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Honduras.

Avec une certaine méconnaissance de la réalité, d'après ce que disait un représentant et écrivain illustre du pays, le Honduras a, dans presque tous ses Codes et plus particulièrement dans la matière qui fait l'objet de cet article, copié littéralement les Codes espagnols. Si l'on examine, en effet, les art. 626 et 633 du Code de procédure, du 31 janvier 1899, l'on se convaincra qu'ils prescrivent la plus franche réciprocité. Dans ces conditions, les tribunaux espagnols pourraientils refuser l'exequatur aux tribunaux du Honduras ? Assurément non, pour la même raison indiquée relativement aux autres pays américains et pour la raison spéciale de ce qu'il existe, si l'on peut ainsi parler, des liens encore plus étroits avec notre pays depuis que le roi d'Espagne a été choisi comme arbitre dans une question de limites avec le Nica-ragua.

Mexique.

Ce pays passe pour celui qui occupe le deuxième rang, tant au point de vue du nombre des Espagnols qui y résident,' qu'au point de vue des relations commerciales et de toute nature avec la patrie d'origine, c'est-à-dire l'Espagne. On observera que cet accroissement provient de ce que, grâce à l'énergie et aux actes de gouvernement du général Porfirio Diaz, ce pays a été amené à la civilisation, et ce résultat a été atteint non seulement par les lois, mais grâce à l'adoption de

mœurs moins orientales.

On peut distinguer dans la jurisprudence deux périodes distinctes. Durant la première, notre Tribunal Suprême refusait l'exequatur aux sentences émanant de cette République, qui d'ailleurs nous payait de la même monnaie.

Par décision du 30 septembre 1882, il fut décidé qu'il n'y avait pas lieu d'accorder en Espagne l'exécution d'une sentence du juge de première instance de Huimanguillo, au Mexique, motif pris de ce qu'il n'existait pas de traité avec ce pays et qu'il n'apparaissait point que l'exequatur y fût accordé aux sentences espagnoles. Le tribunal n'estima pas, en conséquence, qu'il y eut lieu à l'application de l'art. 952 de la loi de procédure civile, à raison du défaut de démonstration de la réciprocité. Dans la suite, au contraire, cette réciprocité

sera présumée exister chaque fois que la preuve contraire ne sera pas administrée. L'art. 953 n'était pas non plus applicable puisqu'il ne s'agissait point de l'exercice d'une action personnelle, mais d'une déclaration d'héritier de caractère purement préjudiciel. Quant à la réciprocité, on peut ajouter qu'elle était déniée par les tribunaux du Mexique en 1874.

Mais tout ceci avait pour but d'échapper à la solution de la question; peu d'années après nos tribunaux changèrent définitivement de critérium. L'histoire de l'évolution, si avantageuse aux deux peuples, se trouve contenue dans un exposé lumineux qui figure à l'une des procédures introduites à l'occasion d'une certaine décision exécutoire. Cet exposé mérite d'être transcrit :

L'avocat soussigné, qui a l'honneur d'éclairer la légation de S. M. C. à Mexico, relativement à l'affaire à laquelle se rapporte l'Ordonnance royale en date du 26 novembre 1897, a reçu mission de répondre aux deux points suivants, qui font l'objet de la demande de l'avoué Antonio Bendicho, à savoir: 1° si l'exequatur est accordé au Mexique aux décisions des justices et tribunaux espagnols, et 2° si, aux termes de la jurisprudence des tribunaux mexicains, l'exécution des résolutions des justices et des tribunaux espagnols est accordée au Mexique.

