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VI.

ciennes regles. S. Charles Borromée entrant dans l'efprit de ce Concile, fe rapprocha, autant qu'il pût, de l'ancienne difcipline de la pénitence, dans celle qu'il fit obferver dans fon Diocéfe. Il paroiffoit même inconfolable de ce qu'après tous les travaux, il étoit encore fi éloigné de l'obfervation exacte des Canons de la pénitence. Il a voulu que les Confeffeurs fuffent inftruits de ces Canons, afin qu'ils fe conformaffent à leur efprit, s'ils n'en pouvoient pas fuivre la lettre dans toute fa falutaire rigueur.

On a vu dans la fuite de l'hiftoire, comLes Jéfuites ment les relâchemens fe font peu à peu inont voulu éta- troduits dans la difcipline de la pénitence. blir les abus en On doit reconnoître qu'il y en a plufieurs,

regles,

dont les Jéfuites ne font pas les Auteurs. Mais ils les ont adoptés d'autant plus aifément, qu'ils font très-affortis, comme nous avons dit, à leur Morale & à leur Doctrine fur la Grace. Ils ont fait entrer ces relâchemens dans leur fyftême général de Religion. Ils les ont appuiés par les autres erreurs qu'ils foutenoient déja, & ils fe font fervi de ces relâchemens pour autorifer à leur tour ces autres erreurs. La pratique de don ner l'abfolution fans difcernement & fans épreuve, n'étoit que la fuite des abus introduits dans l'Eglife; mais les Jéfuites l'ont fait regarder comme un ufage prefcrit par l'Eglife. Ils ont regardé tous ceux qui ont tâché de fe rapprocher des anciennes regles, comme de dangereux Novateurs. Ils ont établi par méthode & par principe, ce qui n'étoit déja que trop pratiqué au milieu de l'Eglife par oubli des regles, par négligenec, par corruption.

III.

MM. de Port-Royal ont d'abord montré par leur exemple, combien il étoit falutaire. de fe conformer en ce point à l'efprit, &, autant qu'il le pouvoit, à la pratique de l'antiquité. M. de S. Cyran, qui étoit plein des maximes des Peres fur la pénitence, conduifit felon ces maximes les Religieufes de Port-Royal; les Solitaires qui s'étoient retirés auprès du Monaftere des Champs, & plufieurs autres perfonnes. Leur vertu éminente étoit une preuve de la bénédiction que Dieu donne à une œuvre, quand on s'y conforme autant que l'on peut, aux regles qu'il a infpirées à fon Eglife, & non aux relâchemens qui s'y font introduits. Le fuccès que Dieu donna à la conduite de M. de 5. Cyran, attira à la pratique de la pénitence, des perfonnes de tout fexe & de tout état. On peut voir dans la préface du livre de la Fréquente Communion, ce qui eft dit d'une Paroiffe du Diocéfe de Sens, où les anciennes pratiques fur la pénitence étoient en ufage, & avoient produit les fruits les plus excellens. C'étoit la Paroiffe de S. Maurice, gouvernée alors par M. Duhamel, éleve de M. l'Abbé de S. Cyran, qui a été depuis Curé de S. Merri à Paris, enfuite Chanoine de Notre-Dame, & qui enfin est allé finir fa courfe dans fa premiere Cure de S. Maurice, qu'il a toujours eu regret d'avoir quittée. [On voit dans fa vie qui a été imprimée, qu'après un exil de dix ans, il fuccomba à une tentation à laquelle il avoit tou jours réfifté, en fignant purement & fimple

VIII M. de S. Cyran s'atta che aux regles de l'Eglife fur la pénitence.

VIII.

te Commu

nion. Occafion de cet ou

vrage,

ment le Formulaire, qui attribue à Janfenius les cinq Propofitions condamnées. ]

