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à rendre le moins indigne possible de son beau ciel et de sa splendeur passée, que nous avons entrepris d'écrire l'histoire et la description du blason des cités provençales, jadis aussi fières de leurs libertés et de leurs privilèges que de leur vieil écusson.

L'élan imprimé depuis quelques années aux études historiques nous fait espérer que ce volume, même avec ses nombreuses imperfections, pourra faire quelque plaisir aux amateurs et aux municipalités des communes de Provence, auxquelles nous le destinons d'une manière toute particulière. Plusieurs de ces dernières seront étonnées d'apprendre que leur commune, toute petite qu'elle est, possède un blason; que ce blason, le plus souvent, se trouve décrit et dessiné dans le grand Armorial de d'Hozier, déposé à Paris à la Bibliothèque Impériale, et dont nous allons bientôt parler; nous serons heureux d'avoir porté ce renseignement à leur connaissance. Si la chose pour le moment peut leur paraitre indifférente, plus tard il peut en être autrement; car une commune ne disparait pas de la scène du monde aussi facilement qu'une famille, et tôt ou tard se réveille en elle le souvenir et l'amour de son passé.

Heureux nous serons, si ce travail entrepris depuis plusieurs années, fruit de recherches longues et minutieuses, obtient un bon accueil du public; nous en serons fiers pour notre pays, auquel nous avons voué depuis notre enfance un attachement sans bornes.

INTRODUCTION.

ORIGINE DES ARMOIRIES EN PROVENCE. LES CROISADES. - AFFRANCHISSEMENT DES COMMUNES.-LOUIS XIV ET L'ÉDIT DE 1696. — D'HOZIER ET LE GRAND ARMORIAL DE FRANCE. SUPPRESSION DES ARMOIRIES EN 1789.-LEUR RÉTABLISSEMENT. — DÉCRETS, ORDONNANCES ET CIRCULAIRES MINISTÉRIELLES A CE SUJET.

Depuis quelques années de sérieux travaux ont été entrepris sur le blason pour donner à la science historique et archéologique un complément nécessaire et pour ainsi dire indispensable. On commence à comprendre de nos jours que l'art héraldique n'est point aussi fertile qu'on l'a si souvent répété et qu'il éclaire souvent l'histoire locale et les origines même de notre langue; l'écusson en effet d'une famille ou d'une ville n'est autre chose que son nom même, traduit en un langage visible, ou le fait le plus saillant de son histoire peint en une sorte de tableau. C'est surtout en ce

qui touche les communes que cette science, cessant d'avoir un intérêt individuel et restreint, jette un double jour sur la linguistique et sur l'histoire.

Dans le XIIe siècle, à l'époque mémorable de leur affranchissement, les communes n'eurent rien de plus pressé que de choisir un signe quelconque, soit pour servir à leurs habitants de point de ralliement, soit pour les distinguer les unes des autres, soit enfin pour marquer l'époque heureuse où elles avaient conquis leur liberté.

C'est ainsi que dans l'énumération des droits des communes, dans le nord de la France principalement, on avait bien soin de parler du Sigillum ou sceau, marque importante que la commune n'oubliait pas d'apposer dans tous les actes où elle figurait, où elle intervenait pour quelque chose et qu'elle faisait peindre sur ses bannières; c'est ainsi qu'à l'époque de la grande révolution communale, on place,—dit M. Augustin Thierry, dans ses remarquables lettres sur l'Histoire de France, dans chaque commune affranchie, des magistrats chargés de la tâche pénible d'être sans cesse à la tête du peuple dans la lutte qu'il entreprenait contre ses anciens seigneurs ; ils avaient mission d'assembler les bourgeois au son de la cloche et de les conduire en armes « sous la bannière de la commune.>

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La bannière et le sceau de la commune représentérent le plus souvent des figures symboliques: Or, comme la marque distinctive d'une chose est avant

tout le nom qu'elle porte, les premiers symboles des communes comme des personnes, furent un ou plusieurs objets faisant allusion à leur dénomination, ce qui constituait, comme nous le dirons bientôt dans le chapitre que nous consacrons à la science du blason, d'espèces de rébus. Qui ne connait en effet le château de Castille, la grenade du royaume de Grenade, le calice de Galice, le lion de Léon, la menthe de Mantes, le créquier de la famille de Créqui, le lion de la ville de Lyon, les rinceaux de celle de Reims. Mais sans aller chercher plus loin de ces blasons parlants, combien d'exemples provençaux le lecteur ne rencontrerat-il pas dans ce volume; ainsi le bras armé de Bras d'Asse, les mains de Manosque, le mont fortifié de Montfort, les clefs de Claviers, le soleil de Soleillas.

Dans le principe, quelques villes adoptèrent assez généralement pour leurs sceaux des types portant une marque du pouvoir municipal; Amiens, Compiègne, Meaux avaient placé sur leur sceau l'image de leurs échevins; quelques villes du Midi, l'image de leurs consuls, tantôt assis, tantôt debout, quelquefois même à cheval. Mais cet usage assez singulier tomba en désuétude, et ces sortes d'emblêmes disparurent, dans les premières années du XVIe siècle, des sceaux des villes pour être remplacés par des figures beaucoup plus héraldiques, qui le plus souvent étaient auparavant représentées en contre-sceau; or, lorsqu'on n'avait pas recours au nom lui-même, cn adoptait une figure qui

put symboliser un monument ou bien un objet particulier à la ville. C'est ainsi que les places fortes adoptèrent fréquemment des tours ou une enceinte fortifiée, et que les cités maritimes et commerçantes prirent un vaisseau, ou seulement une partie d'un vaisseau, qui plus tard, lorsque la science héraldique fut soumise à des règles fixes, fut équipé, ou démâté, ou bien encore voguant.

Certains auteurs et entre autres, M. Jules Pautet, prétendent que les sceaux et bannières des villes, origine des armoiries, remontent aux XI, XII et XIII siècles, pour les villes du Nord qui n'obtinrent leur affranchissement que vers cette époque, tandis qu'ils remonteraient bien plus haut pour les villes du Midi, où l'invasion des barbares n'avait pas complètement tout bouleversé, et qui jouissaient depuis longtemps des libertés municipales romaines, qui n'avaient chez elle jamais disparu. Les études que nous avons faites à ce sujet, ne nous permettent pas de justifier complètement cette assertion. Il est certain que quelques cités importantes de la Provence, à l'imitation de plusieurs cités grecques et romaines comme Rhodes, qui avait adopté une rose (Pòòo»), Cardie, ville de Thrace, un cœur (Kapoia); Clides, une clef (Κλείς, Κλειδός) ; Sélinonte, une feuille de persil, (Σέλινον), avaient pris déjà un emblême particulier; mais ces emblêmes, souvent tirés du nom, n'eurent pour la plupart, selon nous, rien de commun avec ceux qui

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