Il convient, en premier lieu, d'indiquer au sujet de cette matière que, d'après l'art. 33 de la Constitution de la République, promulguée le 12 février 1857, les étrangers ont le droit aux garanties accordées à la section 1re, titre I de la Constitution actuelle, et c'est une de ces prescriptions-là (art. 171), à savoir que les tribunaux devront toujours déployer la plus grande activité pour rendre la justice », au sujet de laquelle le licencié D. Ignacio L. Vallarta (Exposé des motifs du projet de loi relatif aux étrangers) se plaisait fièrement et avec raison de « payer un tribut de justice à notre Assemblée constituante qui, en 1856, sanctionna un principe plus libéral que celui qui, en 1866, inspirait encore les craintes de l'Italie, un principe qu'en 1869 n'osa pas admettre le Portugal, et qu'en 1870 accepta en partie l'Angleterre ».

La conséquence de ces idées fut la loi relative aux étrangers du 28 mai 1886, laquelle dispose: Art. 30: « Les étrangers jouiront dans la République des droits civils qui appartiennent aux Mexicains et des garanties accordées par

la

section 1re, titre I de la Constitution, sous la réserve de la faculté pour le Gouvernement d'expulser tout étranger pervers », et l'art. 32 ajoute : « La loi fédérale peut seule modifier et restreindre les droits civils dont jouissent les étrangers en vertu du principe de la réciprocité internationale, de manière à ce qu'ils restent soumis, dans la République, aux mêmes incapacités que celles qui frappent les sujets mexicains dans le pays où ils résident. »

Ces citations ont été faites pour fixer un point important, à savoir que ces matières sont généralement soumises au principe de la réciprocité, mais avec cette circonstance qu'au Mexique la réciprocité est présumée exister tant que la preuve contraire n'est pas administrée d'une manière suffisante.

Serrons de plus près l'objet de la proposition. On sait qu'il est une règle de droit international privé que les sentences définitives des tribunaux d'un Etat peuvent recevoir leur exécution dans un autre Etat étranger, après avoir obtenu l'exequatur des tribunaux du dernier pays (Bluntschli, El Derecho international, annoté par D. José Dias Covarrubias, art. 906).

Au cours de l'année 1874, on reçut au Mexique des commissions rogatoires émanées d'un tribunal de San-Vicente, district judiciaire de Séville, en Espagne, qui prescrivait de procéder à la vente de certaines propriétés foncières sises au Mexique. L'affaire fut communiquée au Ministère public, représenté par le licencié D. Juan Sanchez Azcona, lequel se prononça dans les termes suivants : << Tous les auteurs de traités sur la matière reconnaissent la généralisation de l'usage international de l'échange mutuel entre les Etats indépendants des réquisitions et des commissions rogatoires relatives à l'exercice des formalités judiciaires » (El Foro, num. 70, 31 mars 1874), et il conclut à l'exécution de la commission rogatoire. Le juge de la troisième chambre civile, le licencié D. Carlos M. Escobar, se refusa à accorder l'exécution, indiquant que si généralement il acceptait les principes posés par le représentant du Ministère public, il ne pouvait, en l'espèce, en faire l'application, étant donné qu'il s'agissait, en la circonstance spéciale, de biens fonciers.

Le Code de procédure civile du Mexique est moins libéral que la loi espagnole de procédure civile. L'un et l'autre posent en principe (art. 951 de la loi espagnole et 780 de la

loi mexicaine) que les sentences rendues en pays étranger auront la force que leur donneront les traités respectifs: l'art. 952 de la loi espagnole et l'art. 781 de la loi mexicaine disposent qu'en l'absence de traité on donnera aux sentences étrangères la valeur et la force qui leur sont accordées dans le pays d'où émane la sentence. Enfin (art. 953 de la loi espagnole et 782 de la loi mexicaine), si la sentence émane d'un pays où la jurisprudence n'accorde pas l'exequatur aux décisions prononcées par les tribunaux nationaux, ces sentences resteront lettre morte.

