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solution contraire. Il en résulterait que le même acte pourrait être civil ou commercia!, quoique toutes les circonstances en fussent semblables, selon la qualité de celui avec lequel il serait passé. Ainsi, le serviteur qui louerait ses services à un marchand devrait subir la juridiction consulaire, tandis qu'en faisant le même traité, sous des conditions identiquement pareilles, avec un non-marchand, il ne serait justiciable que des tribunaux civils. On ne peut admettre ainsi que la même convention varie quant à ses conséquences, par un fait tout-à-fait étranger aux conditions qu'elle renferme et à la qualité de celui qui la souscrit.

Il résulterait encore de l'interprétation que nous combattons, que le marchand qui serait en discussion avec un de ses serviteurs devrait l'assigner devant le tribunal de commerce, qui se trouverait ainsi appelé à connaitre de contestations, tout-à-fait étrangères à sa juridiction habituelle ; n'est-il pas évident que la loi ne peut être

entendue áinsi?

Plusieurs arrêts ont déjà jugé que les procès entre le marchand et ses commis étaient de la compétence des tribunaux civils. V. Dalloz, vo Compétence, t. III, p. 323.

Il nous parait donc incontestable que les tribunaux civils sont seuls compétents pour connaître des actions dirigées contre les comédiens, pour leurs engagements dramatiques.

313. Mais devant le tribunal civil de quel lieu doivent-ils être traduits?

- Aux termes de l'art. 59 du Code civil, tout défendeur doit être assigné devant le tribunal de son domicile; s'il n'a pas de domicile, devant le tribunal de sa résidence. Cette règle doit être suivie, et comme la plupart des comédiens de province n'ont pas de domicile fixe, il s'ensuit qu'ils pourront être assignés au tribunal du lieu où ils se trouveront engagés, et s'ils ne sont pas engagés, au tribunal du lieu où ils seront trouvés en résidence. Ils pourront aussi être assignés au tribunal du lieu où ils auront contracté, ainsi que la cour de Nimes l'a jugé par un arrêt du 4 pluviose an IX. Enfin, si l'acte contient une élection de domicile, ils pourront être cités devant le juge du lieu où cette élection aura été faite.

314. S'il s'agit de l'exécution d'un acte d'engagement, pourront-ils être assignés au lieu où l'engagement doit s'exécuter, par application de l'article 420 du Code de procédure civile, qui permet de s'adresser au juge du lieu où le paiement doit être effectué. Nous ne le pensons point. L'article 420 ne s'applique qu'aux matières commerciales, et nous croyons avoir démontré que, pour le comédien surtout, l'engagement n'est point un acte de commerce.

CHAPITRE III.

Des divers employés dans l'administration, la surveillance et l'entreprise des théâtres proprement dits.

315. Relativement aux divers employés des théàtres, depuis les conseils d'administration jusqu'aux

employés subalternes, les dispositions du droit commun doivent être suivies. Les actes passés avec ces employés n'ont point de caractère exceptionnel, et doivent être jugés d'après les conventions écrites et les règles tracées par la loi. Il serait inutile de retracer ici tous les principes; leur exposé serait trop long et pourrait encore être incomplet. Nous pensons d'ailleurs que quelques unes des solutions que nous avons déjà énoncées pourront servir à décider les difficultés qui seraient dans le cas de se présenter. Nous ferons remarquer seulement que les engagements passés avec ces divers employés sont, pour ce qui les concerne, soumis aux mêmes règles que ceux des comédiens, et que particulièrement les mêmes obligations pèsent sur eux, en ce qui concerne les réglements et les amendes qui peuvent être établies par le di

recteur.

TITRE TROISIÈME.

Des entreprises de spectacles dans leurs rapports avec le, public, comme partie contractante.

316. Le public a été considéré, dans la première partie de cet ouvrage, dans ses intérêts généraux, pour lesquels il est représenté par les autorités que les lois ont préposées à ce soin. Si quelque sujet dé plainte s'élève, c'est à ces autorités qu'il appartient d'en connaître dans la limite de leurs pouvoirs, et selon les règles que nous avons tracées. Mais, outre

ces intérêts généraux, chaque spectateur ades droits personnels et privés dont il nous reste à fixer les caractères et l'étendue..

317. Il se forme un contrat entre l'entreprise dramatique et chacun des spectateurs qui paie son entrée, par suite duquel s'établissent des droits et des obligations respectives. Le spectateur porteur de son billet a rempli toutes ses obligations : celles de l'entreprise sont déterminées par les annonces qu'elle a faites, soit par les affiches qu'elle a fait apposer, soit par tous autres moyens de publication. L'entreprise doit donner tout ce qu'elle a promis, et les spectateurs ne peuvent rien exiger au-delà. Ainsi le directeur du théâtre est fondé à se refuser à toute demande qui serait faite de pièces, de couplets, de divertissements quelconques qui n'auraient pas été annoncés, et réciproquement les spectateurs peuvent s'opposer à ce qu'aucun changement soit fait au spectacle annoncé, quant aux pièces et aux acteurs qui y doivent paraître.

318. Le spectateur qui a pris son billet ne peut en exiger le remboursement. Communément les affiches le déclarent expressément, mais dans leur silence, il en serait encore de même. Il ne peut être au pouvoir de celui qui s'est engagé, et qui a déjà exécuté le contrat, de revenir sur sa convention, quand la partie adverse est prête à exécuter ses engagements; mais on peut vendre le billet que l'on a acheté : le contrat n'ayant rien de personnel au spectateur, il peut se subroger qui bon lui

semble.

319. Si l'administration ne remplit pas ses engagements, soit qu'elle ne joue point le spectacle qu'elle avait promis, soit qu'elle ne produise point les acteurs dont le nom a été annoncé au public, tout spectateur a le droit de se faire rendre son argent et de se retirer, quand même il aurait déjà assisté à une partie du spectacle, à moins pourtant que le changement ne lui ait été annoncé d'une manière suffisante èt qu'il soit néanmoins resté au spectacle: mais il ne pourrait pas exiger le remboursement du billet dans le cas où l'autorité viendrait, par mesure d'ordre, à empêcher que la représentation s'achevât; cette mesure serait un fait de force majeure dont l'administration ne devrait pas

souffrir.

320. Les abonnements assurent les mêmes droits que chaque billet séparément acheté, car ils ne sont autre chose que le consentement donné à l'avance de prendre un certain nombre de billets. Les abonnés sont soumis à accepter toutes les représentations pour lesquelles ils ont contracté, sans pouvoir se plaindre de la composition du spectacle, ni même des changements qui seraient faits aux spectacles annoncés. En s'abonnant, ils ont consenti à suivre le répertoire composé par l'entreprise. Mais celle-ci doit donner le nombre de représentations promises, sauf les accidens imprévus qui pourraient forcer à faire relâche, et à la charge, dans les spectacles qui ne jouent pas tous les jours, et où l'abonnement est compté sur le nombre des représentations et non sur

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