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sans la permission de l'assemblée, puisqu'ilne peut s'éloigner au-delà de vingt lieues de la ville où elle tient ses séances, suivant les dé crets, et que, dans la réalité, il ne peut pas même sortir de Paris. Il n'auroit pas le pouvoir. de renvoyer un soldat; il ne peut donner aucun ordre aux milices nationales. Il ne pour roit pas faire emprisonner, pendant vingt-qua tre heures, ceux qui se rendent coupables envers lui d'un crime de lèse-majesté. Il est infini ment moins dangereuxde l'outrager,que d'encourir la disgracedudernierofficiermunicipa',

Le roi ne peut faire respecter l'état au-dehors, puisqu'il n'a pas la faculté de déclarer la guerre, sans en avoir obtenu la permission de l'assemblée, et qu'il est forcéd'obéir à ses or dres, lorsqu'elle veut faire la paix. Un prince dont on ne redoute point lavengeance,est rayé de la liste des potentats chez les autres peuples, comme dans sa nation. L'interdiction du droit de faire la gue re n'est qu'un dan ger de plus pour son pays. Il est privé de l'avantage d'attaquer subitement l'ennemi qui en médite la destruction. Des militaires mécontens peuvent alors devenirl sjuges des or dres qui leur sout transmis, et refuser de com battre, sous le prétexte qu'on les destine & l'attaque,

'attaque, et non pas à la défense. On autroit dû savoir que, dans un état où les subsides sont accordés par les représentans du peuple, il est presque impossible qu'on entreprenne une guerre, sans être assuré d'avance de leur approbation, ou du moins de celle de la majorité. En exigeant, pour commencer les hostilités, l'autorisation d'une assemblée nombreuse, incapable d'appercevoir sa véritable situation et celle de ses voisins, et qui ne peut manquer d'applaudir aux conseils les plus violens, on ne rend pas la guerre moins fréquente, on se prive seulement de la possibilité de la faire avec succès. La durée de la paix en devient plus incertaine, parce que son appui le plus solide est la considération qu'obtient, des étrangers, un monarque puissant, toujours prêt à soutenir ses alliés, comme à repousser une injure. Enfin, on donne aux ennemis les moyens de porter la corruption dans l'assem blée, d'y acheter les suffrages pour y diriger la guerre ou la paix, et de tenir cette contrée dans la même sujétion où l'on a vu si long-tems la Suède et la Pologne.

Le roi n'est donc plus, suivant les nouvelles institutions, le protecteur des droits de ses sujets auprès des puissances étrangères. Il est bien moins encore le protecteur de leur liberté dans l'in

Tome II.

'I

térieur du royaume. Il ne peut les soustraire à une injuste condamnation. Le plus beau privilège de la royauté, celui de faire grace, lui est désormais interdit. Il n'existe plus de trône, refuge du malheur et gardien de la justice. Les opprimés qui réclament le secours de leur prince, trouvent, en déchirant son cœur, les seules consolations de la pitié, mais jamais la force nécessaire pour les délivrer du joug de leurs oppresseurs. Ce n'est pas un roi, victime lui-même de la plus cruelle tyrannie, et dépouillé de tous ses droits, qui peut défendre les droits des autres. Sa subsistance et celle de sa famille n'est pas même assurée; elle dépend de la volonté de l'assemblée, et de la perception des subsides qu'elle seule peut ordonner ou suspendre à son gré. II n'a pu conserver, pour son épouse, pour ses enfans, aucun des privilèges et des distinctions si utiles à la splendeur de la royauté, à la sûreté même d'un monarque, dont l'indépendance et l'inviolabilité sont bien chimériques, s'il peut être, aussi facilement qu'un simple particulier, persécuté dans les objets de son affection.

Il existe, dans la constitution, un article qui suffiroit seul pour paralyser le pouvoir exécutif, en supposant que le roi en fût le dépositaire; c'est celui qui prononce que les assemblées lé

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gislatives seront permanentes, et qu'elles seules auront le droit d'ajourner ou de proroger leurs séances, jusqu'à l'époque du renouvellement de leurs membres. Si le corps législatif étoit toujours assemblé dit Montesquieu, il occuperoit· trop la puissance exécutrice, , qui ne penseroit point à exécuter, mais à défen tre ses prérogatives, Une assemblée permanente de représentans du peuple doit nécessairement absorber toute autre autorité. Ceux dont le ministère ne satisfait pas l'ambition, ou déconcerte les intrigues, se hâtent de porter leurs plaintes au corps législatit. Les députés, ou pour se signaler auprès de la multitude, ou pour expulser les ministres et procurer leurs places à des protégés, les attaquent sans interruption.

L'existence même de cette royauté impuissante et dégradée, nommée constitutionnelle n'est pas garantie par la constitution. Pour y faire des changemens, les assemblées n'ont nul besoin de la sanction du roi.

Qu'on ne s'étonne point si , pour prouver qu'en France il n'est plus de liberté, je m'attache à démontrer la foiblesse des prérogatives du roi. On a prétendu lui réserver le pouvoir exécutif; s'il n'a point d'autorité, les loix utiles restent donc sans exécution; et comment un

peuple est-il libre, si les lois qui maintiennent l'ordre public ne s'exécutent pas ? D'ailleurs, dans un gouvernement monarchique, limité par une représentation du peuple, le roi ne peut plus être facilement trompé par ceux qui l'environnent, et, s'il est sans pouvoir, les citoyens ont perdu le défenseur naturel de leur liberté.

Une assemblée dont les membres ne peuvent être mis en justice sans son consentement ; qui ordonne seule les subsides; qui exerce une autoriré absolue sur tous les agens de l'administration; qui, par

, par le moyen des corps administratifs, tient sous ses ordres tous les citoyens armés sous le nom de gardes nationales; qui distribue les graces pécuniaires; qui décide de la guerre ou de la paix, qui dispose de toutes les forces militaires dans le lieu de ses séances; qui peut faire emprisonner arbitrairement ; qui, dans les circonstances où le concours du roi lui est prescrit, n'est arrêtée que par un simple veto suspensif, qu'elle a tant de moyens de rendre illusoire cette assemblée jouit d'un tel excès de puissance, que rien ne sauroit mettre à l'abri de sa tytannie la liberté des citoyens.

Sans la révolution de France, on n'auroit aucune idée de l'extravagance, de la profonde immoralité, de la cruauté que peut se permettre une

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