, si l'on se trouve dans un des cas prévus à l'art. 135 C. pr. civ., ordonner l'exécution provisoire nonobstant appel de la sentence d'exequatur.

« La Cour : Cons, que, pour établir devant la Cour le bien fondé des défenses qu'il sollicite, Kévorkian soutient qu'ayant été saisi par la Société Géorgiadès d'une demande tendant à lui permettre d'exécuter en France un jugement rendu en Angleterre à son profit, le tribuna! civil de la Seine devait, pour statuer, se renfermer dans les limites de cette demaude et ne pouvait pas de sa propre autorité, par l'effet d'une disposition spéciale de sa part, accorder à la Société poursuivante le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement précité ; — Mais, cons. qu'il est juridiquement établi qu'en l'absence, comme dans l'espèce, de tout traité international réglant les conditions de l'application en France des jugements étrangers, les magistrats français ont une compétence générale à l'effet de la reviser, en la forme et au fond, et ont conséquemment qualité pour déterminer d'après la loi française les cas dans lesquels lesdits jugements, nonobstant opposition ou appel de la sentence d'exequatur, doivent être exécutés par provision sur notre territoire ; Cons., en effet, que, pour la solution de la difficulté pendante entre les parties, les art. 2123, § 4 du Code civil et 546 du Code de procédure civile n'ont pas limité les pouvoirs des juges français et ont virtuellement abandonné à leur appréciation le soin de décider sans qu'ils puissent violer, toutefois, les dispositions de nos lois, comment seront exécutées en France des dispositions judiciaires qui, n'ayant pas été rendues par des tribunaux français, ne possèdent pas, par cela même, au regard de la législation française et en vertu du principe de la souveraineté, l'autorité de la chose jugée; - Cons. qu'en statuant, comme ils l'ont fait, sur les con

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clusions de la Société Géorgiadès ayant pour objet l'exécution provisoire en France du jugement rendu par le tribunal anglais de Middlesen, les premiers juges ont exactement appliqué les principes ci-dessus résumés; Qu'ainsi la seule question à résoudre est celle de savoir si Kévorkian est fondé à prétendre dans les écritures, devant la Cour, que les faits de la cause ne rentrent pas dans l'énumération des cas prévus par l'art. 135 du Code de procédure civile ; Mais cons. qu'à cet égard aucune incertitude ne saurait subsister après l'examen des circonstances et documents du litige; · Qu'il appert notamment des constatations du jugement entrepris que Kévorkian a été condamné à payer le montant d'une traite fournie sur lui et revêtue de son acceptation, laquelle traite a été protestée à son échéance faute de paiement; Cons. que, dans ces conditions, il y a manifestement promesse reconnue et que c'est dès lors à bon droit que l'exécution provisoire a été ordonnée par les premiers juges, dont la décision sur ce point doit être maintenue; Par ces motifs, Déclare Kévorkian mal fondé en les conclusions afin de défense à l'exécution provisoire du jugement entrepris, l'en déboute, etc. »

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NOTE. — C'est une question épuisée que celle de savoir si le tribunal français, saisi d'une demande tendant à rendre exécutoire en France un jugement émanant d'un tribunal étranger, peut, ou non contrôler au fond les dispositions de ce jugement. Malgré la résistance d'une partie de la doctrine (Weiss, Droit international privé, 1. IV, chap. III, tit. II) la jurisprudence est fixée dans le sens des pouvoirs les plus larges accordés au juge français (V. notamment Cass., 21 août 1882, Clunet 1883, p. 289).

Mais la question qui se posait devant la 6° chambre de la Cour de Paris nous semble distincte et même tout à fait indépendante de celle-là. Ici, en effet, le demandeur à l'exequatur ne prétendait pas faire modifier en quoi que ce fut les condamnations prononcées; il demandait seulement que la décision obtenue par lui à l'étranger fût rendue exécutoire en France dans les conditions mêmes qui eussent été de droit pour l'exécution d'une décision d'un tribunal français. Comme il s'agissait d'une traite acceptée, donc d'une promesse reconnue emportant exécution provisoire nonobstant appel aux termes de l'art. 135 de notre Code de procédure, il demandait l'exécution provisoire de la sentence d'exequatur. On ne peut qualifier une telle demande d'additionnelle ou de modificative, car elle n'ajoute rien aux condamnations prononcées et ne les modifie en rien. La disposition d'un jugement qui en ordonne l'exécution provisoire n'est pas, en effet, une condamnation; elle n'est que la constatation d'un fait à raison duquel le Code de procédure français édicte une exception au principe de l'effet suspensif de l'appel. Or les dispositions légales qui traitent des conditions d'exécution des jugements sont, par essence même, purement territoriales; elles dépendent de la souveraineté, et non du pouvoir juridictionnel.

