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principe, il faut compter parmi les causes qui l'ont rendue si funeste, l'envie, l'ingratitude, la cupidité, la lâcheté.

Les peuples corrompus ont bien difficilement des idées saines sur la liberté. Lorsque des hommes flétris par le luxe et les vices de la servitude, veulent devenir libres, ils se précipitent ordinairement dans la licence la plus effrénée. Ce fut ainsi que les habitans de Syracuse se laissèrent égarer par les ambitieux qui les flattoient à l'envi, se familiarisèrent avec les plus grands crimes, rejetèrent avec mépris les conseils du sage DION, qui vouloit leur donner un gouvernement mixte, dans lequel le pouvoir des principaux citoyens auroit balancé celui du prince et celui du peuple. Ils crurent tous sacrifier pour la liberté, et ne réussirent jamais, en répendant des flots de sang, qu'à se donner de nouveaux despotes.

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Il semble aussi que c'est une triste destinée

que les presbytériens d'Angleterre, et que les anglicans doivent l'être encore plus solidement que les catholiques d'Irlande. C'est un motif de plus pour rendre contens de leur sort ceux qui ne professent pas la religion du souverain, et d'étendre la tolérance aussi loin que peut le permettre le maintien du repos public,

des peuples, de ne pouvoir presque jamais acquérir la liberté politique qu'après une longue suite de malheurs, et de la dédaigner lorsqu'ils ont trop de facilité pour la saisir. S'ils n'éprouvent aucune résistance de la part de ceux qui sont en possession du gouvernement, l'enthousiasme les entraîne au-delà de toutes les bornes. Charles I accordoit à ses sujets le bill des droits. Il leur donnoit la constitution anglaise telle qu'elle existe aujourd'hui, telle qu'elle a fait l'admiration de l'univers. Il s'étoit réconcilié sincérement avec tous les amis de la vraie liberté. Mais chaque concession de ce bon prince étoit un titre pour une nouvelle demande. L'abdication du trône eût seule pu satisfaire la fu reur de ses ennemis

CHAPITRE XXX VII.

Qu'il ne faut pas imputer au caractère national les crimes commis depuis la révolution.

ON

Na vu les Français, auparavant célèbres par la douceur de leurs mœurs, se livrer depuis le mois de juillet 1789, à des actes de cruauté qu'on n'auroit pas cru possibles en Europe, sur la fin du dix-huitième siècle. On s'est hâté d'en conclure que sous des apparences de légèreté, cette nation étoit réellement féroce; et l'on n'a pas considéré que l'entière dissolution du gouvernement exciteroit par tout les mêmes forfaits. Aucune contrée n'échapperoit aux ravages que doivent inévitablement produire les maximes de l'égalité absolue de tous les hommes et de la souveraineté du peuple, prêchées au milieu d'un bouleversement général.

Pourroit-on attribuer au caractère français la facilité avec laquelle ont été répandues ces maximes? Mais tout peuple auquel ses administrateurs entraînés par les désordres des finances, donneroient une assemblée de représentans, et qui verroient cette assemblée adop

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ter la doctrine des prétendus législateurs de la France, ne seroit-il pas incapable de résister à la séduction? En citeroit-on un affez heureux, affez éclairé, pour reconnoître le piége, pour dédaigner la puissance qui lui seroit offerte? Et lorsque la multitude seroit affranchie de tous les liens qui la retenoient dans le devoir, sauroit-elle mieux que la nation française distinguer ceux qui la flattent pour l'égarer, de ceux qui voudroient sincérement la rendre heuTeuse (1)?

(1) Quoiqu'on puisse à beaucoup d'égard, comparer la révolution de France à celle qui fit périr Gharles premier sur un échafaud, cependant il faut bien considérer que l'anarchie ne fut point aussi complète; que le. pouvoir, après la destruction de l'autorité royale, fut d'abord concentré dans le parlement, et ensuite dans la personne de Cromwel; qu'on ne changea point les jurisdictions, très-peu les lois de police, er nullement les -lois de propriété. Ce fut, il est vrai, au nom de la souveraineté du peuple que Char'es fut condamné; au nom de l'égalité qu'on abolit la chambre des pairs; mais Cromwell se hâta d'étouffer, après qu'il se fut emparé du trône, une doctrine anssi pernicieuse à l'ordre public. Par des exemples sévères, il contint les niveleurs, les indépendans, les agitateurs, dont il avoit mis à profit le fanatisme. Une autre raison explique encore mieux; pour

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On sait que les ressorts du gouvernement doivent augmenter en énergie, dans la proportion directe de l'étendue du territoire et da nombre des habitans. L'anarchie croît nécessairement dans la même proportion. Mais la constitution française est si essentiellement vicieuse, qu'elle porteroit avec elle la licence la plus effrénée jusque dans la petite république de Guersau. Quels désordres affreux un tel systême entraîneroit à sa suite, s'il pouvoit s'introduire chez des peuples plus ignorans et plus durement gouvernés que ne l'étoient autre

'quoi l'on remarque peu d'actes de cruauté dans la populace anglaise; c'est que le parlement et Cromwell trouvèrent des juges dociles, et firent condamner à mort un très-grand nombre de royalistes. Ceux qui ont lu attentivement l'histoire de la rebellion, par Clarendon, sont bien convaincus que les chefs des rebelles avoient sur la populace assez d'empire pour lui faire exécuter tous les crimes qu'ils auroient cru nécessaires; mais des assassinats juridiques leur parurent plus conformes à leurs intérêts. Ils étoient en effet d'un plus grand avantage que des meurtres commis par la multitude, et d'une conséquence moins funeste pour l'avenir; ils corrompoient moins les mœurs du peuple, mais n'indiquoient pas une moindre corruption dans les chefs des rebelles, et dans ceux qui, sous le nom de juges, prêtoient leur ministère pour immoler les victimes.

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