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prudence ont reconnu en tout ou en partie un caractère conservatoire.

Envisagées sous cet aspect, elles ne constituent nides instances ni des voies d'exécution dont l'exercice est interdit contre des mobilisés, pas plus qu'elles ne sont soumises obligatoirement, en vertu des décrets moratoires, à l'autorisation préalable du juge. Ainsi le créancier reste libre d'y recourir sous la seule condition de se conformer aux règles du droit commun.

Mais l'expérience a démontré que, dans les circonstances actuelles, la pratique des saisies conservatoires pouvait entraîner de graves abus et rendre inefficaces les mesures de protection que, dans l'intérêt général, le législateur a entendu instituer au profit d'une classe de débiteurs particulièrement intéressants.

Alors qu'il a voulu soustraire les mobilisés à toutes les préoccupations d'un procès et accorder aux autres citoyens tous les ménagements que commandent à la fois l'humanité et la justice, il peut arriver que, grâce à d'habiles artifices de procédure, les créanciers, par la pratique d'une saisie, contraignent leurs débiteurs à subir leurs plus rigoureuses exigences, sous peine de voir leurs moyens d'existence compromis, leurs affaires paralysées, leurs crédits ébranlés. C'est ainsi qu'une saisie-arrêt pratiquée sans l'autorisation du juge, en vertu de l'article 557 du code de procédure civile, peut, à la veille d'une échéance, frapper d'indisponibilité totale les sommes ou effets appartenant aux débiteurs même absents ou mobilisés.

Il peut en être de même en matière de saisie-gagerie.

Parfois enfin, et alors même qu'une permission du juge est indispensable, il arrive qu'elle soit surprise à la bonne foi de ce magistrat et qu'ainsi il en vienne à autoriser des mesures qui ont sur la situation du débiteur les plus graves contrecoups.

Il importe en notre matière de tempérer la rigueur du droit, tant au profit des citoyens sous les drapeaux que des débiteurs réellement intéressants.

Sans doute, l'interdiction pure et simple de toute saisie conservatoire pourrait avoir elle-même de fâcheuses conséquences et provoquer des plaintes légitimes; il importe de ne point désarmer contre les multiples combinaisons du vol et de la fraude tous ceux qui ont à faire valoir de justes revendications et, parmi ces derniers, les mobilisés eux-mêmes. Il convient que le commerçant dont tout l'avoir est engagé dans de multiples opérations de crédit et dont les rentrées sont difficiles, le propriétaire dont le gage est en péril, la femme qui n'a pour ressource

DECRETS 1916.

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que la modeste pension alimentaire qui lui a été accordée, puissent prendre leurs sûretés contre un débiteur de mauvaise foi qui, bien que jouissant de son plein traitement ou de l'intégralité de ses ressources ou exerçant fructueusement un commerce ou une industrie, essaierait, à la faveur des circonstances, de se dérober à ses engagements, de dissimuler son patrimoine ou, en changeant leur consistance, de ravir l'ensemble de ses biens aux poursuites de ses créanciers.

La conciliation de ces intérêts contraires ne peut appartenir qu'au contrôle réfléchi du magistrat.

Il faut, mais il suffit qu'il soit mis à même de l'exercer dans chaque espèce en connaissance de cause.

Le projet de décret que nous avons l'honneur de présenter à votre signature a pour objet de décider que, pendant la durée des hostilités, aucune saisie conservatoire ne pourra être exercée

sans

une ordonnance du magistrat compétent rendue sur requête. Cette ordonnance, qui devra toujours être motivée, ne pourra être accordée que pour des motifs exceptionnels. En tout état de cause, le saisi aura la faculté de se pourvoir devant le magistrat pour lui demander de rétracter cette ordonnance ou d'en limiter les effets. En outre, le droit de pratiquer la saisie pourra n'être accordé que sous réserve pour le juge d'appeler devant lui le saisi ou son représentant et d'en recevoir des explications. Si, à raison des circonstances, celui-ci ne peut comparaître, le juge n'en aura pas moins la faculté, sur les renseignements qui lui auront été fournis, de rapporter ou de modifier sa première décision.

Les règles du droit commun demeureront néanmoins applicables, en matière commerciale, pour toutes les dettes contractées depuis l'ouverture des hostilités et qui ne sont pas couvertes par les décrets moratoires relatifs à la prorogation des échéances. L'intérêt du commerce ne s'accommoderait pas des mesures qui, en affaiblissant le crédit du commerçant, l'atteindraient luimême au cours des opérations qu'il effectue depuis le début de la guerre.

L'article 1752 du code civil autorise le propriétaire ou bailleur à provoquer l'expulsion de son locataire, métayer ou fermier sous le prétexte que sa maison n'est pas garnie de meubles suffisants. Cette expulsion, aux termes de la jurisprudence, peut être prononcée même par le juge des référés.

La généralisation d'une telle pratique aurait pour effet de rendre illusoires les dispositions favorables prises en faveur de

certains locataires ou fermiers auxquels des délais ont été accordés pour le payement de leurs loyers ou fermages. II importe d'y faire obstacle en interdisant à leur égard toute mesure d'expulsion par application de l'article 1752.

