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M. Tourret, lorsqu'il était ministre, et renvoyé au comité d'agriculture où il avait été plusieurs fois l'objet de discussions approfondies, sérieuses, animées même, avait été, une première fois amendé par la commission présidée par M. Dezeimeris. Cette commission en avait changé la disposition principale, celle de l'organisation par arrondissement, qu'elle avait abandonnée pour la porter au département. Mais le comité, repoussant ce principe, avait de nouveau renvoyé la loi à l'étude de la commission, en la priant d'apporter un travail conforme au vœu du comité. La commission vint soumettre son nouveau travail au comité qui le discuta pendant deux séances.

Les débats furent vifs, car on revenait d'une manière détournée au principe du département, en disant que chaque année les chambres consultatives des divers arrondissements se réuniraient au chef-lieu.

Il fut difficile aussi de bien préciser les conditions qu'il fallait réunir pour être électeur. La nomenclature des objets à traiter par ces chambres, fut également discutée soigneusement.

Enfin le projet, contenant 29 articles, fut définitivement adopté et déposé sur le bureau de l'Assemblée.

M. le ministre de l'Instruction publique vint, le 22 janvier, retirer, au nom du Gouvernement, le projet de loi sur l'école d'administration. A la place de ce projet, M. de Falloux en présenta un autre qui pourvoirait à l'enseignement du droit administratif dans la Faculté de Paris et dans les Facultés des départements. Mais M. le ministre demandait que ce projet fût renvoyé au comité d'instruction publique et au comité de législation : aussi l'opposition fit-elle les plus grands efforts pour faire décider que le projet serait renvoyé dans les bureaux et soumis à une commission spéciale. Voici le texte du nouveau projet :

« Art. 1er. Il est fondé dans toutes les Facultés de droit de la République un enseignement de droit public et administratif.

>> Cet enseignement sera complété à la Faculté de droit de Paris, et organisé dans le plus bref délai près les facultés de droit des départements, conformément aux articles ci-après.

>> Art. 2. L'enseignement de droit public et administratif comprend deux années.

» Art. 3. Après la seconde anuée d'études, les élèves inscrits pourront ob tenir le grade de licencié en droit public et administratif.

» Art. 4. Nul n'est admis à s'inscrire s'il n'est pourvu du diplôme de bache lier en droit, sauf l'exception spécifiée plus bas.

» Art. 5. Des règlements d'administration publique détermineront les fonctions administratives par lesquelles le grade de licencié en droit public et administratif sera exigé.

» Art. 6. Les élèves faisant actuellement partie de l'école d'administration, annexée au Collège de France, par le décret du Gouvernement provisoire du 8 mars 1848, seront admis à se faire inscrire pour les cours de droit public, sans avoir à justifier du diplôme de bachelier en droit.

» Ils seront également admis à suivre les cours ordinaires des Facultés de droit et de médecine, auquel cas le temps qu'ils ont passé à l'école d'administration sera compté pour quatre inscriptions aux élèves de la première promotion, et pour deux ans aux élèves de la seconde.

» Art. 7. Il est ouvert un crédit de 20,000 fr. sur le budget de 1848, pour être affecté aux dépenses de l'école d'administration, pendant le second semestre de 1848.

» Art. 8. Il est ouvert, sur le budget de 1849, un crédit de 6,000 fr. pour la création d'une seconde chaire de droit administratif à la Faculté de droit de Paris. »

L'hostilité qui se manifestait dans l'Assemblée contre le ministère se signala encore dans cette occasion par une proposition de M. Bourbeau, qui reprit le projet primitif retiré par M. le ministre de l'Instruction publique. La majorité des commissaires nommés pour examiner la proposition lui fut favorable.

CHAPITRE IV.

CONSEIL D'ÉTAT.

Décret sur les lois organiques, loi relative au conseil d'État, organisation et attributions du conseil, questions diverses, étude du projet, discussion, adoption de la loi.

On se le rappelle, dans les derniers jours de l'année qui venait de finir, l'Assemblée constituante avait cru devoir déterminer le nombre et la nature des lois qui seraient appelées organiques et qu'elle aurait à discuter et à voter après l'installation du Président de la République. Il y avait derrière cette décision une grave question sous-entendue, celle de la durée et de la prolongation éventuelle de l'Assemblée constituante. Le 9 décembre, c'est-à-dire la veille de l'ouverture de ce grand scrutin qui devait donner un chef à la République, la Chambre de 1848 s'était créé une longue et laborieuse tâche. Voici la nomenclature des lois dites organiques qu'elle avait résolu de discuter.

