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troubles qui pourraient éclater au milieu d'un théâtre, et les fonctionnaires qui s'en écarteraient s'exposeraient à être poursuivis par la voie criminelle.

SVI. Droit d'entrée pour les officiers de police.

138. La police du théâtre étant confiée aux officiers publics, il est nécessaire qu'ils puissent y pénétrer; l'entrée de la salle ne peut leur être interdite aux instants où le public y est admis, car, dans tout autre temps, le directeur dans la salle est dans son domicile, aussi libre que tout autre citoyen, et maître d'én refuser l'accès à qui bon lui semble. Aux répétitions, dans ses rapports avec les artistes de sa troupe, il peut admettre ou refuser ceux qui se présenteraient, et ne doit être soumis à aucun ordre de l'autorité; par application .de ce principe, le tribunal de police correctionnelle de Paris a jugé, le 19 juillet 1827, que les coulisses du théâtre ne sont pas un lieu public.

Dans tous les spectacles, on est dans l'usage d'accorder aux commissaires de police chargés de la surveillance, une place spéciale, disposée de manière qu'ils puissent, autant que possible, voir tous les spectateurs et en être vus. Les autres agents de la police peuvent aussi pénétrer dans la salle, mais ils n'ont point de place marquée; le nombre de ces agents doit être rigoureusement proportionné aux besoins du service: l'ordonnance du roi du 8 décembre 1824 charge les maires de veillér «‹ à ce qu'il «< ne soit accordé d'entrées gratuites qu'à ceux des

« agents de l'autorité dont la présence est jugée indispensable pour le maintien de l'ordre et de «la sûreté publique. »>

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Dans les théâtres, nul autre que ces fonctionnaires ne peut prétendre à une entrée gratuite, ni à une place d'honneur; une ordonnance du roi du 2 avril 1780 avait, sous l'ancien régime, établi une disposition semblable, en défendant « à << toutes personnes, même aux officiers de la mai« son du roi, gardes, gendarmes, chevau-légers, « pages de Sa Majesté, ceux de la reine, des « princes et princesses de son sang, d'entrer à « aucun spectacle sans payer. »

Sous l'empire, la même prohibition fut établie contre les entrées gratuites des fonctionnaires publics. Voici, à ce sujet, comment s'exprime un ancien chef de bureau au ministère de l'intérieur, M. Fleurigeon, dans le Code administratif qu'il a publié en 1809 :

« Il n'y à d'honneurs dus aux agents du gouvernement, que ceux qui sont institués par l'autorité publique. Personne n'a le droit d'en créer de nouveaux ni d'en exiger d'autres que ceux qui sont régulièrement accordés à son titre.

<«< Aucune loi, aucun décret, aucune disposition de l'autorité publique, n'a affecté à des fonctionnaires, soit civils, soit militaires, des places distinguées ailleurs que dans les fêtes publiques ou dans les solennités religieuses.

« Les spectacles ne sont point des jeux publics auxquels assistent les fonctionnaires en leur qua

lité officielle; ils sont des entreprises privées où se réunissent à leurs frais des individus, sous la simple surveillance de la police, telle qu'elle s'exerce partout où il y a beaucoup d'hommes rassemblés ; il n'y a donc au spectacle aucune place plus honorable qu'une autre, parce qu'aucun rang n'y est assigné par l'autorité. Il en résulte que nul fonctionnaire n'a le droit de prétendre à l'honneur imaginaire d'occuper la première ou la deuxième place, dans un lieu où toutes sont égales. Aucun, à plus forte raison, n'a droit de jouir gratis d'un amusement que l'entrepreneur vend aux autres citoyens; et pour l'exercice de la police, il n'est pas nécessaire que le maire, ou tout autre officier de police, ait une loge dans la salle. Mais le fonctionnaire qui exerce la police locale a le droit nécessaire d'entrer gratuitement dans cette salle, et de s'y placer partout où il reste une place

vacante.

« C'est d'après ces principes, que le ministre de l'intérieur a toujours répondu aux prétentions élevées par quelques fonctionnaires civils ou militaires, soit relativement à la préséance entre eux, soit relativement à l'occupation gratuite par eux de loge, que chaque loge appartenait au premier qui l'occupait et la payait ou l'avait louée, et que le choix de ces loges n'appartenait à per

sonne. >>

l'art. 17

du

Ces principes sont consacrés par réglement du 15 avril 1807, qui prescrit aux autorités de n'exiger d'entrées gratuites des entre

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preneurs, que pour le nombre d'individus jugé indispensable pour le maintien de l'ordre et de la sûreté publique; par l'art. 26 du décret du 1o novembre 1807, qui supprime dans les quatre grands théâtres de Paris (aujourd'hui les théâtres royaux) toutes les réserves de loges, entrées de faveur ou de bienveillance, billets gratis et facilités semblables, et enfin par le réglement d'août 1814, et l'ordonnance de 1824, qui restreignent aussi les entrées gratuites au nombre d'individus jugé indispensable au maintien de l'ordre et de la sûreté publique.

Cependant plusieurs théâtres, notamment à Paris, sont grevés d'une quantité innombrable d'entrées gratuites, de loges réservées, on ne sait à quel titre, et souffrent ainsi des pertes considérables par des entrées, dont on a évalué le nombre à 750,000 par an. (Voyez, à ce sujet, une lettre fort curieuse de M. Châlons d'Argé, insérée dans le Journal des comédiens du 6 septembre 1829.) Mais si les directeurs faisaient entendre leurs plaintes, elles ne pourraient manquer d'être accueillies. On a déjà vu M. Debelleyme, pendant son honorable exercice, déclarer qu'il ne voulait profiter de la loge qui lui était donnée comme préfet de police, que quand il assisterait lui-même au spectacle. Si les entreprises, de théâtre paraissaient moins disposées à consentir à l'entrée gratuite de tant de spectateurs, elles cesseraient bientôt de payer cet impôt à l'avare curiosité de tous ces parasites de spectacle.

CHAPITRE II.

De la censure.

139. La loi du 19 janvier 1791 a aboli la censure exercée de tous temps sur les pièces de théâtre ellé interdisait expressément à l'autorité municipale « d'arrêter ni défendre la représentation «< d'une pièce. »

Mais on ne tarda pas à reconnaître les abus de cette faculté sans restriction. Les journaux de cette époque attestent trop et les troubles auxquels elle exposait le public, et l'influence funeste qu'elle pouvait exercer sur lui. On vit souvent le parterre se changer en une arène, et les passions les plus redoutables livrées à tout leur emportement.

On commença par prendre des mesures de répression très énergiques. Une loi du 2 août 1793 portait : «< Tout théâtre sur lequel seraient représéntées des pièces tendant à dépraver l'esprit public et à réveiller la honteuse superstition de la royauté, sera fermé, et les directeurs arrêtés et punis selon la rigueur des lois. »

Bientôt on voulut faire plus, et quoiqu'on proclamât les principes de la liberté, une loi du 14 août 1793-prescrivit aux conseils des communes de faire représenter sur les spectacles les pièces les plus propres à former l'esprit public et à développer l'énergie républicaine.

C'était sortir des limites de la légalité, que de prescrire ainsi les pièces à jouer; mais on voulait

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