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des règles du statut personnel, s'il arrivait qu'un étranger fût en butte devant nos tribunaux, même dans les limites tracées par l'art. 340 actuel du Code civil, à une action en recherche de paternité, cette action ne devrait pas être favorablement accueillie par eux, si les parties étaient les sujets d'un Etat dans lequel la recherche de la paternité est défendue plus rigoureusement que dans notre pays '. Nos tribunaux pourraient toutefois, en se basant sur l'art. 3, 1° du Code civil largement entendu, décider, en cas de séduction. par exemple, que des dommages et intérêts seront attribués aa mère, si les relations intimes ont été déterminées par des moyens déloyaux ou frauduleux. Notre jurisprudence, dans un intérêt de moralité publique, admettait cette solution sous l'empire du Code civil de 1804, comme n'ayant rien d'incompatible avec la règle rigoureuse qu'il édictait. Il nous paraît juste que l'étranger dont le statut personnel défend la recherche de la paternité, puisse néanmoins être condamné à des dommages et intérêts à la requête de la femme qu'il aurait frauduleusement séduite (art. 1382 C. civ.). Aussi bien, soutiendrions-nous volontiers, en droit interne français, que l'action en dommages et intérêts au profit de la mère coexiste, notamment dans l'hypothèse que nous venons de présenter, avec l'action en réclamation de paternité qui appartient à l'enfant.

Toutes les règles que nous venons de dégager s'appliquent sans difficulté si les parties en cause dépendent toutes d'un mėme pays. Mais il est possible qu'il y ait conflit entre les lois personnelles de l'enfant et du prétendu père. Alors se présentent deux questions. D'une part, à quel moment faut-il se placer pour se rendre compte du conflit des lois personnelles ? Et puis, en supposant que le conflit existe, comment doit-il être résolu?

Et d'abord, quand y aura-t-il conflit de lois personnelles. entre l'enfant et son prétendu père? On peut prévoir que ce dernier change de nationalité dans l'intervalle de temps qui s'écoule entre la conception et la naissance de l'enfant. Il en est qui estiment qu'il convient de se placer toujours au temps de l'accouchement pour apprécier la nationalité respective

1. De même, un jugement rendu en pays étranger, qui aurait méconnu les règles du statut personnel de l'étranger dans des termes analogues à ceux que nous prévoyons, ne pourrait, à notre avis, avoir aucune valeur en France.

en invoquant leur loi personnelle, y reconnaître, autrement que dans un but de légitimation, un enfant adultérin ou incestueux. On ne peut pas davantage diriger contre eux une action en recherche qui aboutirait à la révélation d'une semblable filiation. L'ordre public s'y oppose impérieusement '. Mais si l'action en recherche a été intentée en dehors de notre pays contre un étranger dont la loi nationale autorise cette action, est-ce que la filiation adultérine ou incestueuse ne va pas être considérée comme régulièrement établie en France? Beaucoup d'auteurs le pensent 2. On applique en d'autres termes à cette filiation ce que nous avons dit nous-même en parlant du cas où une recherche de paternité naturelle simple ayant été dirigée en pays étranger contre un étranger pour une cause que n'admet pas la loi française de novembre 1912, a abouti à la preuve de cette paternité. L'enfant, avons-nous dit, sera considéré comme enfant naturel de l'étranger vis-àvis duquel la question de filation aura été tranchée. Sans doute, mais dans l'hypothèse que nous prévoyons en ce moment, s'agissant de filiation adultérine ou incestueuse, ce n'est pas seulement un procès que notre législateur considère comme portant atteinte à l'ordre public, mais bien toute constatation volontaire ou judiciaire, peu importe. « Ce que la loi française a voulu prévenir, ce qui est réprouvé, écrit excellemment M. Weiss 3, c'est non pas l'aveu forcé ou la reconnaissance judiciaire d'une paternité, qu'une reconnaissance spontanée pourrait établir, mais un procès scandaleux, mais des investigations qui seraient un péril et une offense pour la morale publique... Après quoi il ajoute « Une exception cependant devrait être apportée à cette règle pour le jugement étranger qui constaterait une filiation adultérine ou incestueuse. Le Code civil, en effet, et abstraction faite du scandale de la preuve, défend le simple aveu d'une telle filiation comme contraire à l'ordre public international. » Concluons même depuis la loi du 16 novembre 1912, ce n'est, abstraction faite du cas de légitimation, que dans les hypothèses où la preuve d'une filiation adultérine ou incestueuse peut être fournie indirectement d'après nos lois contre un

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1. V. et rapp. Nîmes. 16 décembre 1910, Clunet 1912, p. 1160. 2. V. Lehr, Clunet 1883, p. 143 s.: Despagnet, Clunet 1888, p. 592 s. 3. Traité théorique et pratique de dr. int. privé (2 édit.), IV,

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national, que cette filiation, même constatée vis-à-vis d'un étranger hors de notre pays, pourra produire des effets en France.

Les explications que nous venons de donner nous montrent que, sous réserve de la limitation tenant à l'ordre public, c'est le statut personnel de filiation qui détermine pour quelles causes peut être intentée une action en réclamation de paternité naturelle et quel est le caractère juridique qu'il convient de reconnaître, au point de vue du droit international, tant aux causes limitativement énumérées par l'art. 340 actuel du Code civil qu'aux fins de non recevoir qui, le cas échéant, peuvent leur être opposées et en précisent la portée d'application.

