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et

repose'. N'est-ce pas encore étendre ces pouvoirs qu'admettre le contrôle sur le système légal de droit international privé ap pliqué; n'est-ce pas infirmer par avance la force du traité d'exécution, exposer les jugements rendus dans chacun des pays contractants à des refus d'exequatur, faite par ces pays d'appliquer les mêmes règles de droit international privé, faute aussi d'unité de jurisprudence dans chaque pays combien on en est loin! en matière de conflits de lois ? Je borne ici les observations que je voulais présenter à propos du nouvel ouvrage de M. Pillet. Le succès de ce livre viendra sans nul doute confirmer l'appréciation que j'en donnais au début de ces développements tous ceux qui, pour leurs affaires ou leurs études, ont à se préoccuper de ces questions lui feront le meilleur accueil.

Maurice BERNARD,

Professeur à la Faculté de droit de Grenoble

La double nationalité et la perte de la nationalité, spécialement au point de vue de la législation du Brésil.

I

Comme conséquence de l'adoption de principes différents pour établir la façon d'acquérir et de perdre la nationalité apparait la situation de ceux qui perdent leur nationalité l'origine sans en acquérir une autre, ou en acquièrent une nouvelle sans perdre la primitive.

C'est la situation de ceux qui n'ont pas de nationalité, les heimatlos, et de ceux qui en ont une double.

C'est précisément quand on s'occupe de cet aspect du problème de la nationalité, qu'on s'aperçoit que, dans ses effets pratiques, il a une portée considérable, surtout si on tient compte du développement énorme qu'ont pris dans ces derniers temps les migrations humaines, et l'importance, toujours grandissante, des relations entre Etats.

Comme on sait, les Etats, ayant inconstestablement le droit de régler eux-mêmes, indépendamment d'influences étrangères

1. Voy. Bartin, Clunet 1906, p. 995 et s.

et avec le seul souci de leur intérêt et de leur point de vue, les questions se rattachant à l'acquisition de leur nationalité, n'ont pas adopté les mêmes règles pour imposer la nationalité d'origine ni, en général, pour définir les moyens par lesquels on peut acquérir ou perdre la nationalité.

A ce point de vue, les nations d'Europe, d'une part, et, d'autre part, celles de l'Amérique, ont formé deux groupes différents, chacun d'eux évidemment mû par le sentiment de ses intérêts vitaux, qui, à ce sujet, sont contradictoires.

De cette divergence fondamentale, il s'ensuit qu'il est très commun, dans la réalité des faits, qu'une même personne, par le seul fait de sa naissance, se voit disputée comme «< nationale» par deux Etats et se trouve, sans qu'elle-même ou personne autre y puisse rien faire, sous l'allégeance de deux souverainetés; ou, au contraire, par le jeu des mutations de résidence sur des territoires soumis à des lois divergentes, un individu peut perdre sa nationalité originaire sans en acquérir, une nouvelle.

C'est cette situation qu'on appelle l'heimatlos et qui, parce qu'elle constitue une anomalie et se traduit en une injustice à l'égard des autres personnes, nées dans le même pays, a éte partout adoucie par des lois ou conventions tendant à les abolir.

Aux pays où règne le principe du jus soli, là où, par le fait même de la naissance, la créature acquiert une patrie, le cas n'est pas très fréquent. Pour qu'il disparaisse partout cependant, il faut qu'on établisse, outre la règle qui attribue une patrie à tout être qui naît, le principe par lequel personne ne doit perdre la nationalité qu'il a, sans en acquérir aussitôt une

autre.

Etant tout de mème, comme je viens de le signaler, une situation anormale, l'heimatlosat ne peut pas entraîner les difficultés et les dangers que présente la situation de la double nationalité.

Au sujet de cette situation, cependant, il faut convenir que, malgré tout ce qu'on pourrait dire sur le terrain des principes, on la rencontre à chaque instant. C'est, si on veut, une simple situation de fait, mais qu'on ne peut pas nier et pour laquelle il faut bien qu'on établisse les conséquences juridiques.

Je sais bien que l'anormalité d'une telle situation fut dans tous les temps proclamée par les auteurs les plus considérés.

Elle est souvent répétée, la phrase de Freilhard « On ne peut avoir deux patries », que Proudhon a complétée : « comme on ne peut avoir deux mères » ; situation que Laurent regardait comme «< une impossibilité naturelle et juridique », et Cogordan considérait comme une anomalie. Cependant, contre les faits qui se présentent et s'imposent à l'attention des hommes d'Etat, les opinions théoriques, vraies sans doute dans le domaine du droit pur, ne peuvent prévaloir et doivent céder le pas aux solutions pratiques que le fait constaté est succeptible de recevoir.

<< S'il n'est pas douteux », a écrit dans une excellente monographie M. Henry Fromageot, « s'il n'est pas douteux qu'on doive admettre en principe que la mème personne ne peut devoir allégeance à deux Etats différents, il n'en faut pas moins reconnaître que les imperfections du droit moderne permettent qu'en fait le conflit précédent se produise et puisse se produire, puisqu'en somme, tout dépend des dispositions des lois et de la jurisprudence des différents Etats »1.

Et, dans ces conditions, s'il y a des cas où une telle situation est une véritable anomalie qu'il convient de faire disparaître, il y en a d'autres dans lesquels elle doit être considérée comme un phénomène normal dans les relations des Etats et dont les conséquences peuvent être prévues et réglées.