Refuser d'ordonner l'exécution provisoire d'un jugement étranger dont on accorde l'exequatur, lorsqu'on se trouve d'ailleurs dans un des cas prévus par l'art. 135 C. pr. civ., sous le prétexte que le jugement étranger n'ordonnait pas cette exécution, ce serait fairc une confusion regrettable entre les principes qui s'appliquent aux règlements des litiges et ceux qui président à l'exécution des décisions de justice.

Observons, du reste, qu'en fait, il est à peu près impossible qu'un jugement étranger dont l'exequatur est demandé en France puisse contenir une disposition relative à l'exécution provisoire. Tout le monde admet, en effet, qu'une demande d'exequatur n'est recevable que si le jugement qu'il s'agit de rendre exécutoire en France a préalablement acquis à l'étranger l'autorité de la chose jugée; si donc ce jugement contient une disposition relative à son exécution provisoire nonobstant appel, c'est qu'il est susceptible d'appel dans le pays où il a été rendu et n'y a pas, par conséquent, l'autorité de la chose jugée, ce qui rendrait la demande d'exequatur non recevable en France. Pour trouver un cas un seul ! où le jugement étranger faisant l'objet, en France, de la demande d'exequatur, pourrait contenir une disposition ordonnant l'exécution provisoire, il faudrait construire cette hypothèse certainement exceptionnelle : le demandeur avait obtenu, à l'étranger, un jugement susceptible d'appel et ordonnant l'exécution provisoire; mais, en présence de l'insolvabilité du débiteur, il n'a pas fait exécuter ce jugement avant l'expiration du délai d'appel, et, de son côté, le débiteur n'a pas fait appel. Alors le jugement ordonnant l'exécution provisoire est devenu définitif et peut faire l'objet d'une demande d'exequatur en France. Hors ce cas, qui ne s'est peut-être jamais présenté en pratique, la thèse que la Cour de Paris a très justement rejetée aboutirait à cette conséquence qu'il serait toujours interdit au juge saisi d'une demande d'exequatur d'ordonner l'exécution provisoire, alors que la loi française l'autorise ou même la prescrit.

La vérité est qu'il n'y a nullement lieu de se préoccuper de savoir si l'exécution provisoire a été, ou non, ordonnée à l'étranger, ni même s'il était possible qu'elle fût ordonnée, les législations étrangères n'étant pas nécessairement identiques à la nôtre sur les cas dans lesquels un jugement peut être exécuté nonobstant appel : cette question, réglée à l'étranger par des lois de procédure, est, pour le juge français, inexistante lorsqu'il s'agit d'apprécier les conditions dans lesquelles il va rendre exécutoire en France le jugement étranger. Et cela est d'autant plus vrai que même dans l'espèce imaginaire formulée ci-dessus, l'exécution provisoire ordonnée, par hypothèse, à l'étranger, aura perdu, par l'expiration du délai d'appel, son caractère provisoire et par conséquent sa raison d'être ; ce sera une disposition caduque, inopérante; et la question qui se posera en France, celle de savoir si l'exécution de la décision d'exequatur devra ou non ètre suspendue par l'appel formé contre cette décision, apparaîtra comme une question nouvelle, n'ayant rien de commun avec celles que le juge étranger a tranchées, et qui, par suite, et de toutes manières, ne peut être résolue que par l'application de la loi française.

Le juge français, qu'il ait ou non le pouvoir de statuer, au fond, autrement que ne l'a fait le juge étranger, n'a donc d'autre principe à appliquer, en la forme, qu'un principe de bon sens : c'est que le jugement étranger, lorsqu'il a subi victorieusement son examen et son contrôle (contrôle qui s'exerce au moins sur la compétence et la validité extrin

sèque, dans l'opinion de ceux qui n'admettent pas l'examen du fond), acquiert la force exécutoire d'un jugement français et doit être exécuté dans les mêmes conditions que s'il émanait d'un tribunal français; tel est manifestement le sens qu'il faut attacher aux art. 2123 C. civ. et 546 C. pr. civ. La solution contraire consacrerait, sans aucune raison appréciable, une atteinte au principe de la souveraineté territoriale.

