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sont ceux qui ne sont pas revêtus des solennités prescrites par le droit, etqui leur sont essentielles. Ces contrats ne produisent qu'une obligation naturelle et en conscience; ils ne produisent point d'action civile, mais seulement une exception que l'équité naturelle fournit. Les lois n'ont pas voulu que ces contrats, qui sont souvent faits témérairement et avec peu de réflexion, produisissent une obligation civile; afin d'empêcher, par ce moyen, une infinité de procès qui naîtroient à leur occasion. C'est pourquoi elles ont voulu que leur exécution dépendit seulement de la volonté et de la bonne foi des parties contractantes. Si cependant ces sortes de contrats étoient confirmés par serment, ils produiroient alors une action civile. Par le mot d'exception, on entend les moyens de défense que celui qui est appelé en justice peut opposer à l'action le demandeur a intentée contre lui, pour en empêcher ou pour en retarder l'effet.

que

Il y a des contrats revêtus, vestiti contractus : ce sont ceux qui ont été faits avec toutes les formalités et les dispositions nécessaires. Étant ainsi confirmés par le droit civil, ils obligent nonseulement en conscience, mais aussi au for extérieur, et ils produisent une action civile; tels sont les contrats qui ont un nom particulier dans le droit, lorsqu'ils sont parfaits en leur genre; tels sont encore les contrats sans nom, lorsqu'ils se font par actes passés devant notaire, ou avec d'autres contrats revêtus, ou qui ont un nom. Par exemple, si, en louant une maison à Pierre, on convient en même temps avec lui de lui donner un bœuf, pour avoir un cheval dont il est le maître, alors cette convention est regardée comme revêtue, par sa liaison avec le contrat.

Il y a des contrats gratuits ou lucratifs, et d'autres qui sont onéreux. Les gratuits sont ceux dans lesquels les personnes en faveur de qui ils sont faits ne sont obligées à faire aucune chose de leur part: tels sont la promesse, la donation, et semblables. Les contrats onéreux sont ceux qui obligent réciproquement les deux parties contractantes à faire ou à donner quelque chose; comme sont l'achat, le louage, et généralement tous ceux dans lesquels il est nécessaire que la personne en faveur de qui l'on contracte donne quelque prix ou quelque récompense, pour la chose qu'elle reçoit.

I Voyez ci-dessus les observations préliminaires sur la distinction des obliga tions naturelles et civiles.

Il y a plusieurs sortes de contrats onéreux : les uns transferent seulement le domaine utile: tels sont les contrats féodaux et d'emphyteose, dans lesquels le maître de la chose s'en réserve le domaine direct, et n'en transfère que le domaine utile; les autres transportent entièrement le domaine et la propriété de la chose pour laquelle on contracte, comme il arrive dans les contrats de vente, d'achat, d'échange. Il y en a qui ne transportent que le simple usage: tel est le contrat de prêt, qu'on appelle en latin commodatum, et en françois, prêt à usage. D'autres donnent seulement la simple garde de la chose: tel est le contrat du dépôt.

Par le domaine, on entend un droit et un pouvoir de disposer à sa volonté d'un bien corporel, si l'on n'en est point empêche par les lois ou par quelque convention particulière. L'usage est un droit de se servir d'une chose qui appartient à un autre. L'usufruit est un droit d'user et de jouir des fruits d'un bien dont la propriété appartient à un autre. L'usage et l'usufruit different, en ce que celui qui a l'usufruit d'une chose, fait siens les fruits de cette chose; de sorte qu'il peut les vendre, les donner et en accorder aux autres l'usage; mais il ne peut aliéner la chose. Celui qui n'a que le simple usage d'une chose, ne peut s'en servir que utilité de la manière dont il est convenu. L'usapour sa propre ger n'a droit que de prendre sur les fruits d'un fonds, la portion qu'il peut en consommer, selon ce qui en est nécessaire pour sa personne, ou réglé par son titre; et le surplus appartient au maître du fonds; de sorte qu'il en a besoin pour lui et pour sa famille,

DES PERSONNES QUI PEUVENT,

OU NE PEUVENT PAS CONTRACTER.

