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par-tout, les excès aufquels il s'étoit laifle emporter. Ce calice fut amer à un Jéfuite. qui venoit de tourner en ridicule la péni--tence publique dans l'un de fes derniers Sermons & qui fe voioit réduit à la faire.. Cette fatisfaction du P. Nouet, n'empêcha pas fes Confreres de continuer à parler du Livre de la Fréquente Communion, comme d'un Ouvrage propre à renverfer la Religion, & dont le but étoit d'exécuter la réfolution prife à Bourg-Fontaine, d'élever le Déifme fur les ruines de la Religion Chrétienne. Nous parlerons ailleurs de cette Fable de Bourg-Fontaine, que les Jéfuites n'ont ceffé de reproduire comme un fait certain, quoique cette horrible impofture ait été détruite de la maniere la plus triomphante. Ils ne demandoient rien moins que le fang & la vie de ceux qu'ils appelloient Cyranistes & Arnauldiftes. (Le nom de Janfeniste n'avoit pas encore lieu.) L'Eglife eft attaquée dans le difoit le P. Seguin dans un Libelleintitulé; Sommaire de la Théologie de l'Abbéde S. Cyran & du Sr. Arnauld; il faut joindre l'épée royale à celle de l'Eglife, pour exterminer ce monftre de nos jours. Ces étranges calomnies prévinrent quelques perfonnesqui étoient accoutumées à croire les Jéfuites fur leur parole. La Reine Régente, allarmée par leurs clameurs, & craignant une nouvelle héréfie, fit donner un ordre à M. Arnauld d'aller rendre compte à Rome de fa Doctrine. Mais les Jéfuites n'eurent pas fujet d'ê- · tre contens d'avoir engagé la Reine dans cette démarche. Un pareil ordre fouleva contre eux tous les Corps, pour ainfi dire, du Royaume. Le Clergé, le Parlement, l'Ūnir

caur,

XI.

té en faveur

verfité, la Faculté de Théologie, & la Sorbonne en particulier, allerent les uns après les autres, trouver la Reine, pour obtenir la révocation d'un commandement qui pouvoit être d'une conféquence très - dangereufe pour les Loix du Royaume, & les Libertés de l'Eglife Gallicane.

L'Univerfité étoit alors aux prifes avec les Témoignages Jéfuites, & elle pourfuivoit avec zéle leur de l'Univerfi- Doctrine meurtriere dans des Ecrits pleins de du Livre deM. force & de lumiere, & par des démarches Arnauld, & juridiques. Dans le premier Avertiffement contre les Jé- qu'elle fit paroître à la fin de 1643, elle

fuites.

s'exprimoit ainfi : » Paris a vû depuis trois » mois l'immodeftie avec laquelle ceux de » cette Société faifant publiquement prê» cher en leur fuperbe Temple de faint Louis » contre l'efprit de Pénitence, expofé dans » le Livre de la Fréquente Communion, ils » ont foulé aux pieds les ordres de M. l'Ar» chevêque de Paris, qui leur commandoit » le filence, & méprifé l'autorité des Evê

ques qui avoient donné des éloges au » Livre, & defiré que la Doctrine qu'il conso tient fût aufli communément pratiquée ❞ par les fidéles, comme elle eft fainte & falutaire. On fait qu'ils font venus à ce » haut point d'infolence, que d'ofer dire qu'on ne fe devoit point émouvoir de > l'autorité des Prélats Approbateurs du ∞ Livre, puisqu'on avoit vû le tems, où de quatre & cinq cens Evêques affemblés, à peine s'en étoit-il trouvé deux ou trois qui » euffent refusé de foufcrire à la Doctrinedes Hérétiques. On voit ici que les Jéfaites reconnoiffent la chûre du très - grandi nombre des Evêques du tems de l'Arianisme..

כל

Mais ils changeront de langage, quand leurs interêts changeront.

