Page images
PDF
EPUB

«Elle a fait grâce aux nommés Barbier, Volozan cadet et Bitternay, en vertu de l'article 108 du Code pénal, sous prétexte qu'ils avaient fait d'utiles révélations.

<< Elle a condamné à la peine de mort Jean-Marie Vernay, quoiqu'il n'eût pas moins fait de révélations.

<< Elle a condamné, comme coupables de non-révélation, huit accusés, savoir:

<< Les nommés Coindre, Gervais, Manquat, Perrot, à cinq ans d'emprisonnement et cinq cents francs d'amende chacun;

« Le nommé Sériziat, à trois ans de prison et cinq cents francs d'amende,

« Et les nommés Gagnère, Meyer et Granger, à deux ans d'emprisonnement et cinq cents francs d'amende.

« Les autres accusés ont été acquittés.

<<< On n'a rien à dire des trois premiers, si ce n'est qu'on a moins récompensé en eux d'utiles révélations que la lâche complaisance avec laquelle ils ont adopté toutes les fables qu'on leur a faites dans l'objet de donner de la consistance à la supposition d'un véritable complot, tandis que, dans le fait, tout s'est réduit à quelques vaines démarches sans accord et sans but, et que l'on ne voulait que surprendre les hommes qu'on avait égarés, dans quelques coupables démonstrations. Cette vérité, qui ne

tardera peut-être pas beaucoup à éclater, est déjà constatée par l'instruction préliminaire de la procédure d'un nommé Cormeau, dont la prochaine cour d'assises est saisie, et où ce misérable a textuellement avoué qu'en excitant deux ou trois paysans du village de Saint-Rambert-l'Ile-Barbe à s'armer contre le gouvernement, il avait agi comme commissaire de la police militaire et dans l'objet de les compromettre ce sont ses propres termes.

La cour prévôtale n'avait pas plus de motifs de condamner Vernay à la peine de mort. Cet homme, déjà condamné à mort par contumace, lorsqu'il a été arrêté, et épouvanté par sa position non moins que par les promesses et les menaces du maire, perdit la raison, et à son tour adopta toutes les nouvelles fables dont on crut avoir besoin pour justifier le système de la faction. Mais, revenu à luimême lorsque les débats se sont ouverts, il a rétracté tout ce qu'il y avait de faux dans ses interrogatoires écrits. « J'atteste, a-t-il dit, ce Christ qui << est devant mes yeux que ce que j'ai dit n'est pas «< la vérité; on m'y a forcé par les plus terribles me<«<< naces je vous aurais accusé vous-même, mon<< sieur le président, si on l'eût exigé. Je suis à votre << disposition. Vous pouvez me faire mourir; mais << j'aime mieux mourir sans honte et sans remords << que de vivre déshonoré par le mensonge et la ca

<< lomnie. » C'est à peu près en ces termes que parla cet infortuné.

« Ce langage parut ne pas plaire aux juges. Vernay a été condamné à la peine de mort, mais avec sursis et sans doute aussi avec recommandation à la clémence du roi.

« La grâce de Vernay se recommande assez par la générosité de ses rétractations. Sa grâce lui était assurée par l'article 108 du Code pénal en persistant, tandis qu'il courait à la mort en changeant de langage. Qui a pu l'y porter? aucun autre intérêt que celui de la vérité et de l'honneur; et, en effet, son défenseur montra clairement aux juges la fausseté presque matérielle des déclarations qu'on lui avait arrachées.

<< Tant de courage mérite de fixer les regards du roi. Chaque jour sa bonté inépuisable récompense des actions mille fois moins difficiles et moins honorables: celle-là eut deux mille témoins qui admirèrent une si rare vertu et qui pleurèrent sur le malheur auquel il s'exposait. Une grâce entière honorera l'individu, le gouvernement du roi et le nom français.

<< La condamnation, d'ailleurs, fut illégale. Elle a été fondée encore sur la supposition d'un complot ou d'un attentat, tels qu'ils sont définis par les articles 87, 88, 91 du Code pénal, tandis qu'elle n'aurait

pu l'être que dans le cas où il y aurait eu sédition pour l'exécution du complot, suivant l'article 97. On n'a pas invoqué cet article parce qu'il n'y a pas eu sédition, et la cour prévôtale n'est cependant jamais juge du complot quand il n'y a pas sédition.

<< Le crime de non-révélation, imputé aux autres condamnés, n'était pas énoncé dans l'acte d'accusation: on ne l'a imaginé que pour dire qu'il y avait quelque chose à révéler, et voilà huit victimes de plus. Ces individus méritent aussi d'obtenir la remise entière de la peine à laquelle ils ont été condamnés, en les laissant tous néanmoins, ainsi que Vernay, pendant un certain temps sous la surveillance de la haute police. »

LETTRE DU DUC DE RAGUSE AU DUC DE RICHELIEU.

<< Châtillon-sur-Seine, le 30 juillet 1818.

« Monsieur le duc, j'ai reçu, il y a peu de moments, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de `m'écrire le 8 juillet, et je ne perds pas un instant pour y répondre.

« Je regrette que le mode de publication que j'ai choisi ait été blâmé par le roi. Il m'avait paru le plus simple et le plus naturel, et que je ne pouvais m'adresser qu'au ministre qui avait reçu mes rapports. Puisque Sa Majesté le désapprouve, j'expédie

par estafette l'ordre de suspendre cette impression, s'il en est encore temps, et j'indique la nouvelle rédaction qui sera suivie. Je n'ai pu avoir l'intention de rappeler au roi ses devoirs et de lui tracer la conduite qu'il a à tenir; une pareille pensée ne pouvait venir à mon esprit, et, si dans la lettre que j'ai eu l'honneur de vous écrire, je suis entré dans quelques développements, j'ai eu pour objet de répondre aux principaux arguments qui ont été faits contre l'écrit du colonel Fabvier et de le défendre dans ses principales parties.

<< Trouvez bon, monsieur le duc,`que maintenant je revienne sur la nécessité de cette publication, et que je justifie de nouveau la résolution que j'ai prise de la faire.

<< Il n'a pas tenu à moi que toute cette longue affaire n'ait été étouffée dès son principe. J'ai montré une longue patience à supporter des injures et des accusations odieuses. Lorsqu'elles ont pris un caractère officiel, il était impossible de se taire. Il fallait que quelqu'un parlât. Le mode le plus simple était que le ministère publiât ce qu'il fallait pour fixer l'opinion. Vous pouvez vous rappeler que, dans une longue conversation que j'eus avec vous à la Chambre des pairs, je vous témoignai que je ne demandais pas mieux que de ne point entrer en lice pourvu que l'on employât ce mode de réparation,

« PreviousContinue »