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l'arme ordinaire des nègres, l'incendie. La nuit du 25 au 26, la mairie de Grand-Bourg-Campagne et six habitations furent pillées et réduites en cendres; cinq autres furent dévastées. Violences matérielles, influences morales de la plus déplorable espèce, les faits étaient assez patents pour que l'Assemblée crût devoir annuler des élections faites sous cette pression sauvage (17 octobre). .

TAHITI.

Notre établissement de Tahiti fut mis en question dans l'Assemblée nationale par une proposition de M. Aylies, qui en demandait l'évacuation. M. Mauguin pressa vivement l'Assemblée de conserver ce point d'occupation, le seul que nous possédions dans la mer du Sud. M. Mauguin insista pour faire maintenir, dans les crédits affectés à cette colonie, une somme de 50,000 fr. dont la commission sollicitait le retranchement. L'Assemblée donna gain de cause à M. Mauguin, et rejeta ainsi toute idée d'abandon (29 avril).

NOSSI-BÉ.

A Nossi-Bé, l'abolition de l'esclavage causa une vive irritation parmi les propriétaires sakalaves. Aussitôt après la promulgation du décret d'émancipation, ils abandonnèrent l'établissement français et se retirèrent en masse à Madagascar. Cette émigration fut bientôt suivie d'incursions nocturnes sur l'établissement français, de tentatives d'incendie, d'assassinats commis sur des traitants européens. Enfin, le 16 juin, M. Marchaise, capitaine d'infanterie de marine et commandant de l'île, fut averti qu'il allait avoir à repousser une attaque sérieuse. Il concentra ses forces sur le plateau de Hellaville et se mit en état de défense. 4,000 sakalaves venaient de débarquer. Le commandant envoya en reconnaissance un détachement composé de 100 miliciens malgaches, de 20 hommes d'infanterie indigène, de 1 caporal et

de 1 soldat blanc, sous le commandement du lieutenant d'infanterie de marine Cottey. Cette petite troupe tomba dans une embuscade au milieu du gros des forces de l'ennemi. Au premier coup de feu, les cent Malgaches làchèrent pied. Le lieutenant et le caporal périrent bravement à leur poste; le fusilier blanc et cinq soldats de la compagnie africaine tombèrent blessés à côté de leur officier. Encouragés par ce faible succès, les sakalaves vinrent le lendemain, jusqu'à portée de canon de Hellaville, mettre le feu aux villages environnants, et le surlendemain, 18, ils assiégèrent le plateau. Là, ils furent repoussés de tous les côtés, et coururent en pleine déroute se rembarquer précipitamment pour la Grande Terre. A la nouvelle de ces événements, le commandant général de l'île de la Réunion et le commandant de la division navale s'empressèrent de mettre, par des renforts suffisants, Nossi-Bé à l'abri d'une agression semblable.

SÉNÉGAL.

Au Sénégal, une expédition dirigée en personne par M. le gouverneur Baudin, contre le Dimar, province du pays de Fonta, eut les plus heureux effets pour l'affermissement de notre domination et la protection de notre commerce. Le 21 juillet, le village de Fanaye, couvert par un marigot fortifié, fut enlevé avec vigueur malgré une résistance opiniâtre. La petite colonne expéditionnaire compta 25 hommes tués ou blessés. Mais la leçon ne devait pas être perdue pour le Dimar, et les résultats de cette expédition rendirent plus facile la solution de nos questions politiques le long du parcours du fleuve.

COMMERCE ET POLITIQUE EXTÉRIEURS.

Traité de commerce avec le Chili.

Le 9 novembre, l'Assemblée nationale ratifia le traité de commerce et de navigation conclu, sous la monarchie, entre la France

et le Chili. Le Gouvernement déchu s'était attaché à donner la garantie d'un droit conventionnel aux importantes relations de commerce depuis longtemps établies entre la France et les anciennes colonies espagnoles de l'Amérique du Sud. Les ratifications du traité conclu dès le 15 septembre 1846 n'avaient pas encore été échangées lorsque survint la révolution de 1848. Les négociations, depuis, avaient été reprises, quelques difficultés, sans gravité d'ailleurs avaient été aplanies, et c'est ainsi qu'en dernier lieu M. de Tocqueville avait été amené à signer avec M. de Rosalès, chargé d'affaires du Chilli à Paris, le traité auquel il s'agissait aujourd'hui de donner la sanction des pouvoirs publics. Le principe sur lequel cet acte international plaçait les relations politiques, commerciales et maritimes des deux pays était celui de la jouissance réciproque du traitement de la nation la plus favorisée. Nos affaires commerciales ne sont pas sans importance dans cette partie des mers du Sud; les tableaux qui accompagnaient l'exposé des motifs montraient que sur 40 bâtiments ayant fait l'intercourse en 1847, 37 portaient notre pavillon; c'est-à-dire que notre marine effectue presque seulc les transports. Quant à la valeur des marchandises échangées, elle atteignait, en 1847, un peu plus de 18 millions et demi, et, en 1848, près de 17 millions, dont 11 environ à nos exportations. Ces relations, il est vrai, ne se sont pas beaucoup développées depuis dix ans : on retrouve, en 1839, des chiffres presque égaux à ceux de 1848; mais, pour qui sait l'élan extraordinaire qu'a donné, depuis huit ou dix mois, au port de Valparaiso et au commerce chilien en général l'exploration des terrains aurifères de la Californie, pour qui se rend compte du mouvement commercial du nouvel État de la Fédération américaine, le traité conclu avec le Chili prenait aujourd'hui une haute importance.

