Page images
PDF
EPUB

où l'on prône, en France, les idées d'association franco-indigène, de lui refuser d'adhérer d'une façon pratique aux idées nouvelles. »

M. Pâris, armé de cette lettre, a fait quelques démarches en faveur de l'officier qui veut se marier avec une Annamite ; celles-ci n'ont pas encore abouti; des officiers ont même déclaré au député de la Cochinchine qu'elles étaient vouées à l'insuccès.

La question posée par M. Pâris présente, on en conviendra, un certain intérêt, si l'on songe que des fonctionnaires français ont déjà épousé des indigènes et qu'ils sont un peu dans le même cas que des officiers si l'on songe aussi que nous comptons, dans notre armée, des officiers annamites et, notamment, le commandant Chau et son frère, le lieutenant aviateur Do Hu.

Si nous conférons, dans notre armée, des brevets d'officier à des Annamites, pourquoi interdire à un officier un mariage avec une indigène indo-chinoise? Fernand Hauser. (Le

Journal, 7 janvier 1913.)

NOTE.

[ocr errors]
[ocr errors]

Cons. Clunet, Tables générales, IV, vo Mariage, p. 77; vo Officier, p. 360; et eod. vo Tables annuelles de 1905 à 1912.

CHRONIQUE DE L'ACTUALITÉ

L'atterrissage en France d'un Aérostat ou Dirigeable

[ocr errors]

militaire allemand.

Aff. du Zeppelin IV.

SOURCE. Le Temps et les Débats des 5 et 6 (antidatés) avril 1913, le Matin, le Figaro, le Journal et autres quotidiens des 5 et 6 avril 1913.

ATTERRISSAGE EN FRANCE.

Le 3 avril 1913, le dirigeable allemand Zeppelin-IV, monté par des officiers et soldats allemands en uniforme, atterrissait en France, près de Lunéville, à la frontière de l'Est, presqu'au milieu d'un camp français.

Cet atterrissage a provoqué des deux côtés de la frontière une vive émotion.

Cette émotion était naturelle.

lly a deux ans passés, en août 1910, deux aviateurs français, engagés dans le Circuit sportif de l'Est avaient, dit-on, dépassé la frontière. La Strassburger Post demandait que « si des aéroplanes français apparaissaient au-dessus du territoire annexé, on les reçut à coup de mitraille » (Clunet 1910, p. 1125).

Ce procédé radical de destruction des « aériens » étrangers avait été trouvé un peu vif par une partie de la presse allemande elle-même ; une autre partie l'avait approuvé (Ibid., P. 1128).

La France allait-elle conformer sa conduite aux conseils suggérés par une fraction non négligeable de l'opinion allemande ?

Latere quam ipse fecisti legem.

En Allemagne, ce fut un sentiment de dépit auquel s'ajoutait le regret de voir un Zeppelin - le plus perfectionné de tous - livré à la curiosité française, alors qu'il y avait deux jours les autorités allemandes priaient la presse de ne publier aucun renseignement relatif à la construction des dirigeables. En France, après un premier instant d'émoi, on attendit les résultats de l'enquête ouverte par l'autorité militaire. Voici les renseignements qui furent recueillis. :

Cinq officiers en uniforme, un sous-officier également en uniforme, appartenant tous à l'armée allemande, et sept mécaniciens ou passagers civils, étaient à bord du Zeppelin qui a atterri à Lunéville. Les militaires sont les capitaines Fritz George, de la section d'aéronautique de Berlin, attaché à la station aéronautique de Metz; Glund, pilote, Félix Jacobi, du 3 bataillon des aérostiers de Metz; Jean Brandeis, du bataillon des aérostiers de Berlin; le sergent Gall, du 3o bataillon d'aérostiers de Metz.

L'aéronat avait été aperçu évoluant au-dessus de Vesoul. Il se dirigea ensuite à vive allure vers Epinal.

Vers midi et demie, le 3 avril 1913, les habitants de Lunéville voyaient avec étonnement, poindre dans le ciel brumeux, au-dessus de la ville, un grand ballon, jaune brun, paraissant venir de la direction de Nancy. C'était un dirigeable rigide évoluant à une très grande hauteur. Le dirigeable disparut, mais à 1 h. 20 il reparut, évolua plusieurs fois au-dessus de T. 40. No III-IV, 1913.

CLUNET.

33

l'église Saint-Jacques, puis alla planer au-dessus du terrain de manœuvres de la ville.

Sur ce terrain manœuvraient à ce moment trois escadrons de chasseurs à cheval. L'aéronat peu à peu descendait. Ses passagers agitaient leurs mouchoirs, voulant ainsi témoigner de leurs intentions pacifiques, ou peut-être, plus simplement, de leur désir d'atterrir sur le terrain.

Dès que la nacelle de l'immense vaisseau aérien eut touché le sol, les officiers de chasseurs donnèrent l'ordre à un certain nombre d'hommes de l'entourer, tandis qu'ils faisaient aider à la manoeuvre d'atterrissage.

L'approche du Zeppelin avait été remarquée par nombre d'habitants de Lunéville, et les plus curieux s'étaient dirigés vers le Champ-de-Mars. Quand le dirigeable prit terre, la foule s'amassa; il fallut faire appel au renfort d'une compagnie cycliste pour la contenir.

Les aéronautes, interrogés, déclarèrent que partis dès six heures du matin du lac de Constance pour procéder à un essai du Zeppelin, ils n'étaient que de simples particuliers chargés de se rendre compte des qualités d'endurance et de vitesse du dirigeable à l'essai. Ils mirent sur le compte d'une erreur leur voyage en France.