En 1644. l'Univerfité présenta au Parle-ment trois Requêtes contre ces Peres. Dans la feconde elle releve les calomnies que les Jéfuites avoient répandues contre le célébre Avocat Antoine Arnauld, duquel, dit la Requête, ils ne ceffent pas encore à préfent de perfécuter la postérité ? La même année les Jéfuites publierent leur apologie compofée par le P. Cauffin. L'Univerfité y fit une folide réponse imprimée par fon ordre, pour juftifier fes Requêtes. En plufieurs endroits ce Corps fi célébre y prend hautement la défenfe de M. Arnauld, ce Docteur en qui on: reconnoît, dit l'Univerfité, une grande foumiffion parmi une fi grande Doctrine, une fi profonde humilité parmi une fi haute fuffifance. » Lavez-vous les mains, dit-elle en » adreffant la parole aux Jéfuites, de la follicitation, que l'on fait que vous avez >> faite , pour le releguer hors de France : la » voix publique étouffera ces fauffes protel»tations; & l'indignation univerfelle des gens » de bien vous condamnera au filence. Ca » été le sentiment commun de tous les hom>> mes judicieux, que l'appréhenfion que >> vous donnoit la fuffifance de M. Arnauld,. vous a porté à defirer qu'il fût éloigné, »& vous a fait emploier vos intrigues & » vos émisfaires pour cet effet; que comparant la foibleffe de vos plumes avec la for-ce & la facilité de la fienne, vous avezvoulu la lui faire tomber des mains par ce »long voiage, pour délivrer le P. Petau, d'un adverfaire fi redoutable qui lui répondoit. Vous fouhaiteriez que toute l'au

XII.

Livre de la
Fréquente

tent un Evê

intérêts.

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>>torité des Docteurs, toute la dignité des Evêques, tout le mérite des perfonnes, & toute la liberté publique cédaffent à vos » factions, & de pouvoir charger les Puissan>>ces Souveraines, de la haine que vous at» tirez fur votre Société par vos téméraires entreprises, parce que vous favez que vous » tomberez dans le mépris, auffi-tôt que les Princes, ennuiés de vos violences & de vos >> cabales, vous laifferont décider les querel » les que vous avez vous-mêmes émues. Mais s'il n'y a point de bornes à votre animofi. té, il s'en trouve à votre pouvoir. La Reine » a écouté les très - humbles remontrances » qui lui ont été faites (& y a eu égard.) »

Les Jéfuites engagerent en même tems Les Jésuites leur P. Petau à écrire contre le Livre de la attaquent le Fréquente Communion. Il le fit avec assez de répugnance, dit-on, & compofa un OuvraCommunion ge tout à-fait indigne de lui, qui fut folidepar des Libel- ment réfuté par la Préface du Livre de la les. Ils met Tradition de l'Eglife fur les Sacremens de que dans leurs Pénitence & d'Euchariftie. Cette préface qui eft un chef-d'œuvre d'éloquence, eft aussi un tréfor de lumiere, où l'on peut prendre des idées juftes fur la nature de la véritable justice que Jefus Chrift eft venu apporter aux hommes. Il y eut contre le Livre de la Fréquente Communion quelques autres Ecrits, qui furent réfutés & qui font depuis tombés dans l'oubli. Ces Libelles n'aiant fervi, qu'à couvrir de confufion les ennemis de M. Arnauld à caufe des réponfes folides que l'on y fit, ils crurent qu'un Evêque qui le décla reroit pour eux ouvertement, releveroit leurs efpérances. Ils en trouverent un qui voulut bien facrifier fon honneur aux grandes ré

compenfes que les Jéfuites lui firent envifager. M. de Raconis Evêque de Lavaur fut celui qui s'immola à la passion de ces Peres. Comme il s'étoit rendu infupportable dans fon Diocéfe, & qu'il n'ofoit y retourner, il demeuroit à Paris, & fe prêtoit à tout ce qu'éxigeoit de lui la Société. Il publia une réfutation du Livre de la Fréquente Commu nion, & écrivit à Rome une Lettre fanglante & pleine de calomnies contre ce Livre, contre l'Auteur, & même contre les Evêques approbateurs. Ce Prélat eut le fort qu'il méri toit. Ses Ecrits furent mis en poudre ; & pour lui, il devint la rifée de toute la France. Les Evêques aiant eu copie de fa lettre au Pape, le forcerent de la défavouer, parce que l'Affemblée générale du Clergé qui fe tenoit alors, le menaça de lui faire fon pro cès par fon Métropolitain & fes Comprovin ciaux, fi par fon ayeu ou autrement il étoit reconnu pour auteur de la lettre. Enfin, ce Prélat mourut couvert de honte, méprifé de fes confreres, fans avoir rien reçu des Jéfuites, aufquels il s'étoit indignement dévoué. M. Defpréaux, dans fon quatriéme Chant du Lutrin, dépeint un ignorant, en difant que c'eft un homme, » Qui de Bauni vingt fois a lû toute la fomme, Qui poffede Abely, qui fait tout Raconis.

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V.

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Mais comme la Providence fait toujours tourner à l'avantage de la vérité les efforts Les Evêques que font les ennemis pour l'opprimer, les approbateurs Ecrits, les calomnies, & les cabales qu'on Pape Urbain emploia. pour accabler M. Arnauld & fon VIII.

écrivent au

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