La loi mexicaine déclare expressément (art. 773) que les décisions judiciaires qui ne sont pas des sentences s'exécuteront au Mexique chaque fois que la réciprocité existe, et que la teneur de la résolution s'exécutera, à la condition de n'être point contraire aux lois de la nation mexicaine. La différence capitale entre la loi espagnole et la loi mexicaine consiste dans ce fait que la loi espagnole (art. 954), en l'absence de traité, pose le principe de la réciprocité, sans aucune limitation, tandis que la loi mexicaine, même dans le cas de réciprocité, exige certaines conditions déterminées pour que la sentence puisse s'exécuter. Il convient de transcrire au pied de la lettre l'article à ce relatif qui porte le no 785 et qui est ainsi conçu : « Dans le cas auquel se réfère l'art. 781 (c'est cet article-là qui traite de la réciprocité) auront seulement force exécutoire dans le district et dans la Basse-Californie, les décisions étrangères exécutoires qui réuniront les conditions suivantes, à savoir :

1o D'avoir été rendues à l'occasion de l'exercice d'une action personnelle ;

2o De n'avoir pas été prononcées par défaut;

3o D'avoir fait l'objet d'une demande d'exequatur dans la République ;

4o D'être exécutoires aux termes des lois de la Nation où elles ont été rendues;

5o De réunir les conditions nécessaires en conformité du présent Code pour être considérées comme authentiques. Ainsi qu'on le voit, par les restrictions contenues dans cet article, la loi mexicaine exige la réciprocité. Or comme la loi espagnole exige aussi la réciprocité, les dispositions de l'une et de l'autre resteraient inefficaces s'il arrivait une seule fois que l'une des nations se refusât à l'exécution d'une sen

tence qui servirait de base à l'autre Nation, étant donné, en effet, qu'il n'existe point de traité entre ces deux pays il y a lieu de chercher la règle à suivre dans la réciprocité.

A ce sujet, les précédents ont démontré qu'au Mexique, dans cette matière, la réciprocité est présumée, et il est encore établi que l'on accorde en Espagne l'exequatur aux sentences mexicaines.

Le général D. Vicente Riva Palacio, ministre du Mexique en Espagne, a adressé une communication au ministre des Affaires étrangères de cette République, à la date du 20 février 1888, à laquelle se trouvait jointe la sentence rendue par le Tribunal Suprême d'Espagne, le 20 décembre 1887, laquelle prescrivait l'exécution de la décision prononcée par le juge de la cinquième chambre du tribunal civil de la ville de Mexico dans une instance introduite par D. Ramon de Prida y Palacio (Annuaire de législation et de jurisprudence, t. V, p. 87). Cette sentence a été encore publiée V. Clunet 1891, p. 288.

Il résulte de l'analyse précédente qu'aux yeux de la loi mexicaine on doit accorder l'exequatur aux décisions des tribunaux étrangers, alors même que ces décisions ne seraient pas définitives, sous la condition de la réciprocité et aussi sous la condition que leur exécution n'emporte rien de contraire à la morale ou à la loi mexicaine. L'avocat qui a fourni la présente consultation atteste avoir vu, au cours de sa longue pratique de plusieurs années dans la ville de Mexico, que les décisions des juges et des tribunaux espagnols qui réunissaient les conditions indiquées ont été exécutées sans difficulté.

Bien que l'avocat soussigné n'ait connaissance d'aucune exécution effectuée par les tribunaux espagnols on ne saurait douter un seul moment que de pareilles sentences auraient été exécutées si elles réunissaient les conditions exigées par l'art. 785, dont le texte a été rapporté ci-dessus, et qu'au contraire elles n'auraient pas été exécutées si elles ne réunissaient point ces conditions.

Tels sont les précédents de fait et de droit que, dans l'espèce actuelle, je puis soumettre à V. E. qui voudra bien recevoir l'assurance de ma considération et de mon respect. Ville de Mexico, 15 janvier 1898. La réciprocité, au Mexique, est donc CLUNET. T. 40. N I-II, 1913.

Sanchez Gavito. conditionnelle aussi

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