L'accueil fait à l'équipage du ballon allemand par les autorités françaises fut extrêmement correct. Le baron de Tuckheim, maire de Lunéville, emmena à la mairie dans son automobile les officiers allemands.

Cependant le public ne voulait en effet pas croire à une erreur des pilotes allemands. On affirmait du reste que ceuxci avaient guidé leur dirigeable au-dessus du fort de Manonviller puis l'avaient ramené vers Lunéville et, se voyant à ce moment dans l'impossibilité de continuer leur voyage aérien, s'étaient empressés de jeter leurs appareils, leurs papiers et autres documents photographiques. De fait on ne trouve rien dans les nacelles du dirigeable. Mais les pilotes expliquèrent qu'ils avaient jeté tout ce qu'ils pouvaient par-dessus bord (même les bidons d'essence) afin de ralentir une chute qui devenait trop rapide. Comme les premières recherches faites aux environs immédiats de Lunéville furent infructueuses, l'effervescence grandit et l'on dut prendre de sévères mesures d'ordre. Trois compagnies du 2o bataillon de chasseurs à pied

et un escadron de cavalerie vinrent aussitôt renforcer les troupes, la police et la gendarmerie qui gardaient le Zeppelin et ses passagers et pilotes. Des mesures ont été prises pour éviter que le moindre incident se produisît pendant le séjour forcé de l'aérostat allemand à Lunéville.

Les pilotes allemands ont eux-mêmes déclaré que leur appareil ne pouvait reprendre l'air sans être regonflé, que l'hydrogène nécessaire ne serait pas facile à se procurer, et qu'enfin des avaries survenues au moment de l'atterrissage à la nacelle et au mécanisme de l'arrière de leur aéronat nécessitaient des réparations dont la durée ne pouvait être évaluée.

Le directeur du génie de Lunéville a fait immobiliser l'aéronat, en supprimant la distribution d'électricité par l'enlèvement des magnétos. Le dirigeable a été fixé à l'aide de cordes attachées à des piquets de fer.

Voici quelques renseignements complémentaires fournis par l'autorité française sur cet atterrissage.

Le 3 avril 1913, à midi quarante minutes environ, le Zeppelin passait au-dessus de Lunéville, très haut dans les nuages, mais on l'aperçut cependant très nettement se dirigeant vers l'est, suivant la ligne du chemin de fer, vers Marainviller, à dix kilomètres à peine de la frontière. L'émotion causée par cette vision était à son comble, lorsque une demiheure après on vit le dirigeable allemand qui semblait en détresse revenir vers Lunéville. Le Zeppelin piquait de l'arrière sa pointe dressée à quarante-cinq degrés. Il frôla un réservoir d'eau ainsi que les arbres en bordure du champ de manœuvres, et enfin il vint brusquement, durement, en contact avec le sol.

Le concours de nos soldats fut fort utile aux aéronautes allemands, tant pour aider leur manœuvre que pour les protéger contre la curiosité de la foule.

Les officiers en uniforme avaient à bord des vêtements civils. Ils les revêtirent, puis il fut procédé à une première visite de la nacelle de l'aéronat. On trouva, paraît-il, un appareil photographique, des plaques. On prétendit, selon des renseignements arrivés par la suite, que des clichés et des papiers ont été jetés en cours de route. Ce point ne fut pas établi.

-Le capitaine allemand Glund, pilote du Zeppelin, a fait

du voyage de l'aéronat le récit suivant, dans la soirée de l'atterrissage :

Hier matin à six heures, j'ai quitté le hangar de Friedrichshaven sur le lac de Constance, afin d'exécuter un voyage d'essai à haute altitude.

Nous devions nous livrer avec une commission militaire à différents essais sans escale. Nous devions nous rendre à BadenBaden et atterrir dans cette ville, où la Société Zeppelin possède un hangar.

Dès le départ, le ballon est monté à une altitude de 2.000 mètres. Nous avons traversé la Forêt-Noire. Le temps, très clair jusqu'alors, s'est couvert de brouillards au-dessus de la ForêtNoire. Nous nous sommes rendu compte qu'un fort vent soufflant de l'est à l'ouest nous portait vers l'ouest et que nous dérivions formidablement. Nous n'avons pu essayer d'atterrir parce qu'à ce moment nous traversions la Forêt-Noire et que plus tard nous aurions été gênés dans nos manoeuvres par les montagnes du Felberg, hautes de 1.500 mètres.

Nous avons continué de naviguer ainsi pendant plusieurs heures. C'est seulement à une heure de l'après-midi, alors que nous étions à l'altitude de 1.000 mètres environ, que nous nous sommes rendu compte que nous voguions au-dessus de la France.

Une éclaircie nous a permis d'entrevoir, d'une hauteur de 400 à 500 mètres, des groupes de soldats d'infanterie manoeuvrant. Nous ne nous sommes pas aperçus du moment où nous avons traversé les Vosges.

Nous avons alors cherché un point favorable d'atterrissage. Nous avons aperçu le champ de manœuvres de Lunéville. Après en avoir référé aux officiers qui étaient à bord, nous avons atterri, par correction et aussi par politique, afin de démontrer que nous n'étions pas venus volontairement en France et que nous y avions été poussés accidentellement. Nous sommes descendus sans incident sur le terrain de manoeuvres. L'atterrissage a été un peu brusque, mais nous n'avons eu aucun accident.

A notre descente sur le terrain de manoeuvres, un groupe de cavalerie était passé en revue par le général Lescot. Le général Lescot est monté à bord de notre nacelle, nous a interrogés, nous a demandé nos papiers et a fait isoler notre ballon de la foule par les cavaliers du régiment de chasseurs appelé immédiatement. Puis sont intervenus le maire de Lunéville, le baron de Turck

« PreviousContinue »