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Ces priviléges, autrefois foibles barrières contre l'autorité abfolue, feroient injuftes & dangereux dans une monarchie mixte. is défuiffent les provinces, leur font oublier l'intérêt général du royaume, mettent un obstacle invincible aux bienfaits d'une fage admimftation, qui ne peut plus agir d'après des principes conftans. Les habitans des pays qui poffédoient ces priviléges ne les regretteroient pas, s'ils avoient, avec s autres François, un fort plus heureux que celui dont leurs chartres leur promettoient la jouiffance.

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Si l'on donnoit aux affemblées provinciales l'autorité que devroient avoir les états-généraux, on ne manqueroit pas de ranimer les priviléges des provinces; mais le roi n'auroit pas, pour les enfreindre ou pour les éluder, tous les moyens qu'il avoit autrefois. Elles ne tarderoient pas à demander l'exécution entière de leurs chartres u des traése réunion. Plufiers de ces priviléges font entièrement incompatibles avec la puiffance dont la couronne doit jouir, pour le maintien de l'ordre phlic. Ceux que je connois le mieux font ceux de Dauphiné. Je ne veux pas même écrire tout ce qu'il feroit poffible aux Dauphinois de prétendre, eu vertu

des réferves faites par les feigneurs, connus fous le nom de Dauphins de Viennois.

Je conçois que des royaliftes s'empreffent de parler des priviléges de leurs provinces dans leur lutte contre les ufurpateurs du pouvoir fouverain ; mais ils connoîtroient bien mal la caufe qu'ils défendent, s'ils vouloient les conferver après le rétablillement d'une monarchie tempérée. J'avoue que je ne puis me défendre d'un fentiment de terreur pour l'avenir, lorfque je vois des mécontens répéter que leurs provinces font des états féparés, qualifier le roi de duc de Bourgogne, de Bretagne comte de Provence, Dauphin de Viennois. Le monarque étoit autrefois affez puillant pour braver les conféquences de ces expreffions; mais aujourd'hui il lui feroit plus difficile de s'y fouftraire. On auroit un delfein bien funefte fi l'on vouloit fouiller dans les décombres de la féodalité , pour reftreindre les droits de la couronne à ceux de ces anciens feigneurs.

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Un autre inconvénient du transport des fonctions des états généraux à des états de provinces,

c'eft que le peu de puiffance qui referoir au monarque feroit arbitraire, ainfi que l'autorité de ces affemblées. Il feroit impoffible de rendre les miniftres refponfables, & de connoître exac

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témert l'adminiftration des finances. Comment en effet mettre fous les yeux de chaque affemblée les preuves de la recette & des dépenfes ? Fermeroit-on pour cet objet une commiffion' des différens états? Qu'auroit-on obtenu par cet arrangement? Des états généraux du royaume ajoutés à des états de provinces & protégeant toutes les prétentions, tous les abus que ces derniers voudroient fe permettre.

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Le défaut de refponfabilité des miniftres & l'incertitude fur la fituation des finances, en détruifant la confiance publique dans le gouvernement du roi, augmenteroient encore fa foibleffe mettroient obftacle à l'établissement des impôts, & ferviroient de prétexte à l'ambition des états. La liberté des citoyens, ainfi placée entre les diverfes autorités arbitraires des miniftres & des affemblées de provinces, feroit auffi chimérique que celle dont il eft parlé dans toutes les pages de la prétendue conftitution. "

Bien loin de vouloir faire concourir des états de provinces à la légiflation du royaume, ceux qui defirent une monarchie tempérée devroient demander que toutes les parties de l'adminiftration fuffent remifes dans les mains des agens du roi. Les états-généraux & la refponsabilité des miniftres feroient fuffifans pour limiter la

puiffance du trône. Des affemblées provinciale multiplieroient les obftacles à l'exécution des Joix. Il faudroit fe borner à faire répartir les taxes daus certains arrondiflemers, par des proprié taires qui recevroient une commiffion du roi, comme on l'obferve dans les ifles britanniques, qui feraient changés tous les trois ans, & qui ne pourroient refufer cette charge, à moins qu'ils ne fervulent actuellement dans les tribunaux ou dans armée. La répartition feroit enfuite fubdivifée, dans chaque communauté, par des municipaux, que choifiroient les proFriétaires de la commune, & qui n'auroient d'autre pouvoir que de régir les biens communs, de défendre l'intérêt général des habirans, & de concourir aux régiemens de police, pour la propreté, la falubrité & la sûreté. Si l'on croyoit ne pouvoir éviter des affemblées provinciales, en même temps qu'on établiroit des états-généraux, elles ne devroient pas être compofées de plus de quarante propriétaires, fans diftinction d'ordies. Le temps de leurs féances devroit être déterminé. Le roi pourroit les diffoudre, & les froit furveiller par un commiffaire, dont l'oppofition fufpendroit, jufqu'à la décifion du monarque, tout acte même de la plus Simple adminiftration. Lear compétence feroit

sévèrement bornée à la répartition de fubfides, à l'infpection des travaux & des établiffemens publics (1).

(1) On ne doit point me reprocher d'avoir préfenté pour les états de Dauphiné un plan très-opposé à ces principes. Au moment où ce plan fut arrêté, on efpéroit les états-généraux ; mais il eût été imprudent de ne -pas révoquer en doute leur existence future, & de ne apas prendre les précautions néceffaires pour allurer du moins la liberté de la province. On ne ceffa point de s'intéreffer à celle du royaume. On reconnut aux états-genéraux feuls le droit d'accorder les fubfides. J'étois * perfuadé que fi la France entière avoit une fage conftitution, celle que venoit d'obtenir la province, devoit être anéantie; qu'elle devoit le conformer au régime général, & faire l'échange de fes privilèges si souvent méprifés, pour prendre part à la liberté commune. Je ne perdis aucune occafion de prouver les inconvéniens des privilèges des provinces; mais j'eus foin de propofer une réserve bien effentielle qui fut inférée dans le mandat remis aux députés repréfentans le Dauphiné aux étatsgénéraux. Elle portoit qu'il conferveroit les priviléges, dans le cas où les états-généraux ne produiroient pas les effets falutaires qu'on avoit lieu d'en efpérer. Le cas prévu eft malheureusement arrivé, & perfonne ne pourroit contefter aux Dauphinois, le droit de réclamer aujourd'hui leurs états, & s'en faire un rempart contre l'anarchie ou le defpotifme d'un feul. Mais fi l'on obtenoit, pour la France entière, une monarchie tempérée, fi

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