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de la défense de l'inculpé, et pour rendre possible l'examen juridique du jugement rendu, de quelle importance étaient les mofications chimiques et autres subies par le moût que l'inculpé a employé pour la fabrication du «< Tokay non alcoolique » et de quelle sorte ont été les influences auxquelles il a été soumis en vue de le rendre stable et de le clarifier, s'il a été seulement échauffé d'une façon modérée et clarifié par un mode de collage permis, ou si l'on a employé d'autres procédés de fabrication, sur lesquels on n'a, jusqu'à présent, donné aucun renseignement, et qui ont pu amener des transformations essentielles. Si les transformations chimiques établies se manifestent extérieurement dans le goût, l'odeur et l'aspect des boissons fabriquées, de telle sorte que celles-ci ne peuvent absolument pas être confondues avec le moût dans le commerce, l'art. 6 de la loi sur les vins, relatif à la boisson mise dans le commerce sous une fausse désignation d'origine, ne s'applique pas; tandis que dans le cas contraire, c'est-à-dire lorsque la stérilisation ne fait que tuer les principes de fermentation, mais quant au reste ne produit pas une modification, tombant sous les sens, de la nature du moût, l'application de la loi sur les vins dépend exclusivement du fait de savoir si la faculté de fermenter, perdue par le moût, constitue au sens de la loi sur les vins une propriété essentielle et sine qua non du « moût ».

On n'aura donc à résoudre la question de savoir si l'on peut aussi considérer comme moût au sens de l'art. 12 de la loi sur les vins, le jus de raisins qui a perdu la propriété de se transformer en vin par fermentation alcoolique suivant le traitement ordinaire en cave, question que le jugement attaqué résout affirmativement, que s'il est établi d'autre part qu'entre les boissons fabriquées par l'inculpé et le jus de raisins ordinaire capable de fermenter, il n'y a pas d'autres différences tombant sous les sens et motivant une différence de nature.

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En attendant, pour les nouveaux débats de l'affaire ordonnés ciaprès, on peut faire sur cette question la remarque suivante :

La loi sur les vins règle le commerce du vin. D'après le concept légal on entend par là seulement la boisson fabriquée du jus de raisin frais par la fermentation alcoolique. Si quelques dispositions de la loi ont été également étendues au moût et au marc de raisins (art. 3), cela n'a eu lieu surtout que parce que le moût sert de substance fondamentale pour la préparation du vin, devient le vin par traitement en cave. C'est essentiellement aussi en vertu de ce point de vue qu'a été édictée la disposition de l'art. 12 de la loi sur les vins.

La loi sur les vins de 1901 ne contenait pas de disposition de ce genre. La conséquence fut que plus les tribunaux prétendaient ne reconnaitre comme vin, contenant du vin ou similaires du vin que des produits ayant subi la fermentation alcoolique ou contenant de l'alcool, c'est-à-dire ayant l'apparence d'une telle fermentation, plus on ressentait comme une lacune le fait de ne pouvoir poursuivre les falsifications du moût avant le début de la fermentation, lesquelles ne se manifesteraient que dans le vin terminé ; même la confiscation se heurtait à des difficultés, et même dans les cas où l'on mettait dans le commerce du moût ou du marc en vue de la préparation du vin, avec des substances additionnelles iuterdites dans le vin terminé (Décisions, vol. 38, p. 311; vol. 40, p. 69; vol. 41, p. 35). Il fallait remédier à cet état de choses de façon que le moût destiné à la préparation du vin fût déjà protégé, à l'état de matière première, contre la falsification et autres manipulations interdites qui ne se pouvaient atteindre jusqu'alors que dans le vin terminé.