1o Loi sur la responsabilité des dépositaires de l'autorité publique ;

20 Loi sur le conseil d'Etat;

30 Loi électorale;

40 Loi d'organisation départementale et communale;

50 Loi d'organisation judiciaire;

60 Loi sur l'enseignement;

70 Loi sur l'organisation de la force publique (Garde natio

nale, armée);

80 Loi sur la presse ;

90 Loi sur l'état de siége;

10o Loi sur l'organisation de l'assistance publique.

Une disposition spéciale, portant que des commissions seraient immédiatement nommées pour préparer ces lois, avait été aussi adoptée, et l'ensemble du décret avait réuni, le 11 décembre, une majorité de 403 voix contre 178.

La discussion des lois organiques s'ouvrit, le 15 janvier, par la loi du conseil d'État. Cette loi était-elle la plus urgente, celle dont l'ajournement eût été le plus regrettable? Non, sans doute; mais le rapport de M. Vivien s'était trouvé prêt le premier.

Les questions soulevées par le projet étaient de deux sortes, celles qui avaient rapport à l'organisation même du conseil d'État et celles qui concernaient ses attributions. Les questions fondamentales de ces deux catégories avaient été presque toutes résolues par la Constitution.

La première de ces questions organiques était celle qui concernait le mode de nomination des membres du conseil d'État. L'article 72 de la Constitution portait qu'ils seraient nommés pour six ans par l'Assemblée nationale. L'art. 78 ajoutait que ceux des membres du conseil d'État, qui auraient été pris dans le sein de l'Assemblée nationale seraient immédiatement remplacés comme représentants du peuple. En d'autres termes, les fonctions de conseiller d'État étaient déclarées incompatibles avec le mandat de représentant du peuple. Cette disposition souleva les objections les plus graves et les mieux fondées. Il était évident qu'avec un pareil système, le recrutement du conseil d'État se ferait dans les conditions les plus désavantageuses. On ne pouvait espérer que ces fonctions importantes seraient recherchées par les hommes qui en seraient les plus dignes quand on commençait par fermer devant eux la carrière législative. Les hommes de mérite et de talent ne sacrifieraient pas volontiers les chances de succès et d'élévation que leur offrait la tribune parlementaire à l'honneur obscur et subalterne du conseil d'État. Pour tous ceux qui pourraient opter, l'option ne serait jamais douteuse. La pépinière du conseil d'État serait donc forcément restreinte aux vaincus des colléges électoraux.

Par une contradiction assez choquante, on confiait au Pouvoir législatif le soin de nommer les membres d'un corps qui, même dans son organisation nouvelle, demeurait à certains égards l'a

gent et l'auxiliaire du Pouvoir exécutif, ce qui renversait et confondait tous les principes admis en matière de responsabilité mi. nistérielle (1).

La question relative à la composition du conseil d'État, c'està-dire au nombre et à la classification de ses membres, n'avait pas été tranchée par la Constitution. Elle était une des plus importantes qui fussent à décider par la loi organique. La solution proposée dans le projet de loi ne paraissait pas à l'abri de la critique. L'ancien conseil d'État se composait, sous le dernier régime, de cinquante conseillers d'État, dont trente en service. ordinaire, et vingt en service extraordinaire. Après la Révolution de Février, le service ordinaire avait été réduit à vingt-quatre conseillers d'État, et le service extraordinaire avait été supprimé. La commission qui avait préparé le projet de loi organique avait considéré ce nombre de vingt-quatre conseillers d'État comme rigoureusement indispensable, eu égard aux seules attributions. dont le conseil d'État était actuellement investi. Puis elle avait cru nécessaire de doubler ce nombre, pour le mettre en rapport avec les attributions nouvelles que le conseil d'État avait reçues de la Constitution. Il faut donc voir en quoi consistaient ces attributions nouvelles, en apprécier le caractère et l'importance, pour décider si l'augmentation proposée dans le personnel était justifiée.

(1) Un important témoignage sur cette matière est celui de M. Dupin aîné, l'un des membres de la commission de Constitution, qui, dans une remarquable étude sur la Constitution de la République française, juge ainsi le conseil d'État :

« Quant au conseil d'État, j'attendrai qu'il soit définitivement organisé pour comprendre la pensée de ceux qui ont cru voir là le germe d'une seconde Chambre, d'un sénat, l'espérance d'un contre-poids efficace.

» Je conçois le conseil d'Etat tel qu'il était précédemment organisé, avec ses attributions administratives et le travail hiérarchique de ses conseillers, de ses maîtres des requêtes et de ses auditeurs. Comme tel, c'est un instrument excellent.

>> Je ne vois pas au juste ce qu'il sera avec les trente membres que l'Assemblée lui a donnés au scrutin de liste, et les attributions purement facultativos et assez insignifiantes qui leur sont départies quant à présent.

» C'est certainement un des points sur lesquels devra porter la future révision de la Constitution, »

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