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la situation critique où il laissait la ville assiégée, accorder, au nom du Gouvernement, et à titre d'avances, un subside de 200,000 fr. par mois, destiné à subvenir aux besoins des légions armées pour la défense commune.

Le comité des finances de l'Assemblée nationale française, tout en approuvant la mesure purement conservatrice prise par M. Gros, exprima le vœu qu'une décision fût prise promptement sur cette affaire. Ce vou, qui mettait le Gouvernement de la République en demeure de se prononcer sur une des questions les plus difficiles de la monarchie, ne pouvait être décliné par des hommes politiques autrefois si prompts à s'indigner contre les lenteurs et les difficultés des négociations entamées sur les rives de la Plata. Feraient-ils enfin ce qu'on n'avait pu faire jusqu'alors? Deux faits graves, au mois d'octobre 1848, prouvèrent jusqu'à quel point la longanimité du Gouvernement européen avait exalté l'insolence dudictateur de Buenos-Ayres. Le premier, fut la brutale expulsion de M. Picolet d'Hermillon, chargé d'affaires de Sardaigne: le second, le refus de recevoir M. Southern, comme ministre de Sa Majesté britannique. M. Southern repoussé d'abord comme agent officiel, ayant demandé à être reçu officieusement, éprouva un second refus; enfin, sur ses vives instances d'être admis, à cause de sa santé, à débarquer comme simple particulier, le ministre Arana lui envoya l'autorisation sollicitée, mais à la condition. de se soumettre à des lois et décrets rendus contre les étrangers aussitôt après l'expulsion de M. Picolet d'Hermillon.

Enfin, un projet de traité, non encore ratifié, fut à peu près arrêté entre l'amiral français Leprédour et Rosas.

L'article 4 suspendait les hostilités. L'article 2 portait désarmement de la légion étrangère de Montevideo. L'article 3, l'évacuation de tout le territoire oriental par les troupes argentines, subséquemment au désarmement des légionnaires. Les articles 4 et 5, rétablissaient le statu quo ante bellum. Par l'article 6, qui reconnaissait la navigation du Parana comme navigation intérieure de la confération argentine, le général Rosas insistait pour qu'on appliquât à son pays le droit commun des nations. L'article 7 consacrait en faveur de la confédération argentine tous les droits d'Etat souverain et indépendant. L'article 8 faisait une

loi à la ville de Montevideo de se soumettre à la convention sous peine d'être livrée à elle-même. Quant aux autres articles, ils étaient sans portée pour la France. De son côté, le général Oribe promettait l'oubli du passé, garantissait les personnes et tous les droits des étrangers; il convoquait les colléges électoraux du pays pour la nomination libre du président, se soumettant d'avance à leur décision; en un mot, l'indépendance de l'Etat oriental était proclamée.

BRÉSIL.

Les relations entre le Brésil et le général Rosas s'envenimaient chaque jour davantage. Le général insistait pour obtenir réparation au sujet des discours tenus dans les Chambres brésiliennes contre son système d'isolement politique. Le Brésil repoussait naturellement cette prétention et continuait à fortifier ses frontières méridionales, qui seraient sérieusement menacées le jour où Montevideo, abandonnée par l'Europe, tomberait aux mains d'Oribe et de Rosas.

BOLIVIE.

Une nouvelle révolution avait éclaté en Bolivie dans les derniers mois de 1848. Ce malheureux pays était de nouveau en proie à l'anarchie. Le général Belza, qui remplissait les fonctions de ministre de la guerre, s'était mis à la tète de ce mouvement dont le but était, soit la présidence au profit du général Belza lui-même, soit le rappel de Santa-Cruz, ancien chef de la confédération pérubolivienne, exilé en Europe. Les premières opérations du général Belza furent limitées à la Paz et à Cochalamba, où l'armée se prononça en sa faveur.

HAITI.

Le 26 août furent placardées à Port-au Prince, sous le titre de République d'Haïti, et la loi rendue par le corps législatif qui

conférait au président Faustin Soulouque la dignité d'empereur, et la proclamation avec le titre d'Empire d'Haïti, liberté, égalité, par laquelle Soulouque annonçait à la fois son acceptation de la couronne et la révision du pacte constitutionnel de 1846. Le Sénat et la chambre des représentants avaient terminé les 17 et 19 sept tembre cette révision, qui fut publiée le 26, sous le contre-seing des ministres de la guerre et de la marine, Louis Dufresne; de la ustice, S. B. Francisque; et des finances, Salomon Juin.

L'île d'Haïti et les îles adjacentes qui en dépendent sont déclarées former le territoire de l'empire, un et indivisible. La République dominicaine est ainsi plus que jamais menacée.

La liberté individuelle est garantie, la confiscation des biens ne peut être établie; l'emploi des langues usitées en Haïti est facultatif pour les affaires privées; tous les cultes sont libres; les ministres de la religion catholique seront spécialement salariés et protégés; liberté de la presse, sauf les abus définis par la loi; l'enseignement libre; l'uniformité des poids et mesures; le jury établi en toutes matières criminelles; garantie de l'inviolabilité des propriétés.