Tous ceux qui ont l'usage de la raison et l'administration de leurs biens, peuvent contracter s'ils n'en sont empêchés par des lois qui leur défendent de le faire : car le libre maniement des biens consiste principalement dans le pouvoir de contracter. C'est pourquoi on doit regarder comme inhabiles à contracter, les fous et les insensés qui sont toujours privés de l'usage de la raison : les furieux qui n'ont point de relâche dans leur fureur;

1 Les contrats féodaux sont abolis.

les prodigues auxquels la justice, en les interdisant, a ôté l'ad- a ministration de leurs biens; les mineurs, hors les cas où les lois le leur permettent : sur quoi il faut consulter les jurisconsultes et leurs ouvrages1.

On regarde encore comme inhabiles à contracter, ceux qui sont morts civilement d'une mort ignominieuse; comme sont ceux qui sont condamnés à mort par contumace, et qui n'ont pas purgé la contumace; ceux qui sont condamnés aux galères, ou bannis du royaume à perpétuité. Cependant, si ces sortes de personnes se marioient, leur mariage, quoique nul comme contrat civil, seroit valide comme sacrement.

Le droit civil déclare encore inhabiles à contracter les sourds et les muets3, parce qu'ils ne peuvent stipuler, ni promettre; mais, selon le droit canonique, ils peuvent contracter mariage, s'ils peuvent faire connoître leur consentement, par des signes

extérieurs.

Un religieux qui a fait profession et qui n'est pourvu d'aucun bénéfice, ne peut valablement contracter, s'il n'est suffisamment autorisé par son supérieur. Une religieuse qui a fait profession, est, par la même raison, inhabile à contracter, si elle n'y est suffisamment autorisée par ses supérieurs : c'est la disposition du droit canonique dans le canon Dicatis, 12, q. 1. Certum est eos nihil habere, possidere, dare, vel accipere debere sine superioris licentiâ.

Toute personne peut contracter, si elle n'en est pas déclarée incapable par la loi. Cod. civil, art. 1123.

Les incapables de contracter sont, les mineurs, les interdits, les femmes mariées, dans les cas exprimés par la loi, -et généralement tous ceux à qui la loi a interdit certains contrats. Art. 1124.

Le mineur, l'interdit et la femme mariée ne peuvent attaquer, pour cause d'incapacité, leurs engagements, que dans les cas prévus par la loi. Les personnes capables de s'engager ne peuvent opposer l'incapacité du mineur, de l'interdit ou de la femme mariée, avec qui elles ont contracte. Art. 1125.

a Par la mort civile, le condamné devient incapable de contracter un mariage qui produise aucun effet civil. Cod. civil, art. 25. Mais cette incapacité ne tombe ni sur le contrat naturel, ni sur le sacrement.

3 Le sourd-muet de naissance n'est incapable de contracter, que lorsque, par l'effet de la privation des organes de l'ouie et de la parole, il se trouve réduit à la condition d'un imbécile. Voyez le Nouveau Répertoire de jurisprud., verbo

SOURD-MUET.

DU CONSENTEMENT NÉCESSAIRE POUR CONTRACTER.

POUR contracter validement, il faut un consentement intérieur et véritable, parce que le contrat est une convention : or, où il n'y a point de consentement, il n'y a point de convention. Ce consentement doit paroître par quelque signe extérieur, afin que celui avec lequel on contracte puisse le connoître et l'accepter; il doit être libre et donné avec une pleine délibération, parce qu'il s'agit, en le donnant, de s'imposer une obligation.

