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pas juftifier toutes les prétentions des plébéiens?

Les partifans de la représentation par ordres ont affecté de publier que le fyftême des deux chambres prépareroit au tiers-état la plus cruelle oppreffion. Il feroit furprenant qu'on parvînt à perfuader au plus ignorant des citoyens des communes, qu'il pût fe croire plus opprimé par une chambre de deux ou trois cens magiftrats, dont les enfans les frères partageroient le fort général, que par une chambre de députés occupés des prétentions de cent mille nobles & du foin de leur procurer des exemptions & des priviléges. Il feroit furprenant qu'il fe crût plus humilié, s'il voyoit aux nobles & aux plébéiens les mêmes intérêts, la même représentation, que fi les premiers formoient un corps entièrement féparé du peuple.

On ne peut croire que les vœux de la multitude fe déclarent jamais en faveur des deux chambres; elle n'eft pas en état de comprendre cetre doctrine. Les nouvelles maximes d'égalité condamnent auffi bien à fes yeux une chambre de pairs, un fénat à vie, qu'un ordre de familles nobles. Si l'expérience la défabusoit de ces maximes, elle ne feroit guères plus éloignée d'approuver une repréfentation particulière des gentilshommes, que de vouloir une chambre de

magiftrats On éprouveroit cependant moins de difficultés, fi l'on entreprenoit de compofer ainfi les états généraux, qu'en fe propofant de maintenir l'ancien gouvernement, ou le defpotifme, ou une repréfentation en deux ou trois ordres. Si la multitude eft difpofée à voir d'un ail indifférent la question qui divise les partifans des deux chambres, & les partifans de la repréfentation des familles nobles, ceux qui avoient embraffé de bonne-foi les fyftêmes démocratiques, la confidèrent avec plus d'intérêt. Perfonne n'ignore que plufieurs des hommes qui s'étoient le plus diftingués par leur zèle pour les nouvelles inftitutions, convaincus trop tard des vices de leur ouvrage, ou prévoyant sa ruine prochaine, regrettent aujourd'hui d'avoir montré tant de mépris pour la conftitution d'Angleterre. D'ailleurs, il exifte dans les diverfes parties du royaume, un grand nombre de citoyens qui favent unir la hainé des crimes & de l'anarchie à l'amour de la liberté, & qui foutiendroient, de tous leurs efforts, un gouvernement auffi conforme à leurs defirs.

En fuppofant qu'il y eût autant d'obftacles pour établir une représentation générale & une chambre de magiftrats, qu'à convoquer des députés de différens ordres, ne devroit-on pas préférer

la feule forme de gouvernement qui puisse affurer l'autorité du roi, la feule qui puiffe être durable, la feule qui attacheroit le peuple au maintien de la paix par le fentiment de fon bonheur la feule qui ne renferme pas des fujets de difcorde pour l'avenir?

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CHAPITRE X L V I.

Qu'il faut au roi de France plus d'autorité qu'au roi d'Angleterre.

IL devroit fuffire d'énoncer cette propofition. La France, pour fon territoire & fa population, eft trois fois plus confidérable que la GrandeBretagne; elle eft obligée d'entretenir de grandes armées pour la défense de fes frontières, tandis que l'Angleterre eft à l'abri d'une fubite invafion. Il est donc néceffaire, dans ce royaume, de rendre plus actif & plus énergique le pouvoir chargé de veiller à la sûreté de l'état. Il faut auffi compter pour beaucoup le caractère du peuple français. il reçoit du climat une plus grande impétuofité & plus de penchant à l'enthoufiafme que celui de fes voifins.

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Ceux qui ont attentivement obfervé tous les refforts du gouvernement anglais, favent que, malgré toutes les prérogatives de la couronne, il feroit impoffible au roi de maintenir l'ordre & de conferver fon autorité, fi l'on diminuit fes moyens d'influence, ou fi l'on donnoit le plus léger accroiffement au pouvoir démocratique.

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On fait qu'en Angleterre le nombre des repréfentans du peuple eft très-inégalement réparti, que de fimples bourgs qui contiennent peu d'habitans ont d'après l'ufage, le droit de députer, tandis que des cantons forts peuplés ne participent point aux élections. Cette irrégularité paroît contraire à plufieurs principes inconteftables: mais on ne pourroit la rectifier fans augmenter les forces de la partie démocratique du gouvernement, fans s'exposer à rompre l'équilibre, julqu'à ce jour fi bien confervé depuis près d'un fiècle ; & fi jamais on confentoit à rendre la repréfentation plus égale, il feroit indifpenfable de fortifier les deux autres bianches.

L'inégalité de la repréfentation produit furtout cet avantage, qu'une grande partie du peuple s'identifie beaucoup moins avec les députés des communes, que l'opinion générale eft moins corrompue par les paffions qui peuvent agiter la chambre-balle. Ceft pourquoi l'on a vu plufieurs exemples d'une oppofition entre les fyftèmes des a repréfentansfo& le vœu publie manifefté par des adreffes, & des pétitions.

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Il eft impofible ide ne pas établir en France une rèprésentation du peuple également diftribuée dans la proportion de Fétend le des arrondisseimens & du nombre des habitans. On ne doit pas ionos 1981 imiter

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