Mais en même temps que tout Africain et Indien, et leurs descendants, sont reconnus habiles à devenir Haïtiens, l'article 7 est ainsi maintenu : Aucun blanc, quelle que soit sa nation, ne pourra mettre le pied sur le territoire haïtien, à titre de maître ou de propriétaire et ne pourra, à l'avenir y acquérir aucun immeuble, ni la qualité d'Haïtien.

Le passé peut faire douter que la sécurité au moins soit bien garantie à l'habitant blanc, par l'article 22 qui déclare asile inviolable la maison de tout individu habitant le territoire haïtien, et par l'article 196 qui porte: « Tout étranger qui se trouve sur le territoire de l'empire jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi. » Le président Riché, prédécesseur de Soulouque, avait pour devise: Ordre, travail et protection aux étrangers. Sans le concours des étrangers, le travail intelligent et actif ne parviendra jamais à se développer au sein de la fertile Haïti.

L'acte constitutionnel ne contient pas moins de 205 articles. Des sénateurs, au nombre de trente-cinq à trente-six, âgés

de 30 ans au moins, et propriétaires, sont nommés par l'empereur pour neuf ans. Les représentants sont élus pour cinq ans. L'exercice des droits civils est indépendant des droits politiques. Pour voter aux assemblées primaires, il faut être âgé de vingt et un ans accomplis, en outre être propriétaire foncier, exploiter une fermé ou exercer, soit une profession, soit un emploi public ou toute industrie déterminée par la loi électorale. Tous les cinq ans, au 10 ou 20 janvier, les assemblées primaires de paroisses se réunissent et élisent chacune trois électeurs.

Ces électeurs, qui, outre les conditions précédentes, doivent être âgés de 25 ans, se réunissent àu chef-lieu d'arrondissement, du 1 au 10 février. La présence des deux tiers d'entre eux suffit pour y constituer un collège électoral. Il procède uniquement au scrutin secret et à la majorité absolue, à la nomination, d'après le nombre fixé pour l'arrondissement, des représentants et de leurs suppléants. Le Sénat est permanent, mais il peut s'ajourner. La durée de la session législative est, par année, de quatre mois au plus. Chaque sénateur et représentant reçoit par mois une indemnité de 200 gourdes (plus de 1,100 francs; la gourde est de 5 fr. 60 c. environ).

La dignité impériale, inviolable, est héréditaire dans la des cendance directe et légitime, à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance. Promulgation et exécution des lois pa l'empereur, qui nomme les ministrés, tous les fonctionnaire civils et militaires, et qui a le droit aussi de révoquer les fonttionnaires amovibles. Il dirige, commande les forces de terre de mer, conclut les traités de paix et propose au Sénat les déch rations de guerre, etc.

Un domaine pour la couronne sera composé de propriétés r rales en état de culture. L'empereur reçoit du Trésor public un indemnité annuelle de 150,000 gourdes. L'impératrice jouit d apanage de 50,000 gourdes de revenus; son douaire est fix 10,000 gourdes. Leurs enfants ne peuvent se marier sans l'ar risation de l'empereur. La minorité du prince impérial finit às dix-huitième année révolue. Les femmes sont exclues de la r gence. Le grand conseil de l'empire se compose de neuf grand dignitaires nommés par l'empereur. Les ministres dont le no

bre est, pour le présent, réduit à trois, sont responsables; ils peuvent être interpellés, accusés même par les représentants, et jugés par le Sénat qui se forme en haute cour de justice.

Il y a une cour de cassation et une cour des comptes. Les juges de paix sont seuls révocables. Aucun impôt au profit de l'État, aucune pension à la charge du Trésor ne peuvent être établis que par une loi. Lors de la discussion du budget annuel, les Chambres n'ont pas le droit de réduire ou d'augmenter les appointements des fonctionnaires et la solde des militaires, déjà fixés par des lois spéciales. Pendant la session, le cumul est défendu au représentant salarié pour une autre fonction publique. Accepter un emploi rétribué par l'État, c'est pour un représentant renoncer à son mandat.

D'après l'article 122, l'empereur pourvoit aux grandes dignités de l'empire et de la couronne, crée des titres nobiliaires, enfin établit à la fois deux Ordres, celui de Saint-Faustin pour le militaire, de la Légion-d'Honneur pour le civil. Les titres de princes et de ducs sont réservés au généraux de division, aux grands dignitaires, aux ministres. Les généraux de brigade pourront être faits comtes ou barons. Aux colonels, jusqu'aux simples soldats, le titre de chevalier. Des lois détermineront le mode de recrutement de l'armée et l'organisation de la garde nationale.

L'établissement plus ou moins splendide de la cour d'un nouvel empire cause nécessairement des dépenses considérables et trèsdiverses. Aussi le ministre du Trésor, à bout de finances depuis longtemps, n'avait-il aperçu d'autre expédient que celui de s'emparer, par mesure d'urgence, de la moitié des recettes de la douane que les traités avaient affectées à l'acquittement des créances de la France. Mais le chargé d'affaires français, M. Raybaud, présenta aussitôt d'énergiques réclamations qui furent assez favorablement accueillies par l'emperenr. On espérait aussi qu'il ferait exécuter fidèlement l'article 41 de la nouvelle Constitution: «Les dettes publiques contractées, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur, sont garanties. La Constitution les place sous la sauvegarde et la loyauté de la nation. »

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