Voilà les motifs qui militent en faveur de l'opinion que le moût ne doit être jugé d'après la loi sur les vins que par rapport à la préparation du vin, comme substance fondamentale du vin, et qu'ainsi le moût que l'on a privé de la faculté de fermenter et qui ne vaut finalement plus rien pour la préparation du vin, ne rentre plus dès lors dans la loi sur les vins, au contraire du moût que l'on calme temporairement, pour lequel la fermentation n'est arrêtée que momentanément et se manifeste de nouveau sans action extérieure. Les motifs de l'art. 10 du projet de la loi sur les vins ne contiennent à la vérité rien de tel, à savoir que la propriété de pouvoir se transformer en vin par fermentation alcoolique appar tienne essentiellement au concept du moût; on range plutôt généralement le moût, sans regarder s'il peut servir à préparer le vin, notamment aussi le moût destiné à la consommation immédiate, dans la loi sur les vins, prenant ainsi consciemment position contre le point de vue détendu dans la Décision vol. 40, p. 69, pour la précédente loi sur les vins. Mais il ne s'ensuit nullement qu'à présent, pour la concept du moût, il ne faille plus regarder s'il a encore ou s'il n'a plus la faculté de fermenter. Car même par le moût destiné à la consommation, la faculté de fermenter est d'une grande importance, puisqu'au cours de la fermentation par laquelle le jus frais de raisins se transforme en vin, dans les premiers stades de la transformation durant lesquels seulement le liquide est propre à être consommé non fermenté, des modifications

rapides et importantes pour le goût s'accomplissent, caractérisées par des noms spéciaux.

Cependant il n'est pas justifié d'exiger que la faculté naturelle de fermenter sommeillant dans le moût fasse partie essentielle du concept de moût. Un moût privé de ferments, mais qui peut être amené artificiellement à la fermentation alcoolique par l'addition de substances, de la même façon qu'on les utilise pour la refermentation de vins ayant fini de fermenter et en particulier de vins malades, un tel moût, dont on peut obtenir du vin après comme avant, reste du moût, car la persistance de cette possibilité prouve que sa nature n'a pas été modifiée, qu'il est demeuré une substance fondamentale dont on peut licitement tirer du vin, et est également propre à être consommé comme moût.

On peut donc admettre que l'art. 12 de la loi sur les vins est aussi applicable au moût de raisins, lorsque la fermentation a été arrêtée par chauffage, en admettant que le moût n'ait pas perdu, par suite de la manipulation, la propriété de se transformer ensuite en vin, soit de lui-même par fermentation naturelle, soit par fermentation introduite artificiellement, et qu'il ait également conservé, aux autres égards mentionnés ci-dessus, la nature de moût, et que par conséquent les déplacements se produisant nécessairement dans la composition, lors de la stérilisation, ne tombent pas sous les sens, quoique chimiquement démontrables, point d'avoir une importance pour le commerce.

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Et de même qu'un tel moùt, stérilisé par simple chauffage modéré, est soumis régulièrement, au point de vue commercial, aux limitations de la loi sur les vins, de même il peut prétendre d'autre part à être coupé avec du vin ou du moût frais, même d'une autre année, et à être mis sur le même pied que d'autre moût pour le traitement en cave.

La question élucidée dans le jugement attaqué et à laquelle il répond affirmativement en se référant aux débats légaux, à savoir si les «< vins non alcooliques » rentrent aussi dans la loi sur les vins, n'a pas à être tranchée, car, comme le jugement lui-même le dit excellemment, il ne s'agit pas ici de vins auxquels on a eulevé après coup l'alcool, mais de jus de raisins non fermenté ; il n'y avait pas lieu de considérer ces vins; la conclusion que si la loi sur les vins s'applique aux vins non alcooliques elle s'applique de même aux moûts stérilisés, n'est pas du tout probante.

Quant à la question de savoir si la stérilisation de moût de raisins peut être considérée comme falsification et s'il est permis de

désigner comme «< vin non alcoolique » du moût de raisins stérilisé, elle est solutionnée, vis-à-vis aussi de l'appel du Parquet, par ce constat du jugement que l'inculpé n'a eu aucune intention de tromper.

NOTɛ. — V. Clunet, Tables générales, IV, vo Nom commercial, p. 336 ; et eod. Tables annuelles de 1905 à 1912.

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Oberlandergericht de Francfort, 9 novembre 1910 (Markenschutz u. Weltberverb,

1911, p. 132).

