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droit de réclamer la restitution de leur manuscrit, tant que par la lecture et l'acceptation ils ne se trouvent point soumis aux obligations qui seront exposées plus tard. Jusque-là, le théâtre n'étant point lié envers eux, ils ne peuvent point l'être envers lui, et sont toujours maîtres de retirer l'offre qu'ils avaient faite de laisser jouer leur ouvrage, offre pour l'acceptation de laquelle la remise du

manuscrit avait eu lieu.

369. Dans l'usage ordinaire des théâtres, les manuscrits présentés par les auteurs sont soumis à l'approbation préalable d'un comité qui en entend la lecture et qui décide s'ils doivent être reçus. Dans quelques théâtres, ce comité est composé des comédiens eux-mêmes; dans d'autres, il l'est d'hommes de lettres désignés par le directeur. Sa composition est tout entière laissée à la volonté de l'entreprise. Il constitue un simple conseil, ayant voix consultative, et n'engage point le théâtre auprès duquel il siége. S'il rejette l'ouvrage, l'auteur peut encore obtenir du directeur la faveur d'être joué s'il l'approuve, le directeur est encore recevable à le refuser. Cependant, si l'auteur avait traité à l'avance avec le théâtre, à la seule condition que son ouvrage serait reçu par le comité de lecture, l'approbation du comité obligerait le directeur envers lui; elle constituerait l'accomplissement de la condition à laquelle le contrat aurait été subordonné et le rendrait définitif. Lorsque le comité est composé des entrepreneurs du théâtre, par exemple des sociétaires, dans une

entreprise exploitée par une société, son approbation forme aussi un engagement définitif, parce que dans ce cas les sociétaires prononcent à la fois comme juges de l'ouvrage et comme membres de l'entreprise, ayant capacité de traiter pour elle.

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370. Un auteur peut être dispensé de la formalité préalable de l'approbation du comité de lecture. Si cette dispense lui a été accordée, le contrat par lequel son ouvrage a été attribué au théâtre n'est subordonné à aucune condition préparatoire pour son exécution.

371. Les théâtres sont aussi dans l'usage de soumettre à un premier examen, préalable à la lecture devant le comité, les ouvrages des auteurs inconnus qui n'ont encore donné aucune preuve de leur talent dramatique. Cet usage, comme tous ceux qui se rattachent à l'acceptation des pièces de théâtre, ne peut être l'objet d'aucune remarque, ni d'aucune difficulté sérieuse.

372. La présentation des pièces de théâtre, la lecture devant le comité, le délai dans lequel elle doit avoir lieu, le droit des auteurs d'assister à la délibération, enfin toutes les formalités intérieures qui accompagnent l'offre faite par un auteur d'une pièce qu'il a composée, appartiennent plus aux devoirs prescrits par les convenances qu'aux principes du droit. Quelques auteurs ont eu à se plaindre de la fierté des comédiens, de la légéreté des comités de lecture, de la partialité de plusieurs de ces juges littéraires; mais ces griefs ne

peuvent être l'objet de nos recherches: il ne nous appartient pas d'indiquer aux hommes de lettres la fierté que commande le respect de soi-même, la dignité d'une profession illustrée par tant de génies, ni de tracer aux comédiens les justes égards qu'ils doivent aux hommes dont les veilles laborieuses enrichissent la scène et contribuent à la fois à la gloire de notre littérature et à la fortune particulière des entreprises de théâtre.

CHAPITRE II.

Admission ou refus des pièces de théâtre.

Conséquences.

373. Le refus de l'ouvrage, par le comité de lecture et par le théâtre, rend à l'auteur la liberté d'en disposer, et l'entreprise, après la restitution du manuscrit, se trouve dégagée, de son côté, de toute obligation.

374. L'admission est l'origine d'un contrat qui impose des obligations réciproques au théâtre et à l'auteur. Souvent les conventions sont réglées par un acte écrit. Dans certains cas, le droit des parties est fixé par les traités passés entre l'administration du théâtre et le corps des auteurs, représenté par quelques uns d'entre eux. L'administration est présumée offrir à l'auteur, et l'auteur accepter les conditions adoptées pour les traités faits avec les autres hommes de lettres qui ont travaillé pour le théâtre. Cette présomption est surtout exacte pour les théâtres royaux, où, le plus souvent, au lieu de passer un traité avec l'auteur, on se

borne à lui faire connaître les réglements qui fixent les droits des auteurs en général et les obligations réciproques du théâtre.

375. Mais quelques traités ont lieu sans que des conventions positives aient été arrêtées; ceux qui sont rédigés par écrit présentent presque toujours de nombreuses lacunes; il est donc essentiel de déterminer les droits réciproques de l'entreprise et de l'auteur. Cet exposé servira à régler les intérêts qui ne l'auront pas été dans les conventions arrêtées, et à donner aux auteurs l'indication des clauses qu'il leur importe d'exiger, ou qu'ils peuvent être tenus de consentir.

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§ I. Obligations imposées au théâtre par l'acceptation d'une pièce de théâtre.

376. La principale obligation imposée au théâtre est celle de jouer l'ouvrage reçu: il ne lui est donné que dans ce but; son acceptation n'en peut pas avoir d'autre. Dans le cas de refus de satisfaire à cette obligation essentielle, les auteurs sont fondés à demander que le théâtre soit tenu de représenter leur ouvrage, sous peine de dommagesintérêts.

377. Plusieurs décisions judiciaires ont consacré ce droit.

MM. Cuvellier, Boin et Henry avaient fait recevoir, au théâtre de la Porte Saint-Martin, un ouvrage intitulé les Filles d'enfer. On avait suivi le tour de réception; déjà l'ouvrage était en répétition, lorsque tout à coup les directeurs refusèrent

de le représenter. Ils furent condamnés à jouer ou à payer une somme de 1200 fr.

Un procès de même nature s'est élevé entre le directeur du Vaudeville et MM. Ramond et Letournelle. Ces deux derniers, auteurs d'un ouvrage intitulé J'épouse ma femnie, se plaignaient du retard apporté à la représentation de cette pièce, et réclamaient une indemnité de 1200 fr., aux termes d'un article du traité passé entre le théâtre de la rue de Chartres et les auteurs, selon lequel le directeur, s'il refuse de jouer une pièce dont le tour est venu, est de plein droit obligé de payer une indemnité de 1200 fr. Le directeur offrit de représenter le vaudeville de MM. Ramond et Letournelle; et comme il n'était pas constant qu'il s'y fût précédemment refusé, le tribunal, en lui donnant acte de ses offres, l'a condamné seulement à jouer la pièce dans un délai de quatre mois, sinon à payer 1200 fr.

En 1829, des décisions semblables ont condamné le théâtre de l'Ambigu-Comique à jouer, dans l'espace de deux mois, un mélodrame de MM. Maillard et Frédérick Lemaître, sinon à payer Soo fr. de dommages-intérêts aux auteurs, et le théâtre de la Porte Saint-Martin, à représenter, dans le délai de trois semaines, un ballet de MM. Aniel et Petipas, intitulé M. Deschalumeaux, sous peine d'une indemnité de 2,000 fr.

La Comédie-Française a été l'objet d'une condamnation pareille au mois de décembre dernier. M. Dorvo avait fait recevoir, depuis long-temps,

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