Le contrat dans lequel il y a erreur quant à la substance n'est pas valide, parce que l'erreur quant à la substance empêche le consentement qui est de l'essence du contrat : pour consentir en effet à une chose, il faut la connoître. Ainsi celui qui a acheté une bague de verre, croyant que c'étoit une pierre précieuse, est censé n'avoir pas voulu l'acheter. Erreur, en matière de contrats, c'est prendre une chose pour une autre,

Si l'erreur n'est que sur la qualité de la chose dont il s'agit dans le contrat, et qu'elle ne soit pas la cause du contrat, c'est-àdire, que l'on y eût donné son consentement, quand même on eût connu ce sur quoi on s'est trompé, elle n'annule pas le contrat, parce qu'elle n'empêche pas le consentement à ce qui y est essentiel. Ainsi, lorsqu'on achète une chose plus cher qu'elle ne vaut, le contrat subsiste; mais le vendeur est obligé de restituer à l'acheteur l'excédant du juste prix de la chose, et de le dédommager de la perte qu'il en souffre : car il faut qu'il y ait de l'égalité entre le prix et la chose qu'on vend.

Il faut dire, par la même raison, que l'erreur sur la qualité de la chose dont il s'agit dans le contrat, n'en empêche pas la validité, quoiqu'elle en ait été la cause, c'est-à-dire, quoiqu'on n'eût pas contracté si on avoit connu ce sur quoi on s'est trompé. C'est pourquoi on ne peut pas regarder comme nul un mariage contracté avec une femme que l'on reconnoît être pauvre, mais que l'on avoit épousée parce qu'on la croyoit riche: car on ne peut pas dire que l'on n'ait pas véritablement consenti à épouser cette femme, qui, soit qu'elle soit riche, soit qu'elle soit pauvre, est toujours la même avec laquelle on a voulu se marier. Il y a grande différence entre dire qu'on n'a pas voulu contracter alors,

ou.qu'on n'eût pas voulu contracter: la première manière de s'exprimer, marque qu'il n'y a point eu de consentement; il n'en est pas de même de la seconde. Si l'on suivoit un autre principe, on annuleroit presque tous les contrats, puisqu'il se rencontre souvent des circonstances qui eussent empêché d'y consentir si on les eût connues.

Cependant l'erreur, quant à la qualité de la chose dont il s'agit dans le contrat, le rend nul si l'on n'a voulu s'engager qu'autant que cette chose auroit cette qualité, qui devient alors une condition essentielle, sans laquelle il n'y a point eu de con

sentement.

Appliquons au dol dans les contrats. ce que nous venons de dire de l'erreur. On appelle dol ou fraude en matière de contrats, toute surprise, finesse, feinte, subtilité, et autres mauvais moyens qu'on emploie pour tromper ceux avec qui l'on contracte. Le dol renferme le dessein qu'a une personne d'en surprendre une autre, et l'événement effectif de la tromperie. Les manières de tromper le prochain étant en très-grand nombre, il dépend de la prudence du juge, en plusieurs cas où il s'agit de dol, de le reconnoître, et de le réprimer selon la qualité et les cir

constances.

Le dol doit être exclu de toutes sortes de conventions; c'est un caractère essentiel aux conventions, qu'on y traite avec sincérité et de bonne foi. La bonne foi, qui est requise dans les conventions, n'est pas même bornée à ce même bornée à ce qui regarde les contrac tants; ils la doivent aussi garder à l'égard de tous ceux qui peuvent avoir intérêt à ce qui se passe entr'eux.

Nous disons donc, 1.o que le dol rend un contrat nul, quand il en est la cause et qu'il touche la substance de la chose sur laquelle on contracte, c'est-à-dire que, lorsqu'on emploie le dol à dessein de tromper, et que par-là on a engagé celui qui a été trompé à donner son consentement, qu'il auroit refusé si cette fraude lui eût été connue, et que cette fraude touche la substance de la chose pour laquelle on contracte; par exemple, on a vendu à quelqu'un du cuivre pour de l'or qu'il vouloit acheter, le contrat est invalide, parce qu'il n'y a point de véri

table consentement.

si

2.° Que le dol qui est la cause du contrat, mais qui ne regarde que la qualité ou les accidents ou les circonstances de la chose

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