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Paris, étoit généralement désaprouvé. On ne parvenoit qu'avec beaucoup de peines à se procurer les grains nécessaires pour la subsistance des habitans de la capitale, et les approvisionnemens pour les troupes ne pouvoient qu'augmenter la disette. La plupart des Français ne devoient-ils pas considérer avec terreur les forces militaires dont leurs représentans étoient environnés? Ceux-ci pouvoient-ils, sans se plain'dre, délibérer, au milieu des armes ? Les soldats eux-mêmes incertains du genre de service auquel on les destinoit, disposés depuis six mois comme les autres citoyens à des sentimens d'affection: et de confiance pour l'assemblée de Versailles quand ils verroient leur marche condamnée parcelle, ne seroient-ils pas tentés de croire leur rébellion légitime? Et si des ambitieux concevoient le projet de les séduire par des distributions d'argent, par d'autres moyens de corruption; si pour les égarer, on tâchoit de les convaincre, que leur défection seroit un acte de patriotisme qui leur mériteroit la reconnoissance des états-généraux, comment resteroientils fidèles observateurs des règles de la discipline et soumis aux ordres du roi?

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Mais en quelque partie du

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royaume,' qu'on

eût jugé nécessaire de rassembler un armée il autroit fallu sur tout s'assurer de la fidélité des troupes, améliorer leur sort et révoquer plusieurs ordonnances nouvelles qui avoient altéré la discipline et porté parmi les officiers et les soldats, le découragement et le dégoût de leur profession (1).

Dans plusieurs crises où s'étoit déjà trouvée l'autorité de Louis XVI, on avoit négligé les seuls moyens propres à la garantir. La prudence la plus ordinaire auroit dû, même avant la révélation du déficit, remarquer le mécontentement des troupes, et inspirer le désir de regagner leur affection. Les troubles occasionnés par les édits du 8 mai 1788, 'avoient démontré deux vérités l'une qu'on ne pouvoit pas attendre des militaires une obéissance aveugle dans toutes les occasions; l'autre jdque dans une mo narchie, le gouvernement ne peut lutter longtemps contre l'opinion publique. atom zich

La réunion des ordres sembloit avoit détruit les projets des factieux; mais l'arrivée des troupes

(1) Devoit-on, par exemple, attendre jusqu'au 14 juillet pour abolir les coups de plat de sabre ? (^)

les ranima. Ce fut alors que l'espoir de rayir la conronne à Louis XVI, et de la placer sur une autre tête, acquit presque un dégré de certitude aux yeux des scélérats qui l'avoient conçu. Ce fut alors que l'un d'eux cût l'audace d'annoncer leurs vues criminelles dans une conversation dont j'ai déjà donné les détails, et l'on voyoit bien à leur joie féroce que s'ils eussent dirigé le conseil du roi, ils auroient précisement, suggéré ce qui leur offroit tant d'avantages (1).

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Dans la séance du 6 juillet, on résolut de demander au roi l'éloignement des troupes. Le comte de Mirabeau vouloit en même-temps qu'on priât le roi d'établir à Paris et à Ver sailles des gardes bourgeoises. Cette dernière partie de sa proposition fût rejetée. Le lendemain on approuva l'adresse dont il se dit le rédacteur. Melange bisarre d'insolence et d'expres sions d'amourelle portoit les caractères de deux motifs différens. On avoit eu le dessein de blesser l'autorité, pour la conduire à quelque voie de rigueur dont on se promettoit bien d'éfuder le péril, et dont on vouloit tirer avantage. On avoit eu en même temps l'intention

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(1) Voyez l'appel ausribunal de l'opinion publique,

de masquer l'amertume et l'indécence d'une partie du discours par des protestations de zèle et de respect pour les intérêts du trône, afin de calmer les royalistes. Ce discours sans avoir été imprimé et distribué, et seulement après deux lectures consécutives, fut adopté par une délibération. Les inconvéniens n'en furent pas promptement apperçus, ou ceux qui les sentirent, craignirent d'être accusés de manquer de courage, ou furent convaincus, par le bruit des applaudissemens, de l'impossibilité de se faire entendre: mais on peut voir dans ce discours même quels principes il falloit alors professer pour obtenir la pluralité des voix ; on y lisoit ces mots : « vous nous avez appelé, sire, pour fixer de con»cert avec vous la constitution, pour opérer la ré» génération du royaume............ Prêt à vous » obéir, parce que vous commandez au nom des »lois, notre fidélité est sans bornes commé sans >> atteintes......... Les députés de la nation sont » appelés à consacrer avec vous les droits éminen's » de la royauté sur la base inamovible de la liberté » du peuple

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Le même jour, on fit le rapport du projet arrêté par trente commissaires pris dans les bureaux pour fixer l'ordre du travail. On y

proposoit de ne s'occuper d'aucune loi particulière, avant d'avoir terminé la constitution c'est-à-dire, les lois fondamentales qui devoient servir de règles et de limites aux différens pouvoirs. On y demandoit une constitution, telle qu'elle pouvoit convenir à un royaume peuplé de vingt-cinq millions d'habitans, telle que les bases en étoient indiquées dans la pluralité des cahiers. On y reconnoissoit que les députés étoient envoyés par leurs commettans, pour donner une nouvelle force aux maximes fondamentales de la monarchie; qu'ils devoient un respect, une fidélité inviolable à l'autorité royale, et qu'ils étoient chargés de la maintenir. On y parloit, il est vrai, d'une déclaration des droits. Les disciples des Anglo-Américains en avoient publié ·les prétendus avantages, et la plupart des députés n'en prévoyoient pas les conséquences. Ceux qui connoissoient les déclarations des droits des Etats Unis, croyoient qu'il seroit possible d'en faire adopter une, où l'on éviteroit toute maxime qui tendroit à favoriser la licence., II fallut la proposer dans le rapport du comité, pour satisfaire le plus grand nombre mais on eût soin de demander qu'elle fût simple, claire et précise, qu'elle fit partie de la constitution,

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