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Le statut personnel détermine aussi la personne par laquelle et celle contre laquelle l'action en recherche devra être intentée. D'après la loi du 16 novembre 1912, l'action n'appartient qu'à l'enfant. Pendant la minorité de cet enfant, la mère même mineure pourra seule l'intenter. En décidant de la sorte, la loi suppose, d'ailleurs, que la mère a reconnu l'enfant. Si elle ne l'a pas reconnu ou si elle est décédée, interdite ou absente, alors l'action sera intentée conformément à l'art. 389 du Code civil, c'est-à-dire par le tuteur de l'intéressé. C'est en ces termes que, pour être recevable, l'action devra être introduite si le statut personnel est, dans l'espèce, fixé par la loi française. Mais rien ne s'oppose à ce que l'action en recherche introduite par d'autres personnes que celles que nous venons de faire connaître ne soit recevable devant les tribunaux français, si, pour une des causes qui rentrent dans les termes de la loi de 1912 et qui ne contrarient pas par conséquent l'ordre public, ces personnes ont, d'après leur loi personnelle, qualité pour agir.

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L'art. 340 du Code civil (réd. de 1912), après avoir fait connaitre qui peut agir en réclamation de paternité, fixe le delai dans lequel l'action doit être mise en mouvement à peine de forclusion ou de déchéance. Elle devra être exercée en

en invoquant leur loi personnelle, y reconnaître, autrement que dans un but de légitimation, un enfant adultérin ou incestueux. On ne peut pas davantage diriger contre eux une action en recherche qui aboutirait à la révélation d'une semblable filiation. L'ordre public s'y oppose impérieusement '. Mais si l'action en recherche a été intentée en dehors de notre pays contre un étranger dont la loi nationale autorise cette action, est-ce que la filiation adultérine ou incestueuse ne va pas être considérée comme régulièrement établie en France? Beaucoup d'auteurs le pensent 2. On applique en d'autres termes à cette filiation ce que nous avons dit nous-même en parlant du cas où une recherche de paternité naturelle simple ayant été dirigée en pays étranger contre un étranger pour une cause que n'admet pas la loi française de novembre 1912, a abouti à la preuve de cette paternité. L'enfant, avons-nous dit, sera considéré comme enfant naturel de l'étranger vis-àvis duquel la question de filation aura été tranchée. Sans doute, mais dans l'hypothèse que nous prévoyons en ce moment, s'agissant de filiation adultérine ou incestueuse, ce n'est pas seulement un procès que notre législateur considère comme portant atteinte à l'ordre public, mais bien toute constatation volontaire ou judiciaire, peu importe. « Ce que la loi française a voulu prévenir, ce qui est réprouvé, écrit excellemment M. Weiss 3, c'est non pas l'aveu forcé ou la reconnaissance judiciaire d'une paternité, qu'une reconnaissance spontanée pourrait établir, mais un procès scandaleux, mais des investigations qui seraient un péril et une offense pour la morale publique... Après quoi il ajoute : « Une exception cependant devrait être apportée à cette règle pour le jugement étranger qui constaterait une filiation adultérine ou incestueuse. Le Code civil, en effet, et abstraction faite du scandale de la preuve, défend le simple aveu d'une telle filiation comme contraire à l'ordre public international. » Concluons même depuis la loi du 16 novembre 1912, ce n'est, abstraction faite du cas de légitimation, que dans les hypothèses où la preuve d'une filiation adultérine ou incestueuse peut être fournie indirectement d'après nos lois contre un

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1. V. et rapp. Nimes. 16 décembre 1910, Clunet 1912, p. 1160. 2. V. Lehr, Clunet 1883, p. 143 s.: Despagnet, Clunet 1888, p. 592 s. 3. Traité théorique et pratique de dr. int. privé (2′ édit.), IV, p. 65.

national, que cette filiation, même constatée vis-à-vis d'un étranger hors de notre pays, pourra produire des effets en France.

Les explications que nous venons de donner nous montrent que, sous réserve de la limitation tenant à l'ordre public, c'est le statut personnel de filiation qui détermine pour quelles causes peut être intentée une action en réclamation de paternité naturelle et quel est le caractère juridique qu'il convient de reconnaître, au point de vue du droit international, tant aux causes limitativement énumérées par l'art. 340 actuel du Code civil qu'aux fins de non recevoir qui, le cas échéant, peuvent leur être opposées et en précisent la portée d'application.

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Le statut personnel détermine aussi la personne par laquelle et celle contre laquelle l'action en recherche devra être intentée. D'après la loi du 16 novembre 1912, l'action n'appartient qu'à l'enfant. Pendant la minorité de cet enfant, la mère même mineure pourra seule l'intenter. En décidant de la sorte, la loi suppose, d'ailleurs, que la mère a reconnu l'enfant. Si elle ne l'a pas reconnu ou si elle est décédée, interdite ou absente, alors l'action sera intentée conformément à l'art. 389 du Code civil, c'est-à-dire par le tuteur de l'intéressé. C'est en ces termes que, pour être recevable, l'action devra être introduite si le statut personnel est, dans l'espèce, fixé par la loi française. Mais rien ne s'oppose à ce que l'action en recherche introduite par d'autres personnes que celles que nous venons de faire connaître ne soit recevable devant les tribunaux français, si, pour une des causes qui rentrent dans les termes de la loi de 1912 et qui ne contrarient pas par conséquent l'ordre public, ces personnes ont, d'après leur loi personnelle, qualité pour agir.

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L'art. 340 du Code civil (réd. de 1912), après avoir fait connaitre qui peut agir en réclamation de paternité, fixe le délai dans lequel l'action doit être mise en mouvement à peine de forclusion ou de déchéance. Elle devra être exercée en

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