Page images
PDF
EPUB

leur occasionner des frais, ils peuvent en déposer un exemplaire dans les bureaux du ministère de l'intérieur; si la pièce ne paraît pas être du genre qui convient au théâtre qui l'a reçue, les entrepreneurs ou directeurs en sont prévenus par le ministre.

29. Les théâtres des départements sont régis à cet égard par le réglement du mois d'août 1814. Dans les villes où il n'y a qu'un seul théâtre permanent, et dans les communes desservies par une troupe ambulante, les directeurs peuvent faire jouer les pièces des grands théâtres de Paris et celles des théâtres secondaires. Dans les villes où il y a deux théâtres, le principal théâtre jouit du droit de représenter les pièces comprises dans le répertoire des grands théâtres de Paris ; le second théâtre jouit du droit de représenter les pièces des théâtres secondaires. Le réglement de 1807 les autorisait aussi, dans certains cas, à représenter les ouvrages du répertoire des grands théâtres; mais cette faculté exceptionnelle ne se trouve plus accordée par le réglement de 1814.

Le même réglement permet de plus aux préfets, lorsqu'ils le jugent à propos, d'autoriser les directeurs des principaux théâtres à donner des pièces du répertoire des théâtres secondaires, et également, en de certains cas, d'autoriser les seconds théâtres à représenter des ouvrages du répertoire des grands théâtres..

30. Une décision récente du ministre de l'intérieur a étendu le droit de fixation des genres, jus

qu'à interdire à certains théâtres la faculté de jouer des pièces en vers. Cette prohibition a quelque chose de bizarre, mais le style étant une dépendance du genre, nous pensons qu'elle a pu légalement être prise..

31. On a souvent vu se renouveler, dans ces derniers temps, des discussions qui s'engageaient autrefois entre les divers théâtres, à l'occasion des empiétements commis par quelques uns sur le genre de spectacle réservé à d'autres; il est certain que les entrepreneurs, obligés de se restreindre à un genre déterminé, ont sujet de se plaindre des, envahissements faits par d'autres, dont ils ne peuvent eux-mêmes exploiter le genre. Mais où doit être portée la plainte? à cet égard encore, on a le regret de voir que l'administration est le seul juge auquel on puisse s'adresser, L'entrepreneur qui joue une pièce attribuée par son genre à un autre théâtre, ne commet point un délit; il ne peut donc être poursuivi devant les tribunaux correctionnels. Une action civile ne pourrait être exercée qu'autant que le théâtre dont on a pris le genre pourrait établir que ce genre est sa propriété, et qu'il a éprouvé un préjudice. Or, la décision du ministre qui fixe les genres n'en donne pas la propriété aux théâtres à qui il permet de les exploiter; et de plus, s'il est possible que l'empiétement d'un autre théâtre ait nui au possesseur du genre, il ne sera jamais certain qu'il a nui réellement, et il serait impossible de fixer avec justice les dommages

intérêts qui pourraient être dus. Nous pensons donc que la seule voie de recours consiste dans la demande qui pourra être adressée au ministre, pour qu'il fassé éxécuter la décision qui fixele genre de chaque théâtre, et qu'il défende la représentation des pièces qui n'appartiendraient point à celui de l'entreprise où elles seraient jouées.

32. Quand le genre d'un théâtre a été fixé la décision rendue par le ministre est un droit acquis pour l'entreprise et ne peut plus être retirée. En effet, par suite de cette décision, des dépenses ont pu être faites, des engagements se conclure avec les auteurs et les comédiens, et il y aurait une véritable atteinte à la propriété dans la révocation de la mesure administrative rendue en faveur de l'entreprise. C'est ainsi qu'en 1807, lorsque le ministre de l'intérieur assigna pour la première fois le genre de chaque théâtre, il les autorisa tous à conserver leur ancien répertoire, quand même il s'y trouverait quelques pièces qui ne fussent pas du genre qui leur était assigné,

33, Il faut répéter, pour la fixation dų genre, ce qui a été dit quant à l'autorisation; elle n'ôte pas à l'administration le droit d'accorder une permission pareille à un autre théâtre. Chaque entreprise ne devient pas plus propriétaire exclusive du genre qui lui a été attribué, qu'elle ne l'est du droit d'exploiter un théâtre.

34. Du reste, il ne faut pas confondre l'autorisation donnée par le ministre pour jouer un genre' déterminé, avec celle que les auteurs accordent pour représenter leurs ouvrages. La décision du ministre, entièrement administrative, est tout-àfait étrangère aux droits des auteurs, toujours maîtres de leur propriété littéraire, comme il sera expliqué dans la suite, et soumis à l'administration seulement en ce qu'ils ne peuvent faire jouer leurs ouvrages que sur le théâtre admis à représenter le genre auquel ces ouvrages appartiennent.

[ocr errors]
[ocr errors]

S III. - Nomination d'un directeur par le ministre.

35. Les entreprises de théâtre ont besoin d'être régies comme toute espèce d'entreprise : s'il n'existe qu'un entrepreneur, il peut diriger lui seul son exploitation; s'il en existe plusieurs, ils peuvent la diriger ensemble ou en confier la gestion à l'un d'entre eux; enfin, quel que soit le nombre des entrepreneurs, ils peuvent choisir un tiers pour leur mandataire et lui remettre le soin de faire marcher l'entreprise. C'est ainsi que les choses se passent dans les spéculations ordinaires, et aucun acte obligatoire de la législation n'en a disposé autrement pour les théâtres.

36. Peut-être la nécessité d'une responsabilité plus étendue de la part des citoyens qui exploitent un théâtre, placé sous la surveillance de l'autorité qui seule aura pu en permettre l'ouver

ture, pourrait-elle autoriser ou l'établissement d'un gérant plus spécialement responsable, comme dans les entreprises de journaux, ou la nomination par l'autorité d'un commissaire public, comme dans la plupart des sociétés anonymes. Cette mesure étendrait les moyens de surveillance de l'autorité, et quoiqu'elle ne soit établie par aucune loi, elle pourrait, jusqu'à un certain point, être prescrite comme une condition de l'autorisation.

[ocr errors]

1

37. Mais l'administration va bien plus loin; elle s'est attribué le droit de nommer le directeur de toute entreprise de théâtre, en lui conférant une étendue de pouvoirs véritablement désastreuse. I importe d'abord de démontrer que cette nomination d'un directeur est illégale; nous examinerons ensuite quels droits pourrait avoir ce fonctionnaire, en supposant que l'administration pût le nommer.

38. Le décret de 1806 est le seul acte ayant force de loi qui régisse les théâtres il ne dit pas un mot des directeurs; il ne parle que de l'autorisation à obtenir, et des entrepreneurs qui peuvent la solliciter. Cette expression seule désigne dans plusieurs articles les personnes qui seront à la tête d'un théâtre. Le réglement du 25 avril 1807, rendu pour l'exécution du décret, se sert des mêmes expressions; il laisse les théâtres de Paris dans l'état où ils se trouvaient, sans leur imposer des directeurs, et il est certain qu'à cette époque aucun directeur nommé par l'autorité ne se trouvait à leur tête. Quant

« PreviousContinue »