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d'édifices consacrés au théâtre, et l'art. 3 duş décret du 29 juillet 1807 dispose qu'aucune salle nouvelle ne peut être construite sans une autorisation du roi, sur le rapport du ministre de l'intérieur disposition évidemment nulle comme contraire au droit de propriété, et dépourvue de sanction. Relativement aux départements, on paraît avoir voulu se mettre en garde contre le trop petit nombre d'édifices consacrés à cet emploi, et la disposition suivante a été insérée dans un réglement ministériel du 15 janvier 1808 « Sides propriétaires des salles de spectacle, abu<<sant de la nécessité où se trouvent les direc<< teurs d'arrondissement de se servir de leurs << salles à des époques déterminées, portaient le prix du loyer à un taux excessif, la principale, << autorité administrative du lieu fixera elle-même <«ce loyer, d'après les prix qui étaient perçus @avant la nouvelle organisation des théâtres. » -57. L'intérêt public pouvant exiger, dans certaines circonstances, le sacrifice des proprié tés privées, on conçoit que l'administration soit dans le cas de réclamer la jouissance d'une salle qui serait la seule où le théâtre pourrait donner des représentations. L'art. ro de la charte lui en donne le droit, mais il faut que l'utilité publique soit constatée; d'où il suit qu'à Paris, où il existe plus de salles de spectacle que de théâtres autorisés, et où, dans tous les cas, il serait très facile. de faire construire une salle pour une nouvelle entreprise qui se formerait, on ne pourrait pas

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contraindre le propriétaire d'une salle à en faire l'abandon malgré lui; aussi l'arrêté de 1808 ne parle-t-il que des départements. Mais si cet arrêté est régulier sous ce rapport, c'est à tort qu'il remet le soin de fixer l'indemnité à l'administration qui ne peut jamais être compétente à cet égard.

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58. Cependant on a vu plusieurs fois ces sortes d'indemnités être réglées par l'autorité municipale: la jurisprudence du conseil-d'état nous en fournit la preuve. Un sieur Quillacq, propriétaire d'une salle de spectacle à Calais, n'ayant pu s'accorder avec le sieur Romain, directeur du théâtre, sur le prix de la location, un arrêté du maire la fixa à vingt francs par représentation: cette décision fut approuvée par le préfet, dont l'avis fut confirmé par un arrêt du conseil-d'état du 8 mai 1811.

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59. Mais, depuis la restauration, on a reconnu qué le réglement ministériel de 1808 avait à tort chargé l'autorité administrative d'une pareille attribution, et que, si l'utilité publique exigeait parfois que le propriétaire d'une salle de spectacle en fit le sacrifice aux représentations du théâtre, l'indemnité à laquelle il avait droit ne pouvait être fixée que par les tribunaux. Plusieurs arrêts du conseil-d'état l'ont ainsi jugė.

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La dame Brunet Montansier était propriétaire d'une salle de spectacle à Versailles: an arrêté da préfet de Seine-et-Oise lui enjoignit dé mettre cette salle à la disposition du sieur Robillon, directeur

de la troupe sédentaire de cette ville, moyennant un loyer annuel déterminé par le même arrêté. Le conseil-d'état, par un arrêt du 4 juillet 1815, annula cette décision, par le motif que toutes les contestations relatives soit à la propriété, soit à la jouissance, et par conséquent au loyer d'un immeuble, sont de la compétence des tribunaux.

Un autre arrêt a été rendu sur une contestation semblable, élevée entre le directeur du théâ– tre d'Orléans et le propriétaire de la salle de spectacle. Le conseil-d'état jugea, le 10 février 1816, que « dans le cas même où des raisons d'u<«<tilité obligent l'administration de requérir un « édifice ou une propriété particulière pour un << service temporaire, c'est aux tribunaux qu'il << appartient de régler l'indemnité due au pro«< priétaire, quand elle ne peut être établie de «< gré à gré. >>

Le même principe a dicté un dernier arrêt du conseil-d'état, du 19 mars 1817, qui a déclaré qu'aux tribunaux seuls il appartient de statuer sur les questions de propriété relatives au mobilier d'une salle de spectacle.

En présence de ces autorités, on ne doit pas penser que la compétence des tribunaux soit jamais contestée, et il serait superflu de présenter de plus longues observations.

60. Quant au mode de fixation de l'indemnité, aucune règle absolue ne peut être posée, et les circonstances particulières devront nécessairement être prises en considération. La compé

tence des tribunaux réguliers étant reconnue, on peut s'en rapporter à leur indépendance, à leur habitude d'apprécier avec sagesse les intérêts et les droits des justiciables.

61. Une question transitoire, qui peut encore se reproduire, s'est engagée à l'occasion des salles de spectacle élevées avant la révolution par des capitalistes qui s'étaient réservé le privilége exclusif d'y donner tous spectacles et bals publics. Le préfet des Bouches-du-Rhône avait autorisé le directeur du théâtre de Marseille à user pour ses représentations d'une salle construite en vertu de lettres-patentes, qui avaient réservé aux propriétaires le privilége exclusif d'en jouir pendant soxante ans, pour y donner des spectacles. Les propriétaires se pourvurent contre l'arrêté, et réclamèrent l'exécution des lettres-patentes; mais un arrêt du conseil-d'état du 10 avril 1818 rejeta leur prétention, par le motif que « tous les priviléges, sans distinction ni exemption, ont été << abolis la loi du 14 septembre 1791. » par La contestation ne resta devant le conseil-d'état qu'à défaut de réclamation de la part des parties, qui auraient pu proposer l'incompétence en vertu des règles que nous venons d'exposer; mais elle y reçut une solution parfaitement juste, et si la question était portée devant les tribunaux, nous pensons qu'elle devrait être jugée de la même

manière.

§ II. Droit de l'Opéra à une redevance des théâtres secondaires de Paris.

62. Avant la révolution, les théâtres du second ordre et tous les petits théâtres étaient assujettis à une redevance envers l'Opéra. Le privilége de l'industrie dramatique ayant été aboli, comme tous les autres, en 1791, les théâtres se trouvèrent affranchis de cette rétribution; mais un décret du 13 août 1811 l'a rétablie, en y assujettissant tous les théâtres du second ordre, les petits théâtres, tous les cabinets de curiosité, machines, figures, animaux, toutes les joûtes et jeux, et en général tous les spectacles de quelque genre qu'ils fussent, tous les bals masqués ou les concerts donnés par la ville de Paris, les panoramas, cosmoramas, Tivoli et enfin le Cirque Olympique.

Cette redevance a été fixée, pour les bals, concerts, fêtes champêtres et autres du même genre, au cinquième brut de la recette, déduction faite. du droit des pauvres, pour Tivoli au dixième, et pour tous les autres spectacles et établissements au vingtième, sous la même déduction.

63. Ce décret était évidemment illégal; et, quand il ne l'aurait pas été, nous pensons que, depuis la restauration, il a cessé d'être obligatoire.

La force attribuée aux décrets de Napoléon par la jurisprudence dont nous avons déjà parlé, n'est ici d'aucune considération. La redevance dont il s'agit est un véritable impôt, puisqu'elle est

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