Tel est l'objet du décret que nous soumettons à votre signature.

Il reste d'ailleurs constant que, sous le régime du présent décret, les mobilisés, par le seul effet de la loi du 5 août 1914 (art. 3), demeurent à l'abri de toutes instances, de toutes voies d'exécution, et par suite de toutes mesures d'expulsion qui pourraient être arbitrairement poursuivies à leur égard.

Veuillez agréer, monsieur le Président, l'hommage de notre profond respect.

Le garde des sceaux, ministre de la justice,

René VIVIANI.

Le ministre de l'intérieur,.
MALVY.

Le ministre de l'agriculture,

Jules MELINE.

Le ministre du commerce, de l'industrie, des postés et des télégraphes, CLÉMENTEL.

Le Président de la République française,

Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre de l'intérieur, du ministre du commerce, de l'industrie, des postes et des télégraphes et du ministre de l'agriculture,

Vu l'article 2 de la loi du 5 août 1914, relative à la prorogation des échéances des valeurs négociables;

Vu le décret du 10 août 1914, relatif à la suspension des prescriptions, péremptions et délais en matière civile, commerciale et administrative (*);

Vu les décrets modificatifs du 15 décembre 1914 et du 11 mai 1945 (**);

Le conseil des ministres entendu,

Volume de 1914, p. 702.

** Idem, p. 788, et de 1915, p. 99.

Décrète : Art. 1er. Pendant la durée de la guerre et jusqu'à une date qui sera fixée par décret après la cessation des hostilités, aucune saisie-arrêt, aucune saisie-gagerie et plus généralement aucune saisie faite à titre conservatoire ne pourront être pratiquées sans une autorisation spéciale du magistrat compétent rendue sur enquête.

Cette autorisation, qui devra être motivée, ne sera accordée que pour causes graves et dans le cas où la saisie serait indispensable à la sauvegarde d'intérêts en péril.

Elle pourra n'ètre ordonnée que sous réserve pour le juge d'entendre après la saisie, et au jour qu'il fixera, le saisi et le saisissant ou leur représentant.

A cet effet, ladite ordonnance ainsi que la convocation seront notifiées au saisi dans les conditions prévues par les paragraphes 1 et 2 du décret du 11 mai 1915.

Au jour dit, le juge aura la faculté de confirmer, modifier ou rétracter son ordonnance alors même que les intéressés ne comparaîtraient pas; il devra, en ce cas, s'entourer d'office de tous renseignements utiles et il pourra, au besoin, ajourner sa décision à une date ultérieure.

Art. 2. En tout état de cause, le saisi pourra soit directement, soit par mandataire, se pourvoir devant le magistrat qui appréciera, s'il y a lieu, eu égard à la situation du débiteur, de prononcer mainlevée de la saisie, totale ou partielle, immédiate ou conditionnelle.

Art. 3. Les dispositions qui précèdent ne font pas échec, pour les procédures subséquentes, aux mesures conservatoires, à l'accomplissement des formalités prescrites par les décrets des 10 août 1914, 15 décembre 1914 et 11 mai 1915 pour la levée de la suspension des délais.

Elles ne s'appliquent pas, en matière commerciale, aux saisiesarrêts exercées pour des créances contractées depuis l'ouverture des hostilités et non couvertes par les dispositions des décrets moratoires relatifs à la prorogation des échéances.

Art. 4. - Dans les circonstances prévues à l'article 1er, aucune mesure d'expulsion au profit du propriétaire ou bailleur ne peut être prononcée par application de l'article 1752 du code civil envers les locataires, métayers ou fermiers auxquels des délais de payement ont été accordés soit en vertu des décrets moratoires, soit en vertu de la décision du juge pour le payement de leurs loyers ou fermages, et ce avant l'expiration desdits délais.

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Art. 5. Le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'intérieur, le ministre de l'agriculture et le ministre du commerce, de l'industrie, des postes et des télégraphes sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.

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Arrêté ministériel, du 31 janvier 1916, agréant un type d'exploseur électrique susceptible d'être employé dans les mines grisouteuses.

Le ministre des travaux publics,

Vu la demande présentée, le 5 novembre 1915, par la société générale pour la fabrication de la dynamite à l'effet d'obtenir l'autorisation d'emploi dans les mines grisouteuses d'exploseurs électriques fabriqués par la société américaine « Du Pont de Nemours Powder Co» de Wilmington, Delaware (États-Unis);

Vu le § 1o de l'article 217 du décret du 13 août 1911 (*) portant règlement général sur l'exploitation des mines de combustibles, ainsi conçu:

<«< Dans les mines à grisou, il ne peut être fait usage que d'exploseurs d'un type agréé par le ministre des travaux publics »> ; Vu l'arrêté, en date du 23 février 1912, agréant divers types d'exploseurs électriques ("");

(*) Volume de 1911, p. (481), 519. (**) Volume de 1912, p. 213.

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