Nous pensons donc que la doctrine de l'arrêt rapporté, encore que le premier motif puisse en paraitre surabondant, doit être approuvée non seulement par ceux qui reconnaissent au juge français le droit d'examiner le fond du litige, mais même par ceux qui le lui refusent.

V. Clunet Tabies générales, III, vo Jugement étranger, p. 1050, et eod. ; y Tables annuelles de 1905 à 1912.

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1. Il est de jurisprudence que la forme de la lettre de change et la forme de l'endossement sont régies par la règle locus regit actum, à moins que les parties n'aient manifesté l'intention de s'en tenir aux prescriptions de leur loi nationale.

2. D'après l'art. 258 du Code de commerce italien, l'endossement est valable et transfère la propriété de la lettre de change, alors même que l'endosseur s'est contenté d'apposer sa signature au dos de l'effet.

« Le Tribunal : Att., que, par exploit du 7 février 1912, le Credito Italiano a fait assigner Lautard et Taxil en paiement de la somme de 43.609 fr. 50, montant, avec frais de protêts et retour d'un billet à ordre et d'une lettre de change, souscrits par Lautard et Taxil, à l'ordre d'un sieur Togno et endossés par ce dernier au Credito Italiano, et, faute de paiement à l'audience, en déclaration de faillite; - Att. qu'à l'audience, le Credito Italiano reconnaît que le billet à ordre de 19.298 fr. 95 a été payé et qu'il ne lui reste dû que la traite acceptée de 23.804 fr. 90; — Att. que Lautard et Taxil prétendent que, non seulement ils ne doivent rien à M. Togno, bénéficiaire de la lettre de change, mais encore qu'ils sont ses créanciers de très forte somme, que l'endossement de M. Togno au Credito Italiano est irrégulier comme ne contenant ni la date, ni la valeur fournie, qu'il ne vaut que comme procuration ; que, d'autre part, le Credito

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que l'endosssement Mais, att. qu'il est

Italiano n'est pas tiers porteur de bonne foi; qu'ils sont, par suite, en droit de lui opposer toutes les exceptions qui peuvent être sou levées à l'encontre de Togno; - Att., il est vrai, ne mentionne ni la date, ni la valeur fournie; de jurisprudence que la forme de la lettre de change et la forme de l'endossement sont régies par la règle locus regit actum, à moins que les parties n'aient manifesté l'intention de s'en tenir aux prescriptions de leur loi nationale ;- Att. que la lettre de change dont s'agit a été créée en Italie, que l'endossement a été fait également en Italie; que les parties n'ont nullement manifesté l'intention de s'en tenir aux prescriptions de la loi française ; que c'est, par suite, la loi italienne qui est applicable en ce qui concerne les mentions portées sur ladite lettre de change; Att. que l'art. 258 du Code de commerce italien décide que l'endossement est valable et transfère la propriété de la lettre de change, alors même que l'endosseur s'est contenté d'apposer la signature au dos de la lettre de change; - Att. que le Credito Italiano est donc devenu propriétaire de la lettre de change, puisque cette dernière porte la mention Pagate all ordine del Credito Italiano ». Signé : P. Togno;- Att. que, dans ces conditions, il n'y a pas à rechercher si Lautard et Taxil sont débiteurs de Togno, le Credito Italiano étant tiers porteur régulier ;— Att. que Lautard et Taxil n'établissent pas que le Credito Italiano soit de mauvaise foi; qu'ils n'apportent que des allégations à l'appui de leur prétention; — Att. que, d'autre part, le Credito Italiano justifie avoir fait les fonds; qu'il convient, dans ces conditions, de condamner solidairement Lautard et Taxil à payer au Credito Italiano la somme réclamée ; - Par ces motifs, Statuant contradictoirement et en premier ressort: - Done acte au Credito Italiano de ce qu'il déclare réduire sa demande à la somme de 23.804 fr. 90; Condamne solidairement Lautard et Taxil à payer au Credito Italiano ladite somme de 23.804 fr. 90, avec les intérêts de droit et les dépens; Dit n'y avoir lieu, pour l'instant, à déclaration de faillite ; Att. qu'il y a titre, ordonne l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant opposition ou appel et sans caution. »>

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NOTE. — Jurisprudence constante. V. Paris, 10 décembre 1910, Clunet 1912, p. 536 et la note de M. de Boeck.

V. Clanet, Tables générales, IV, v Lettre de change, p. 12; et eod. Tables annuelles de 1905 à 1912.

J. P.

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