Découlant du fait même de l'acquisition de la nationalité, la double nationalité ou le cumul de nationalités, comme on prétend l'appeler d'une manière plus précise, peut naître de tous les moyens par lesquels on peut acquérir une nationalité : ces moyens sont la naissance sur un certain territoire, la nationalité des parents, la naturalisation, le mariage et l'annexion des territoires.

Dans ce dernier cas, généralement, les traités par lesquels l'acte d'annexion est consommé s'occupent de définir la situation. Le territoire passe lui-même sous la dépendance d'une nouvelle souveraineté. La nationalité des gens qui y sont nés et domiciliés doit être réglée d'une manière claire et précise dans les documents où il s'agit d'établir les bases du nouvel ordre des choses.

Les constestations à propos de nationalité qui se sont soulevées en suite d'annexion de territoires, n'ont été possibles

1. De la double nationalité, p. 16.

que parce que les traités ont été incomplets ou obscurément rédigés. Ce sont, cependant, des questions qui peuvent être réglées d'une manière absolue et tranchées de façon à ne pas laisser de doutes.

Dans le cas de naturalisation, y compris celui de mariage, la situation est plus difficile, mais elle n'est pas insurmontable. La double nationalité y peut apparaître, parce que tous les pays n'adoptent pas le principe, du reste absolument juste et rationnel, en vertu duquel celui qui

naturaliser dans n'importe quel Etat, perd, par ce fait même, la nationalité antérieure.

Les lois ne peuvent penser à être plus rigoureuses que le sentiment des enfants du pays. Si ceux-ci, par des circonstances qui, dans les temps présents, n'ont rien de blâmable ou de méprisant, cherchent à obtenir une autre nationalité, il est clair qu'ils abandonnent leur nationalité d'origine. On ne peut pas comprendre que, malgré la signification positive d'un acte de naturalisation, les lois nationales continuent à considérer comme des sujets les nationaux qui se sont fait naturaliser ailleurs.

Et, si on admet ce principe qu'aucun obstacle sérieux n'empêche d'accepter et qui, du reste, est presque partout reçu, on doit reconnaître, avec moi, qu'une grande partie des cas de cumul de nationalités a disparu.

Le mariage, quand il entraîne un changement de nationalité, ce qui arrive conformément à quelques législations, aux femmes qui se marient avec un étranger, le mariage doit être assimilé à une naturalisation. Il faut aussi que les pays originaires des femmes qui ont perdu leur nationalité par le fait du mariage, se conforment à cette situation et tiennent ces femmes déliées de leur allégeance primitive.

Dans ces cas il est vrai, le problème offre encore une difficulté ; il y a des pays, et le Brésil est du nombre, qui ne donnent pas au mariage un effet sur la nationalité de la femme. Mais il est tout à fait nécessaire que ces pays changent leur manière de voir qui ne se défend pas. On ne comprend pas que la société la plus intime qu'on connaisse et qui assurément est celle qui naît du mariage, n'ait pas une loi commune; que la femme et le mari, dans les questions d'état et de capacité, par rapport à leurs biens et successions, soient régis par des lois différentes.

La règle, votée par l'Institut de droit international dans sa séance d'Oxford, en 1880, que la femme acquiert par le mariage la nationalité de son mari, est des plus légitimes et des plus défendables, et doit être partout adoptée, comme elle l'est déjà, du reste, par la plupart des législations,

Acceptant donc ce principe et considérant la femme mariée avec un étranger comme ayant reçu la nationalité de son mari, et acceptant aussi le principe que l'acquisition légale d'une nouvelle nationalité, disons la naturalisation, entraîne comme conséquence la perte de l'ancienne nationalité, il n'y aura plus de difficultés, comme je l'ai signalé, pour une grande partie des cas de double nationalité.

Je comprends parlaitement que cette solution, qui se défend par elle-même sur le terrain des principes, se heurte à l'intérêt considérable des pays d'immigration, qui voient, toutes les années, leurs nationaux aller s'établir, par centaines de mille, dans les fertiles plaines des pays lointains.

Ces États en général ne désirent point perdre la subordination de ces très nombreux nationaux. Ils prétendent que, même en s'en allant chercher au loin un bien-être et un avenir que le vieux sol natal ne peut plus leur assurer, en partant en vue d'un établissement prolongé, sinon définitif, et en amenant avec eux leurs parents et leurs enfants, tout leur bien et tout leur attachement dans ce monde, ils prétendent que ces émigrés ne perdent pas la subordination à la Patrie absente et qu'ils ne se délient point des devoirs que créent les lois.

C'est en Italie surtout que ces questions ont ému profondément l'esprit public. Malgré les lois répressives, malgré la propagande officielle et le scandale qu'on y fait autour de quelques cas isolés, plus d'un demi-million d'Italiens abandonne, chaque année, le sol natal pour aller s'établir dans des pays étrangers.

Là-bas, selon leur propre convenance ou, dans quelques cas très particuliers, par l'exigence des lois, ils deviennent naturalisés. L'Italie risque donc de perdre l'allégeance de ces caravanes qui partent tous les jours.

Dans le premier Congrès colonial tenu à Rome. en 1908, le professeur Giulio Cesare Buzzati a mis le problème à l'ordre du jour, en présentant un projet de conclusion à adopter au sujet de la double nationalité, ou, comme il l'a appelé, de la

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