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probation est nécessaire pour les ouvrages joués dans les villes des départements, comme pour ceux qui sont représentés à Paris. Cependant, dans quelques circonstances urgentes, des préfets ont autorisé eux-mêmes la représentation d'une pièce qui n'avait pas été soumise au ministre; mais ce cas tout exceptionnel ne détruit pas la règle tracée par la loi.

142. Le ministre charge des employés spéciaux de l'examen des ouvrages soumis à son approbation: leur visa suffit pour que la pièce puisse être représentée. On a souvent vu ces censeurs refuser leur autorisation par des considérations ridicules, ou exiger des corrections que rien ne paraissait rendre nécessaires. Mais ces abus ne peuvent être l'objet d'aucun recours ; et si l'on peut considérer la censure comme utile, indispensable même pour les ouvrages dramatiques qui doivent être représentés, on ne peut trop s'affliger de la voir dans les mains de fonctionnaires non responsables, et dont les erreurs ou les fautes ne peuvent donner lieu à aucune réparation. Seulement le ministre peut être personnellement sollicité de faire l'examen de l'ouvrage, et au besoin la divulgation des méfaits de la censure est susceptible de la ramener dans de meilleures voies. Plusieurs auteurs ont déjà donné l'exemple de ce pourvoi au tribunal de l'opinion, et quoique leurs plaintes n'aient pas amené toutes les améliorations désirables, elles ont pourtant produit d'heureux résultats. 143. Outre ces censeurs, le ministre a créé des

employés subalternes qui, sous le titre d'inspecteurs des théâtres, se rendent aux premières représentations, et même aux répétitions, pour s'assurer si la représentation de la pièce, ses accessoires, les costumes ou les décorations ne présentent point quelque danger qui aurait échappé aux censeurs. Ces fonctionnaires peuvent agir comme officiers de police dans la sphère des attributions attachées à ce titre ; mais comme censeurs additionnels, nous croyons qu'ils sont sans pouvoir, et que les entrepreneurs de théâtre pourraient se refuser à obtempérer à leurs ordres. Le décret de 1806 ne conférant la censure qu'au ministre, les théâtres ne doivent pas être soumis aux caprices et à l'arbitraire de ces délégués inférieurs.

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144. Quand la représentation d'une pièce a été autorisée à Paris, elle peut avoir lieu dans les départements, sans qu'il soit besoin d'une nouvelle approbation du ministre. Seulement l'autorité municipale pourra, par des considérations spéciales à la localité, en interdire la représentation. Une circulaire du ministre de l'intérieur, du 10 octobre 1822, a décidé en outre que les ouvrages nouveaux ne pouvaient être joués en province que sur des exemplaires timbrés au ministère de l'intérieur, et que ce timbre ne serait apposé que sur des exemplaires conformes au manuscrit censuré : cette mesure a pour objet d'éviter que l'on ne joue en province les passages supprimés par la censure. 145. Par la nature de leurs fonctions, les censcurs sont dépositaires du manuscrit qu'ils doivent

examiner: c'est un dépôt qui leur est confié pour un service public; ils ne sauraient, sans méconnaître leurs devoirs, se permettre de communiquer à qui que ce soit les ouvrages qui leur sont confiés, en entier ou par partie, soit en les laissant lire ou copier, soit même en les lisant eux-mêmes. Le préjudice que cette indiscrétion peut causer à l'auteur est incalculable: la divulgation de son sujet peut donner à un rival indélicat le moyen de s'emparer d'une idée qu'il exploitera plus vite ou de concurrence avec l'auteur original; elle peut armer la critique à l'avance, provoquer des sarcasmes, répandre dans le public d'injustes préventions; elle ôte à l'ouvrage cet attrait de nouveauté si puissant sur les spectateurs; elle compromet au plus haut degré le succès de la pièce et les intérêts de l'auteur.

Un fait aussi grave ne peut jouir de l'impunité accordée à la censure; il rentre dans le droit commun et peut donner lieu à une action en justice.

Si la communication est frauduleuse, si elle a eu pour but de s'emparer d'un dépôt qui devait être sacré, des poursuites criminelles pourront être dirigées contre le censeur. Si l'on ne peut lui reprocher qu'une imprudence, il sera toujours pas sible d'une action en dommages-intérêts et tenu de réparer le préjudice dont il aura été la cause.

Le décret de 1806 n'a rien prescrit sur le mode de remise des ouvrages. Il semble que la remise devrait pouvoir être faite par les auteurs ou par tous les mandataires qu'ils pourraient juger à propos de

choisir, et que l'on a le droit de réclamer un récépissé de l'administration. Cependant une circulaire du 1er octobre 1829 a décidé qu'à l'avenir les manuscrits seraient adressés directement au cabinet du ministre avec une lettre d'envoi signée des directeurs, et que lorsqu'une décision aurait été prise, ces manuscrits seraient renvoyés du ministère aux administrations théâtrales elles-mêmes. ; qu'ainsi ils ne seraient plus rendus aux directeurs ni aux auteurs sur leur demande verbale. Cette disposition, qui empêche les auteurs de remettre eux-mêmes leurs manuscrits, qui leur enlève tout rapport avec les censeurs, et les oblige à confier, sans récépissé, les ouvrages à censurer aux concierges et gens subalternes du ministère, nous paraît irrégulière et vexatoire. Mais quel moyen de s'y soustraire ? Le ministre est investi d'un pouvoir illimité; l'on ne peut que regretter de voir la censure, si rigoureuse par elle-même, aggravée de cette façon par des difficultés nouvelles et par tous les embarras de la bureaucratie.

146. Il ne nous appartient pas d'examiner la censure sous ses rapports littéraires, nous devons toutefois terminer par une observation générale. Comme toutes les autres dispositions exceptionnelles qui régissent les théâtres, la censure n'est établie que dans l'intérêt de l'ordre public et des bonnes mœurs. Elle n'a donc pour mission que de défendre tout ce qui pourrait leur porter atteinte. Elle commettrait une grave erreur, si elle voulait adopter une autre direction, si elle se con

stituait juge littéraire, et prétendait en conséquence interdire teł système, favoriser tel autre, et convertir ainsi en un patronage de goût et de critique un ministère public exclusivement destiné au maintien des intérêts généraux de police et de sûreté publique.

CHAPITRE III.

De l'impôt des pauvres.

147. L'impôt des pauvres, dans le produit des spectacles, noble et ingénieuse idée qui fait servir les jouissances du riche au soulagement de l'indigent, fut établi pour la première fois par une ordonnance de Louis XII du 25 février 1699, qui le fixait à un sixième en sus des recettes. Il fut supprimé par la loi des 4, 5 et 6 août 1789. Celle du 16 août 1790, en plaçant les spectacles sous la surveillance de l'autorité municipale, la chargeait de donner les permissions à la condition d'une redevance envers les pauvres; mais cette indication était trop vague et ne put recevoir son exécution. Quelques années plus tard, un arrêté du directoire invita les entrepreneurs des théâtres de Paris à donner tous les mois une représentation au bénéfice des pauvres, mais l'impôt ne fut réellement établi que par la loi du 7 frimaire an V, qui ordonna la perception d'un décime par franc en sus du prix de chaque billet d'entrée dans les spectacles et des places louées pour un temps déterminé. Cette taxe n'était établie

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