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dre, pour organifer une force publique & placer des tribunaux. Mais fi l'on vouloit maintenir l'ancien régime ou le defpotifme d'un feul, il feroit indifpenfable de perpétuer ces mefures violentes. Bientôt s'affoibliroit le fentiment des maux paffés, fe réveilleroit celui de l'infortune préfente. Tant d'hommes auroient le cœur ulcéré! La rigueur des précautions, la foibleffe des moyens accroîtroient l'audace des factieux. Ne feroit-il pas à craindre que la populace, toujours avide de nouveautés, toujours prête à feconder les ennemis du repos public, obéît à l'impulfion de ceux qui fe font exercés dans l'art de préparer les émeutes?

CHAPITRE X LI I I.

Peut-on éviter de faire intervenir, dans le gou

vernement français

ر

une représentation du

P

peuple?

UISQU'IL paroît impoffible de conferver au monarque une puiffance illimitée, nous devons examiner quel eft le genre de limites propres à fatisfaire le plus grand nombre des citoyens, en leur laiffant la liberté politique ou la certitude de la jouiffance de leurs droits.

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Tout ce qui tempère l'autorité du monarque, pas toujours favorable à la liberté politique; & quoiqu'il foit poffible de dire, avec Montefquien, que le mal qui limite le defpotisme est un bien, un peuple forcé de mettre fon efpérance dans un mal qui empêche un plus grand mal, ne fauroit avoir le fentiment de la liberté; des inftitutions qui affignent une partie du pouvoir à des corps ou à des particuliers, dont les intérêts font entièrement féparés de ceux du peuple, ne fervent qu'à reproduire le defpotifme fous diverfes formes, & ne mettent obftacle qu'au bien qu'il pourroit faire, s'il étoit

concentré dans la perfonne du fouverain. Si elles favorifent l'établiffement de la liberté, ce n'eft jamais que par les diffentions qu'elles entraînent.

Les fenles limites qui puiffent offrir une protection conftante aux citoyens dans un royaume, naiffent de quelque degré d'influence populaire ou de la furveillance d'un certain nombre de perfonnes tirées du corps du peuple, & choifies par lui. Auffi dans toutes les monarchies anciennes & modernes, où les fujets ont joui de la liberté politique, on a toujours vu un mélange de démocratie, qui, dans les grands états, ne fauroit s'exercer que par une repréfentation.

On conçoit aifément que l'intérêt général doit être mieux défendu, fi des hommes qui le partagent directement par leur pofition, participent à la création des loix & des fubfides, ix & des fubfides, & peuvent réclamer contre les atteintes aux droits des citoyens.

Il feroit impoffible d'exagérer, en annonçant les funeftes conféquences d'une banqueroute du gouvernement. Quelle affreufe commotion occafionneroit, dans tout le royaume, la ruine des créanciers de l'état & des porteurs d'effets publics! Quel nombre immenfe de citoyens feroient forcés, au de proche en proche, à manquer à leurs engage

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mens! Combien d'autres faifiroient ce prétexte pour abufer de la confiance! Chaque jour il devient plus difficile d'empêcher cette terrible cataftrophe. Il ne faudroit pas cependant défefpérer de la prévenir, fi l'anarchie étoit bientôt remplacée par une bonne adminiftration. Il feroit tout à la fois criminel & impolitique, de la part de ceux qui en tiendroient les rênes, de ne pas tenter tous les moyens qui feroient en leur pouvoir.

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Mais le gouvernement pourroit-il éviter la banqueroute fi fes efforts ne font pas fecondés, s'il n'infpire pas la plus grande conftance, & n'obtient pas des fubfides très-considérables ?

Pour tenir lieu de l'immenfe numéraire forti

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du royaume, & qui ne peut y rentrer qu'après plufieurs années de tranquillité, pour retirer le papier-monnoie de la circulation ne fera-t-on pas obligé de créer des billets d'état, dont l'acceptation feroit libre, & qui feroient rembourfables à époques fixes? Ce n'eft pas ici le lieu d'indiquer comment il feroit poffible de leur donner une hypothèque, & de leur procurer la confiance. Il fuffira de demander fi en rétablissant, l'ancienne administration, les billets d'état ne

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feroient pas regardés, dans le commerce, comme abfolument fans valeur.

Tant que les agens de la monarchie abfolue ont fi, par leur circonfpection ou leur vigilance, retenir les fujets dans l'habitude d'une obéissance fans bornes aux ordres du fouverain, & que furtout les impôts ne font pas onéreux, ils peuvent être fixés fans le concours des représentans du peuple: mais lorsqu'ils font tellement accrus qu'ils emportent une partie considérable des revenus dės citoyens, le meilleur moyen pour les déterminer à ce facrifice, eft de leur en prouver la néceffité, de les raffurer fur le bon emploi de leurs contributions; ce qui ne peut fe faire qu'en communiquant à leurs députés l'état des besoins & le compte de la recette & de la dépenfe.

On connoît cet axiôme anglais, taxation-repréfentation, L'une dérive naturellement de l'autre. La repréfentation devient fur-tout indispensable, quand le gouvernement a été forcé de révéler au peuple un grand défordre dans les finances, un déficit dans les revenus. Dès ce moment, il devient impoffible de rétablir la confiance & de faire payer les impôts, fans établir une repréfentation des contribuables. Sans cette précaution, ils feroient toujours en crainte de voir

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