L'éclat que fit ce renouvellement de péM. Arnauld nitence & de ferveur, excita contre celui qui publie le Livre en dela Fréquen- étoit l'origine, l'envie des Jéfuites, & de ceux qui étoient imbus de leurs maximes. Ils publierent que l'Abbé de S. Cyran étoit un dangereux Novateur; qu'il avoit des fentimens finguliers & qu'il éloignoit de l'Euchariftic. C'eft ce qui obligea MM. de Port-Royal, à défendre des maximes dont ils avoient reconnu l'utilité par leur propre expérience. M. Arnauld le fit dans le Livrefi célébre de la Fréquente Communion, dont voici l'occafion. La Princeffe de Guimenée s'étoit mife fous la conduite de M. l'Abbé de S. Cyran; & c'eft à elle que font adreffées plufieurs de fes Lettres qui ont pour titre, A une perfonne de grande confidération. Cette Dame fut follicitée par une de fes amies d'aller au bal le jour même qu'elle avoit communié. En témoignant l'éloignement où elle étoit d'une telle conduite, elle fit connoître que fon Directeur le lui avoit infpiré. L'amie fit part de cette converfation au P. de Sept-Maisons Jéfuite, qui en parla aux Peres Bauni & Rabardeau fes confreres, & ces trois Jéfuites drefferent de concert un petit Ecrit pour rendre fufpecte à la Princeffe de Guimenée, la conduite de l'Abbé deS. Cyran. On foutenoit dans cet Ecrit, que plus on eft dénué de grace, plus on doit hardiment approcher de Jefus-Chrift dans l'Euchariftie; & que ceux qui font remplis de l'amour d'eux-mêmes & fi attachés au monde que de merveille, font très-bien de communier Brès-fouvent.

:

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IX.
Plan de ce
Livre. Appro-

L'Abbé de S. Cyran engagea M. Arnauld qui étoit depuis quelque tems fous fa conduite, à publier (en 1643.) le livre de la bations que lui Fréquente Communion qui répond à cet donnent les Ecrit. L'Auteur prouve d'une maniere invin- Evêques & les cible par les témoignages de l'Antiquité, & Docteurs. des plus faints hommes des derniers fiécles, qu'il eft utile de différer l'abfolution en plufieurs rencontres; & qu'on eft obligé de le faire dans les rechutes, dans les péchés d'habitude, & dans les occafions prochaines du péché. Il y fait voir, quelle étoit l'ancienne pratique de l'Eglife dans l'adminif tration de la Pénitence, & prouve que cette difcipline étoit fondée fur des principes invariables fur la grandeur de la plaie que fait à l'homme le péché mortel, & la difficulté qu'il y a de la guérir. Il établit, que fi on ne peut fuivre à la lettre les anciens Canons pénitentiaux, il faut en conferver l'efprit; & fuppléer, par d'autres moiens, aux fecours que la rigueur de la pénitence extérieure fournifloit pour une converfion folide & véritable. Au refte, bien loin que l'on puifle accufer M. Arnauld d'éxagération dans cet Ouvrage, les conclufions qu'il tire des paffages des Peres, font toujours beaucoup moins fortes que les paffages eux-mêmes. Tous ceux qui avoient un cœur droit, regarderent le Livre de la Fréquente Communion, comme un des grands préfens que Dieu eût fait dans ce fiécle à fon Eglife. L'accueil que lui firent les Evêques les plus favans & les plus vertueux, , prouvoit que fa A Doctrine étoit celle de l'Eglife, contre la quelle les abus ne pouvoient prefcrire. Cett excellent Ouvrage parut donc muni des ap

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ment des Jé. fuites contre cer Ouvrage,

probations de feize Archevêques ou Evêques, & de vingt-quatre Docteurs. La Province d'Auch, compofée du Métropolitain & de dix Evêques, l'approuva auffi dans fon Affemblée de 1645. M. de la Sallete Evêque de Lefcar, dit dans fon approbation, qu'il paroît que le même efprit qui anime l'Eglife, a conduit la plume de l'Auteur. M. de la Barde Evêque de S. Brieux, déclare qu'il croiroit faire trop peu, fi fon approbation n'étoit confirmée par l'ufage & par la pratique de fon Diocéfe.

IV.

Quoique M. Arnauld n'eût point nommé Déchaîne l'Auteur de l'Ecrit qu'il réfutoit, ni même défigné de quel Corps il étoit membre, les Jéfuites ne le laifferent pas long-tems ignorer au Public. Ils s'emporterent avec la derniere fureur contre le Livre de la Fréquente Communion, fans aucun égard pour les approbations refpectables dont il étoit muni.. Toute la Société fe fouleva, & fouleva avec elle toutes fes créatures contre l'Ouvrage & contre l'Auteur. Elle inonda le Public d'une multitude de Libelles, qui enchérissoient. toujours l'un fur l'autre, & où l'on avançoit. fans la moindre preuve les plus noires im poftures. Le P. Nouet qui d'abord avoit parlé favorablement de l'Ouvrage, changeant fubitement de ton, parla en chaire avec fi peu de refpect des Evêques Approbateurs, qu'il fut contraint, par une Aflemblée générale du Clergé, d'en demander pardon à genoux à ces Evêques, & de rétracter par un acte folemnel, qui fut imprimé & répandu

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