La maison J. S., à H., a fait enregistrer en Allemagne une marque de fabrique qui est protégée en Grande-Bretagne au profit d'une fabrique de ce pays. Cette même maison J. S. a la représentation exclusive en Allemagne de la fabrique anglaise. Le détaillant F. avait, par l'intermédiaire d'un tiers, acheté directement à la fabrique, en Angleterre, des marchandises munies de la marque en cause, et les offrait en vente en Allemagne. La maison J. S. requit une saisie provisoire contre le détaillant, ce qui lui fut accordé dans l'instance d'appel par arrêt définitif de l'Oberlandesgericht ainsi conçu en résumé:

On doit admettre tout d'abord que la fabrique anglaise est protégée pour sa marque en Grande-Bretagne, qu'elle y appose licitement cette marque sur ses produits, et qu'elle met licitement ces derniers dans le commerce, munis de la marque. Le défendeur a établi que, par l'intermédiaire d'une tierce personne, il a acquis de la fabrique anglaise des marchandises produites par elle et munies de la marque: il ne vend donc dans son établissement situé en Allemagne que des produits que le propriétaire de la marque anglaise versés lui-même dans le commerce en Angleterre. La seule chose qui résulte de ce fait est que le défendeur est à l'abri de toute poursuite de la part du propriétaire de la marque anglaise. En revanche, le Landgericht a commis une erreur de droit en admettant que, par la revente de ces marchandises en Allemagne, le défendeur n'a porté aucune atteinte à la marque allemande de la demanderesse.

Il est vrai que le droit à la marque est absolu, et n'est pas limité en soi par les frontières du pays d'origine. Mais l'étendue territoriale du droit à la marque se restreint nécessairement quand,

comme dans l'espèce, la même marque, s'appliquant aux mêmes marchandises, appartient à des personnes différentes, dont l'une est domiciliée en Allemagne et l'autre à l'étranger, en sorte que les législations de deux pays se trouvent en présence. Dans ce cas, le propriétaire de la marque étrangère et ses acheteurs, ou leurs hommes de paille, ont le droit de vendre dans le pays étranger; mais la question de savoir si, en présence de l'enregistrement effectué en Allemagne au profit d'un tiers, ils ont également la faculté d'importer et de vendre en Allemagne, ou si, au contraire, le débit de la marchandise en Allemagne ne constitue pas une atteinte à la marque allemande, cette question ne peut être résolue que d'après la loi allemande, et celle-ci la résout indubitablement dans ce dernier sens. En effet, il résulte clairement des art. 12, 2e phrase, et 23 de la loi sur les marques, que l'enregistrement obtenu en Allemagne par la demanderesse confère à cette dernière le droit exclusif à l'usage commercial de la marque ; et en l'absence de tout enregistrement en Allemagne au profit du propriétaire étranger, le fait qu'une marque semblable est protégée dans un autre pays importe peu au point de vue du droit en matière de marques. D'après le droit allemand, le défendeur ne peut donc se prévaloir du fait qu'il s'agit ici de marchandises sur lesquelles la marque a été licitement apposée en Angleterre et qui ont été légalement achetées dans ce dernier pays; cela ne justifie nullement la manière d'agir du défendeur qui, malgré la protection obtenue en Allemagne par la demanderesse, a vendu dans ce pays des produits munis de la marque en cause qui ne provenaient pas de cette dernière.

Ces principes sont consacrés expressément par la jurisprudence. C'est uniquement parce que le défendeur n'avait pas employé la marque en Allemagne que le Tribunal de l'Empire, dans l'arrêt cité par le Landgericht (vol. 45 des arrêts du Tribunal de l'Empire, p. 145) est arrivé à une autre conclusion; mais cet arrêt adopte les mêmes principes, comme tant d'autres jugements dont le mémoire d'appel cite des passages sans tenir suffisamment compte de l'ensemble des considérants (V. vol. 54, p. 417; 51, p. 263). L'arrêt qui figure au vol. 51, p. 263, dit expressément que c'est le droit national qui fait règle lorsqu'il s'agit de prononcer sur la protection d'une marque nationale, et il a recherché si le demandeur avait obtenu la protection en Allemagne, ce qui n'était pas le cas.

Il importe peu également au point de vue du droit que comme

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