Le traité contenait des dispositions avantageuses à notre importation au Chili, et tendait à rendre moins inégale notre concurrence avec l'Angleterre et les États-Unis, qui depuis longtemps ont su, par des traités particuliers, se réserver de grands débouchés dans l'Amérique du Sud. Mais le traité actuel, comme ceux de 1822 et de 1826, qui nous lient avec l'Angleterre et les ÉtatsUnis, n'était qu'un traité de réciprocité. Il n'aurait pas les mêmes

résultats que ces derniers, puisque la marine chilienne est peu développée, et que ses navires n'eutrent dans notre commerce de concurrence que pour une proportion insignifiante. Nous avons donc tout à gagner dans l'assimilation, quant aux droits de douane, des deux pavillons français et chilien.

Traité de commerce avec les îles Sandwich.

Diverses conventions avaient été conclues en 1839 et en 1846 avec le gouvernement des îles Sandwich, escales importantes, comme on sait, du commerce et des pêcheries de l'Océanie. Un traité général ratifia et étendit ces conventions partielles entre les gouvernements français et hawaïen. Outre ces stipulations ordinaires d'amitié et de réciprocité, le traité fixait à 5 010 ̊ de la valeur le maximun des droits qu'auraient à payer nos marchandises dans les ports hawaïens, sauf les vins et les eaux-de-vie, que, par une mesure d'hygiène et de morale publique, qu'on ne saurait blâmer, le gouvernement des îles Sandwich s'était réservé de taxer selon qu'il le jugerait convenable, à condition, remarquait le traité, que le droit ne serait jamais assez élevé pour devenir un empêchement absolu à l'importation de ces boissons.

Si nous n'avons pas encore dans les mers de l'Australie du Nord, comme les Anglais et les Américains, des intérêts trèsconsidérables, nous ne devons pas moins chercher à y étendre nos relations et notre influence, car les nombreux archipels dont est parsemé l'Océan polynésien seront certainement un jour, et avant peu d'années peut-être, appelés à une grande importance commerciale par suite du développement que ne peuvent manquer de prendre les transactions entre l'Inde orientale, la Chine et l'Australie d'une part, et de l'autre les ports du littoral ouest américain. L'Océanie sera la route la plus directe et la plus fréquentée de ces deux mondes.

Tels sont les actes principaux de la politique commerciale. Quant à la part d'influence exercée par la France sur les affaires des autres gouvernements, nous renvoyons à l'étude spéciale de chacun des pays avec lesquels le gouvernement de la République

se trouva en contact pendant le cours de cette année (Voyez Italie, États-Unis pour l'histoire du différend survenu avec ce pays, République Argentine, etc.).

Le tableau du commerce extérieur est en quelque sorte le bilan de la politique étrangère d'un grand peuple. Voici quels en sont les résultats pour 1849. Le commerce total a représenté, en 1849, importations et exportations réunies, une valeur officielle de 2,565 millions, c'est-à-dire 550 millions ou 27 010 de plus qu'en 1848, et 199 millions ou 8 010 de plus que la moyenne des cinq années antérieures.

Si l'on prend, au lieu des valeurs officielles, les valeurs réelles calculées par la commission pour l'année 1849, on trouve que le chiffre de nos échanges descend à 2,291 millions, ce qui s'explique par la diminution de prix qu'ont éprouvée la plupart des produits depuis l'année 1826, époque à laquelle remonte la fixation des tarifs d'évaluation employés encore aujourd'hui pour obtenir les valeurs officielles.

Notre commerce spécial, c'est-à-dire celui qui embrasse seulement l'importation des produits consommés en France et l'exportation des produits français, a atteint la valeur officielle de 1,812 millions; c'est une augmentation de 30 010 sur l'année 1848, et de 8 040 sur la moyenne des cinq années antérieures. Cette somme de 1,812 millions se divise comme suit: 780 millions à l'importation, 1,032 à l'exportation. Pour l'im→ portation, l'avantage est de 40 010, et pour l'exportation, de 24 010 relativement à 1848.

Apprécié d'après le tarif des valeurs actuelles, le commerce spécial, entrée et sortie réunies, est de 1,662 millions, soit inférieur de 8 010 aux valeurs officielles.

Il est intéressant de comparer le mouvement des échanges en 1849 à ce qu'il avait été pendant l'année qui a précédé la révolution de février. Le commerce spécial, en 1847, avait donné lieu à une masse d'affaires montant, suivant le tarif officiel, à 1,877 millions. Mais on sait qu'il avait été accru par une circonstance particulière, nous voulons parler de l'énorme importation de céréales qu'avait nécessitée l'insuffisance de nos récoltes, importation qui s'est élevée à 209 millions. Si l'on fait

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